Le gouvernement fédéral a déposé son budget de 2024, qui met l’accent sur de nouveaux impôts, l’augmentation des dépenses et l’accessibilité au logement. Derek Burleton, vice-président et économiste en chef adjoint à la TD, discute des répercussions économiques avec Greg Bonnell.
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* Et quelques changements proposés à la fiscalité des Canadiens aisés et des entreprises. Commençons par ces changements proposés à l'impôt. Il s'agit d'une augmentation du taux d'inclusion des gains en capital jusqu'aux deux tiers sur les gains de plus de 250 000$ chaque année, ciblant les particuliers et les entreprises. Selon le gouvernement, ce changement devrait rapporter plus de 19 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années. En dépit de cette augmentation des recettes, Services économiques TD note que les déficits budgétaires vont augmenter au cours des cinq prochaines années. Bien sûr, l'abordabilité est un élément clé pour les Canadiens depuis quelque temps déjà. Ce budget propose 8,5 milliards de dollars de nouvelles dépenses visant à construire des millions de nouveaux logements depuis plusieurs années. Pour nous aider à analyser le budget fédéral 2024 et ses conséquences pour l'économie canadienne, voici Derek Burleton, Économiste en chef adjoint à la Banque TD. Derek, ça me fait toujours plaisir de m'entretenir avec vous. Nous avons beaucoup de choses à analyser. Commençons par les nouvelles dépenses. 53 milliards de dollars sur cinq ans, quel est l'impact économique potentiel?
* Ça fait beaucoup de dépenses, ça ne fait aucun doute. 10 milliards de dollars par an, c'est quelque chose. Quant à l'impact économique, on pourrait dire que ce sera très inflationniste, mais en définitive, c'est un déficit quoi qu'il advienne. Le gouvernement a augmenté les dépenses, a augmenté également les impôts, ce qui va compenser un peu l'impact, mais le déficit n'a pas beaucoup changé. Le plan de déficit sur cinq ans est essentiellement ce qu'il était au moment de la mise à jour de l'automne. C'est ce qui est le fondement de mon pronostic économique, que je ne changerai pas considérablement, car Chrystia Freeland a agi pour une raison. Elle a d'avance vendu le budget comme un budget qui créera les conditions pour que les taux d'intérêt diminuent. Elle a compensé l'impact des dépenses en relevant les impôts. Par conséquent, je ne crois pas que cela aura un impact considérable sur l'économie.
* Voilà la grande question dont vous parliez, Derek: l'inflation, l'effet inflationniste. Nous savons que le travail accompli par la Banque du Canada pour ramener l'inflation à sa cible doit également prendre en compte l'actualité budgétaire. En faisant ces calculs, on peut donc supposer que le gouvernement ne crée pas un scénario inflationniste.
*Non, pas le gouvernement fédéral. Encore une fois, les déficits sont considérables, mais nous savions qu'ils le seraient. En ce qui concerne l'impact supplémentaire des dépenses, cela a été partiellement compensé par la hausse des impôts. Mais rappelez-vous que les provinces ont été très occupées à relever leurs dépenses et augmenter leurs déficits. Tiff Macklem l'a signalé la semaine dernière, ils ont relevé leurs pronostics en partie à cause des budgets provinciaux. Au net, l'activité des gouvernements sera inflationniste pendant la saison des budgets en 2024.
* Depuis combien d'années que je suis entré à la Banque où on parlait du taux d'inclusion des gains au capital, on se demandait: « Est-ce qu'il changera? », et finalement rien ne changeait. Aujourd'hui, c'est la surprise, c'est arrivé. Alors, passons cela en revue. C'est une mesure qui vise les Canadiens aisés et les sociétés.
* Eh bien, en considérant le budget et ses impacts, ça aurait été agréable. Par exemple, nous savons que cela va affecter environ 1,6 % des Canadiens d'après les chiffres du budget, un revenu brut en moyenne de 1,4 millions de dollars. Il n'y a pas beaucoup, beaucoup de Canadiens, mais je crois que c'est un impact de 9 milliards sur les recettes uniquement au niveau des ménages d'ici cinq ans. Donc, mettons que cela pourrait avoir un impact quant à des incitatifs à l'investissement. Je m'en inquiète. Nous n'avons pas vu de croissance de la productivité au Canada depuis longtemps et cela n'aidera pas. Le secteur des entreprises fait partie de cette équation. Encore une fois, le budget prévoit certains impacts. Il y aura assez peu d'entreprises. Je pense que 2% des entreprises seront frappées. Ce n'est pas beaucoup, mais en même temps, il s'agit de grandes entreprises. J'aimerais savoir quelles industries cela va affecter. Le budget n'en a pas parlé, mais il faut que cela affecte certaines des entreprises à plus forte intensité de capital au Canada. Je m'inquiète de certains impacts sur la productivité là où nos résultats ont été tellement médiocres depuis quelques années.
