Même si l’on ne s’attendait pas à ce que la Réserve fédérale américaine change les taux lors de sa dernière réunion, une série de rapports décevants sur l’inflation soulève des questions quant au calendrier possible des baisses de taux. Sam Chai, vice-président, Gestion active des portefeuilles de titres à revenu fixe, Gestion de Placements TD, examine les défis monétaires auxquels les décideurs sont confrontés.
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La Réserve fédérale américaine a maintenu ses taux d'intérêt et indiqué qu'il faudrait peut-être attendre un certain temps avant qu'elle ne les réduise. Sam Chai, de Gestion de Placements TD, nous rejoint pour en discuter. Bonjour Sam. Bonjour. Commentez-nous la décision de la Fed et ce que nous entendons dire par Jerome Powell. Hier, la Fed a décidé de maintenir son taux directeur inchangé, et également annoncé une réduction partielle de son programme de resserrement quantitatif. Ce qui est conforme aux attentes du marché et aux nôtres, car nous savons que, depuis la dernière réunion du comité directeur de la Fed, l'inflation aux États-Unis s'est avérée plus élevée que prévu. Depuis 3 mois consécutifs, l'indice d'inflation de base était plus élevé que prévu, ce qui a amené une remise à plat des orientations de la Fed et de sa trajectoire. En revanche, nous savons, d'après les communications de la Fed, que cette dernière affirme que le taux directeur est bien positionné et qu'il s'agit d'un taux restrictif. Il est donc raisonnable que la Fed décide de maintenir son taux directeur au niveau actuel pendant une période plus longue, aussi longtemps qu'il le faudra, jusqu'à ce que le recul de l'inflation se poursuive. Les orientations futures de la Fed demeurent relativement inchangées. Il faut, affirme-t-elle, qu'elle soit davantage convaincue du recul de l'inflation avant d'annoncer des réductions de taux. Mais vu l'absence de progrès dans la lutte contre l'inflation pendant le 1er trimestre, la Fed estime qu'il se pourrait qu'il faille plus longtemps qu'elle ne le prévoyait auparavant pour parvenir à ce degré de confiance. Ce qui laisse envisager une première réduction pendant le 2e semestre. La réduction des taux d'intérêt, c'était un message clé. Un autre message: le bilan de la Fed. Qu'est-ce qui a changé et quel impact cela aura-t-il? Une récapitulation du programme de resserrement quantitatif actuel de la Fed. En ce moment, la Fed permet jusqu'à 60 milliards de dollars par mois d'obligations du trésor américain d'arriver à échéance et d'être soustraites à son bilan. Ainsi que 60 milliards de dollars par mois au maximum d'obligations d'autres organismes. L'objectif: réduire progressivement le bilan de la Fed et resserrer la liquidité du marché, ce qui complète sa position actuellement restrictive en matière du taux directeur. La décision d'hier réduit le plafond des obligations du trésor de 60 milliards à 25 milliards par mois. Autrement dit, la Fed réduit de 35 milliards l'offre d'obligations aux investisseurs privés, ce qui devrait réduire la prime des taux sur le marché obligataire américain. Ce n'est pas une surprise pour les marchés, car nous savons déjà que, à la réunion précédente du comité directeur de la Fed, il avait été envisagé une réduction progressive du programme de resserrement quantitatif. L'ampleur du resserrement est plus importante qu'on le prévoyait. On pensait aller de 60 à 30 milliards, mais c'est un peu moins, à 25 milliards. Donc, le message n'était pas une surprise, simplement l'importance de la réduction. Bon. Des taux plus élevés plus longtemps, tel était le message. Nous commençons à voir des failles apparaître dans le marché du travail aux États-Unis à cause de l'élévation des taux. Est-ce exact? Je dirais plutôt que l'offre et la demande sont plus équilibrées sur le marché du travail américain. Pourquoi dis-je cela? Quand on considère le taux de chômage aux États-Unis, il est autour de 3,8 %. Et il s'y maintient depuis quelques mois, ce qui est proche d'un chiffre bas record. Le nombre de gains d'emplois mensuels au cours des 3 derniers mois sont en moyenne de 250 000 emplois, ce qui est très sain. Mais en revanche, d'autres