Les banques canadiennes ont obtenu des résultats mitigés au T3. Selon Mario Mendonca, directeur général, Valeurs Mobilières TD, c’est essentiel de savoir quand il faudra tenir compte du prochain cycle de crédit et dans quelle mesure ce cycle sera difficile. Kim Parlee et Mario Mendonca discutent de ce qu’il faut surveiller.
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Si on examine les résultats globaux, c’est principalement ce à quoi on s’attendait. Et je sais qu’il y a quelques manchettes selon lesquelles la BMO et la Banque Royale n’ont pas répondu aux attentes. Mais pourquoi, selon vous, compte tenu des résultats, que vous qualifiez, selon moi, de bons, les investisseurs vendent-ils leurs titres en masse en raison de ces résultats?
Eh bien, les investisseurs vendent depuis un certain temps leurs titres en masse, pas seulement les banques, mais l’ensemble du marché. Et je pense que les banques sont prises au dépourvu par les craintes que pourrait entraîner une récession et par ce que cela pourrait signifier pour les pertes sur créances. Je pense qu’il serait juste de qualifier les résultats d’assez bons sur une base sous-jacente. Les pertes sur créances demeurent très faibles.
Les marges se sont considérablement améliorées. Bien sûr, les marchés des capitaux ont été faibles. Mais je crois qu’il y a toujours lieu de craindre qu’une hausse des taux d’intérêt entraîne une récession, qui va se traduire par une augmentation des pertes sur créances. Ce qui est intéressant, c’est que nous n’en voyons aucune preuve en ce moment. Il y a très peu de signes que les marchés du crédit sont en difficulté. Il est certain que les écarts de taux des prêts à effet de levier n’ont pas changé au cours du trimestre. Toutefois, les marchés du crédit et les conditions de crédit semblent généralement très solides. Le marché se tourne maintenant vers l’avenir.
D’accord. Parlons un peu de la situation des taux d’intérêt. La hausse des taux peut être bonne pour les banques, mais pas tellement pour l’économie, alors il faut trouver un équilibre, mais elle peut aussi ne pas être bonne pour le consommateur, surtout lorsqu’il s’agit de prêts hypothécaires à taux variable, dont on retrouve un certain nombre au Canada. Alors que voyez-vous de ce côté-là? Comment voyez-vous les choses, l’impact sur les prix des logements, et les consommateurs qui ont des prêts hypothécaires à taux variable?
Eh bien, les prêts hypothécaires à taux variable représentent environ le tiers, peut-être un peu moins du tiers, de tout l’encours des prêts hypothécaires au Canada. Et lorsque les taux étaient très faibles, disons en 2020 ou 2021, les gens qui avaient contracté un prêt hypothécaire à taux variable payaient très peu, peut-être 1,5 % ou 2 %. Les taux ont considérablement augmenté maintenant.
Votre paiement hypothécaire n’augmente pas, mais le montant de capital que votre paiement couvre diminue considérablement. Et, par conséquent, la période d’amortissement de votre prêt hypothécaire est beaucoup plus longue. Les banques ont déclaré ce trimestre que le nombre de prêts hypothécaires avec une période d’amortissement de plus de 35 ans est maintenant d’environ 20 %. Ce taux était à un chiffre il y a quelques trimestres à peine.
En fin de compte, si les taux continuent d’augmenter, et on s’attend à ce que ça se produise au cours des prochains trimestres, on va atteindre ce qu’on appelle un seuil critique. Le seuil critique, c’est lorsque le paiement de votre prêt hypothécaire ne couvre pas plus que les intérêts. À ce moment-là, vous recevrez probablement un appel de votre banque vous demandant d’augmenter votre paiement ou de faire une mise de fonds.
Je ne crois pas que ce nombre soit très élevé. Ça ne concerne probablement pas beaucoup de gens au cours des prochains trimestres. Le principal problème, c’est ce qu’il va advenir de ces prêts hypothécaires à taux variable, et même des prêts hypothécaires à taux fixe, en 2025 et en 2026.
C’est environ cinq ans après les très, très faibles versements hypothécaires, ou taux hypothécaires, de 2020 et 2021. À ce moment-là, beaucoup de gens pourraient avoir à composer avec des versements hypothécaires beaucoup plus élevés, tant au taux variable que fixe, si, en fait, les taux hypothécaires demeurent aussi élevés dans trois ou quatre ans.
