
Malgré l’inflation et les craintes économiques persistantes, les consommateurs américains surprennent par leur désir de dépenser. Greg Bonnell discute avec Jacky He, analyste, Consommation discrétionnaire mondiale, Gestion de Placements TD, de la source de cette résilience et de la possibilité qu’elle se poursuive.
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[MUSIQUE]
La confiance des consommateurs américains a augmenté en mars après deux mois de repli dans un contexte de hausse des coûts et de crainte d’un ralentissement économique. Malgré tous ces problèmes, les niveaux de dépenses n’ont pas encore vraiment été affectés. Pour en discuter, Jacky He, analyste, Consommation discrétionnaire mondiale à Gestion de Placements TD se joint à nous. Bienvenue à l’émission, Jacky.
Je suis heureux d’être ici. Merci, Greg.
La période est très intéressante en matière d’actions de détail et de consommation discrétionnaire, avec toutes les inquiétudes auxquelles on fait face. Le fait qu’on ait vu le coût d’emprunt augmenter très fortement au cours de l’année. Mais globalement, le consommateur reste confiant, que se passe-t-il?
Oui, Greg, c’est intéressant. Je me rappelle encore l’année dernière, combien de fois j’ai été surpris par mes factures d’alimentation et d’essence. Comme vous l’avez dit, les coûts d’emprunt plus élevés ne font qu’empirer les choses. Mais si vous examinez les données, le revenu réel… c’est-à-dire votre revenu moins l’inflation, a diminué de 6 %. Mais la consommation réelle, les DPC réelles, a augmenté de 3 %.
La clé, c’est vraiment l’accès à l’épargne. Pendant la pandémie, les consommateurs ont accumulé beaucoup de chèques du gouvernement et de revenu de leurs investissements. Ils avaient donc des économies excédentaires et en ont utilisé environ 40 % pour financer leurs achats l’an dernier. C’est ce qui s’est passé. Et vous parlez de la confiance des consommateurs, c’est aussi intéressant parce que les gens ont tendance à l’utiliser comme indicateur avancé de ce qui va se passer pour les dépenses.
Or, cela peut parfois être trompeur, car le changement a vraiment été stimulé par les consommateurs à revenu élevé. C’est un peu contre-intuitif. Si vous regardez l’écart entre les consommateurs à revenu élevé et ceux à faible revenu, il a atteint un plancher historique. Les consommateurs à revenu élevé n’étaient pas bien. Ils avaient plus de biens immobiliers. Ils avaient plus d’actions et d’obligations, et ce sont eux qui ont le plus ressenti…
GREG BONNELL : Ce sont eux qui se sont le plus inquiétés, n’est-ce pas?
Exactement, ils ont ressenti l’impact le plus direct d’un intérêt plus élevé et de la faiblesse des marchés financiers. Mais leurs craintes n’ont pas vraiment eu d’incidence sur leurs dépenses. Ils ont juste assez dépensé pour stabiliser leurs habitudes de dépenses en période difficile. Ce qui est intéressant, c’est qu’on passe beaucoup de temps à parler des 20 % du bas à la baisse, mais ils ne représentent que 10 % de la consommation globale. La tranche supérieure de 20 %, qui reste résiliente, représente 40 % de la consommation. Il ne faut pas l’oublier.
Peut-on penser que, au cours de l’année… et c’est un avis partagé, bien que beaucoup de choses aient été imprévisibles ces dernières années… les hausses de taux d’intérêt vont prendre du temps à se répercuter sur l’économie? Est-ce qu’on peut penser que d’ici la fin de l’année le consommateur aura des raisons de se calmer un peu?
Oui, c’est intéressant. Si vous regardez ce que la société nous dit, les dépenses globales sont assez solides et la croissance a dépassé les attentes du marché, n’est-ce pas? Ça s’explique en partie par le fait que les consommateurs sont en bonne santé financière. Et par le fait que l’on ait plus de produits sur le marché que l’an dernier et les entreprises font plus de promotion.
Et à la base, cela s’explique en grande partie par les prix. Les consommateurs achètent peut-être moins d’articles, mais ils les payent plus cher. Les entreprises continuent donc d’en profiter. Mais si vous regardez ce qui se passe du point de vue de la rentabilité de l’entreprise, ça ne fonctionne pas bien. La plupart des sociétés ont vu leurs marges diminuer. Elles payent davantage pour les produits de base et aussi pour les employés.
Heureusement, on commence à voir des signes d’inflexion. Et les stocks diminuent considérablement. Cela signifie que les détaillants seront moins contraints de faire plus de promotion et le coût de la chaîne d’approvisionnement diminue considérablement. Si vous expédiez des articles de la Chine aux États-Unis, par exemple, auparavant, ça vous coûtait 10 000 $ par contenant. Maintenant, ça vous coûte moins de 2 000 $.
