De tous les rapports économiques américains publiés mensuellement, les données sur l’emploi sont les plus suivies par le marché obligataire. Greg Bonnell discute avec Alexandra Gorewicz, gestionnaire de portefeuille, Titres à revenu fixe à gestion active, Gestion de Placements TD, de ce que les négociants en obligations constatent et des répercussions sur l’économie.
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La hausse des taux par rapport au ralentissement de la croissance, un bras de fer, est l’un des principaux thèmes qui vont animer les marchés tout au long de l’année. Eh bien, ma prochaine invitée nous parle des données clés à surveiller : le marché américain de l’emploi. Et selon son rendement récent, la réaction des marchés obligataires semble un peu plus probable. L’économie américaine pourrait connaître un atterrissage difficile. J’accueille Alex Gorewicz, gestionnaire de portefeuille, Titres à revenu fixe à gestion active, Gestion de Placements TD. Alex, c’est un plaisir de vous revoir à l’émission. Merci, Greg. C’est un plaisir d’être ici. Parlons donc des forces contraires qu’on observe en ce moment. Et vous dites qu’il faut examiner le marché de l’emploi. On surveille tous l’inflation. On surveille tous ceci ou cela. Pourquoi les emplois sont-ils si importants? Ce sera vraiment une indication de ce que la Fed fera ensuite, si on ne parle que du marché américain. Mais en réalité, n’importe quelle banque centrale va porter une attention particulière au marché de l’emploi. On sait donc que, pour que les banques centrales, et la Fed en particulier, cessent de relever les taux d’intérêt, elles doivent tenir compte de l’inflation. Elles veulent que l’inflation baisse plusieurs mois de suite. On ne sait pas pendant combien de mois, mais disons de trois à quatre mois, et le niveau va probablement être important aussi. Mais tant qu’on commence à voir cette tendance de décélération de l’inflation, je pense qu’on pourrait profiter d’une pause à un moment donné, peut-être plus tard cette année, peut-être au début de l’année prochaine. Mais pour ce qui est de ce à quoi le marché obligataire s’attend actuellement, compte tenu du resserrement du marché du travail, et par resserrement, je veux simplement dire, vous savez, qu’il n’y a rien de très flexible. Vous savez, le taux de chômage est très faible. La croissance des salaires commence vraiment à prendre de la vitesse. Et au cours des trois ou quatre derniers mois, la croissance des salaires a été en moyenne supérieure à 5 %. Et donc, on commence à voir ce genre de dynamique dans le marché du travail qui rend les marchés obligataires nerveux quant à la quantité potentielle de nouvelles positives. Quand on pense aux raisons pour lesquelles le marché obligataire a pris en compte de deux à trois réductions de taux à compter du deuxième semestre de l’année prochaine pour la Banque du Canada et la Fed, ça a à voir avec les emplois, et au fait qu’elles s’attendent à ce que les bonnes nouvelles soient derrière elles, pour qu’à l’avenir, il y ait une augmentation probable du chômage et un ralentissement global. D’accord, c’est intéressant, parce que c’est le croisement de ce qu’elles tentent de réaliser en termes de réduction de l’inflation en comprimant en quelque sorte notre demande. Les salaires suscitent un peu d’inquiétude. Mais elles ne cessent de répéter que ça va faire mal. Il faut qu’on endure ces difficultés-là. Mais le fait que le marché obligataire dise à un moment donné que les difficultés vont l’amener à réduire... non pas qu’il va s’effondrer, mais il va se rendre compte que non seulement le travail est fait, mais qu’il est en quelque sorte en difficulté. Oui. Et on ne sait pas vraiment à quel niveau ce sera. Il suffit de regarder ce que la Fed avait déclaré à sa réunion de juin pour avoir des indications quant à ses prévisions économiques, mais on n’en saura pas plus avant sa prochaine réunion dans deux semaines. Mais en juin, elle a dit qu’elle croyait que le taux de chômage augmenterait à environ 4,1 %, mais il est maintenant autour de 3,5 %. On pense donc qu’une légère hausse du chômage et ça vont nous aider à réduire l’inflation. Et, en fait, on a vu un certain nombre d’économistes ou d’anciens décideurs de premier plan, comme l’ancien économiste en chef du FMI, Olivier Blanchard, des personnes comme l’ancien secrétaire du Trésor américain, Larry Summers, affirmer qu’il semble y avoir des signes de changements structurels sur le marché du travail, qui pourraient indiquer que pour réduire l’inflation, il faut augmenter le chômage beaucoup plus que ce que l’on dit actuellement. On connaît les perspectives de cet atterrissage en douceur, c’est-à-dire un ralentissement économique sans hausse importante du chômage, probablement assez faible. En fait, depuis Jackson Hole et le discours de Powell, tous les discours consécutifs de la Fed n’ont pas vraiment parlé d’atterrissage en douceur. Je pense donc qu’elle essaie de signaler qu’une récession est probable. Donc s’il n’y a pas d’atterrissage en douceur et, évidemment, comme vous le dites, ça ne semble pas possible, compte tenu de la politique en vigueur. À quoi ressemble un atterrissage brutal? Qu’est-ce que ça signifie pour les titres à revenu fixe et pour les investisseurs? Oui. C’est la grande question. On n’a pas encore d’idée sur le type de récession qui pourrait survenir. Il y a donc deux façons d’aborder la question. C’est ce qu’on appelle le pour et le contre pour un scénario d’atterrissage en douceur ou brutal, ou un