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Les prix du pétrole sont sous pression en raison des craintes grandissantes d’une récession. Et qu’est-ce que la reprise potentielle de l’approvisionnement iranien sur les marchés mondiaux pourrait signifier pour le pétrole brut? Greg Bonnell discute avec Bart Melek, chef, Stratégie relative aux produits de base à Valeurs Mobilières TD, des perspectives des marchés de l’énergie.
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La volatilité est de retour sur le marché du pétrole brut, le prix du pétrole étant redescendu sous 90 $ le baril. Les investisseurs continuent d’évaluer les craintes d’une récession et les préoccupations à l’égard d’un resserrement de l’offre. Bart Melek, chef, Stratégie relative aux produits de base, Valeurs Mobilières TD, se joint à nous pour discuter des perspectives du marché de l’énergie. Bart, c’est un plaisir de vous recevoir de nouveau. Beaucoup de questions se posent quant à la situation actuelle et future du pétrole. Pouvez-vous nous éclairer là-dessus? Eh bien, c’est formidable d’être de retour ici. Je crains que, pour l’instant du moins, il va certainement y avoir des pressions à la baisse qui vont persister. Et cela s’explique en partie par la piètre performance de la Chine. En fait, Valeurs Mobilières TD estime que la croissance pour cette année sera probablement à deux chiffres. Et un taux de croissance de 2 % à 3 % en Chine, c’est très, très faible par rapport aux normes historiques, et certainement très faible par rapport à ce à quoi nous sommes habitués. En même temps, je crois qu’un groupe croissant d’investisseurs croient que le monde pourrait en fait se diriger vers une récession. La Réserve fédérale pourrait ne pas changer de cap au début de février, contrairement aux cours du marché obligataire, qui pourrait entraîner une hausse des taux pendant plus longtemps. Cela signifie que la demande de pétrole, qui devrait maintenant atteindre bien au-delà de deux millions de barils par jour en 2023, pourrait ne pas se matérialiser, en effet. En fait, selon mon modèle de Valeurs Mobilières TD, ça va se situer bien en deçà, peut-être entre 1,2 et 1,5 million de barils. Et quand j’intègre ces données-là dans mon modèle, je vois un surplus au troisième trimestre et probablement un marché équilibré au quatrième trimestre. En gros, cela signifie que les prix en temps de crise ou le risque important de perturbations sont exclus du marché. Et cela explique en grande partie ce que nous avons observé comme baisse sur les marchés du pétrole brut. Et votre conclusion... on a ici quelques excellents graphiques, et celui-ci montre bien la baisse de la demande de produits de base dont vous venez de parler. Expliquez-nous ce graphique et ce que ça signifie pour notre auditoire. Eh bien, il s’agit d’une estimation exclusive de l’évolution de la demande des produits de base. Et c’est très axé sur les signaux de prix. Mais ces signaux de prix ne viennent pas de nulle part. Ils sont largement fondés sur de très mauvaises données chinoises, comme on le sait tous maintenant, je crois, car ils maintiennent une politique zéro COVID dans ce pays. L’activité industrielle laisse entrevoir une contraction au cours des prochains mois. On a récemment été témoins d’un ralentissement de la surveillance des mouvements, et on voit que les données sur la mobilité montrent également qu’elle ne se redresse pas autant qu’on le pensait. Mais mis à part le volet de la demande, il y a un grand risque qu’une forte augmentation de l’offre provienne de l’Iran, et c’est à ce niveau que réside la solution potentielle au problème nucléaire iranien. Alors que les États-Unis et, selon notre définition, on les appelle le P5, soit les membres permanents +1, qui est l’Allemagne, songent à conclure un accord qui permettrait à l’Iran d’avoir de nouveau accès au marché mondial. Bien sûr, il doit se conformer à certaines limites de son programme nucléaire, mais on pense essentiellement que cela pourrait ajouter jusqu’à un million de barils de pétrole brut au cours des 12 prochains mois. Vous avez aussi présenté un excellent graphique à ce sujet. Alors, tandis qu’on parle de l’Iran et des perspectives d’un accord, voyons… car il y a aussi une question. Nous savons que ce pays a du pétrole à fournir sur le marché mondial. À quelle rapidité peut-il retourner ce pétrole sur le marché? On le voit ici dans ce graphique, et si vous pouviez l’expliquer à l’auditoire, assez rapidement. Oui, bien sûr. Nos estimations sont fondées sur les données historiques de 2015, lorsque les champs à ce moment-là n’étaient pas vraiment endommagés, et rien ne montre vraiment que les champs actuels en Iran ont