En fin d’année, la croissance pourrait être plus modérée, plus normalisée, mais la marge pourrait être meilleure.
Ça va changer lorsque les coûts commencent à baisser. C’est très logique pour les entreprises et ce qu’elles annoncent lors de la période de publication des bénéfices. Qu’en est-il du grand changement que l’on a connu? Naturellement, pendant la pandémie, avec tous les confinements, on a fait beaucoup de provisions, puis tout s’est ouvert. On s’est rué sur les services et on a beaucoup dépensé. Comment ça se passe maintenant à ce niveau?
Oui, c’est intéressant. J’aime le visuel. Si je peux afficher le graphique que j’ai apporté, c’est vraiment bien pour comparer le revenu réel du consommateur à sa consommation réelle. Il faut regarder les différentes phases. Avant la pandémie, on voit que le revenu réel et les dépenses réelles se chevauchent. Cela signifie que les consommateurs dépensent l’argent qu’ils gagnent.
Pendant la pandémie, la première moitié du temps les consommateurs ont accumulé beaucoup de chèques de relance et de revenus de leurs investissements, mais ils avaient peu d’occasions de dépenser. Cette accumulation d’une épargne excédentaire a servi à financer les dépenses pendant la deuxième moitié de la pandémie. Et maintenant, pour la première fois en trois ans, ces deux lignes convergent de nouveau.
Pour moi, cela signifie une normalisation. Les consommateurs seront plus sélectifs cette année en matière de dépenses non essentielles. Cela signifie que les entreprises devraient avoir recommencé à diverger. Dans ce contexte, les sociétés qui ont un pouvoir de fixation des prix durable et un potentiel de hausse des marges sont mieux positionnées. Pour en revenir à ce que vous disiez, je pense que plusieurs secteurs sont concernés. La demande pour les services est toujours très forte.
N’est-ce pas? On n’est qu’à mi-chemin de cette tendance. Et cela devrait continuer d’être avantageux pour l’ensemble des secteurs liés aux voyages. Et puis, si on regarde les écarts de prix dans le secteur du commerce de détail, ils sont également intéressants. Les consommateurs ont moins accès à l’épargne et moins d’avantages du gouvernement. Ils se soucient donc davantage de chaque dollar qu’ils dépensent. Ces entreprises sont donc en meilleure position.
Et le dernier point, mais non le moindre. C’est le luxe. Ces clients sont mieux isolés et leurs produits sont également plus différenciés. Donc cela signifie un pouvoir d’établissement des prix et une meilleure protection de marge.
Parlons plus du luxe, car j’ai trouvé intéressant que vous disiez que les données sur la confiance des consommateurs peuvent être un peu trompeuses, parce que les personnes qui ont des actifs et un patrimoine se sentent mal parce qu’elles voient la valeur de leurs actifs diminuer, mais elles ont toujours un revenu disponible. Alors le luxe. Prenons l’exemple d’une Ferrari.
Oui, c’est intéressant, Ferrari. Tous les produits de luxe se sont très bien comportés cette année. Et on parle de la résilience élevée des revenus, mais en plus, la Chine rouvre ses portes. C’est un facteur favorable très important pour l’ensemble du secteur. La consommation chinoise représente environ le tiers des dépenses mondiales de luxe. Regardez les centres commerciaux dans les grandes villes actuellement. Et regardez les marques moyennes, le trafic est médiocre parce que les consommateurs sont toujours en convalescence. Mais si l’on se tourne vers les grandes marques comme LV, Dior ou Hermès, la file d’attente est longue.
La demande est donc solide. Les consommateurs à valeur élevée résistent très bien. Mais il ne s’agit pas seulement de la reprise du pays. Les deux tiers des dépenses de luxe chinoises sont effectués à l’extérieur du pays. Parce que si vous achetez un sac Birkin à Paris, c’est beaucoup moins cher qu’à Beijing. N’est-ce pas? Les gens s’en rendent compte. Et il y a aussi beaucoup de facteurs spécifiques au sein du secteur du luxe qui peuvent être très intéressants.
La raison pour laquelle Ferrari se porte très bien… La première raison, c’est qu’ils lancent enfin leur premier VUS, la Purosangue. Et ils vont facturer un prix plus élevé pour ce produit. C’est intéressant, parce que si vous regardez la situation il y a 10 ans, vous aviez un VUS pour cinq voitures. Maintenant, à peu près la moitié des véhicules sur la route sont des VUS.