C’est vraiment difficile à dire. On pourrait entrer en récession, comme on l’a mentionné il y a un instant. Et ça pourrait faire baisser les taux encore plus. Mais c’est l’un des principaux sujets abordés par les banques canadiennes lors des conférences téléphoniques de ce trimestre. Et c’est l’un des enjeux sur lesquels je vais me concentrer au cours des prochaines années.
Parlons des banques individuelles. Et commençons par la BMO et la Banque Royale, si possible. Bien sûr, ces banques sont celles qui ont les plus importants marchés des capitaux. Et ces deux banques n’ont pas répondu aux attentes concernant les résultats. Commençons par la Banque Royale. Peut-être pourriez-vous nous dire ce qui s’est passé, et nous pourrons parler du reste ensuite, mais dites-nous ce que vous voyez.
Bien sûr. La Banque Royale et la Banque de Montréal, on peut en quelque sorte les regrouper. Elles ont d’importants portefeuilles de prêts à effet de levier dans le cadre de leurs activités aux États-Unis. Ces portefeuilles de prêts à effet de levier comprennent les prêts qu’ils veulent conserver dans leur bilan jusqu’à l’échéance. Et puis, il y a les prêts qu’elles génèrent dans le but de les syndiquer ou de les vendre peu après.
Toutefois, au cours du trimestre, les écarts de taux des prêts à effet de levier ont considérablement augmenté. Ou la valeur des prêts à effet de levier a diminué. Par conséquent, la Banque de Montréal et la Banque Royale ont dû payer les frais d’évaluation à la valeur du marché pour leurs prêts à effet de levier.
Ce qui est intéressant, c’est que ces frais ne sont pas, pour la plupart, des pertes réalisées. Ce sont des pertes non réalisées qui doivent être consignées dans les bénéfices du trimestre en cours. Étant donné la légère diminution des écarts de taux des prêts à effet de levier, qui s’améliorent depuis la fin du trimestre, il est tout à fait concevable que ces frais d’évaluation à la valeur du marché du troisième trimestre deviennent des gains au quatrième trimestre. Cela dépend en quelque sorte de ce à quoi ressemble le marché et de l’évolution des prêts à effet de levier et des écarts de taux des prêts à effet de levier au cours des prochains mois. Mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit de pertes non réalisées.
L’autre chose qu’il ne faut pas oublier, c’est que ces soldes de pertes non réalisées, ou plutôt, de prêts à effet de levier qui sont évalués à la valeur du marché chaque trimestre. Pour ces deux banques, ils se chiffrent à environ 4 à 5 milliards de dollars. C’est très peu, compte tenu de bilans de milliers de milliards de dollars. J’ai donc été un peu surpris de voir que le marché accorde autant d’importance aux prêts à effet de levier évalués à la valeur du marché. Ce n’est pas si important et, en fait, ils pourraient se transformer en gains dès le prochain trimestre. Oui, c’est intéressant de voir comment ça se passe. Y a-t-il autre chose du côté de la BMO et de la Banque Royale qui a retenu votre attention, sur le plan individuel?
Oui. Eh bien, la Banque Royale a montré que ses activités de dépôt sont très solides. Les marges ont considérablement augmenté au Canada et aux États-Unis. Et cela a certainement contribué aux résultats. La croissance des prêts de la Banque Royale s’est aussi légèrement améliorée.
Elle ne semble pas perdre de parts de marché. Elle a affiché des résultats supérieurs au cours des derniers trimestres. Ce trimestre, il semble qu’elle ait regagné une partie de ses parts de marché dans le secteur des prêts à la consommation. Dans le cas de la BMO, ce qui m’a le plus surpris, c’est que ses marges ont bien résisté, alors que les taux d’intérêt étaient en baisse.
Les marges se sont ensuite rapidement améliorées en raison de la hausse des taux d’intérêt. C’est une situation inhabituelle. En fait, la BMO est la seule banque dont les marges sont plus élevées aujourd’hui qu’elles ne l’étaient au premier trimestre de 2020. Cela tient probablement à sa couverture efficace, au fait que bon nombre de ses prêts sont à taux variable. Et je crois qu’elle a de meilleures activités de dépôt que ce que je pensais. Ce sont les deux choses de la BMO qui m’ont surpris ce trimestre.
Je rappelle à tout le monde qu’on ne parle pas de la TD pour des raisons évidentes. Mais parlons de la CIBC. Qu’avez-vous vu de ce côté-là?
