
Les structures de portefeuille traditionnelles sont-elles toujours efficaces dans le contexte de placement actuel? Jitania Kandhari, chef des placements adjointe, Groupe Solutions et Actifs multiples, Morgan Stanley Investment Management, analyse les différents facteurs à prendre en considération au moment de construire un portefeuille.
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Certains investisseurs ont remis en question le bien-fondé de la stratégie de portefeuille 60-40 dans un contexte de hausse agressive de taux d'intérêt par les banques centrales. Mais alors que nous arrivons peut-être à la fin du cycle de hausse des taux, le 60-40 mérite-t-il être revu? Jitania Kandhari est directrice adjointe à Morgan Stanley Investment Management. Elle nous rejoint pour en discuter. Bonjour, Jitania.
Bonjour, Greg, merci de m'inviter.
Puisque c'est votre première fois et que vous occupez de nombreuses responsabilités, voulez-vous nous parler de vos domaines d'intervention?
Volontiers. J'ai commencé ma carrière sur les marchés émergents. Je suis originaire de l'Inde. Cette catégorie d'actifs me passionne. J'étais responsable de la répartition géographique des analyses macro-thématiques. Il y a quelques années, je me suis chargée de la gestion d'un portefeuille d'actions mondiales, c'est-à-dire tout sauf les marchés émergents et les États-Unis. Depuis un an et demi, j'ai été rattachée au bureau du chef des placements afin de réfléchir au niveau stratégique à titre de chef des placements adjoint dans le secteur de nos clients stratégiques et nos solutions personnalisées en fonction des objectifs à long terme.
Il se passe donc beaucoup de choses intéressantes au niveau macro-économique, beaucoup de gens s'intéressent aux considérations macro-économiques et ce depuis quelque temps à cause de l'actualité. Parlons du portefeuille 60-40. On nous pose souvent des questions à ce sujet. Bien sûr, ce genre de portefeuille n'a pas donné les résultats voulus en 2022 compte tenu de la conjoncture.
Il est très important de comprendre les antécédents de cette combinaison. Si l'on remonte sur 200 ans, à partir de 1820, la norme, j'ai un graphique pour illustrer, la norme, historiquement, ça a été une corrélation positive entre les actions et les obligations. Les 20 dernières années sont une aberration et nous sommes revenus à une corrélation positive. Ce qu'il faut savoir, c'est que les rendements lamentables depuis un an, où les actions et les obligations sont en territoire négatif et les actions n'ont pas ajouté leur rôle de diversification, ce résultat ne s'est produit que 16 fois depuis 200 ans. Il y a seulement de probabilité de 8 %. Parier contre ce portefeuille signifie parier avec 92 % de chances de ne pas gagner. La possibilité que cette année terrible se reproduise, historiquement, la deuxième et la troisième année dans ces séquences ont toujours été positives. Voilà pour l'histoire. Mais aujourd'hui, oui, les obligations à titre de facteur de diversification, cet impact dans les taux plus élevés plus longtemps sera atténué mais c'est un bon point de départ. Il importe de se rappeler que le rendement corrigé du risque dorénavant sera inférieur aux 8 % moyens procurés par cette combinaison. Il faut des rendements non corrélés, par conséquent, utiliser ce portefeuille comme point de départ et acheter des rendements non corrélés comme des couvertures contre l'inflation, des actifs réels, même des fonds de couverture, c'est ce que nous conseillons aux clients. Plus vous diversifiez, à partir de ce genre de point de départ.
Ceux qui étudient le marché obligataire disent qu'il y a une différence après tout ce que nous avons vécu. Dans ce volet du portefeuille, même si les taux peuvent demeurer plus élevés plus longtemps, on obtient un coupon, ce qui n'était pas le cas il y a un an et demi.
