Des difficultés liées à la chaîne d’approvisionnement à une inflation obstinément élevée, les répercussions de la pandémie sur les marchés financiers ont été imposants. Jitania Kandhari, chef des placements adjointe, Groupe Solutions et Actifs multiples, Morgan Stanley Investment Management, estime que ces effets commencent maintenant à s’estomper, ce qui pourrait affecter les investisseurs.
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Au sortir des bouleversements sismiques provoqués par la pandémie, certains pensaient que le paysage de l'investissement avait été fondamentalement bouleversé. Mais selon notre invité, bon nombre des grands changements sont en train de s'estomper et les thèmes familiers reviennent sur le devant de la scène. Jitania Kandhari est chef des placements adjointe et responsable de la recherche et gestionnaire de portefeuille à Morgan Stanley. Bonjour, Jitania.
Merci, Greg.
Parlons de l'environnement dans lequel nous sommes aujourd'hui. La pandémie a entraîné des bouleversements massifs, beaucoup de choses avaient changé. On aurait pu penser que le monde avait changé pour de bon. Or, en 2024, vous pensez que la situation est relativement familière.
Nous revenons à des tendances familières. Les portefeuilles 60-40, dont nous avions fait notre deuil, et qui est de retour. Les taux d'intérêt plus élevés plus longtemps se transforment en plus élevés pas pour longtemps. La transition verte n'a pas jusqu'ici émoussé la demande de pétrole. Des thèmes et des tendances intéressants qui avaient fait les manchettes reviennent à la moyenne. Même le populisme en cette année fertile en élections semble atteindre un sommet et l'idée selon laquelle le populisme mondial explosait semble en passe d'être relégué à la marge. Donc un retour à la moyenne intéressant.
Décomposons certains de ces thèmes. C'est un univers que nous pouvons comprendre puisque nous l'avons vécu. Commençons par le portefeuille 60-40. Toute l'idée, c'est la diversification. Quand les actions évoluent dans une direction, les obligations font le contraire. Or pendant la pandémie, les deux catégories d'actifs baissaient. Pourquoi le portefeuille 60-40 peut donner de bons résultats demain ou même aujourd'hui?
En 2022, un portefeuille 60-40 a baissé de 17,5%, le quatrième pire rendement depuis 200 ans, et le pire depuis 1927. 17,5% de baisse en 2022, 17 % de hausse en 2023. Une situation très volatile et intéressante d'ailleurs. Comme vous l'avez dit, l'avantage offert par les obligations au plan de la diversification d'un portefeuille modérément équilibré a été remis en question. En effet, la corrélation entre les actions et les obligations est devenue positive après 25 ans de corrélation négative, et ce, en 2022, compte tenu de la situation macro-économique. Mais ce qui est intéressant... Nous avons scruté les données sur 200 ans qui montrent que ce qui détermine vraiment cette corrélation, c'est l'inflation. Nous avons étudié plusieurs indicateurs macro-économiques et c'est l'inflation, ce graphique montre... que cette période est divisée en différents déciles d'inflation. Lorsque l'inflation franchit le seuil des 2,4%, la corrélation entre les actions et les obligations devient positive, ce qui réduit le potentiel de diversification. À présent, avec le repli de l'inflation, cette corrélation ne sera pas aussi élevée qu'on l'a vu en 2022, ramenant le rôle diversificateur des obligations, surtout s'il y a un ralentissement économique et une correction des marchés engendrés par l'inflation ou l'un ou l'autre de ces problèmes qui préoccupent les marchés à l'heure actuelle. Mais encore plus important, il existe également un argument fondé sur le retour à la moyenne. Encore une fois, si l'on considère les données sur 200 ans, chaque fois que les actions et les obligations ont baissé de concert, pendant une année donnée, les deux années suivantes ont été positives pour cette combinaison. Encore une fois, il s'agit d'une étude des événements fondés sur ces données.
