Devant l’inflation qui a grimpé à 4 % en août, la Banque du Canada devra-t-elle de nouveau hausser les taux d’intérêt? Greg Bonnell, de Parlons Argent, discute avec Robert Both, stratège macroéconomique, Valeurs Mobilières TD.
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Les prix d'essence plus élevés ont fait grimper l'inflation à 4 % en août, mais la Banque du Canada sera-t-elle en mesure de voir au-delà de cette accélération des coûts de l'énergie et de maintenir les taux d'intérêt en suspens? Robert Both, de Valeurs mobilières TD se joint à nous. Bonjour, Greg. Ça me fait toujours plaisir de m'entretenir avec vous et d'évoquer les perspectives pour la Banque du Canada et ce à quoi les Canadiens peuvent s'attendre. Parlons-en! L'inflation globale tout d'abord. Elle était inférieure à 3 % au début de l'été, et puis le prix de l'essence l'a fait dépasser les 4 %. C'est plus élevé que beaucoup de gens ne s'y attendaient. Oui. Il y a seulement deux mois, l'inflation était à 2,8 % sur 12 mois. Nous savions qu'elle allait remonter à cause des effets de comparaison engendrés par la baisse des coûts de l'énergie l'an dernier. Toutefois, les deux derniers mois ont vu l'inflation progresser beaucoup plus que le marché ne l'avait prévu. Au lieu de revenir à 3,5 % sur 12 mois, l'inflation tourne autour de 4 %, en hausse de 7/10 de pour cent par rapport aux 3,3 % de juillet. L'augmentation sur un mois de l'inflation globale et de l'inflation de base de 0,4 % d'un mois sur l'autre: il ne s'agissait pas uniquement des prix de l'énergie. Mais comme nous l'avions prévu, la hausse est plus généralisée que nous ne l'avions envisagé, et cela doit inquiéter la Banque du Canada, qui était très préoccupée par la persistance des pressions s'exerçant sur les prix. L'inflation globale, c'est une chose. Elle évolue au gré d'éléments comme les prix de l'essence, mais l'inflation de base tourne autour de 4 %. Ce n'est pas un endroit où la Banque se sent à l'aise. Non. La Banque du Canada ne va pas se sentir à l'aise. Même s'il y a eu un apport important du prix de l'essence, du mazout, de l'électricité, les pressions inflationnistes étaient beaucoup plus généralisées. Les loyers ont rebondi quelque peu. Les intérêts sur les prêts hypothécaires ont augmenté et il y a également eu une certaine pression exercée par les biens de consommation dont les hausses de prix perdaient de la vitesse depuis quelques mois: l'habillement, le mobilier, les appareils ménagers, les secteurs de l'économie, dans lesquels les dépenses affichent une tendance à la baisse depuis quelques mois. Tout à coup, les pressions sur les prix commencent à refaire leur apparition, et c'est ce qui a contribué au rebond de l'inflation de base. Outre le phénomène de l'inflation, l'économie avait été plus faible au deuxième trimestre que prévu. Le marché du travail avait commencé à manifester un dynamisme moins important. Qu'est-ce que la Banque du Canada va prendre en compte à la prochaine réunion? La prochaine réunion aura lieu vers la fin octobre. Il y a encore une période pendant laquelle la Banque peut évaluer les statistiques qui paraîtront pour déterminer si le choc de l'inflation justifie d'augmenter les taux au-delà de 5 %, potentiellement. En particulier, nous allons surveiller le rapport sur le PIB de vendredi. Ce sont les données du mois de juillet. Également un coup d'œil à l'activité économique au mois d'août. Il y a encore les statistiques de l'inflation pour le mois de septembre, et puis les derniers chiffres qui paraîtront avant la prochaine réunion de la Banque du Canada, qui intéresseront beaucoup la Banque, ce sont les sondages sur les perspectives des entreprises et des consommateurs pour le troisième trimestre, qui vont nous donner une meilleure idée de l'optimisme. Dans le rapport de Valeurs mobilières TD de ce matin, cette ligne m'a frappé: Si les prochaines hausses de l'inflation sont plus élevées que prévues, il y aura certainement une hausse des taux au mois d'octobre. Je pense que ça ne repose pas uniquement sur les prochains chiffres de l'inflation. Je n'y attacherais pas une telle importance, car il y a eu davantage de signes de ralentissements dans les secteurs de la croissance d'ici quelques mois, surtout pour les comptes nationaux du deuxième trimestre. Quand vous constatez que les taux d'intérêt déjà augmentés ont un impact plus important sur la croissance, cela laisse à croire que l'inflation va refluer au fil du temps. Mais les chocs de l'inflation sont des données qui vont en sens contraire. Il y a une limite à ce que la Banque du Canada pourra tolérer. Si l'inflation s'avère plus sensible et que la croissance rebondit au deuxième semestre, si ce choc du deuxième trimestre semble avoir été une anomalie, je serais plus préoccupé quant aux perspectives d'une autre série de hausses de taux de la Banque du Canada. Mais je pense que celle-ci va procéder à une analyse synthétique des données qui paraîtront d'ici six semaines plutôt que simplement les statistiques sur inflation. Depuis un an et demi, les hausses de taux ont été très énergiques. Notre banque centrale, mais celles des autres banques des G7, y compris la Fed bien sûr... Que se produit-il? Pourquoi l'inflation n'est-elle pas maîtrisée? Les prix de l'énergie sont un facteur externe affecté par l'OPEP. Mais est-ce qu'il y a des facteurs à l'intérieur de nos frontières qui empêchent de maîtriser l'inflation même si les taux augmentent constamment? Le gouverneur Macklem en a parlé dans son tout dernier discours. Cela a pris un peu plus longtemps que nous ne l'avions prévu pour que les hausses de taux affectent la croissance économique. Tout comme cela a pris plus longtemps que prévu pour que cela se produise, cela prend plus longtemps pour que la croissance plus lente entraîne une baisse des pressions inflationnistes. Il y a un secteur que je surveillerais de près, c'est le marché du travail. Il y a eu certains indices de rééquilibrage du marché du travail, le taux de chômage a progressé de 0,6 % et se rapproche des niveaux auxquels il n'y a plus de pression à la hausse sur la croissance des salaires. Le marché du travail demeure exceptionnellement serré, Toutefois, les chiffres sur les postes non pourvus en sont toujours au niveau pré COVID, mais il y a eu un rééquilibrage depuis 12 mois. Une fois que le marché du travail parviendra à l'équilibre, nous pouvons être davantage convaincus que nous n'alourdissons pas les pressions inflationnistes à l'intérieur. La Banque du Canada a beaucoup plus de possibilités de faire abstraction des chocs inflationnistes externes plutôt que de la hausse de la demande, qui a été un élément clé.