Tout à fait. C'est vraiment le rêve du marché obligataire, toucher 5 % sur des titres de créance de grande qualité à court terme. C'est donc la meilleure façon d'investir dans le secteur des titres à revenu fixe car ces actifs en cas de récession offrent une couverture. Depuis 1872, il y a eu 30 récessions aux États-Unis, et dans chaque cas les obligations ont procuré des rendements nominaux positifs. Si nous entrons en récession, même légère, les obligations seront un bon facteur de diversification. Si vous considérez ce qui s'est passé cette année, l'indice des obligations locales des marchés émergents est en hausse de 5 %, même si l'indice Barclays, qui est l'équivalent pour les marchés développés, est en recul de 15 points de base. Il se passe beaucoup de choses et il y a beaucoup d'occasions à saisir qui pourraient être intégrées dans un portefeuille 60-40, même à ce stade.
Parlons-en, à ce stade du cycle. Quelles sont les actions, les obligations qui vous paraissent intéressantes?
Pour les actions, les États-Unis semblent coûteux. La concentration, j'ai un graphique sur la contribution des meilleurs secteurs aux rendements totaux aux États-Unis. Ceci semble excessif. Sur le marché américain, le rendement en cumul annuel est de 17 %, mais si l'on exclut les sept titres de méga capitalisation, on se retrouve avec 3 % seulement. Les marchés émergents en hausse de 5 %, mais hors Chine, la hausse est de 10 %. L'Europe surclasse même les États-Unis hors méga capitalisation. Il se passe beaucoup de choses. Certains secteurs du monde hors États-Unis nous plaisent. L'indice à pondération égale paraît très intéressant, parce que comme vous pouvez le voir dans le graphique de concentration, la contribution du secteur le plus important au rendement total est plus élevée que depuis 1975. Il y a eu trois ou quatre cas où ces niveaux ont été atteints, mais la contribution redescend toujours. Donc il y a une plus grande diffusion au niveau de rendement aux États-Unis. Certains secteurs des marchés émergents hors Chine semblent très intéressants pour différentes raisons thématiques dont nous avons parlé, et même en Europe, qui représente 50 % de l'indice MSCI, les bénéfices proviennent de l'extérieur de l'Europe. Qu'est-ce qu'il se passe au niveau de l'économie intérieure, de l'inflation, au niveau de l'environnement récessionnaire, cela ne reflète pas vraiment les bénéfices des entreprises européennes, car l'euro qui est très bon marché peut représenter un multiplicateur pour les bénéfices des entreprises du MSCI Europe. Nous trouvons des occasions hors des États-Unis ou même aux États-Unis, à l'extérieur des titres de méga capitalisation. Il y aura différents chefs de file, même pendant cette décennie. Chaque décennie a des leaders en technologie mais nous voulons vraiment nous diversifier. Voilà pour les actions. Pour les obligations, comme je l'ai dit, court terme, grande qualité, certains créneaux sur les marchés émergents, dette locale et souveraine, parce que ces pays, dans certains cas, ont mis de l'ordre dans leurs économies et puis dans toute la gamme des actifs réels de l'infrastructure avec tous les investissements qui sont en cours, les produits de base à titre de catégorie d'actifs. Il y a beaucoup d'occasions à saisir, même à ce stade du cycle économique que nous vivons.
Quels sont les risques dans cet environnement? Nous avons commencé l'année sachant que les banques centrales avaient énergiquement relevé les taux d'intérêt. Les titres de technologies ont été atteints. On n'aurait pas pu prédire que les taux d'intérêt continueraient à augmenter et les titres de technologie aussi.
Le boum de la technologie, ça a été comme le boum de l'intelligence artificielle. C'était imprévu. Ce positionnement était également extrêmement faible en octobre 2022 lorsque le reste du marché et les marchés d'autres régions du monde ont commencé à remonter. C'était un des motifs de ce phénomène. Le risque, c'est un atterrissage brutal en Chine, ce qui semble peu probable compte tenu de ce qui se produit là-bas. Le risque d'une erreur de la part de la Fed dans sa politique monétaire, cela pourrait perturber beaucoup d'hypothèses que nous posons au sujet des catégories d'actifs. Et puis un événement géopolitique, en général, cela engendre des perturbations sur le marché à moyen terme chaque fois qu'il y a un problème géopolitique. Voilà les risques qui nous occupent constamment et que nous surveillons de près.