été détruits de façon permanente. Le pays peut donc fort probablement introduire une nouvelle offre de 0,2 million de barils en un mois, d’environ 0,7 million de barils au cours des six prochains mois et de 0,9 à 1 million de barils dans les 12 prochains mois. Et il y a un élément très important à retenir. L’Iran a des stocks d’environ 100 millions de barils de produits pétroliers et de pétrole brut qui peuvent être déployés assez rapidement. La dernière fois, lorsque l’accord nucléaire du P5+1 a permis à l’Iran de réintégrer le marché mondial, on a vu une réduction du prix depuis 1952, qui était le prix lors de l’annonce de l’accord. Et un peu plus d’un mois après ça, le 29 août, on a atteint un creux d’environ 32 $. Et j’ai écrit sur ce sujet-là mercredi dernier dans la publication. Si on n’a pas conclu d’entente, c’est terminé. Voyons l’autre côté de la médaille. On n’a pas conclu d’entente parce qu’on en parle depuis un bon moment déjà. Y a-t-il d’autres aspects? Je pense à l’OPEP et à sa capacité d’être un participant aussi dynamique. Et je pense que l’OPEP elle-même a récemment lancé des avertissements indiquant qu’elle ne pourrait peut-être pas conclure aussi rapidement que le monde pourrait le croire en période de resserrement. Eh bien, on pense certainement que c’est un problème. C’est un problème qui dure depuis longtemps : l’OPEP avait promis de livrer beaucoup plus de pétrole brut qu’elle ne l’a fait en réalité. En fait, à la même période le mois dernier, elle a promis une hausse de 648 000 barils, mais elle n’a pas respecté son engagement. Et je pense qu’il est très peu probable qu’elle puisse livrer autant de pétrole brut que bien des gens le pensent. Ça pourrait être stratégique. Ça pourrait s’expliquer par des contraintes dans les champs pétrolifères. Mais en fin de compte, on sait qu’elle a été en mesure de maintenir les marchés assez serrés pour diverses raisons, notamment des raisons stratégiques, naturelles, logistiques et technologiques. Le problème, bien sûr, au sein de l’OPEP, c’est que les pays qui ont les quotas n’ont pas les stocks, et ceux qui n’ont pas les stocks ont les quotas. Il faudrait donc revoir la politique de l’organisation. Mais pour le moment, je ne crois pas que ce sera un problème. Tout le monde se concentre sur le ralentissement de la demande, et c’est certainement le cas des marchés à terme. Et on a vu des négociateurs stratégiques se retirer en partie de cette position et, aux alentours du dernier mois, on a observé des sorties de positions acheteur pour une position plus neutre. En parlant de politique, évidemment, à l’approche d’un cycle électoral de mi-mandat aux États-Unis, l’administration Biden a de bonnes raisons de vouloir non seulement faire baisser les prix à la pompe, comme on l’a vu au cours des dernières semaines, mais les maintenir à un niveau bas et les réduire encore plus, parce qu’essentiellement, les électeurs se mettent en colère lorsque de plus en plus de leur argent sert à faire le plein. Quelle a été l’influence de l’administration Biden sur toutes les dynamiques qu’on observe sur le marché du pétrole brut? Eh bien, elle a eu beaucoup d’influence. Premièrement, elle a demandé à la réserve stratégique de pétrole des États-Unis de libérer une quantité importante de pétrole brut, soit environ 1 million de barils par jour. Sans ça, ces marchés auraient été beaucoup, beaucoup, beaucoup plus serrés. Et même si on est quelque peu négatifs, on ne peut pas vraiment dire qu’on l’est trop. Nos prévisions trimestrielles pour 2022, et les trois derniers mois de 2023, reposent toujours sur des prix dans les années 1980, et on pense essentiellement que le débloquage de pétrole par la réserve stratégique de pétrole va finir par s’arrêter, comme prévu. Et même si l’Iran intervient et que ça crée une offre excédentaire pendant un certain temps, l’OPEP va retirer stratégiquement certaines des hausses de pétrole brut promises du plan et stabiliser ces marchés. Donc même si on pense qu’il va y avoir des pressions à la baisse pour le moment, on ne pense pas que ce sera une dégringolade. À ces niveaux-là, comme vous l’avez mentionné, on est encore à environ 90 $, et c’est loin d’où on était. Est-ce que le secteur du pétrole et du gaz est très préoccupé par le prix du baril? Non, d’après ce qu’on sait de la structure de coûts dans le secteur du gaz de schiste, dans des pays comme l’Arabie saoudite, la Russie et les sables bitumineux canadiens, je pense qu’à ces prix-là, tout le monde couvre ses coûts, et plus encore. Aimeraient-ils gagner plus d’argent? Je pense bien sûr que c’est le cas. Mais craint-on que ça devienne un problème? Pour l’instant, je ne crois pas que ce soit le cas.