Le marché a été très déçu par les résultats de la CIBC. Je ne croyais pas que les résultats sous-jacents étaient si mauvais. Toutefois, on semble craindre de plus en plus que la CIBC ne profite pas autant de la hausse des taux que ses pairs. Sa marge américaine ne s’est pas beaucoup améliorée, comme ce fut le cas pour d’autres banques, comme la BMO et la Banque Royale.
Je crois qu’on s’inquiète toujours du fait que la CIBC a aussi augmenté ses prêts de façon très abrupte au cours des 12 derniers mois. Et dans la mesure où on s’inquiète... pas d’une crise, mais peut-être d’un cycle de crédit en évolution, on craint que la CIBC y soit plus exposée. Mais en fin de compte, la mauvaise réputation qu’a souvent la CIBC, et je pense que c’est un peu exagéré, c’est son exposition au marché de l’habitation. Elle est certainement plus exposée aux prêts hypothécaires canadiens que ses pairs. Mais si le marché de l’habitation devait vraiment chuter, tout le monde serait touché, pas seulement la CIBC. Mais je pense que c’est l’un des facteurs qui ont quelque peu nui au titre depuis qu’elle a publié ses résultats du troisième trimestre.
Qu’en est-il de la Banque Scotia?
La Banque Scotia n’est pas en bonne posture en ce moment. Je pense que ses marges n’augmentent pas. C’est la seule banque qui n’a pas signalé une augmentation de sa marge d’intérêt nette sur 12 mois au troisième trimestre de 2022, par rapport au troisième trimestre de 2021. Elle a couvert cette exposition-là. Il y a aussi la nature de ses activités en Amérique latine, qui ont entraîné une modeste augmentation de ses marges ou, en fait, une baisse très prononcée de ses marges en Amérique latine, par rapport au trimestre précédent.
La banque affiche un ratio de capital de 11,4 %. Dans l’absolu, c’est un ratio de capital acceptable. En termes relatifs, c’est faible. À l’heure actuelle, la Banque Scotia n’a pas beaucoup de capitaux à investir dans des acquisitions ou dans la croissance de ses actifs pondérés en fonction du risque, ce qui favorise la croissance et les bénéfices. Le rendement des marges n’est pas si impressionnant. Elle serait dans le bas du classement des banques que je couvre.
Mario, qu’allez-vous surveiller au cours du prochain trimestre et de la prochaine année? Vous avez mentionné que les marchés des capitaux avaient fléchi. Non, dites-le-moi si je me trompe, mais je ne crois pas qu’ils vont se redresser de la même façon pendant un certain temps. On pourrait parler de consommateurs plus faibles, ou c’est ce qui va se produire.
On ne sait pas vraiment ce que fait la Fed. Certains disent que les taux des banques centrales pourraient atteindre 6 %. D’autres disent qu’ils vont probablement se situer autour de 4 %. Il y a beaucoup... il y a beaucoup de facteurs en jeu en ce moment. Alors qu’allez-vous surveiller à partir de maintenant?
Au cours de n’importe quel trimestre, le crédit est important. Le rendement du crédit est important pour nos banques canadiennes. Mais il n’y a aucun trimestre au cours des prochains trimestres où ça sera plus important. C’est plus important maintenant que ça ne l’a jamais été.
Et la raison derrière ça, c’est qu’il n’y a aucun signe de détérioration du crédit. Pourtant, le marché se comporte comme si c’était imminent. Je vais donc suivre des dossiers comme les défauts de paiement des consommateurs. Est-ce que les défauts de paiement augmentent? La formation de prêts douteux bruts... est-ce que de plus en plus de prêts deviennent ce qu’on appelle des prêts douteux?
Je vais surveiller les banques de très près. Les banques représentent la moitié des sujets que je couvre. Chaque trimestre, ce qu’on appelle les réserves pour prêts productifs, ce sont des réserves ou des pertes sur créances liées à des prêts qui sont encore bons.
Elles enregistrent des pertes sur ces prêts parce qu’elles anticipent quelque chose. Par conséquent, si les banques déclarent leurs réserves pour prêts productifs, si celles-ci commencent à augmenter, les prêts douteux bruts en souffrance, ce sont les plus importants, parce que ce qui m’intéresse le plus en ce moment, c’est qui a raison. Est-ce que c’est ce dont le marché tient compte dans ce cycle de crédit important? Ou est-ce vraiment ce que je vois de mes propres yeux en ce moment, c’est-à-dire l’absence de signes d’un cycle de crédit? Alors lequel des deux est exact? C’est ce que je vais surveiller de très près.
