L’intérêt pour les fonds ESG augmente depuis un moment. Mais cette dynamique continuera-t-elle dans un contexte de craintes quant au ralentissement de la croissance et de préoccupations face à la sécurité énergétique? Greg Bonnell discute avec John McHughan, analyste des risques climatiques à Gestion de Placements TD, des nouvelles tendances pour le secteur ESG.
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[LOGO AUDIO] Investir en tenant compte des préoccupations environnementales, sociales et de gouvernance est une tendance à la hausse. Mais avec les craintes d’un ralentissement de la croissance économique et des risques pour la sécurité énergétique, est-ce que cette tendance va continuer? John McHughan, analyste des risques climatiques, GPTD, se joint à nous. Bienvenue, John. Merci, Greg. Je suis ravi d’être avec vous. Ce secteur est intéressant et il a pris de l’essor au fil des ans. Mais c’est toujours intéressant d’observer en période de turbulences, ce qui est certainement le cas en ce moment, les risques qui se présentent. Dans ce contexte, qu’en est-il des placements ESG pour les consommateurs et entreprises? Oui, absolument. Vous avez raison, Dans l’ensemble, l’année a été très difficile pour les marchés. Et pour les facteurs ESG, il s’agit du premier réel défi observé depuis qu’on parle d’eux couramment dans le monde des placements. Donc oui, certainement, avec les défis que ça représente, on se demande comment ils se comporteront au cours de l’année. Et pas seulement d’un point de vue économique. On assiste à une politisation des facteurs ESG aux États-Unis, avec certains États qui remettent fortement en question le concept et les problèmes de sécurité énergétique importants en Europe, tout cela nuit au secteur. Mais vous savez, ce qui est encourageant, ce sont les signes positifs de résilience pour les placements fondés sur les facteurs ESG. Tout d’abord, si on examine l’intérêt pour ce segment par rapport aux fonds normaux ou aux fonds non durables, les fonds ESG ont continué d’attirer des capitaux tout au long de l’année. Les capitaux ralentissent. Ils n’ont pas augmenté comme ces dernières années, mais c’est normal. Quant aux fonds non durables, on a observé des sorties de fonds, en particulier au troisième trimestre. C’est de bon augure et c’est un signe qu’il y a un intérêt certain pour ce secteur. Mais tout le monde s’intéresse également au rendement. Ce qu’on observe aux États-Unis, lorsqu’on examine l’indice général des facteurs ESG, c’est qu’il a surpassé l’indice S&P de 5 % cette année. Il n’a reculé que de 19 %. C’était vendredi. Donc, il faut voir ce que ça va donner aujourd’hui. Vendredi, il n’avait reculé que de 19 % par rapport au S&P, qui avait reculé de 24. La situation est semblable au Canada, le rendement n’est pas aussi important, mais il est resté relativement stable par rapport à l’indice S&P TSX. Jusqu’à présent, les facteurs ESG se sont avérés résilients face au repli des marchés. Mais rien n’est encore définitif, on doit continuer à surveiller le secteur et voir comment se comportent les investisseurs avec les facteurs ESG. Alors, le volet sécurité énergétique et évidemment, les critiques à l’égard des facteurs ESG reflètent cela, c’est intéressant. On sait qu’il y a des parties du monde, notamment l’Europe, qui sont confrontées à des inquiétudes graves. Mais les placements fondés sur les facteurs ESG doivent-ils être l’ennemi de la sécurité énergétique, comme certains le pensent? Je ne pense pas. Et je dirais que la plupart des gens dans le secteur ne le pensent pas non plus. Bien sûr, il y a des gens qui investissent dans les placements ESG qui défendent vraiment la lutte contre les changements climatiques. Et tout ce qui pourrait accroître les émissions mondiales devrait être évité. Dans notre cas, on aborde la question sous différents angles. Il y a la perspective économique, mais il y a aussi la perspective humaine. Lorsque les gens ne peuvent pas chauffer leur maison ou n’ont pas les moyens de le faire et que ça va leur coûter une fortune, il y a un élément humain qui doit être intégré aux facteurs ESG. Et on devrait être en mesure d’offrir la sécurité énergétique nécessaire pour traverser l’hiver. De notre point de vue, les derniers mois ont certainement été difficiles à cet égard. Les centrales au charbon