La menace persistante d’une hausse de l’inflation et de la hausse des taux d’intérêt a rendu certains investisseurs prudents à l’égard des obligations et des autres titres de créance de sociétés. Greg Bonnell discute avec Benjamin Chim, gestionnaire de portefeuille principal, Gestion de Placements TD, de ses perspectives à l’égard des titres à revenu fixe.
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[LOGO AUDIO] Le resserrement musclé des banques centrales a provoqué des chocs sur les marchés et alimenté les craintes d’une possible récession. Qu’est-ce que cela signifie pour la santé des sociétés et des investisseurs qui sont endettés? On accueille maintenant Benjamin Chim, gestionnaire de portefeuille principal dans le domaine des titres à revenu fixe à GPTD. Benjamin, bienvenue à l’émission. C’est un sujet fascinant. Parlons des perspectives pour la santé des entreprises et de ce que cela signifie pour les titres à revenu fixe et les titres de créance de sociétés. Merci beaucoup de m’avoir invité, Greg. C’est un plaisir d’être là. Pour répondre brièvement, oui les craintes de récessions et la hausse des taux d’intérêt ont un impact important sur la santé de la dette des sociétés. Cela a un impact important et cela explique les baisses importantes depuis le début de l’année dans les obligations de sociétés de qualité investissement et à rendement élevé. Le marché a réévalué les obligations en fonction des perspectives, c’est-à-dire des taux d’intérêt qui vont continuer d’augmenter et la récession potentielle… Si ce n’est pas à la fin de cette année, ça pourrait être la fin de l’année prochaine. Les écarts et les taux se rajustent en conséquence. Mais si on réfléchit à ce que l’avenir nous réserve et comment les choses évolueront à l’avenir, on investit encore dans les obligations de sociétés avec prudence. On pense qu’il y aura une certaine volatilité d’ici la fin de l’année et potentiellement au début de l’année prochaine. On reste assez inquiets, car les niveaux d’inflation sont toujours, comme vous le savez, à un niveau élevé et ils persistent. Les chiffres de juillet étaient encourageants, car l’inflation a légèrement diminué, mais on continue de penser que les banques centrales tenteront de faire passer l’inflation de 7,5 %, 8 % à sa cible de 3 % 4 %… de 2 % à 3 %. Plusieurs éléments des mesures de l’inflation sont encore assez compliqués. Bien sûr, il y a le salaire et le loyer. On peut donc raisonnablement s’attendre à ce que l’inflation baisse, mais stagne autour de 4 % à 5 %. Et si elle demeure à ce niveau pendant une longue période, ça sera un contexte assez difficile pour le financement des obligations de sociétés et… bien sûr, il y aura probablement une récession au cours de cette période, donc la qualité du crédit pourrait diminuer. Ce scénario n’est pas vraiment pris en compte sur les marchés en ce moment, c’est pourquoi on a une certaine prudence. Et on pense qu’avec les obligations de sociétés, il faut s’attendre à une volatilité importante à l’avenir. Parlons donc de cette prudence pour ceux qui s’intéressent au segment des obligations de sociétés. Est-ce que tout dépendra de la qualité de la société, de la qualité de l’émetteur, s’il faut s’attendre à une conjoncture économique difficile avec également des taux d’intérêt plus élevés? Oui. L’élément positif ou le salut pour les obligations de sociétés pendant cette période, c’est qu’on est dans une situation assez particulière, la qualité du crédit est assez bonne. Bien meilleure que ce qu’on a normalement lorsque le marché se dirige vers une récession. Et c’est tout simplement parce que le dernier fiasco est encore récent. C’était la pandémie de COVID-19 avec les mesures de confinement. L’économie était vraiment en difficulté. Les entreprises peinaient à joindre les deux bouts parce qu’elles avaient dû fermer. Le taux de défaut du marché des titres de créance à rendement élevé était de 10 % en 2020. Beaucoup de sociétés fragiles ont disparu. Elles se sont restructurées. Et depuis, au cours des deux dernières années, elles se sont concentrées, la plupart en tout cas, sur la reconstitution de leurs liquidités et l’étalement de leurs profils