C’est énorme pour le secteur de l’automobile. Et si Ferrari réussit, ce produit peut les propulser dans un marché plus important et en croissance rapide. N’oubliez pas que ce n’est qu’un des 15 nouveaux modèles qu’ils sont sur le point de lancer au cours des prochaines années.
[MUSIQUE]
La confiance des consommateurs américains a augmenté en mars après deux mois de repli dans un contexte de hausse des coûts et de crainte d’un ralentissement économique. Malgré tous ces problèmes, les niveaux de dépenses n’ont pas encore vraiment été affectés. Pour en discuter, Jacky He, analyste, Consommation discrétionnaire mondiale à Gestion de Placements TD se joint à nous. Bienvenue à l’émission, Jacky.
Je suis heureux d’être ici. Merci, Greg.
La période est très intéressante en matière d’actions de détail et de consommation discrétionnaire, avec toutes les inquiétudes auxquelles on fait face. Le fait qu’on ait vu le coût d’emprunt augmenter très fortement au cours de l’année. Mais globalement, le consommateur reste confiant, que se passe-t-il?
Oui, Greg, c’est intéressant. Je me rappelle encore l’année dernière, combien de fois j’ai été surpris par mes factures d’alimentation et d’essence. Comme vous l’avez dit, les coûts d’emprunt plus élevés ne font qu’empirer les choses. Mais si vous examinez les données, le revenu réel… c’est-à-dire votre revenu moins l’inflation, a diminué de 6 %. Mais la consommation réelle, les DPC réelles, a augmenté de 3 %.
La clé, c’est vraiment l’accès à l’épargne. Pendant la pandémie, les consommateurs ont accumulé beaucoup de chèques du gouvernement et de revenu de leurs investissements. Ils avaient donc des économies excédentaires et en ont utilisé environ 40 % pour financer leurs achats l’an dernier. C’est ce qui s’est passé. Et vous parlez de la confiance des consommateurs, c’est aussi intéressant parce que les gens ont tendance à l’utiliser comme indicateur avancé de ce qui va se passer pour les dépenses.
Or, cela peut parfois être trompeur, car le changement a vraiment été stimulé par les consommateurs à revenu élevé. C’est un peu contre-intuitif. Si vous regardez l’écart entre les consommateurs à revenu élevé et ceux à faible revenu, il a atteint un plancher historique. Les consommateurs à revenu élevé n’étaient pas bien. Ils avaient plus de biens immobiliers. Ils avaient plus d’actions et d’obligations, et ce sont eux qui ont le plus ressenti…
GREG BONNELL : Ce sont eux qui se sont le plus inquiétés, n’est-ce pas?
Exactement, ils ont ressenti l’impact le plus direct d’un intérêt plus élevé et de la faiblesse des marchés financiers. Mais leurs craintes n’ont pas vraiment eu d’incidence sur leurs dépenses. Ils ont juste assez dépensé pour stabiliser leurs habitudes de dépenses en période difficile. Ce qui est intéressant, c’est qu’on passe beaucoup de temps à parler des 20 % du bas à la baisse, mais ils ne représentent que 10 % de la consommation globale. La tranche supérieure de 20 %, qui reste résiliente, représente 40 % de la consommation. Il ne faut pas l’oublier.
Peut-on penser que, au cours de l’année… et c’est un avis partagé, bien que beaucoup de choses aient été imprévisibles ces dernières années… les hausses de taux d’intérêt vont prendre du temps à se répercuter sur l’économie? Est-ce qu’on peut penser que d’ici la fin de l’année le consommateur aura des raisons de se calmer un peu?
Oui, c’est intéressant. Si vous regardez ce que la société nous dit, les dépenses globales sont assez solides et la croissance a dépassé les attentes du marché, n’est-ce pas? Ça s’explique en partie par le fait que les consommateurs sont en bonne santé financière. Et par le fait que l’on ait plus de produits sur le marché que l’an dernier et les entreprises font plus de promotion.
Et à la base, cela s’explique en grande partie par les prix. Les consommateurs achètent peut-être moins d’articles, mais ils les payent plus cher. Les entreprises continuent donc d’en profiter. Mais si vous regardez ce qui se passe du point de vue de la rentabilité de l’entreprise, ça ne fonctionne pas bien. La plupart des sociétés ont vu leurs marges diminuer. Elles payent davantage pour les produits de base et aussi pour les employés.
Heureusement, on commence à voir des signes d’inflexion. Et les stocks diminuent considérablement. Cela signifie que les détaillants seront moins contraints de faire plus de promotion et le coût de la chaîne d’approvisionnement diminue considérablement. Si vous expédiez des articles de la Chine aux États-Unis, par exemple, auparavant, ça vous coûtait 10 000 $ par contenant. Maintenant, ça vous coûte moins de 2 000 $.
