Le budget fédéral récemment déposé vise à accroître les revenus au moyen de nouveaux impôts. Toutefois, il prévoit également plus de 50 milliards de dollars en nouvelles dépenses au cours des cinq prochaines années. Hafiz Noordin, vice-président et directeur, Gestion active des portefeuilles de titres à revenu fixe, Gestion de Placements TD, examine les répercussions sur les efforts de la Banque du Canada en matière de lutte contre l’inflation.
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Le budget fédéral prévoit plus de 50 milliards de dollars de nouvelles dépenses au cours des cinq prochaines années. Qu'est-ce que ça pourrait signifier pour la Banque du Canada qui tente de ramener l'inflation à 2%? Hafiz Noordin de gestion de placements TD se joint à nous pour en discuter. Bonjour, Hafiz.
Bonjour, Greg.
Alors, nous avons eu un peu de temps pour assimiler le budget. 50 milliards de dollars de nouvelles dépenses annoncées dans ce document, d'ici cinq ans. Le gouvernement fédéral avait annoncé un budget déflationniste afin de ne pas agir à contre-courant de la Banque du Canada.
Il y a certainement une certaine aggravation dans les perspectives du déficit d'ici quelques années. Et cela en soi n'est pas un résultat très favorable. Mais quand on y songe, il y a eu une hausse des recettes fiscales mais compensée par les dépenses. Au net, le budget n'a pas vraiment fait trop de vagues sur les marchés financiers. Les rendements obligataires n'ont pas beaucoup évolué. Au niveau des recettes, l'annonce surprise quant au taux d'inclusion des gains en capital pour les sociétés et les particuliers aisés, mais inversement, il y a eu davantage de dépenses, surtout en ce qui concerne le logement et dans d'autres domaines comme la défense et les soins de santé. Les nouvelles mesures de relance, on peut envisager les chiffres sous plusieurs angles, mais 35 milliards de dollars, ce sont les nouvelles mesures de relance nettes par rapport à ce qui avait été intégré après l'annonce du mois de novembre. C'est 35 milliards d'ici cinq ans. Quand on répartit ça en pourcentage du PIB, ce n'est pas une augmentation énorme. Mais la principale conclusion à en tirer, c'est que les déficits persisteront. Il n'y a pas vraiment de trajectoire vers le budget équilibré de sitôt. C'est là où il faut faire preuve de prudence.
Parlons-en. Car le déficit, comme vous l'avez dit, est persistant. Il n'y a pas de trajectoire vers le retour à l'équilibre. Cela va alourdir la dette et bien entendu, le gouvernement est un important émetteur de dette. Comment cela se passera-t-il?
Oui. Le budget comporte notamment une stratégie de gestion de la dette. Comment le gouvernement va-t-il financer tout cela? Les chiffres globaux relatifs à cet objectif représentent environ 500 milliards, c'est énorme. Mais il faut toujours tenir compte de la dette qui est renouvelée, c'est-à-dire les titres de créance qui arrivent à échéance. Quand on soustrait les dettes qui arrivent à échéance, ça fait 85 milliards de nouvelles émissions. Par ailleurs, il faut se demander dans quelle mesure les émissions prendront la forme de bons du trésor, soit de moins d'un an par rapport aux obligations qui sont à 2, 5, 10 ou 30 ans. Si vous commencez à avoir trop émissions d'obligations, ça peut commencer à exercer une pression à la hausse sur le rendement obligataire. car les marchés exigeront une concession. Mais c'est plutôt le résultat opposé. Le nombre d'émissions émises cette année s'établit à 230 milliards. Les analystes en général s'attendaient à 240 à 250, donc c'est un peu moins que prévu. De ce point de vue, la stratégie d'émissions... dans le cadre de la gestion des déficits est relativement bénigne. Il n'y aura donc encore une fois pas trop de vagues.
La dernière fois que Tiff Macklem s'est exprimé, c'était il y a quelques jours, mais il semble que c'était il y a longtemps, il déclarait que la banque maintenait sa position. Est-ce que le mois de juin, représente une possibilité? Il a répondu que ce n'était pas impossible. Les marchés envisagent le mois de juillet. Dans un entretien que j'ai eu avec vous, je précisais que la Banque du Canada allait prendre connaissance du contenu du budget fédéral. Maintenant, c'est fait. D'après vous, est-ce que ça va changer la vision du monde qu'a la Banque du Canada?
Je crois que la Banque du Canada va naturellement voir un impact sur ses projections à long terme lorsqu'il s'agit du montant des dépenses du gouvernement. Il y aura un impact sur le déficit, peut-être un impact légèrement inflationniste. Mais par ailleurs, nous avons vu hier l'IPC pour le mois de mars qui était un peu inférieur aux prévisions. Donc c'était en début de journée hier ou en fait pendant toute la journée, il y a eu une nette remontée des obligations au Canada tandis que les obligations aux États-Unis étaient en baisse. Donc à très court terme, c'est sans doute ce sur quoi la Banque du Canada va se concentrer, puisque le budget, encore une fois, n'était pas très différent de la déclaration de l'automne. La banque va se demander comment extrapoler les données sur l'inflation et les surveiller. L'inflation globale et de base se sont toutes deux établies à 2,9% sur 12 mois, au mois de mars. Nous sommes à présent en deçà de 3%. De ce point de vue là, c'est conforme au discours que tient la banque quant à l'inflation qui est en baisse progressive. Et la dynamique de l'inflation a certainement baissé dans la mesure où le mois de juin est certainement une possibilité.