Donc la diversification et le retour à la moyenne, ces deux raisons amènent à croire qu'il s'agit d'un bon point de départ pour la répartition d'actifs à ce niveau-là. Alors si on utilise un portefeuille 60-40 comme cadre, qu'est-ce qui vous paraît intéressant à l'intérieur du portefeuille 60-40 dans le monde aujourd'hui?
Au niveau des actions, bien sûr les actions américaines, nous avons évoqué la concentration dans les 7 Magnifiques, il faut... quand on envisage un indice à capitalisation boursière égale, il y a des occasions intéressantes. Certains titres de technologie vont donner de beaux résultats, mais le secteur industriel, le complexe de l'énergie, certains titres financiers offrent des occasions dans l'espace hors 7 Magnifiques, des occasions qui ne sont pas coûteuses et qui semblent prometteuses au plan thématique. Les marchés internationaux me plaisent également. Afin de diversifier par rapport au biais en faveur de notre continent, les marchés européens devraient bénéficier de l'euro à son taux actuel. Également, les titres à petite capitalisation en Europe devraient en bénéficier, puisqu'elles bénéficieront d'un avantage à l'exportation, compte tenu du taux de change de l'euro. Les marchés émergents hors Chine offrent différentes opportunités. L'Inde, l'Amérique latine, certains marchés d'Asie du Sud-Est qui bénéficient de la nouvelle thématique Chine plus Inde. Tout cela doit être géré activement, compte tenu des opportunités dans différentes régions du monde. Au niveau des titres à revenu fixe, un rendement de plus de 4,5 sur le bon du Trésor à 10 ans représente une excellente occasion. Les obligations de sociétés de première qualité nous plaisent également. En cas de ralentissement économique ou de récession, les créneaux de qualité dans les marchésobligataires sont prometteurs. Également, les marchés émergents sont intéressants, car les banques centrales de ces pays ont pris les devants dans le cycle de resserrement en adoptant un point de vue diversifié.
Nous pouvons nous y retrouver à ce stade du marché du cycle économique. Ce point de vue est sans doute largement que les taux d'intérêt ne seront pas plus élevés et pendant encore très longtemps, il y aura des coupures à un moment donné. Tout cela alimente votre propos, je suppose.
Oui, je crois que... l'évolution des taux engendrera une jolie volatilité et alimentera notre positionnement à long terme. Voici comment je considère les taux. Sur un plan historique... Je fonde nos recherches sur les données historiques. À trois reprises, le rapport de la dette au PIB a atteint un pic aux États-Unis, c'était pendant la guerre de Sécession, la Première Guerre mondiale, la seconde Guerre mondiale et puis, plus récemment, pendant et après la Covid. Aujourd'hui la dette publique des États-Unis représente 120% du PIB. Il s'agit d'un record. Il est intéressant de constater que pendant toutes les périodes où la dette a atteint un sommet, le taux réel... c'est-à-dire le taux directeur plus ou moins l'IPC, est demeuré négatif. Il y a une raison économique à cela. Si vous êtes endetté à ce point pour servir cette dette, ou pour vous en affranchir par la croissance, il faut que les taux réels soient inférieurs au PIB. Par conséquent, on peut servir cette dette à des taux d'intérêt moins élevés par rapport à la production et on peut doper cette production pour rembourser la dette. Cette fois-ci ne sera pas différente. Nous devons créer cette même situation, sinon quelque chose va céder. Si l'inflation s'établit à 2,5 ou 3%, par exemple, je ne sais pas si nous allons vraiment redescendre à la cible de 2%, mais en supposant 2,5 à 3%... ...des taux d'intérêt à 4,5 ou 5% sur le bon du Trésor à 10 ans, c'est relativement neutre. 2% au réel avec le PIB à 2 %, c'est conforme au PIB. Je pense que c'est la juste valeur de ces taux. Sinon, avec cette dette très élevée, quelque chose pourrait céder dans le système. Compte tenu de ce gabarit économique, c'est une bonne façon de se positionner dans le secteur des titres à revenu fixe. Il y aura une certaine volatilité car au jour le jour, on peut se demander si les marchés prévoient des coupures en ce mois de juin. Combien en mars, combien en juin, combien au-delà? Tout cela va engendrer une certaine volatilité, mais en se rappelant ce modèle des taux réels de 2% avec un PIB de 2%, cela représente au pire le taux réel qui devrait prévaloir et nous pourrions nous positionner en conséquence dans un portefeuille. Ce serait une bonne façon de développer le volet à revenu fixe.
