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Les prix du pétrole avoisinent leurs plus hauts niveaux depuis les sept dernières années, et le conflit entre la Russie et l’Ukraine accroît le risque de perturbation de l’approvisionnement. Anthony Okolie discute avec Bart Melek, chef mondial, Stratégie relative aux produits de base, Valeurs Mobilières TD, des répercussions possibles d’une intensification de la crise sur le prix du pétrole et d’autres produits de base.
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Bart, c’est un plaisir de vous accueillir. Les prix du pétrole frôlent leurs plus hauts niveaux depuis 7 ans dans un contexte d’intensification de la crise entre la Russie et l’Ukraine. Est-il maintenant établi que le prix du baril va se situer à 100 $ US? Ou les prix pourraient-ils encore grimper?
Je crois que les prix tiennent compte du risque. L’autre jour, les prix du Brent approchaient les 100 $. On pourrait tout à fait atteindre 100 $ le baril de ce côté de l’Atlantique. Il ne faudrait pas grand-chose. La moindre nouvelle négative du côté de l’offre nous y amènera certainement. Le risque est pris en compte dans le prix.
Vous avez déjà dit que le prix du pétrole pourrait osciller autour de 85 $ au deuxième semestre 2022. Mais si le conflit entre la Russie et l’Ukraine s’intensifie, quel sera l’impact sur vos prévisions?
Malheureusement, ça me donnerait probablement tort. Pour un stratège, c’est très difficile à admettre. La guerre n’est pas une perspective réjouissante. Mais soyons réalistes, si les tensions entre l’Ukraine et la Russie dégénèrent et donnent lieu à de lourdes sanctions qui limitent la livraison de produits énergétiques comme le gaz naturel, les produits pétroliers ou le pétrole brut lui-même, le monde entier se retrouverait dans une situation très inconfortable.
Les données fondamentales de l’offre et de la demande se resserreraient. Selon nos projections, la production hors OPEP devrait augmenter. Mais si l’approvisionnement en pétrole russe est coupé, tous les paris sont ouverts. Et le rajustement aux environs de 85 $ le baril n’aurait pas lieu. Le prix serait nettement plus élevé.
Je dirais même qu’un prix à trois chiffres serait tout à fait possible. La question est de savoir quelle sera la sévérité des sanctions. Et jusqu’où ira l’intensification du conflit. En temps de guerre, on ne sait jamais ce qui va se passer.
Oui, il y a beaucoup d’incertitude. Parlons du gaz naturel. Bien sûr, l’Allemagne a récemment annoncé l’interruption du projet de gazoduc Nord Stream 2 visant à transporter du gaz russe vers le pays. Et on sait que l’Europe a très peu de stocks de gaz naturel. D’après vous, quelle direction prendront les prix?
Le gaz naturel est un problème pour les Européens. On l’a vu tout au long de 2021, et le voit encore en ce moment. C’est une conjugaison de plusieurs facteurs. D’abord, bien évidemment, l’offre est insuffisante. Mais il y a aussi des problèmes liés à la demande qui a été plus forte que d’habitude en cette saison.
L’Europe a connu des conditions météorologiques défavorables qui ont empêché les sources d’énergies renouvelables, comme les éoliennes, de fournir la capacité nécessaire. Elle a donc dû consommer davantage de gaz naturel, et les stocks sont faibles. Chaque fois que les stocks sont faibles et que la demande est élevée, il y a beaucoup de volatilité et les prix grimpent.
Pour ce qui est du risque géopolitique et de blocage des livraisons de gaz russe – comme je l’ai dit, tout est possible en temps de guerre. L’approvisionnement pourrait se tarir, pour quelque raison que ce soit. Je pense que les prix resteront élevés. Et en Amérique du Nord aussi, parce que les Américains exportent toutes les molécules de gaz naturel qu’ils peuvent en gaz naturel liquéfié.
