
La Réserve fédérale américaine a relevé les taux d’intérêt au plus haut depuis 22 ans et laissé présager d’autres hausses. Phil Davis, fondateur de Philstockworld.com, explique à Kim Parlee pourquoi il est peu probable que la Fed réduise les taux d’intérêt rapidement, même après le ralentissement de l’inflation.
Print Transcript
[LOGO SONORE] * La Réserve fédérale américaine a de nouveau relevé son taux du financement à un jour de 25 points de base, il se trouve maintenant entre 5,25 % et 5,5 %. C’est le plus haut niveau depuis 22 ans. Elle laisse aussi présager qu’elle pourrait augmenter ses taux à l’avenir. * Jusqu’où ces derniers vont-ils grimper? Et quelles sont les conséquences pour le marché? Ce ne sont là que quelques questions que nous traiterons au cours de la prochaine demi-heure avec Phil Davis, fondateur de Philstockworld.com. Phil, c’est toujours un plaisir de vous voir. * Je suis ravie que nous ayons 30 bonnes minutes avec vous aujourd’hui. Commençons par votre réaction à la décision de la Fed concernant les taux. C’était prévu. Mais est-ce qu’il s’est passé quelque chose de surprenant? Et pensez-vous que ce n’est pas terminé? * Oui, je pense que ce n’est pas du tout terminé. C’est pourquoi les marchés ont un peu piqué du nez vers la fermeture. Ce n’est pas tant l’annonce que ce que Powell a dit par la suite au moment de l’entretien, non c’était une conférence de presse, il a juste dit que la bataille n’était pas terminée. Qu’on est loin des 2 % pour l’inflation. * Et que d’ici là, ils ne seraient pas satisfaits. Il est presque certain qu’ils appliqueront une autre hausse de 0,25 % et peut-être une autre après ça. On sera dans les 6 %, comme on l’a toujours prévu pour les taux de la Fed. Et ils maintiendront cette tendance jusqu’à ce qu’ils voient l’inflation diminuer. * Combien de temps cela prendra-t-il, selon vous? * Ce sera long. C’est une autre chose que les gens n’apprécient pas, parce que ça ne va pas rebondir immédiatement. En fait, j’ai écrit aujourd’hui dans notre bulletin… les gens pensent que le taux normal des fonds de la Fed devrait être de 3 % ou 2 %, ou dans ces eaux-là parce que c’est ainsi depuis 20 ans. En réalité, si l’on examine les données historiques, il est plutôt de l’ordre de 4,5 %. * Le taux normal des fonds fédéraux varie de 4,5 % à 5 %. Il ne va pas revenir au niveau des situations d’urgence même quand l’inflation sera un peu plus calme. Ça ne se produira pas. * Alors, dites-moi quel est le niveau durable, 5 %, 6 %, ou dans les environs sur le plan de l’économie et du marché? Parce qu’en ce moment, l’indice S&P se négocie à environ 30 fois les bénéfices. Qu’est-ce que cela signifie à long terme? * Eh bien, ils n’arrivent pas à calmer l’économie en ce moment. Elle ne cesse de croître. La Fed tente de faire chuter l’économie. Ils veulent une récession ou quelque chose de stationnaire qui freinera l’inflation. * Mais le problème, c’est qu’il reste 9 millions d’emplois vacants en Amérique. Et les salaires subissent d’énormes pressions. On entend beaucoup parler de grèves en cours ou potentielles. Ils viennent de régler le dossier UPS, Dieu merci. Cela aurait été un désastre. * Mais les gens ont besoin de plus d’argent pour vivre. Et jusqu’à ce que les salaires soient alignés à l’inflation, ça ne va pas s’arrêter. Les pressions inflationnistes continueront avec les salaires en hausse. * Selon vous, qu’est-ce qui stimule la croissance de l’emploi? Nous avons des facteurs très précis… Au Canada, on observe une forte croissance démographique avec l’immigration, ce qui stimule grandement la croissance démographique et la création d’emplois. Mais, selon vous, qu’est-ce qui alimente toute la demande que nous voyons au niveau des emplois aux États-Unis en ce moment? * Eh bien, la main-d’œuvre est insuffisante. Il y avait auparavant un million ou deux millions d’immigrants chaque année. Ils ont mis un frein à cela. La quantité actuelle est très faible en comparaison. 