On a hâte d’avoir cette discussion pour trouver la réponse à cette question. Mario, merci beaucoup.
Merci.
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Si on examine les résultats globaux, c’est principalement ce à quoi on s’attendait. Et je sais qu’il y a quelques manchettes selon lesquelles la BMO et la Banque Royale n’ont pas répondu aux attentes. Mais pourquoi, selon vous, compte tenu des résultats, que vous qualifiez, selon moi, de bons, les investisseurs vendent-ils leurs titres en masse en raison de ces résultats?
Eh bien, les investisseurs vendent depuis un certain temps leurs titres en masse, pas seulement les banques, mais l’ensemble du marché. Et je pense que les banques sont prises au dépourvu par les craintes que pourrait entraîner une récession et par ce que cela pourrait signifier pour les pertes sur créances. Je pense qu’il serait juste de qualifier les résultats d’assez bons sur une base sous-jacente. Les pertes sur créances demeurent très faibles.
Les marges se sont considérablement améliorées. Bien sûr, les marchés des capitaux ont été faibles. Mais je crois qu’il y a toujours lieu de craindre qu’une hausse des taux d’intérêt entraîne une récession, qui va se traduire par une augmentation des pertes sur créances. Ce qui est intéressant, c’est que nous n’en voyons aucune preuve en ce moment. Il y a très peu de signes que les marchés du crédit sont en difficulté. Il est certain que les écarts de taux des prêts à effet de levier n’ont pas changé au cours du trimestre. Toutefois, les marchés du crédit et les conditions de crédit semblent généralement très solides. Le marché se tourne maintenant vers l’avenir.
D’accord. Parlons un peu de la situation des taux d’intérêt. La hausse des taux peut être bonne pour les banques, mais pas tellement pour l’économie, alors il faut trouver un équilibre, mais elle peut aussi ne pas être bonne pour le consommateur, surtout lorsqu’il s’agit de prêts hypothécaires à taux variable, dont on retrouve un certain nombre au Canada. Alors que voyez-vous de ce côté-là? Comment voyez-vous les choses, l’impact sur les prix des logements, et les consommateurs qui ont des prêts hypothécaires à taux variable?
Eh bien, les prêts hypothécaires à taux variable représentent environ le tiers, peut-être un peu moins du tiers, de tout l’encours des prêts hypothécaires au Canada. Et lorsque les taux étaient très faibles, disons en 2020 ou 2021, les gens qui avaient contracté un prêt hypothécaire à taux variable payaient très peu, peut-être 1,5 % ou 2 %. Les taux ont considérablement augmenté maintenant.
Votre paiement hypothécaire n’augmente pas, mais le montant de capital que votre paiement couvre diminue considérablement. Et, par conséquent, la période d’amortissement de votre prêt hypothécaire est beaucoup plus longue. Les banques ont déclaré ce trimestre que le nombre de prêts hypothécaires avec une période d’amortissement de plus de 35 ans est maintenant d’environ 20 %. Ce taux était à un chiffre il y a quelques trimestres à peine.
En fin de compte, si les taux continuent d’augmenter, et on s’attend à ce que ça se produise au cours des prochains trimestres, on va atteindre ce qu’on appelle un seuil critique. Le seuil critique, c’est lorsque le paiement de votre prêt hypothécaire ne couvre pas plus que les intérêts. À ce moment-là, vous recevrez probablement un appel de votre banque vous demandant d’augmenter votre paiement ou de faire une mise de fonds.
Je ne crois pas que ce nombre soit très élevé. Ça ne concerne probablement pas beaucoup de gens au cours des prochains trimestres. Le principal problème, c’est ce qu’il va advenir de ces prêts hypothécaires à taux variable, et même des prêts hypothécaires à taux fixe, en 2025 et en 2026.
C’est environ cinq ans après les très, très faibles versements hypothécaires, ou taux hypothécaires, de 2020 et 2021. À ce moment-là, beaucoup de gens pourraient avoir à composer avec des versements hypothécaires beaucoup plus élevés, tant au taux variable que fixe, si, en fait, les taux hypothécaires demeurent aussi élevés dans trois ou quatre ans.
C’est vraiment difficile à dire. On pourrait entrer en récession, comme on l’a mentionné il y a un instant. Et ça pourrait faire baisser les taux encore plus. Mais c’est l’un des principaux sujets abordés par les banques canadiennes lors des conférences téléphoniques de ce trimestre. Et c’est l’un des enjeux sur lesquels je vais me concentrer au cours des prochaines années.