* À l'approche du budget, le gouvernement avait affirmé qu'il se préoccupe lui aussi de la productivité. Des mesures sont prises dans ce sens, mais quand je vous entends en parler comme cela, il semble que les inquiétudes l'emportent sur les motifs de se réjouir quant à notre productivité.
* Oui, le gouvernement annonce 2,5 milliards de dollars dans l'intelligence artificielle, dans l'informatique. Tout cela améliore la productivité, mais ce que le gouvernement donne de la main gauche, il le reprend de la main droite avec le taux d'inclusion. Je m'inquiète de l'impact et de la possibilité que cela fasse plus que compenser. Il est difficile de vendre la productivité dans ce budget avec ce genre d'impact. Mais, comme vous le disiez, nous nous y attendions chaque année. Je pensais que cela ne se produirait jamais. J'essaie de comprendre. On pensait qu'ils allaient imposer un impôt sur les patrimoines, augmenter l'impôt sur les sociétés.
* Cela n'a pas été fait.
* Cela aurait été la troisième ou quatrième possibilité dans l'ordre de la probabilité, mais je suis désolé, en fait, que cette mesure ait été prise. D'une part, le gouvernement dira: « Un dollar, c'est un dollar, c'est un dollar. » Le fait que les gains en capital sont imposés à un taux moins élevé, le gouvernement pourrait soutenir qu'au plan de l'équité, ce n'était pas idéal, mais c'est le moment où cela intervient, à un moment où la productivité est tellement faible. Ce n'est pas, je pense, une bonne chose.
* L'abordabilité est une grande question dans le budget. Les Canadiens souffrent. 8,5 milliards en vue de construire des millions de logements d'ici quelques années. Quel impact 8,5 milliards auront-ils sur le problème de logement auquel nous faisons face?
* Cela va avoir un impact, certes, car il faut surajouter d'autres mesures qui ont été mises en œuvre dans la mise à jour de l'automne, qui réduisent l'imposition des immeubles locatifs. Ces mesures-ci renforcent les précédentes et d'autres encore. Quand on additionne toutes les mesures qui sont prises au niveau de l'offre, cela aura un impact. Sera-t-il important? Ce qui m'inquiète, c'est la capacité du secteur du bâtiment à accroître son activité. Il ne s'agit pas seulement de bâtir des logements. Il y a toute l'infrastructure.
*Nous avons déjà une énorme pénurie dans ce secteur. L'emploi dans le secteur représente 8% de la population active. C'est un niveau record. Mais il y a des gens qui prennent leur retraite chaque année. C'est une population active vieillissante dans le bâtiment. Une bonne partie des immigrants ne se sont pas lancés dans le secteur de la construction. Mais je crois que l'impact le plus important sur l'abordabilité pour les ménages interviendra au niveau des changements démographiques. Ceux qui ont été annoncés avant le budget sur l'immigration, le plafonnement des étudiants internationaux, cela va nuire au marché du logement au niveau de la demande. Est-ce que cela va ramener la demande de logements locatifs à ce qu'elle était il y a trois ou quatre ans? Non, parce que notre population a beaucoup augmenté, mais cela va ralentir la croissance des loyers et rendre le secteur du logement plus abordable. Ce sera plutôt un impact au niveau de la demande plutôt qu'au niveau de l'offre, même si cela va donner un coup de pouce dans une certaine mesure.
* Vous avez dit que les projections de déficit n'augmentent pas tellement, mais en même temps, le coût du service de notre dette nationale qui augmente sans cesse, est-ce que c'est préoccupant?