1 million de personnes sont décédées durant la COVID. * On oublie que ces dernières années n’ont pas été très bonnes. Les personnes qui souffrent de COVID long ont quitté le marché du travail. Beaucoup de gens présentent des symptômes de COVID long. Ils se comptent en millions. Ils ont pris une retraite anticipée ou arrêté de travailler. * La faible croissance de la population est un autre problème. Et on parle comme si c’était un problème d’un an… mais cette tendance ne cessait de s’accentuer avant la pandémie de COVID, depuis 2019. Ça s’est passé sur quatre années. Si vous avez un million de personnes en moins par an pendant quatre ans, il vous manque 4 millions de travailleurs. * Et puis, il faut ajouter à cela une nouvelle demande. Examinons l’IA et son incidence sur le marché boursier. On en parle beaucoup. Il faudra voir si cela se concrétise à long terme, mais il y a une nouvelle demande pour des compétences plus spécialisées qui n’existent pas encore. * Eh bien, oui, il y a aussi un énorme décalage entre les compétences. Et cela n’est pas aidé par un vide de deux ans dans les études. Les gens ne veulent pas parler de vide, mais les étudiants qui travaillent à distance pendant deux ans, soit pendant 10 % de leur formation, ce n’est pas une bonne chose. On le voit dans les résultats des tests qui sont en chute libre. Or, les entreprises ont besoin de travailleurs qualifiés qui sortent de l’université. * Donc, c’est ce qui se passe fondamentalement avec l’économie et la question, c’est… Sur le marché, l’intelligence artificielle est en plein essor, tout comme le NASDAQ. Sommes-nous dans une bulle, selon vous? * Je pense que oui, en partie. Dans le webinaire de la semaine dernière, on a fait une étude en prenant l’indice S&P 500, il n’y a qu’environ 10 actions… Microsoft, Amazon, Apple, IBM… qui sont des fournisseurs d’IA, qui possèdent des systèmes d’IA et les vendent à d’autres. Ils gagnent de l’argent avec l’intelligence artificielle. * Mais tout le reste, ce sont des utilisateurs. 490 sociétés de l’indice S&P 500 sont des consommateurs d’IA. Ils dépensent de l’argent pour mettre en œuvre l’IA simplement pour être sur un pied d’égalité avec leurs concurrents. C’est certes une façon d’accroître la productivité, mais c’est aussi une dépense. * C’est comme s’abonner à de nouvelles chaînes. Avant, on a vendu l’Internet à tout le monde, il fallait l’avoir pour être concurrentiel. Maintenant, il faut avoir l’intelligence artificielle pour être concurrentiel. * Toutefois, du point de vue de l’entreprise, ils investissent dans l’IA et ils obtiennent une certaine productivité, il y a quand même des avantages. Mais on verra. Je comprends à propos d’Internet, cela ne s’est pas produit à long terme. En ce qui concerne les marchés, prévoyez-vous un repli? Si oui, de combien? Et prévoyez-vous une rotation vers les titres de valeur? * J’espère bien qu’on obtiendra une rotation vers les titres de valeur. C’est comme ça qu’on investit. On est des investisseurs axés sur la valeur. Franchement, cette année a été un peu décevante, vu l’ampleur de la remontée, mais on a été assez prudents à l’égard des actions. On n’a pas cherché à trop en faire. * On n’a certainement pas misé sur les segments de l’IA aux bénéfices à 30 ou 40. Mais, encore une fois, je pense qu’on a un phénomène de bulle. Aujourd’hui, les bénéfices de Microsoft ont été accueillis sans enthousiasme. C’est difficile d’être à la hauteur de l’engouement. Le battage médiatique est fou. * Tout comme au moment de la bulle technologique, on ne pouvait pas être à la hauteur. Les gens payaient des sommes démesurées pour des actions. Mais lorsqu’ils examinent les bénéfices maintenant, ils se demandent où est passé l’argent magique de l’Internet? Et il n’est tout simplement pas là. [MUSIQUE]