Parlons des banques individuelles. Et commençons par la BMO et la Banque Royale, si possible. Bien sûr, ces banques sont celles qui ont les plus importants marchés des capitaux. Et ces deux banques n’ont pas répondu aux attentes concernant les résultats. Commençons par la Banque Royale. Peut-être pourriez-vous nous dire ce qui s’est passé, et nous pourrons parler du reste ensuite, mais dites-nous ce que vous voyez.
Bien sûr. La Banque Royale et la Banque de Montréal, on peut en quelque sorte les regrouper. Elles ont d’importants portefeuilles de prêts à effet de levier dans le cadre de leurs activités aux États-Unis. Ces portefeuilles de prêts à effet de levier comprennent les prêts qu’ils veulent conserver dans leur bilan jusqu’à l’échéance. Et puis, il y a les prêts qu’elles génèrent dans le but de les syndiquer ou de les vendre peu après.
Toutefois, au cours du trimestre, les écarts de taux des prêts à effet de levier ont considérablement augmenté. Ou la valeur des prêts à effet de levier a diminué. Par conséquent, la Banque de Montréal et la Banque Royale ont dû payer les frais d’évaluation à la valeur du marché pour leurs prêts à effet de levier.
Ce qui est intéressant, c’est que ces frais ne sont pas, pour la plupart, des pertes réalisées. Ce sont des pertes non réalisées qui doivent être consignées dans les bénéfices du trimestre en cours. Étant donné la légère diminution des écarts de taux des prêts à effet de levier, qui s’améliorent depuis la fin du trimestre, il est tout à fait concevable que ces frais d’évaluation à la valeur du marché du troisième trimestre deviennent des gains au quatrième trimestre. Cela dépend en quelque sorte de ce à quoi ressemble le marché et de l’évolution des prêts à effet de levier et des écarts de taux des prêts à effet de levier au cours des prochains mois. Mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit de pertes non réalisées.
L’autre chose qu’il ne faut pas oublier, c’est que ces soldes de pertes non réalisées, ou plutôt, de prêts à effet de levier qui sont évalués à la valeur du marché chaque trimestre. Pour ces deux banques, ils se chiffrent à environ 4 à 5 milliards de dollars. C’est très peu, compte tenu de bilans de milliers de milliards de dollars. J’ai donc été un peu surpris de voir que le marché accorde autant d’importance aux prêts à effet de levier évalués à la valeur du marché. Ce n’est pas si important et, en fait, ils pourraient se transformer en gains dès le prochain trimestre. Oui, c’est intéressant de voir comment ça se passe. Y a-t-il autre chose du côté de la BMO et de la Banque Royale qui a retenu votre attention, sur le plan individuel?
Oui. Eh bien, la Banque Royale a montré que ses activités de dépôt sont très solides. Les marges ont considérablement augmenté au Canada et aux États-Unis. Et cela a certainement contribué aux résultats. La croissance des prêts de la Banque Royale s’est aussi légèrement améliorée.
Elle ne semble pas perdre de parts de marché. Elle a affiché des résultats supérieurs au cours des derniers trimestres. Ce trimestre, il semble qu’elle ait regagné une partie de ses parts de marché dans le secteur des prêts à la consommation. Dans le cas de la BMO, ce qui m’a le plus surpris, c’est que ses marges ont bien résisté, alors que les taux d’intérêt étaient en baisse.
Les marges se sont ensuite rapidement améliorées en raison de la hausse des taux d’intérêt. C’est une situation inhabituelle. En fait, la BMO est la seule banque dont les marges sont plus élevées aujourd’hui qu’elles ne l’étaient au premier trimestre de 2020. Cela tient probablement à sa couverture efficace, au fait que bon nombre de ses prêts sont à taux variable. Et je crois qu’elle a de meilleures activités de dépôt que ce que je pensais. Ce sont les deux choses de la BMO qui m’ont surpris ce trimestre.
Je rappelle à tout le monde qu’on ne parle pas de la TD pour des raisons évidentes. Mais parlons de la CIBC. Qu’avez-vous vu de ce côté-là?
Le marché a été très déçu par les résultats de la CIBC. Je ne croyais pas que les résultats sous-jacents étaient si mauvais. Toutefois, on semble craindre de plus en plus que la CIBC ne profite pas autant de la hausse des taux que ses pairs. Sa marge américaine ne s’est pas beaucoup améliorée, comme ce fut le cas pour d’autres banques, comme la BMO et la Banque Royale.