* 64 milliards, c'est le coût estimatif du service de la dette cette année et cela va augmenter avec la dette. Si on compare à ce qui était avant la pandémie, 1,8% du PIB, c'est le double de ce que c'était avant la pandémie. La croissance avec la hausse des taux d'intérêt, la hausse des déficits, ce n'est pas rien. Est-ce que nous sommes parvenus à un point où je suis inquiet? Non. Je crois que ce budget en soi ne va pas affecter notre note de crédit AAA. Surtout parce que le profil de déficit n'a pas vraiment beaucoup changé. De fait, les chiffres du PIB sont relevés à cause d'une meilleure croissance que projeté cette année. Certains des ratios s'aplanissent. Je pense que les agences de notation ne vont pas en perdre le sommeil. C'est une bonne chose. Je m'inquièterais plutôt au niveau de la productivité et de certains des domaines dans lesquels je pensais qu'il y aurait davantage de faits pour améliorer la situation.
* Derek, ça me fait toujours plaisir de m'entretenir avec vous.
* Merci, Greg.
* Ça fait beaucoup de dépenses, ça ne fait aucun doute. 10 milliards de dollars par an, c'est quelque chose. Quant à l'impact économique, on pourrait dire que ce sera très inflationniste, mais en définitive, c'est un déficit quoi qu'il advienne. Le gouvernement a augmenté les dépenses, a augmenté également les impôts, ce qui va compenser un peu l'impact, mais le déficit n'a pas beaucoup changé. Le plan de déficit sur cinq ans est essentiellement ce qu'il était au moment de la mise à jour de l'automne. C'est ce qui est le fondement de mon pronostic économique, que je ne changerai pas considérablement, car Chrystia Freeland a agi pour une raison. Elle a d'avance vendu le budget comme un budget qui créera les conditions pour que les taux d'intérêt diminuent. Elle a compensé l'impact des dépenses en relevant les impôts. Par conséquent, je ne crois pas que cela aura un impact considérable sur l'économie.
* Voilà la grande question dont vous parliez, Derek: l'inflation, l'effet inflationniste. Nous savons que le travail accompli par la Banque du Canada pour ramener l'inflation à sa cible doit également prendre en compte l'actualité budgétaire. En faisant ces calculs, on peut donc supposer que le gouvernement ne crée pas un scénario inflationniste.
*Non, pas le gouvernement fédéral. Encore une fois, les déficits sont considérables, mais nous savions qu'ils le seraient. En ce qui concerne l'impact supplémentaire des dépenses, cela a été partiellement compensé par la hausse des impôts. Mais rappelez-vous que les provinces ont été très occupées à relever leurs dépenses et augmenter leurs déficits. Tiff Macklem l'a signalé la semaine dernière, ils ont relevé leurs pronostics en partie à cause des budgets provinciaux. Au net, l'activité des gouvernements sera inflationniste pendant la saison des budgets en 2024.
* Depuis combien d'années que je suis entré à la Banque où on parlait du taux d'inclusion des gains au capital, on se demandait: « Est-ce qu'il changera? », et finalement rien ne changeait. Aujourd'hui, c'est la surprise, c'est arrivé. Alors, passons cela en revue. C'est une mesure qui vise les Canadiens aisés et les sociétés.
* Eh bien, en considérant le budget et ses impacts, ça aurait été agréable. Par exemple, nous savons que cela va affecter environ 1,6 % des Canadiens d'après les chiffres du budget, un revenu brut en moyenne de 1,4 millions de dollars. Il n'y a pas beaucoup, beaucoup de Canadiens, mais je crois que c'est un impact de 9 milliards sur les recettes uniquement au niveau des ménages d'ici cinq ans. Donc, mettons que cela pourrait avoir un impact quant à des incitatifs à l'investissement. Je m'en inquiète. Nous n'avons pas vu de croissance de la productivité au Canada depuis longtemps et cela n'aidera pas. Le secteur des entreprises fait partie de cette équation. Encore une fois, le budget prévoit certains impacts. Il y aura assez peu d'entreprises. Je pense que 2% des entreprises seront frappées. Ce n'est pas beaucoup, mais en même temps, il s'agit de grandes entreprises. J'aimerais savoir quelles industries cela va affecter. Le budget n'en a pas parlé, mais il faut que cela affecte certaines des entreprises à plus forte intensité de capital au Canada. Je m'inquiète de certains impacts sur la productivité là où nos résultats ont été tellement médiocres depuis quelques années.
* À l'approche du budget, le gouvernement avait affirmé qu'il se préoccupe lui aussi de la productivité. Des mesures sont prises dans ce sens, mais quand je vous entends en parler comme cela, il semble que les inquiétudes l'emportent sur les motifs de se réjouir quant à notre productivité.