Certains investisseurs ont remis en question le bien-fondé de la stratégie de portefeuille 60-40 dans un contexte de hausse agressive de taux d'intérêt par les banques centrales. Mais alors que nous arrivons peut-être à la fin du cycle de hausse des taux, le 60-40 mérite-t-il être revu? Jitania Kandhari est directrice adjointe à Morgan Stanley Investment Management. Elle nous rejoint pour en discuter. Bonjour, Jitania.
Bonjour, Greg, merci de m'inviter.
Puisque c'est votre première fois et que vous occupez de nombreuses responsabilités, voulez-vous nous parler de vos domaines d'intervention?
Volontiers. J'ai commencé ma carrière sur les marchés émergents. Je suis originaire de l'Inde. Cette catégorie d'actifs me passionne. J'étais responsable de la répartition géographique des analyses macro-thématiques. Il y a quelques années, je me suis chargée de la gestion d'un portefeuille d'actions mondiales, c'est-à-dire tout sauf les marchés émergents et les États-Unis. Depuis un an et demi, j'ai été rattachée au bureau du chef des placements afin de réfléchir au niveau stratégique à titre de chef des placements adjoint dans le secteur de nos clients stratégiques et nos solutions personnalisées en fonction des objectifs à long terme.
Il se passe donc beaucoup de choses intéressantes au niveau macro-économique, beaucoup de gens s'intéressent aux considérations macro-économiques et ce depuis quelque temps à cause de l'actualité. Parlons du portefeuille 60-40. On nous pose souvent des questions à ce sujet. Bien sûr, ce genre de portefeuille n'a pas donné les résultats voulus en 2022 compte tenu de la conjoncture.
Il est très important de comprendre les antécédents de cette combinaison. Si l'on remonte sur 200 ans, à partir de 1820, la norme, j'ai un graphique pour illustrer, la norme, historiquement, ça a été une corrélation positive entre les actions et les obligations. Les 20 dernières années sont une aberration et nous sommes revenus à une corrélation positive. Ce qu'il faut savoir, c'est que les rendements lamentables depuis un an, où les actions et les obligations sont en territoire négatif et les actions n'ont pas ajouté leur rôle de diversification, ce résultat ne s'est produit que 16 fois depuis 200 ans. Il y a seulement de probabilité de 8 %. Parier contre ce portefeuille signifie parier avec 92 % de chances de ne pas gagner. La possibilité que cette année terrible se reproduise, historiquement, la deuxième et la troisième année dans ces séquences ont toujours été positives. Voilà pour l'histoire. Mais aujourd'hui, oui, les obligations à titre de facteur de diversification, cet impact dans les taux plus élevés plus longtemps sera atténué mais c'est un bon point de départ. Il importe de se rappeler que le rendement corrigé du risque dorénavant sera inférieur aux 8 % moyens procurés par cette combinaison. Il faut des rendements non corrélés, par conséquent, utiliser ce portefeuille comme point de départ et acheter des rendements non corrélés comme des couvertures contre l'inflation, des actifs réels, même des fonds de couverture, c'est ce que nous conseillons aux clients. Plus vous diversifiez, à partir de ce genre de point de départ.
Ceux qui étudient le marché obligataire disent qu'il y a une différence après tout ce que nous avons vécu. Dans ce volet du portefeuille, même si les taux peuvent demeurer plus élevés plus longtemps, on obtient un coupon, ce qui n'était pas le cas il y a un an et demi.