rouvrent et c’est le principal ennemi du changement climatique. Mais, encore une fois, les politiciens font ce qu’ils doivent faire pour garder les gens au chaud en prévision d’un hiver qui devrait être froid en Europe. Au Canada, malheureusement, on ne peut pas faire grand-chose pour aider. À l’heure actuelle, l’Europe a vraiment besoin de gaz. Et le Canada, malheureusement, n’a pas de moyen de faire parvenir son gaz naturel à l’Europe. La seule façon de le faire est de l’envoyer de l’Alberta à la côte du golfe du Mexique, puis par pétrolier à destination de l’Europe. Ce n’est donc pas la façon la plus efficace ou la plus rentable d’y parvenir. Je suis certain que vous êtes au courant du terminal de GNL qui est en construction en Colombie-Britannique et qui ne sera pas disponible avant quelques années. Et même là, il s’agit de desservir l’Asie, et pas l’Europe. Malheureusement, on ne peut pas faire grand-chose. La question pour les gouvernements, les entreprises et les particuliers en Europe et au Canada, c’est est-ce qu’on devrait construire ces infrastructures maintenant pour envoyer du gaz naturel en Europe? On ne sait pas exactement quand il sera disponible et si la demande continuera. Devrait-on plutôt envisager des formes d’énergie plus propres et les exporter en Europe? C’est ce qu’on commence à voir. La chancelière allemande vient de rencontrer Trudeau à Terre-Neuve. Ils ont conclu un pacte pour l’exportation d’hydrogène propre à partir de la côte est du Canada vers 2025, si tout va bien. On commence donc à voir cette prévision à long terme. Il faut espérer qu’elle soit davantage orientée vers les énergies renouvelables plutôt que de continuer à utiliser des combustibles fossiles. Quand je pense aux facteurs ESG, et à leur intégration, parfois, je simplifie ce que les politiciens disent que nous devons faire et ce que disent les sociétés. Bien sûr, les gouvernements peuvent changer, tous les quatre ans, même avant, dans le cas d’un gouvernement minoritaire. Qu’est-ce qui semble être stable à l’heure actuelle, l’engagement des entreprises à l’égard des facteurs ESG ou l’engagement politique? C’est une très bonne question. Je dirais qu’on commence à voir… ça va presque de pair. À l’heure actuelle, avec le gouvernement qui est au Canada, on a un programme de lutte contre les changements climatiques très solide et ambitieux. Pour cette raison, les engagements des entreprises sont respectés. Récemment, les émissions de pétrole et de gaz ont été plafonnées au Canada. Les sociétés pétrolières et énergétiques essaient de suivre le rythme. Mais en même temps, au vu de nos engagements dans les sociétés énergétiques, il y a évidemment une priorité de la composante E des facteurs ESG et l’objectif de décarboniser leurs activités est réel. Elles savent que c’est la tendance qui se dessine dans le monde et que pour demeurer concurrentielles, elles doivent réduire l’intensité de carbone de l’énergie produite. Elles peuvent donc le faire de plusieurs façons. Pour être tout à fait franc, je pense que l’engagement est là et on observe des tentatives réelles des grandes sociétés émettrices pour réduire l’empreinte carbone. Vous avez mentionné le facteur E, la composante environnementale des facteurs ESG, est-ce qu’elle éclipse les autres? Souvent, lorsqu’on a ces conversations sur les facteurs ESG, j’oublie que le volet social et de gouvernance jouent aussi un rôle. C’est une bonne question. Je dirais qu’historiquement, E a probablement… retenu le plus l’attention des facteurs ESG. C’est probablement parce que les changements climatiques sont tangibles et les gens peuvent vraiment les voir et en ressentir les effets. Et c’est une priorité pour tout le monde. Mais il ne s’agit pas de réduire le rôle des facteurs S et G. Et en ce début de ralentissement économique, le facteur G est particulièrement important. Donc, les sociétés qui sont bien gérées sont bien placées pour donner le meilleur d’elles-mêmes en période de ralentissement économique. Elles devraient avoir mis en place les pratiques de gestion des risques les plus solides et être en mesure de résister à des replis potentiels comme celui-ci. Par conséquent, bien que le facteur E soit important, il ne diminue en rien l’importance des facteurs S et G. Et on la voit très clairement en ce moment. [LOGO AUDIO] [MUSIQUE]