Merci, Greg.
Parlons de l'environnement dans lequel nous sommes aujourd'hui. La pandémie a entraîné des bouleversements massifs, beaucoup de choses avaient changé. On aurait pu penser que le monde avait changé pour de bon. Or, en 2024, vous pensez que la situation est relativement familière.
Nous revenons à des tendances familières. Les portefeuilles 60-40, dont nous avions fait notre deuil, et qui est de retour. Les taux d'intérêt plus élevés plus longtemps se transforment en plus élevés pas pour longtemps. La transition verte n'a pas jusqu'ici émoussé la demande de pétrole. Des thèmes et des tendances intéressants qui avaient fait les manchettes reviennent à la moyenne. Même le populisme en cette année fertile en élections semble atteindre un sommet et l'idée selon laquelle le populisme mondial explosait semble en passe d'être relégué à la marge. Donc un retour à la moyenne intéressant.
Décomposons certains de ces thèmes. C'est un univers que nous pouvons comprendre puisque nous l'avons vécu. Commençons par le portefeuille 60-40. Toute l'idée, c'est la diversification. Quand les actions évoluent dans une direction, les obligations font le contraire. Or pendant la pandémie, les deux catégories d'actifs baissaient. Pourquoi le portefeuille 60-40 peut donner de bons résultats demain ou même aujourd'hui?
En 2022, un portefeuille 60-40 a baissé de 17,5%, le quatrième pire rendement depuis 200 ans, et le pire depuis 1927. 17,5% de baisse en 2022, 17 % de hausse en 2023. Une situation très volatile et intéressante d'ailleurs. Comme vous l'avez dit, l'avantage offert par les obligations au plan de la diversification d'un portefeuille modérément équilibré a été remis en question. En effet, la corrélation entre les actions et les obligations est devenue positive après 25 ans de corrélation négative, et ce, en 2022, compte tenu de la situation macro-économique. Mais ce qui est intéressant... Nous avons scruté les données sur 200 ans qui montrent que ce qui détermine vraiment cette corrélation, c'est l'inflation. Nous avons étudié plusieurs indicateurs macro-économiques et c'est l'inflation, ce graphique montre... que cette période est divisée en différents déciles d'inflation. Lorsque l'inflation franchit le seuil des 2,4%, la corrélation entre les actions et les obligations devient positive, ce qui réduit le potentiel de diversification. À présent, avec le repli de l'inflation, cette corrélation ne sera pas aussi élevée qu'on l'a vu en 2022, ramenant le rôle diversificateur des obligations, surtout s'il y a un ralentissement économique et une correction des marchés engendrés par l'inflation ou l'un ou l'autre de ces problèmes qui préoccupent les marchés à l'heure actuelle. Mais encore plus important, il existe également un argument fondé sur le retour à la moyenne. Encore une fois, si l'on considère les données sur 200 ans, chaque fois que les actions et les obligations ont baissé de concert, pendant une année donnée, les deux années suivantes ont été positives pour cette combinaison. Encore une fois, il s'agit d'une étude des événements fondés sur ces données.
Donc la diversification et le retour à la moyenne, ces deux raisons amènent à croire qu'il s'agit d'un bon point de départ pour la répartition d'actifs à ce niveau-là. Alors si on utilise un portefeuille 60-40 comme cadre, qu'est-ce qui vous paraît intéressant à l'intérieur du portefeuille 60-40 dans le monde aujourd'hui?