* Oui, le gouvernement annonce 2,5 milliards de dollars dans l'intelligence artificielle, dans l'informatique. Tout cela améliore la productivité, mais ce que le gouvernement donne de la main gauche, il le reprend de la main droite avec le taux d'inclusion. Je m'inquiète de l'impact et de la possibilité que cela fasse plus que compenser. Il est difficile de vendre la productivité dans ce budget avec ce genre d'impact. Mais, comme vous le disiez, nous nous y attendions chaque année. Je pensais que cela ne se produirait jamais. J'essaie de comprendre. On pensait qu'ils allaient imposer un impôt sur les patrimoines, augmenter l'impôt sur les sociétés.
* Cela n'a pas été fait.
* Cela aurait été la troisième ou quatrième possibilité dans l'ordre de la probabilité, mais je suis désolé, en fait, que cette mesure ait été prise. D'une part, le gouvernement dira: « Un dollar, c'est un dollar, c'est un dollar. » Le fait que les gains en capital sont imposés à un taux moins élevé, le gouvernement pourrait soutenir qu'au plan de l'équité, ce n'était pas idéal, mais c'est le moment où cela intervient, à un moment où la productivité est tellement faible. Ce n'est pas, je pense, une bonne chose.
* L'abordabilité est une grande question dans le budget. Les Canadiens souffrent. 8,5 milliards en vue de construire des millions de logements d'ici quelques années. Quel impact 8,5 milliards auront-ils sur le problème de logement auquel nous faisons face?
* Cela va avoir un impact, certes, car il faut surajouter d'autres mesures qui ont été mises en œuvre dans la mise à jour de l'automne, qui réduisent l'imposition des immeubles locatifs. Ces mesures-ci renforcent les précédentes et d'autres encore. Quand on additionne toutes les mesures qui sont prises au niveau de l'offre, cela aura un impact. Sera-t-il important? Ce qui m'inquiète, c'est la capacité du secteur du bâtiment à accroître son activité. Il ne s'agit pas seulement de bâtir des logements. Il y a toute l'infrastructure.
*Nous avons déjà une énorme pénurie dans ce secteur. L'emploi dans le secteur représente 8% de la population active. C'est un niveau record. Mais il y a des gens qui prennent leur retraite chaque année. C'est une population active vieillissante dans le bâtiment. Une bonne partie des immigrants ne se sont pas lancés dans le secteur de la construction. Mais je crois que l'impact le plus important sur l'abordabilité pour les ménages interviendra au niveau des changements démographiques. Ceux qui ont été annoncés avant le budget sur l'immigration, le plafonnement des étudiants internationaux, cela va nuire au marché du logement au niveau de la demande. Est-ce que cela va ramener la demande de logements locatifs à ce qu'elle était il y a trois ou quatre ans? Non, parce que notre population a beaucoup augmenté, mais cela va ralentir la croissance des loyers et rendre le secteur du logement plus abordable. Ce sera plutôt un impact au niveau de la demande plutôt qu'au niveau de l'offre, même si cela va donner un coup de pouce dans une certaine mesure.
* Vous avez dit que les projections de déficit n'augmentent pas tellement, mais en même temps, le coût du service de notre dette nationale qui augmente sans cesse, est-ce que c'est préoccupant?
* 64 milliards, c'est le coût estimatif du service de la dette cette année et cela va augmenter avec la dette. Si on compare à ce qui était avant la pandémie, 1,8% du PIB, c'est le double de ce que c'était avant la pandémie. La croissance avec la hausse des taux d'intérêt, la hausse des déficits, ce n'est pas rien. Est-ce que nous sommes parvenus à un point où je suis inquiet? Non. Je crois que ce budget en soi ne va pas affecter notre note de crédit AAA. Surtout parce que le profil de déficit n'a pas vraiment beaucoup changé. De fait, les chiffres du PIB sont relevés à cause d'une meilleure croissance que projeté cette année. Certains des ratios s'aplanissent. Je pense que les agences de notation ne vont pas en perdre le sommeil. C'est une bonne chose. Je m'inquièterais plutôt au niveau de la productivité et de certains des domaines dans lesquels je pensais qu'il y aurait davantage de faits pour améliorer la situation.
* Derek, ça me fait toujours plaisir de m'entretenir avec vous.
* Merci, Greg.