Aux États-Unis, les prix à la consommation sont à leur plus haut niveau en une génération, mais l’inflation de base en juillet a affiché sa plus faible hausse en trois mois. Anthony Okolie discute avec James Orlando, économiste principal, Groupe Banque TD, des perspectives d’inflation et de leur impact sur la reprise économique aux États-Unis.
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[MUSIQUE]
- En juin, les prix à la consommation aux États-Unis ont atteint leur plus haut taux d’inflation en 13 ans. Toutefois, l’inflation a ralenti en juillet, les prix de base, alimentation et énergie exclues, ayant affiché leur plus faible hausse en trois mois. L’inflation aux États-Unis a-t-elle atteint un sommet? Ou les pressions sur les prix continueront-elles d’augmenter? Pour en savoir plus, nous recevons James Orlando, économiste principal, Groupe Banque TD. James, que pensez-vous des dernières données sur l’inflation aux États-Unis, qui ont été plus modérées que prévu?
- Oui. Merci, Anthony. C’est une situation où l’inflation semble avoir atteint un point d’ébullition. Beaucoup de facteurs qui ont stimulé la hausse de l’inflation au cours des derniers mois, comme la reprise des activités qui a incité les gens à partir en vacances, que ce soit acheter des billets d’avion, louer une voiture ou acheter des voitures d’occasion, par exemple, ont quelque peu diminué. Et c’est pourquoi l’inflation n’a pas continué à s’accélérer en juillet.
Mais en même temps, on voit aussi d’autres facteurs qui commencent à combler l’espace laissé vacant par le secteur des voyages, comme l’inflation des prix des aliments. La hausse des prix et des coûts des logements commence à se faire sentir sur les données sur l’inflation. Il y a donc un mélange de facteurs en ce moment. Les prix commencent à baisser dans certains secteurs, mais à augmenter dans d’autres.
- Et vous avez dit qu’il y avait plusieurs facteurs. Est-ce qu’on commence à voir des signes de cette disparité entre l’offre et la demande, qui a bien sûr été causée par les problèmes de chaîne d’approvisionnement durant la pandémie; est-ce que cette disparité commence à diminuer dans quelques catégories?
- Certainement. Il y a eu par exemple les difficultés d’approvisionnement. Tout le monde parle du secteur des semi-conducteurs. Ça diminue un peu, mais c’est encore très présent. Et ça prend beaucoup de temps pour que ces facteurs-là s’atténuent.
On sait qu’au Canada, d’après notre historique de cycles des produits de base, ça prend beaucoup de temps pour que le décalage entre l’offre et la demande se résorbe. Mais n’importe quel propriétaire d’entreprise va vous répondre qu’il est difficile de trouver des matériaux. C’est difficile d’avoir accès à des matériaux.
Les prix augmentent et les délais d’attente aussi. Et ça se voit de manière très apparente. Et ce n’est pas comme ouvrir un robinet. On ne peut pas simplement l’ouvrir pour que l’offre soit là. Donc ça prend beaucoup de temps. Donc, même si c’est le cas dans certains secteurs, c’est certainement une situation qui va persister pendant un certain temps.
- Et, bien sûr, la Fed a réaffirmé qu’elle estime que l’inflation est temporaire et que la reprise est bien amorcée aux États-Unis, et qu’elle a préparé le terrain pour réduire son programme d’achat d’actifs. Mais selon vous, qu’est-ce que la Fed va dire lors du symposium de Jackson Hole cette semaine?
- Oui. Le président de la Fed, Jay Powell, s’est montré très discret sur les changements de politique à venir. Je pense que le variant Delta préoccupe beaucoup la Fed. Elle veut que l’économie dans son ensemble continue de s’améliorer avant d’annoncer un changement. Toutefois, à notre avis, compte tenu de la reprise économique actuelle, de tous les efforts déployés par la Réserve fédérale pour faire baisser les taux, notamment les taux des obligations de sociétés, au moyen de son programme d’assouplissement quantitatif, on en voit déjà les effets.
Nous sommes dans une situation où les niveaux d’endettement augmentent en raison de cet incitatif. Les cours boursiers ont atteint des niveaux records. Même les prix des maisons montent en flèche en ce moment. Et donc, il n’est plus très logique que la Réserve fédérale continue de réduire ses taux et d’exercer des pressions sur eux pour qu’ils restent faibles, pour pouvoir stimuler la hausse des prix des logements. Nous sommes donc d’avis que même si la Fed n’annonce rien à Jackson Hole, son annonce de réduction ne devrait pas tarder.