scénario normal de récession. D’une part, l’inflation, si on se fie au niveau actuel, disons de 8 % à 9 %, indiquerait que si on veut vraiment lutter contre l’inflation, il faudrait relever les taux d’intérêt à ce niveau-là. Les banques centrales, la Fed et la Banque du Canada ne laissent pas entendre qu’elles vont le faire. En fait, elles nous ont dit qu’elles croyaient que leur fourchette neutre se situait entre 2 % et 3 % si les taux d’intérêt étaient portés à 3 % à 4 %, qu’elles croyaient que c’était suffisamment restrictif pour l’économie. Mais en réalité, du point de vue des taux réalisés, les taux seraient tout de même négatifs pour l’économie, ce qui signifie que ce n’est pas si catastrophique. Ça devrait être relativement simple à gérer pour l’économie. Il va certainement y avoir un ralentissement, mais il ne sera pas très important. En revanche, vous savez, si ces personnalités éminentes qui disent que le chômage doit augmenter substantiellement ont raison, et que la Fed doit augmenter les taux de plus de 4 %, il est très possible que le ralentissement économique sera beaucoup plus important et beaucoup plus long qu’une récession normale. Ça me fait penser à la dynamique qui alimente l’inflation en ce moment et au fait que certaines préoccupations ont été soulevées, et les Services économiques TD les ont également partagées récemment, et que c’était une chose d’avoir suffisamment de prix des aliments, qui peuvent peut-être varier en fonction des conditions géopolitiques, et les prix de l’énergie, qui peuvent varier considérablement en fonction des conditions géopolitiques. Et les prix de l’énergie ont chuté. Et ça va commencer à se faire sentir sur le secteur des services, n’est-ce pas? Et une fois les salaires augmentés, ça va être assez difficile, je suppose, pour le patron de revenir et de dire : « oh, l’inflation ne semble plus être un problème, on va récupérer cet argent-là ». Merci beaucoup, mais je pense que je vais conserver mon augmentation. Oui, c’est exact. Et c’est probablement ce qui rend la situation si difficile, étant donné que les banques centrales ont été en retard jusqu’à maintenant, si elles avaient une meilleure idée, je suppose, des taux directeurs actuels, principalement parce que les marchés obligataires les ont traînées dans cette direction pendant la majeure partie des six à neuf derniers mois. Mais on va certainement voir un bras de fer, parce que les banques centrales vont dire qu’elles veulent hausser les taux d’intérêt à un certain niveau, puis les maintenir là. Et les marchés obligataires disent, eh bien, non, parce qu’en examinant l’augmentation des coûts pour les entreprises, que ce soit au niveau des salaires, ou des produits de base, qui sont des coûts d’intrants pour les sociétés, la demande globale et la demande économique vont chuter encore plus. Et il y a maintenant en quelque sorte un bras de fer entre les décideurs et le marché. Donc en ce qui concerne les répercussions dont vous parliez plus tôt sur les titres à revenu fixe ou les placements, malheureusement, ça signifie une volatilité accrue. Mais ça signifie également que, même s’il y a eu une hausse des taux d’intérêt, les écarts de taux des obligations de sociétés se sont élargis depuis le début de l’année, et ça ne signifie pas nécessairement que c’est terminé. Et, en fait, s’il y a une récession, pour les obligations de sociétés en particulier, on sait qu’au début de la récession, ou peut-être même avant qu’elle commence, les entreprises, surtout avec de bonnes équipes de direction, vont être en mesure de gérer ces coûts accrus, que ce soit les salaires ou autres. Mais si la récession est plus profonde, plus longue que prévu, il y a une limite à la gestion des coûts. Et les écarts de taux des obligations de sociétés finissent par s’élargir à mesure que leurs paramètres fondamentaux se détériorent, ce qui exacerbe le ralentissement économique. Il y a donc tellement d’inconnues en ce moment quant aux répercussions. Et une grande partie de ça va dépendre de l’impact de la dynamique du travail sur le type de récession qu’on va connaître. Vous avez parlé d’un bras de fer entre ce que les décideurs tentent d’accomplir, ce qu’ils tentent de signaler, et ce que les marchés obligataires nous disent. Un bras de fer, qui pourrait donner un peu d’élan. Et si une crise pouvait se produire? Il est arrivé que le marché décide simplement, vous savez, on n’aime pas du tout ce que vous faites. Jusqu’à présent, on semble bien se comporter. On ne semble pas être sur le point de déclencher une crise. Dans une certaine mesure, c’est facile de le voir, parce qu’on examine ce qu’on appelle les taux nominaux, et les taux nominaux peuvent être décomposés en taux réels, et en attentes d’inflation du marché. Si on regarde tout ça dans l’ensemble, les taux nominaux ont encore fortement augmenté cette année. Mais en fait, ce qui est le plus important, c’est le changement des taux réels. J’avais déjà mentionné, par exemple, que si on parle de taux réalisés, si on prend le taux directeur et qu’on soustrait l’inflation, le résultat est toujours négatif. Mais si le marché s’attend à ce que l’inflation se renverse relativement rapidement au cours des 12 prochains mois, si cette inflation diminue et que le taux directeur demeure plus élevé, on se retrouve avec des taux réels positifs. Et ça pourrait faire très mal à l’économie, parce qu’en fait, après avoir ajusté votre coût de la vie, vous devez payer assez cher pour emprunter de l’argent. Et notre économie repose sur le crédit.