indicateurs prospectifs, par exemple l'indicateur paru hier sur les postes à pourvoir, affichent une réduction progressive du nombre des postes à pourvoir depuis 2022. Le nombre de postes à pourvoir diminue. Quand on considère le nombre de postes à pourvoir par rapport au taux de chômage, celui-ci diminue également. La situation globale est donc la suivante: le marché du travail est très serré, mais cet écart commence à se réduire. Il y a donc un meilleur équilibre. Demain, nous allons assister à la publication du nombre d'emplois créés pendant le mois qui vient de s'écouler aux États-Unis. Qu'est-ce que vous attendez au niveau de l'inflation, compte tenu de ce contexte? Bon. Le président Powell a déclaré hier qu'un ou deux mois d'inflation plus élevée que prévu ne constitue pas une tendance. Mais lorsqu'il y a 3 mois consécutifs d'inflation plus élevée que prévu, notamment de l'indice de la consommation personnelle, il est prudent d'en tenir compte. Le signal pourrait être que les progrès dans la lutte contre l'inflation pourraient être incertains et que le dernier kilomètre est plus long que prévu. Notre scénario de base à l'heure actuelle prévoit toujours qu'à cause du niveau restrictif du taux directeur à l'heure actuelle, nous prévoyons qu'il pourrait y avoir la possibilité d'une relance plus importante au niveau de l'offre, et en même temps, une plus grande modération au niveau de la demande, compte tenu des données plutôt mitigées qui paraissent actuellement aux États-Unis. Conséquence: il se pourrait qu'il y ait un certain ralentissement supplémentaire de la dynamique de l'inflation pendant le deuxième semestre. Ceci étant dit, l'incertitude est très élevée, comme je l'ai dit tout à l'heure, la lutte contre l'inflation va sans doute donner des résultats inégaux. Nous devons constamment mettre à jour nos trajectoires de l'inflation, ainsi que notre compréhension des facteurs clés sous-jacents qui impulsent ces pressions inflationnistes au fil du temps. Compte tenu de cette conjoncture, à quoi pourrait ressembler la trajectoire des taux d'intérêt? On prévoit toujours une ou plusieurs coupures par la Fed cette année? Je résumerai mon propos en disant que la prochaine décision probable de la Fed sera une coupure de taux. Je vois deux trajectoires possibles. Deux situations dans lesquelles la Fed pourrait pratiquer des réductions de taux. Tout d'abord, il y aurait quelques mois consécutifs de chiffres positifs dans la lutte contre l'inflation, qui pourrait donner confiance à la Fed pour réduire les taux. Deuxième trajectoire: il y a une aggravation significative du marché du travail, ou des données sur l'activité économique par rapport aux attentes. Ce qui bouleverserait l'équilibre des risques. Ce qui pourrait également engendrer une coupure, compte tenu du double mandat de la Fed. Ni l'une ni l'autre des trajectoires n'est actuellement en vue, compte tenu des statistiques, ce qui amène la Fed à privilégier le maintien des taux plus élevés plus longtemps, avant que de nouvelles données ne soient disponibles. Par ailleurs, je signalerai qu'il existe une trajectoire plutôt limitée qui pourrait mener à une hausse de taux. Mais cette trajectoire est beaucoup moins probable que les autres. Pour que cela se produise, il faudrait qu'il y ait une nouvelle accélération de l'inflation au 2e trimestre, encore plus rapide qu'au 1er trimestre. Peut-être à cause d'un choc négatif de l'offre. Si cela se manifestait, la Fed pourrait pratiquer une hausse. Mais pour nous, ce n'est pas le scénario le plus probable. La probabilité en est même faible. Si nous considérons les surprises à la hausse, les risques à la hausse et à la baisse, quant à notre pronostic, je dirais que le risque est plutôt favorable à ce qu'il y ait davantage de coupures sur le marché américain au cours des 12 mois à venir, surtout quand on considère que l'on prévoit un peu plus d'une réduction de taux sur le marché américain d'ici la fin de l'année. Il est intéressant de signaler que c'est un contraste avec le début de l'année, où l'on prévoyait 6 ou 7 réductions du taux de la Fed. L'équilibre des risques à la hausse et à la baisse a beaucoup évolué.