Tout à fait. C'est vraiment le rêve du marché obligataire, toucher 5 % sur des titres de créance de grande qualité à court terme. C'est donc la meilleure façon d'investir dans le secteur des titres à revenu fixe car ces actifs en cas de récession offrent une couverture. Depuis 1872, il y a eu 30 récessions aux États-Unis, et dans chaque cas les obligations ont procuré des rendements nominaux positifs. Si nous entrons en récession, même légère, les obligations seront un bon facteur de diversification. Si vous considérez ce qui s'est passé cette année, l'indice des obligations locales des marchés émergents est en hausse de 5 %, même si l'indice Barclays, qui est l'équivalent pour les marchés développés, est en recul de 15 points de base. Il se passe beaucoup de choses et il y a beaucoup d'occasions à saisir qui pourraient être intégrées dans un portefeuille 60-40, même à ce stade.
Parlons-en, à ce stade du cycle. Quelles sont les actions, les obligations qui vous paraissent intéressantes?
Pour les actions, les États-Unis semblent coûteux. La concentration, j'ai un graphique sur la contribution des meilleurs secteurs aux rendements totaux aux États-Unis. Ceci semble excessif. Sur le marché américain, le rendement en cumul annuel est de 17 %, mais si l'on exclut les sept titres de méga capitalisation, on se retrouve avec 3 % seulement. Les marchés émergents en hausse de 5 %, mais hors Chine, la hausse est de 10 %. L'Europe surclasse même les États-Unis hors méga capitalisation. Il se passe beaucoup de choses. Certains secteurs du monde hors États-Unis nous plaisent. L'indice à pondération égale paraît très intéressant, parce que comme vous pouvez le voir dans le graphique de concentration, la contribution du secteur le plus important au rendement total est plus élevée que depuis 1975. Il y a eu trois ou quatre cas où ces niveaux ont été atteints, mais la contribution redescend toujours. Donc il y a une plus grande diffusion au niveau de rendement aux États-Unis. Certains secteurs des marchés émergents hors Chine semblent très intéressants pour différentes raisons thématiques dont nous avons parlé, et même en Europe, qui représente 50 % de l'indice MSCI, les bénéfices proviennent de l'extérieur de l'Europe. Qu'est-ce qu'il se passe au niveau de l'économie intérieure, de l'inflation, au niveau de l'environnement récessionnaire, cela ne reflète pas vraiment les bénéfices des entreprises européennes, car l'euro qui est très bon marché peut représenter un multiplicateur pour les bénéfices des entreprises du MSCI Europe. Nous trouvons des occasions hors des États-Unis ou même aux États-Unis, à l'extérieur des titres de méga capitalisation. Il y aura différents chefs de file, même pendant cette décennie. Chaque décennie a des leaders en technologie mais nous voulons vraiment nous diversifier. Voilà pour les actions. Pour les obligations, comme je l'ai dit, court terme, grande qualité, certains créneaux sur les marchés émergents, dette locale et souveraine, parce que ces pays, dans certains cas, ont mis de l'ordre dans leurs économies et puis dans toute la gamme des actifs réels de l'infrastructure avec tous les investissements qui sont en cours, les produits de base à titre de catégorie d'actifs. Il y a beaucoup d'occasions à saisir, même à ce stade du cycle économique que nous vivons.
Quels sont les risques dans cet environnement? Nous avons commencé l'année sachant que les banques centrales avaient énergiquement relevé les taux d'intérêt. Les titres de technologies ont été atteints. On n'aurait pas pu prédire que les taux d'intérêt continueraient à augmenter et les titres de technologie aussi.
Le boum de la technologie, ça a été comme le boum de l'intelligence artificielle. C'était imprévu. Ce positionnement était également extrêmement faible en octobre 2022 lorsque le reste du marché et les marchés d'autres régions du monde ont commencé à remonter. C'était un des motifs de ce phénomène. Le risque, c'est un atterrissage brutal en Chine, ce qui semble peu probable compte tenu de ce qui se produit là-bas. Le risque d'une erreur de la part de la Fed dans sa politique monétaire, cela pourrait perturber beaucoup d'hypothèses que nous posons au sujet des catégories d'actifs. Et puis un événement géopolitique, en général, cela engendre des perturbations sur le marché à moyen terme chaque fois qu'il y a un problème géopolitique. Voilà les risques qui nous occupent constamment et que nous surveillons de près.