Parlons des produits de base. L’incursion russe en Ukraine a aussi des répercussions sur les prix d’autres produits de base. L’or, l’aluminium et le nickel ont atteint des records ces dernières semaines. Que pensez-vous de la flambée récente de ces métaux?
Pour ces métaux, la configuration de l’offre est déjà serrée. On pourrait très bien connaître un déficit de cuivre cette année. Dans le cas de l’aluminium, on prévoit un déficit d’environ 2 millions de tonnes. Et il y a bien sûr le nickel. La Russie est un grand producteur de nickel et un très grand producteur d’aluminium.
Non seulement la Russie est un grand producteur, mais tous ces produits de base consomment beaucoup d’énergie. Et certaines fonderies ont déjà dû fermer en Europe à cause de la pénurie de gaz naturel. L’offre pourrait se resserrer si de lourdes sanctions étaient imposées. Et si les prix de l’énergie restent élevés, c’est un facteur de coût qui fait grimper les prix. Et comme je l’ai dit, la configuration offre-demande est déjà serrée, ce qui signifie probablement des prix élevés pour les produits de base dans un avenir proche.
L’aluminium a atteint des sommets, à plus de 3 300 $ la tonne. Les prix du cuivre et du nickel sont eux aussi très élevés. Et notre hypothèse de base, c’est que les prix vont se stabiliser et que la production va rebondir après la pandémie de COVID.
Mais si ça n’arrive pas, si les tensions géopolitiques s’intensifient et resserrent l’offre, je crois que les prix pourraient dépasser les sommets actuels. Et il y a aussi le palladium... Les mines de Russie produisent environ 40 % du palladium à l’échelle mondiale. L’exploitation pourrait être touchée, ainsi que les engrais. Compte tenu de la volatilité et de l’incertitude sur les marchés, que doivent en retenir les investisseurs?
Je suppose qu’il faut se préparer à cette volatilité. Même si on pense que les prix vont grimper et que l’on aime cette idée, il ne faut pas oublier qu’aucune tendance haussière ne dure éternellement. Préparez-vous à gérer les hauts et les bas. Pour ceux qui investissent dans ces secteurs, il faut de bien réfléchir à la dose de risque qu’ils sont prêts à assumer.
Bart, merci beaucoup d’avoir répondu à ces questions.
C’est un plaisir. Merci de l’invitation.
[MUSIQUE]
Je crois que les prix tiennent compte du risque. L’autre jour, les prix du Brent approchaient les 100 $. On pourrait tout à fait atteindre 100 $ le baril de ce côté de l’Atlantique. Il ne faudrait pas grand-chose. La moindre nouvelle négative du côté de l’offre nous y amènera certainement. Le risque est pris en compte dans le prix.
Vous avez déjà dit que le prix du pétrole pourrait osciller autour de 85 $ au deuxième semestre 2022. Mais si le conflit entre la Russie et l’Ukraine s’intensifie, quel sera l’impact sur vos prévisions?
Malheureusement, ça me donnerait probablement tort. Pour un stratège, c’est très difficile à admettre. La guerre n’est pas une perspective réjouissante. Mais soyons réalistes, si les tensions entre l’Ukraine et la Russie dégénèrent et donnent lieu à de lourdes sanctions qui limitent la livraison de produits énergétiques comme le gaz naturel, les produits pétroliers ou le pétrole brut lui-même, le monde entier se retrouverait dans une situation très inconfortable.
Les données fondamentales de l’offre et de la demande se resserreraient. Selon nos projections, la production hors OPEP devrait augmenter. Mais si l’approvisionnement en pétrole russe est coupé, tous les paris sont ouverts. Et le rajustement aux environs de 85 $ le baril n’aurait pas lieu. Le prix serait nettement plus élevé.
Je dirais même qu’un prix à trois chiffres serait tout à fait possible. La question est de savoir quelle sera la sévérité des sanctions. Et jusqu’où ira l’intensification du conflit. En temps de guerre, on ne sait jamais ce qui va se passer.