- Et qu’est-ce que vous surveillez actuellement pour évaluer les prix à la consommation aux États-Unis? Et quel impact le variant Delta pourrait-il avoir sur l’inflation?
- Je pense que la reprise économique est probablement le facteur le plus important pour l’inflation globale. Si les choses continuent d’aller dans la bonne direction, la demande devrait augmenter et compenser l’impact de l’offre sur l’inflation. Le variant Delta est de toute évidence le risque numéro un dans l’esprit de tous pour voir s’il y a un ralentissement de la croissance économique.
Mais nous sommes dans une situation unique en ce moment où les salaires augmentent. Si vous posez la question à des entreprises, et que vous regardez les sondages, normalement, les entreprises ne transmettent pas autant aux consommateurs la hausse des prix qu’elles disent le faire en ce moment. Mais elles disent que leurs prix augmentent en raison des intrants et des salaires. Et elles vont refiler ces coûts plus élevés aux consommateurs.
Et il y a comme un schéma circulaire, ici, où les consommateurs se disent : oh, les prix augmentent. Ils commencent donc à exiger des salaires de plus en plus élevés à leurs employeurs, puis ce schéma circulaire se répercute sur les prix à la consommation. Et ce mouvement s’est déjà mis en branle. Et je pense que, compte tenu de l’orientation actuelle de l’économie, en supposant qu’on va se débarrasser du variant Delta, l’inflation pourrait demeurer assez élevée pendant encore un certain temps.
- Et pouvez-vous nous parler de vos perspectives quant à l’inflation aux États-Unis? Vos prévisions ont-elles changé?
- Non, nous prévoyons certainement que cette inflation de 4 % à 5 % qu’on voit actuellement va faire place à une inflation de 2 % à 3 %. Et la raison qui explique ça, c’est que la situation actuelle relative aux chaînes d’approvisionnement, qui a entraîné des prix très élevés, des prix historiquement élevés, devraient se résorber au cours des 12 prochains mois. C’est la base de cette raison-là, en quelque sorte.
Mais en même temps, la vigueur de l’économie, où de plus en plus de gens trouvent un emploi, où les revenus augmentent, où les gens sont plutôt confiants par rapport à l’économie, où les cours boursiers augmentent, où les prix des maisons augmentent, où les gens se sentent plus riches, ça va faire augmenter les dépenses de consommation. Et tout ça va soutenir la demande, qui maintient l’inflation près de 2 % à 3 %.
- James, merci beaucoup pour votre temps.
- Merci.
[MUSIQUE]
- En juin, les prix à la consommation aux États-Unis ont atteint leur plus haut taux d’inflation en 13 ans. Toutefois, l’inflation a ralenti en juillet, les prix de base, alimentation et énergie exclues, ayant affiché leur plus faible hausse en trois mois. L’inflation aux États-Unis a-t-elle atteint un sommet? Ou les pressions sur les prix continueront-elles d’augmenter? Pour en savoir plus, nous recevons James Orlando, économiste principal, Groupe Banque TD. James, que pensez-vous des dernières données sur l’inflation aux États-Unis, qui ont été plus modérées que prévu?
- Oui. Merci, Anthony. C’est une situation où l’inflation semble avoir atteint un point d’ébullition. Beaucoup de facteurs qui ont stimulé la hausse de l’inflation au cours des derniers mois, comme la reprise des activités qui a incité les gens à partir en vacances, que ce soit acheter des billets d’avion, louer une voiture ou acheter des voitures d’occasion, par exemple, ont quelque peu diminué. Et c’est pourquoi l’inflation n’a pas continué à s’accélérer en juillet.
Mais en même temps, on voit aussi d’autres facteurs qui commencent à combler l’espace laissé vacant par le secteur des voyages, comme l’inflation des prix des aliments. La hausse des prix et des coûts des logements commence à se faire sentir sur les données sur l’inflation. Il y a donc un mélange de facteurs en ce moment. Les prix commencent à baisser dans certains secteurs, mais à augmenter dans d’autres.
- Et vous avez dit qu’il y avait plusieurs facteurs. Est-ce qu’on commence à voir des signes de cette disparité entre l’offre et la demande, qui a bien sûr été causée par les problèmes de chaîne d’approvisionnement durant la pandémie; est-ce que cette disparité commence à diminuer dans quelques catégories?
- Certainement. Il y a eu par exemple les difficultés d’approvisionnement. Tout le monde parle du secteur des semi-conducteurs. Ça diminue un peu, mais c’est encore très présent. Et ça prend beaucoup de temps pour que ces facteurs-là s’atténuent.