En fin d’année, la croissance pourrait être plus modérée, plus normalisée, mais la marge pourrait être meilleure.
Ça va changer lorsque les coûts commencent à baisser. C’est très logique pour les entreprises et ce qu’elles annoncent lors de la période de publication des bénéfices. Qu’en est-il du grand changement que l’on a connu? Naturellement, pendant la pandémie, avec tous les confinements, on a fait beaucoup de provisions, puis tout s’est ouvert. On s’est rué sur les services et on a beaucoup dépensé. Comment ça se passe maintenant à ce niveau?
Oui, c’est intéressant. J’aime le visuel. Si je peux afficher le graphique que j’ai apporté, c’est vraiment bien pour comparer le revenu réel du consommateur à sa consommation réelle. Il faut regarder les différentes phases. Avant la pandémie, on voit que le revenu réel et les dépenses réelles se chevauchent. Cela signifie que les consommateurs dépensent l’argent qu’ils gagnent.
Pendant la pandémie, la première moitié du temps les consommateurs ont accumulé beaucoup de chèques de relance et de revenus de leurs investissements, mais ils avaient peu d’occasions de dépenser. Cette accumulation d’une épargne excédentaire a servi à financer les dépenses pendant la deuxième moitié de la pandémie. Et maintenant, pour la première fois en trois ans, ces deux lignes convergent de nouveau.
Pour moi, cela signifie une normalisation. Les consommateurs seront plus sélectifs cette année en matière de dépenses non essentielles. Cela signifie que les entreprises devraient avoir recommencé à diverger. Dans ce contexte, les sociétés qui ont un pouvoir de fixation des prix durable et un potentiel de hausse des marges sont mieux positionnées. Pour en revenir à ce que vous disiez, je pense que plusieurs secteurs sont concernés. La demande pour les services est toujours très forte.
N’est-ce pas? On n’est qu’à mi-chemin de cette tendance. Et cela devrait continuer d’être avantageux pour l’ensemble des secteurs liés aux voyages. Et puis, si on regarde les écarts de prix dans le secteur du commerce de détail, ils sont également intéressants. Les consommateurs ont moins accès à l’épargne et moins d’avantages du gouvernement. Ils se soucient donc davantage de chaque dollar qu’ils dépensent. Ces entreprises sont donc en meilleure position.
Et le dernier point, mais non le moindre. C’est le luxe. Ces clients sont mieux isolés et leurs produits sont également plus différenciés. Donc cela signifie un pouvoir d’établissement des prix et une meilleure protection de marge.
Parlons plus du luxe, car j’ai trouvé intéressant que vous disiez que les données sur la confiance des consommateurs peuvent être un peu trompeuses, parce que les personnes qui ont des actifs et un patrimoine se sentent mal parce qu’elles voient la valeur de leurs actifs diminuer, mais elles ont toujours un revenu disponible. Alors le luxe. Prenons l’exemple d’une Ferrari.
Oui, c’est intéressant, Ferrari. Tous les produits de luxe se sont très bien comportés cette année. Et on parle de la résilience élevée des revenus, mais en plus, la Chine rouvre ses portes. C’est un facteur favorable très important pour l’ensemble du secteur. La consommation chinoise représente environ le tiers des dépenses mondiales de luxe. Regardez les centres commerciaux dans les grandes villes actuellement. Et regardez les marques moyennes, le trafic est médiocre parce que les consommateurs sont toujours en convalescence. Mais si l’on se tourne vers les grandes marques comme LV, Dior ou Hermès, la file d’attente est longue.
La demande est donc solide. Les consommateurs à valeur élevée résistent très bien. Mais il ne s’agit pas seulement de la reprise du pays. Les deux tiers des dépenses de luxe chinoises sont effectués à l’extérieur du pays. Parce que si vous achetez un sac Birkin à Paris, c’est beaucoup moins cher qu’à Beijing. N’est-ce pas? Les gens s’en rendent compte. Et il y a aussi beaucoup de facteurs spécifiques au sein du secteur du luxe qui peuvent être très intéressants.
La raison pour laquelle Ferrari se porte très bien… La première raison, c’est qu’ils lancent enfin leur premier VUS, la Purosangue. Et ils vont facturer un prix plus élevé pour ce produit. C’est intéressant, parce que si vous regardez la situation il y a 10 ans, vous aviez un VUS pour cinq voitures. Maintenant, à peu près la moitié des véhicules sur la route sont des VUS.
C’est énorme pour le secteur de l’automobile. Et si Ferrari réussit, ce produit peut les propulser dans un marché plus important et en croissance rapide. N’oubliez pas que ce n’est qu’un des 15 nouveaux modèles qu’ils sont sur le point de lancer au cours des prochaines années.
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