Tiff Macklem a participé à un panel avec Jerome Powell, je crois, Bill Morneau aussi, je regardais du coin de l'œil, et il a pu réagir, ce n'est pas souvent que le gouverneur de la Banque du Canada réagit à la statistique de l'inflation qui paraît le même jour que le budget. Il a semblé satisfait de la trajectoire.
Oui, je pense... Il a toutefois émis des réserves, sachant qu'il y a encore des données à paraître d'ici le mois de juin. Il y aura des chiffres sur le reste du mois d'avril et le mois de mai. La banque va chercher la régularité de cette tendance. Elle va vouloir voir si elle est suivie d'ici le mois de juin. L'inflation, si elle suit cette même trajectoire, tournera autour de 2,5%, ce qui serait plus conforme à l'idée de réduire les taux pour descendre au moins par rapport au niveau restrictif le plus élevé. C'est un contraste par rapport à la situation à laquelle doit faire face Jerome Powell. Mais les données sont favorables. Le gouverneur veut voir la dynamique, la tendance.
Les prix de l'énergie, si on en réduit aux mesures de base, la situation évolue comme le veut la banque du Canada, l'inflation globale...
L'inflation globale, ce sont l'essence et le logement. Il y a toujours une certaine volatilité, c'est pourquoi nous nous reposons sur la mesure de base. Mais même au niveau global, y compris l'énergie, y compris l'alimentation, nous sommes toujours très légèrement en-deçà de 3%. Je pense qu'il y a eu une augmentation plus récente des prix de l'essence et certains qui pourraient commencer à se répercuter. Mais sachant qu'il y a encore une certaine volatilité au niveau des cours du pétrole, il y a des inquiétudes au Moyen-Orient qui affectent les attentes en matière d'offres à court terme, et en même temps il y a une forte croissance aux États-Unis, la demande d'énergie est également en augmentation. Ce rebond des produits de base n'a pas été important au point d'affecter les attentes en matière d'inflation. C'est-à-dire dans quelle mesure les consommateurs s'attendent à ce que l'inflation augmente. C'est ce que la banque doit surveiller pour s'assurer qu'elle doit réduire encore davantage la demande. Pour l'instant, elle peut faire abstraction de ces phénomènes.
Le budget fédéral prévoit plus de 50 milliards de dollars de nouvelles dépenses au cours des cinq prochaines années. Qu'est-ce que ça pourrait signifier pour la Banque du Canada qui tente de ramener l'inflation à 2%? Hafiz Noordin de gestion de placements TD se joint à nous pour en discuter. Bonjour, Hafiz.
Bonjour, Greg.
Alors, nous avons eu un peu de temps pour assimiler le budget. 50 milliards de dollars de nouvelles dépenses annoncées dans ce document, d'ici cinq ans. Le gouvernement fédéral avait annoncé un budget déflationniste afin de ne pas agir à contre-courant de la Banque du Canada.
Il y a certainement une certaine aggravation dans les perspectives du déficit d'ici quelques années. Et cela en soi n'est pas un résultat très favorable. Mais quand on y songe, il y a eu une hausse des recettes fiscales mais compensée par les dépenses. Au net, le budget n'a pas vraiment fait trop de vagues sur les marchés financiers. Les rendements obligataires n'ont pas beaucoup évolué. Au niveau des recettes, l'annonce surprise quant au taux d'inclusion des gains en capital pour les sociétés et les particuliers aisés, mais inversement, il y a eu davantage de dépenses, surtout en ce qui concerne le logement et dans d'autres domaines comme la défense et les soins de santé. Les nouvelles mesures de relance, on peut envisager les chiffres sous plusieurs angles, mais 35 milliards de dollars, ce sont les nouvelles mesures de relance nettes par rapport à ce qui avait été intégré après l'annonce du mois de novembre. C'est 35 milliards d'ici cinq ans. Quand on répartit ça en pourcentage du PIB, ce n'est pas une augmentation énorme. Mais la principale conclusion à en tirer, c'est que les déficits persisteront. Il n'y a pas vraiment de trajectoire vers le budget équilibré de sitôt. C'est là où il faut faire preuve de prudence.
Parlons-en. Car le déficit, comme vous l'avez dit, est persistant. Il n'y a pas de trajectoire vers le retour à l'équilibre. Cela va alourdir la dette et bien entendu, le gouvernement est un important émetteur de dette. Comment cela se passera-t-il?