On sait qu’au Canada, d’après notre historique de cycles des produits de base, ça prend beaucoup de temps pour que le décalage entre l’offre et la demande se résorbe. Mais n’importe quel propriétaire d’entreprise va vous répondre qu’il est difficile de trouver des matériaux. C’est difficile d’avoir accès à des matériaux.
Les prix augmentent et les délais d’attente aussi. Et ça se voit de manière très apparente. Et ce n’est pas comme ouvrir un robinet. On ne peut pas simplement l’ouvrir pour que l’offre soit là. Donc ça prend beaucoup de temps. Donc, même si c’est le cas dans certains secteurs, c’est certainement une situation qui va persister pendant un certain temps.
- Et, bien sûr, la Fed a réaffirmé qu’elle estime que l’inflation est temporaire et que la reprise est bien amorcée aux États-Unis, et qu’elle a préparé le terrain pour réduire son programme d’achat d’actifs. Mais selon vous, qu’est-ce que la Fed va dire lors du symposium de Jackson Hole cette semaine?
- Oui. Le président de la Fed, Jay Powell, s’est montré très discret sur les changements de politique à venir. Je pense que le variant Delta préoccupe beaucoup la Fed. Elle veut que l’économie dans son ensemble continue de s’améliorer avant d’annoncer un changement. Toutefois, à notre avis, compte tenu de la reprise économique actuelle, de tous les efforts déployés par la Réserve fédérale pour faire baisser les taux, notamment les taux des obligations de sociétés, au moyen de son programme d’assouplissement quantitatif, on en voit déjà les effets.
Nous sommes dans une situation où les niveaux d’endettement augmentent en raison de cet incitatif. Les cours boursiers ont atteint des niveaux records. Même les prix des maisons montent en flèche en ce moment. Et donc, il n’est plus très logique que la Réserve fédérale continue de réduire ses taux et d’exercer des pressions sur eux pour qu’ils restent faibles, pour pouvoir stimuler la hausse des prix des logements. Nous sommes donc d’avis que même si la Fed n’annonce rien à Jackson Hole, son annonce de réduction ne devrait pas tarder.
- Et qu’est-ce que vous surveillez actuellement pour évaluer les prix à la consommation aux États-Unis? Et quel impact le variant Delta pourrait-il avoir sur l’inflation?
- Je pense que la reprise économique est probablement le facteur le plus important pour l’inflation globale. Si les choses continuent d’aller dans la bonne direction, la demande devrait augmenter et compenser l’impact de l’offre sur l’inflation. Le variant Delta est de toute évidence le risque numéro un dans l’esprit de tous pour voir s’il y a un ralentissement de la croissance économique.
Mais nous sommes dans une situation unique en ce moment où les salaires augmentent. Si vous posez la question à des entreprises, et que vous regardez les sondages, normalement, les entreprises ne transmettent pas autant aux consommateurs la hausse des prix qu’elles disent le faire en ce moment. Mais elles disent que leurs prix augmentent en raison des intrants et des salaires. Et elles vont refiler ces coûts plus élevés aux consommateurs.
Et il y a comme un schéma circulaire, ici, où les consommateurs se disent : oh, les prix augmentent. Ils commencent donc à exiger des salaires de plus en plus élevés à leurs employeurs, puis ce schéma circulaire se répercute sur les prix à la consommation. Et ce mouvement s’est déjà mis en branle. Et je pense que, compte tenu de l’orientation actuelle de l’économie, en supposant qu’on va se débarrasser du variant Delta, l’inflation pourrait demeurer assez élevée pendant encore un certain temps.
- Et pouvez-vous nous parler de vos perspectives quant à l’inflation aux États-Unis? Vos prévisions ont-elles changé?
- Non, nous prévoyons certainement que cette inflation de 4 % à 5 % qu’on voit actuellement va faire place à une inflation de 2 % à 3 %. Et la raison qui explique ça, c’est que la situation actuelle relative aux chaînes d’approvisionnement, qui a entraîné des prix très élevés, des prix historiquement élevés, devraient se résorber au cours des 12 prochains mois. C’est la base de cette raison-là, en quelque sorte.
Mais en même temps, la vigueur de l’économie, où de plus en plus de gens trouvent un emploi, où les revenus augmentent, où les gens sont plutôt confiants par rapport à l’économie, où les cours boursiers augmentent, où les prix des maisons augmentent, où les gens se sentent plus riches, ça va faire augmenter les dépenses de consommation. Et tout ça va soutenir la demande, qui maintient l’inflation près de 2 % à 3 %.
- James, merci beaucoup pour votre temps.
- Merci.
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