Oui, il y a beaucoup d’incertitude. Parlons du gaz naturel. Bien sûr, l’Allemagne a récemment annoncé l’interruption du projet de gazoduc Nord Stream 2 visant à transporter du gaz russe vers le pays. Et on sait que l’Europe a très peu de stocks de gaz naturel. D’après vous, quelle direction prendront les prix?
Le gaz naturel est un problème pour les Européens. On l’a vu tout au long de 2021, et le voit encore en ce moment. C’est une conjugaison de plusieurs facteurs. D’abord, bien évidemment, l’offre est insuffisante. Mais il y a aussi des problèmes liés à la demande qui a été plus forte que d’habitude en cette saison.
L’Europe a connu des conditions météorologiques défavorables qui ont empêché les sources d’énergies renouvelables, comme les éoliennes, de fournir la capacité nécessaire. Elle a donc dû consommer davantage de gaz naturel, et les stocks sont faibles. Chaque fois que les stocks sont faibles et que la demande est élevée, il y a beaucoup de volatilité et les prix grimpent.
Pour ce qui est du risque géopolitique et de blocage des livraisons de gaz russe – comme je l’ai dit, tout est possible en temps de guerre. L’approvisionnement pourrait se tarir, pour quelque raison que ce soit. Je pense que les prix resteront élevés. Et en Amérique du Nord aussi, parce que les Américains exportent toutes les molécules de gaz naturel qu’ils peuvent en gaz naturel liquéfié.
Parlons des produits de base. L’incursion russe en Ukraine a aussi des répercussions sur les prix d’autres produits de base. L’or, l’aluminium et le nickel ont atteint des records ces dernières semaines. Que pensez-vous de la flambée récente de ces métaux?
Pour ces métaux, la configuration de l’offre est déjà serrée. On pourrait très bien connaître un déficit de cuivre cette année. Dans le cas de l’aluminium, on prévoit un déficit d’environ 2 millions de tonnes. Et il y a bien sûr le nickel. La Russie est un grand producteur de nickel et un très grand producteur d’aluminium.
Non seulement la Russie est un grand producteur, mais tous ces produits de base consomment beaucoup d’énergie. Et certaines fonderies ont déjà dû fermer en Europe à cause de la pénurie de gaz naturel. L’offre pourrait se resserrer si de lourdes sanctions étaient imposées. Et si les prix de l’énergie restent élevés, c’est un facteur de coût qui fait grimper les prix. Et comme je l’ai dit, la configuration offre-demande est déjà serrée, ce qui signifie probablement des prix élevés pour les produits de base dans un avenir proche.
L’aluminium a atteint des sommets, à plus de 3 300 $ la tonne. Les prix du cuivre et du nickel sont eux aussi très élevés. Et notre hypothèse de base, c’est que les prix vont se stabiliser et que la production va rebondir après la pandémie de COVID.
Mais si ça n’arrive pas, si les tensions géopolitiques s’intensifient et resserrent l’offre, je crois que les prix pourraient dépasser les sommets actuels. Et il y a aussi le palladium... Les mines de Russie produisent environ 40 % du palladium à l’échelle mondiale. L’exploitation pourrait être touchée, ainsi que les engrais. Compte tenu de la volatilité et de l’incertitude sur les marchés, que doivent en retenir les investisseurs?
Je suppose qu’il faut se préparer à cette volatilité. Même si on pense que les prix vont grimper et que l’on aime cette idée, il ne faut pas oublier qu’aucune tendance haussière ne dure éternellement. Préparez-vous à gérer les hauts et les bas. Pour ceux qui investissent dans ces secteurs, il faut de bien réfléchir à la dose de risque qu’ils sont prêts à assumer.
Bart, merci beaucoup d’avoir répondu à ces questions.
C’est un plaisir. Merci de l’invitation.
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