Oui. Le budget comporte notamment une stratégie de gestion de la dette. Comment le gouvernement va-t-il financer tout cela? Les chiffres globaux relatifs à cet objectif représentent environ 500 milliards, c'est énorme. Mais il faut toujours tenir compte de la dette qui est renouvelée, c'est-à-dire les titres de créance qui arrivent à échéance. Quand on soustrait les dettes qui arrivent à échéance, ça fait 85 milliards de nouvelles émissions. Par ailleurs, il faut se demander dans quelle mesure les émissions prendront la forme de bons du trésor, soit de moins d'un an par rapport aux obligations qui sont à 2, 5, 10 ou 30 ans. Si vous commencez à avoir trop émissions d'obligations, ça peut commencer à exercer une pression à la hausse sur le rendement obligataire. car les marchés exigeront une concession. Mais c'est plutôt le résultat opposé. Le nombre d'émissions émises cette année s'établit à 230 milliards. Les analystes en général s'attendaient à 240 à 250, donc c'est un peu moins que prévu. De ce point de vue, la stratégie d'émissions... dans le cadre de la gestion des déficits est relativement bénigne. Il n'y aura donc encore une fois pas trop de vagues.
La dernière fois que Tiff Macklem s'est exprimé, c'était il y a quelques jours, mais il semble que c'était il y a longtemps, il déclarait que la banque maintenait sa position. Est-ce que le mois de juin, représente une possibilité? Il a répondu que ce n'était pas impossible. Les marchés envisagent le mois de juillet. Dans un entretien que j'ai eu avec vous, je précisais que la Banque du Canada allait prendre connaissance du contenu du budget fédéral. Maintenant, c'est fait. D'après vous, est-ce que ça va changer la vision du monde qu'a la Banque du Canada?
Je crois que la Banque du Canada va naturellement voir un impact sur ses projections à long terme lorsqu'il s'agit du montant des dépenses du gouvernement. Il y aura un impact sur le déficit, peut-être un impact légèrement inflationniste. Mais par ailleurs, nous avons vu hier l'IPC pour le mois de mars qui était un peu inférieur aux prévisions. Donc c'était en début de journée hier ou en fait pendant toute la journée, il y a eu une nette remontée des obligations au Canada tandis que les obligations aux États-Unis étaient en baisse. Donc à très court terme, c'est sans doute ce sur quoi la Banque du Canada va se concentrer, puisque le budget, encore une fois, n'était pas très différent de la déclaration de l'automne. La banque va se demander comment extrapoler les données sur l'inflation et les surveiller. L'inflation globale et de base se sont toutes deux établies à 2,9% sur 12 mois, au mois de mars. Nous sommes à présent en deçà de 3%. De ce point de vue là, c'est conforme au discours que tient la banque quant à l'inflation qui est en baisse progressive. Et la dynamique de l'inflation a certainement baissé dans la mesure où le mois de juin est certainement une possibilité.
Tiff Macklem a participé à un panel avec Jerome Powell, je crois, Bill Morneau aussi, je regardais du coin de l'œil, et il a pu réagir, ce n'est pas souvent que le gouverneur de la Banque du Canada réagit à la statistique de l'inflation qui paraît le même jour que le budget. Il a semblé satisfait de la trajectoire.
Oui, je pense... Il a toutefois émis des réserves, sachant qu'il y a encore des données à paraître d'ici le mois de juin. Il y aura des chiffres sur le reste du mois d'avril et le mois de mai. La banque va chercher la régularité de cette tendance. Elle va vouloir voir si elle est suivie d'ici le mois de juin. L'inflation, si elle suit cette même trajectoire, tournera autour de 2,5%, ce qui serait plus conforme à l'idée de réduire les taux pour descendre au moins par rapport au niveau restrictif le plus élevé. C'est un contraste par rapport à la situation à laquelle doit faire face Jerome Powell. Mais les données sont favorables. Le gouverneur veut voir la dynamique, la tendance.
Les prix de l'énergie, si on en réduit aux mesures de base, la situation évolue comme le veut la banque du Canada, l'inflation globale...
L'inflation globale, ce sont l'essence et le logement. Il y a toujours une certaine volatilité, c'est pourquoi nous nous reposons sur la mesure de base. Mais même au niveau global, y compris l'énergie, y compris l'alimentation, nous sommes toujours très légèrement en-deçà de 3%. Je pense qu'il y a eu une augmentation plus récente des prix de l'essence et certains qui pourraient commencer à se répercuter. Mais sachant qu'il y a encore une certaine volatilité au niveau des cours du pétrole, il y a des inquiétudes au Moyen-Orient qui affectent les attentes en matière d'offres à court terme, et en même temps il y a une forte croissance aux États-Unis, la demande d'énergie est également en augmentation. Ce rebond des produits de base n'a pas été important au point d'affecter les attentes en matière d'inflation. C'est-à-dire dans quelle mesure les consommateurs s'attendent à ce que l'inflation augmente. C'est ce que la banque doit surveiller pour s'assurer qu'elle doit réduire encore davantage la demande. Pour l'instant, elle peut faire abstraction de ces phénomènes.