Je crois qu’on s’inquiète toujours du fait que la CIBC a aussi augmenté ses prêts de façon très abrupte au cours des 12 derniers mois. Et dans la mesure où on s’inquiète... pas d’une crise, mais peut-être d’un cycle de crédit en évolution, on craint que la CIBC y soit plus exposée. Mais en fin de compte, la mauvaise réputation qu’a souvent la CIBC, et je pense que c’est un peu exagéré, c’est son exposition au marché de l’habitation. Elle est certainement plus exposée aux prêts hypothécaires canadiens que ses pairs. Mais si le marché de l’habitation devait vraiment chuter, tout le monde serait touché, pas seulement la CIBC. Mais je pense que c’est l’un des facteurs qui ont quelque peu nui au titre depuis qu’elle a publié ses résultats du troisième trimestre.
Qu’en est-il de la Banque Scotia?
La Banque Scotia n’est pas en bonne posture en ce moment. Je pense que ses marges n’augmentent pas. C’est la seule banque qui n’a pas signalé une augmentation de sa marge d’intérêt nette sur 12 mois au troisième trimestre de 2022, par rapport au troisième trimestre de 2021. Elle a couvert cette exposition-là. Il y a aussi la nature de ses activités en Amérique latine, qui ont entraîné une modeste augmentation de ses marges ou, en fait, une baisse très prononcée de ses marges en Amérique latine, par rapport au trimestre précédent.
La banque affiche un ratio de capital de 11,4 %. Dans l’absolu, c’est un ratio de capital acceptable. En termes relatifs, c’est faible. À l’heure actuelle, la Banque Scotia n’a pas beaucoup de capitaux à investir dans des acquisitions ou dans la croissance de ses actifs pondérés en fonction du risque, ce qui favorise la croissance et les bénéfices. Le rendement des marges n’est pas si impressionnant. Elle serait dans le bas du classement des banques que je couvre.
Mario, qu’allez-vous surveiller au cours du prochain trimestre et de la prochaine année? Vous avez mentionné que les marchés des capitaux avaient fléchi. Non, dites-le-moi si je me trompe, mais je ne crois pas qu’ils vont se redresser de la même façon pendant un certain temps. On pourrait parler de consommateurs plus faibles, ou c’est ce qui va se produire.
On ne sait pas vraiment ce que fait la Fed. Certains disent que les taux des banques centrales pourraient atteindre 6 %. D’autres disent qu’ils vont probablement se situer autour de 4 %. Il y a beaucoup... il y a beaucoup de facteurs en jeu en ce moment. Alors qu’allez-vous surveiller à partir de maintenant?
Au cours de n’importe quel trimestre, le crédit est important. Le rendement du crédit est important pour nos banques canadiennes. Mais il n’y a aucun trimestre au cours des prochains trimestres où ça sera plus important. C’est plus important maintenant que ça ne l’a jamais été.
Et la raison derrière ça, c’est qu’il n’y a aucun signe de détérioration du crédit. Pourtant, le marché se comporte comme si c’était imminent. Je vais donc suivre des dossiers comme les défauts de paiement des consommateurs. Est-ce que les défauts de paiement augmentent? La formation de prêts douteux bruts... est-ce que de plus en plus de prêts deviennent ce qu’on appelle des prêts douteux?
Je vais surveiller les banques de très près. Les banques représentent la moitié des sujets que je couvre. Chaque trimestre, ce qu’on appelle les réserves pour prêts productifs, ce sont des réserves ou des pertes sur créances liées à des prêts qui sont encore bons.
Elles enregistrent des pertes sur ces prêts parce qu’elles anticipent quelque chose. Par conséquent, si les banques déclarent leurs réserves pour prêts productifs, si celles-ci commencent à augmenter, les prêts douteux bruts en souffrance, ce sont les plus importants, parce que ce qui m’intéresse le plus en ce moment, c’est qui a raison. Est-ce que c’est ce dont le marché tient compte dans ce cycle de crédit important? Ou est-ce vraiment ce que je vois de mes propres yeux en ce moment, c’est-à-dire l’absence de signes d’un cycle de crédit? Alors lequel des deux est exact? C’est ce que je vais surveiller de très près.
On a hâte d’avoir cette discussion pour trouver la réponse à cette question. Mario, merci beaucoup.
Merci.
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