Au niveau des actions, bien sûr les actions américaines, nous avons évoqué la concentration dans les 7 Magnifiques, il faut... quand on envisage un indice à capitalisation boursière égale, il y a des occasions intéressantes. Certains titres de technologie vont donner de beaux résultats, mais le secteur industriel, le complexe de l'énergie, certains titres financiers offrent des occasions dans l'espace hors 7 Magnifiques, des occasions qui ne sont pas coûteuses et qui semblent prometteuses au plan thématique. Les marchés internationaux me plaisent également. Afin de diversifier par rapport au biais en faveur de notre continent, les marchés européens devraient bénéficier de l'euro à son taux actuel. Également, les titres à petite capitalisation en Europe devraient en bénéficier, puisqu'elles bénéficieront d'un avantage à l'exportation, compte tenu du taux de change de l'euro. Les marchés émergents hors Chine offrent différentes opportunités. L'Inde, l'Amérique latine, certains marchés d'Asie du Sud-Est qui bénéficient de la nouvelle thématique Chine plus Inde. Tout cela doit être géré activement, compte tenu des opportunités dans différentes régions du monde. Au niveau des titres à revenu fixe, un rendement de plus de 4,5 sur le bon du Trésor à 10 ans représente une excellente occasion. Les obligations de sociétés de première qualité nous plaisent également. En cas de ralentissement économique ou de récession, les créneaux de qualité dans les marchésobligataires sont prometteurs. Également, les marchés émergents sont intéressants, car les banques centrales de ces pays ont pris les devants dans le cycle de resserrement en adoptant un point de vue diversifié.
Nous pouvons nous y retrouver à ce stade du marché du cycle économique. Ce point de vue est sans doute largement que les taux d'intérêt ne seront pas plus élevés et pendant encore très longtemps, il y aura des coupures à un moment donné. Tout cela alimente votre propos, je suppose.
Oui, je crois que... l'évolution des taux engendrera une jolie volatilité et alimentera notre positionnement à long terme. Voici comment je considère les taux. Sur un plan historique... Je fonde nos recherches sur les données historiques. À trois reprises, le rapport de la dette au PIB a atteint un pic aux États-Unis, c'était pendant la guerre de Sécession, la Première Guerre mondiale, la seconde Guerre mondiale et puis, plus récemment, pendant et après la Covid. Aujourd'hui la dette publique des États-Unis représente 120% du PIB. Il s'agit d'un record. Il est intéressant de constater que pendant toutes les périodes où la dette a atteint un sommet, le taux réel... c'est-à-dire le taux directeur plus ou moins l'IPC, est demeuré négatif. Il y a une raison économique à cela. Si vous êtes endetté à ce point pour servir cette dette, ou pour vous en affranchir par la croissance, il faut que les taux réels soient inférieurs au PIB. Par conséquent, on peut servir cette dette à des taux d'intérêt moins élevés par rapport à la production et on peut doper cette production pour rembourser la dette. Cette fois-ci ne sera pas différente. Nous devons créer cette même situation, sinon quelque chose va céder. Si l'inflation s'établit à 2,5 ou 3%, par exemple, je ne sais pas si nous allons vraiment redescendre à la cible de 2%, mais en supposant 2,5 à 3%... ...des taux d'intérêt à 4,5 ou 5% sur le bon du Trésor à 10 ans, c'est relativement neutre. 2% au réel avec le PIB à 2 %, c'est conforme au PIB. Je pense que c'est la juste valeur de ces taux. Sinon, avec cette dette très élevée, quelque chose pourrait céder dans le système. Compte tenu de ce gabarit économique, c'est une bonne façon de se positionner dans le secteur des titres à revenu fixe. Il y aura une certaine volatilité car au jour le jour, on peut se demander si les marchés prévoient des coupures en ce mois de juin. Combien en mars, combien en juin, combien au-delà? Tout cela va engendrer une certaine volatilité, mais en se rappelant ce modèle des taux réels de 2% avec un PIB de 2%, cela représente au pire le taux réel qui devrait prévaloir et nous pourrions nous positionner en conséquence dans un portefeuille. Ce serait une bonne façon de développer le volet à revenu fixe.