d’échéance de dette. Aujourd’hui, elles doivent composer avec une situation qui est beaucoup plus volatile, un marché financier beaucoup plus difficile et elles peuvent attendre. Elles ont beaucoup de souplesse pour explorer différentes options afin de financer leur croissance, elles sont donc bien positionnées. Et cela nous donne une certaine confiance, même si on commence à voir une perturbation sur les marchés du crédit, on ne devrait pas connaître des situations comme en 2008 ou 2020. Quand on pense à tous les défis auxquels on est confrontés en ce moment… les défis et les sujets d’inquiétude ne manquent pas… il est donc logique de procéder prudemment. Si on voulait être optimistes à l’égard de ce segment, qu’est-ce qui pourrait se passer de positif pour les placements en obligations de sociétés dans le contexte économique général? Qu’est-ce qui pourrait se résoudre dans le monde pour qu’on puisse se sentir un peu plus positif à l’égard de ce secteur? Eh bien, je pense que si les banques centrales réussissent à mieux gérer l’inflation par rapport à ce à quoi on s’attend et ce à quoi le marché s’attend en ce moment, ça serait extrêmement favorable pour les écarts de taux et les primes de risque parce que cela pourrait signifier que cet atterrissage en douceur qui semble impossible pourrait finalement avoir lieu. Et si cela se produit, on verra certainement tous les marchés à risque remonter, y compris les obligations de sociétés. Et les rendements potentiels des obligations de sociétés sont en fait, quand on pense aux taux globaux, assez convenables. On peut obtenir des rendements à long terme assez acceptables, parce que le taux du marché des obligations de qualité investissement est actuellement de 4,7 %. Le taux du marché des obligations à rendement élevé est actuellement d’environ 8 %. C’est beaucoup plus que ce qu’on a vu cette année. Ce qui nous inquiète, bien sûr, dans le marché des obligations de sociétés, c’est que lorsque l’on examine le taux de revenu, on constate que la prime de risque, l’écart de taux des obligations de sociétés est moins intéressant comme c’est habituellement le cas en période de récession. L’écart actuel entre les obligations de sociétés de qualité investissement est de 145 points de base, soit 1,45 % de plus que les titres du Trésor. Pour les obligations à rendement élevé, c’est 480 points de base, soit 4,8 %. En période de récession, l’écart est normalement beaucoup plus élevé. Pendant la COVID, l’écart de taux des obligations à rendement élevé a atteint 1 000 points, 10 % de plus. Du côté des obligations de qualité investissement, on a obtenu 400 points de base. Donc, à 145 ou 480, on n’en est même pas à la moitié, en ce moment. Et on aimerait que ce scénario baissier suscite plus d’inquiétude, une prise en compte un peu plus marquée des marchés. Donc, si vous voulez investir dans des obligations de sociétés, oui, le potentiel de rendements à long terme est assez bon en raison de la situation des taux. Mais vous devez être prêt à faire face à une volatilité importante en raison de l’emplacement des écarts. Le risque, évidemment, et le rendement, vous tentez de les sous-peser en fonction du type de décisions de placement que vous voulez prendre. C’est intéressant de voir que, oui, vous obtiendrez ce rendement global qui peut sembler attrayant. Mais il faut creuser un peu pour comprendre exactement ce qui se passe. C’est encore plus important. Je pense aux personnes qui versent des dividendes et qui investissent dans des sociétés à rendement élevé. Elles sont sûrement séduites par la taille du dividende. Alors, d’accord, c’est un montant intéressant, mais il faut se demander pourquoi on a ce montant? Que se passe-t-il sous la surface? Oui. On pourrait dire la même chose du crédit. En surface, en effet les choses peuvent s’égaliser… les taux peuvent encore augmenter et les écarts peuvent encore augmenter parce qu’on n’est pas dans un marché perturbé. On n’est pas dans une situation où la qualité du crédit est préoccupante. Le problème, ce sont plus les taux et la question de l’inflation. Et si les craintes commencent à se déplacer de ce côté, la volatilité pourrait augmenter. [MUSIQUE]