
Les niveaux des voyages sont revenus à ceux d’avant la pandémie, mais le secteur du transport aérien connaît-il la même vigueur? L’animateur de MoneyTalk, Greg Bonnell, discute avec David Mau, gestionnaire de portefeuille à Gestion de Placements TD.
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Une saison estivale chargée en voyages a vu la demande de vols revenir aux niveaux d'avant la pandémie. Mais cette croissance se reflète-t-elle dans les actions des compagnies aériennes? David Mau, gestionnaire de portefeuille à Gestion de Placements TD, commente. Bonjour, Greg. Il ne faut pas aller loin quand on ouvre un journal ou qu'on circule sur le net pour apprendre que la demande de voyages se porte bien. Les gens veulent se déplacer. Nous avons renoué avec les niveaux d'avant la pandémie. Qu'arrive-t-il aux actions? Vous avez raison, la demande de voyages est au rendez-vous, a renoué avec les niveaux d'avant 2020, mais la croissance des revenus prévue pour 2023 sera supérieure à celle de 2019. Mais comme vous l'avez dit, les actions des compagnies aériennes sont cotées largement en deçà de leurs niveaux de 2019. Les cours des actions de compagnies aériennes sont essentiellement inférieurs de 30 à 50% à ce qu'ils étaient en 2019. Il y a certaines raisons à cela, mais la principale, c'est que les dépenses ont beaucoup augmenté. Cela signifie que la rentabilité de ces compagnies aériennes a baissé. Même si le chiffre d'affaires est plus élevé, les bénéfices sont plus bas. Le coût du carburant a augmenté, le coût de la main-d'œuvre aussi. Dans cette conjoncture inflationniste, les frais d'exploitations généraux sont beaucoup plus élevés qu'ils ne l'étaient il y a quatre ans, en 2019. Et cela se reflète sur le cours des actions. Il y a un autre facteur dont les marchés tiennent compte, c'est la récession annoncée depuis deux ans, qui ne s'est pas encore vraiment concrétisée, mais qui plombe également le cours des actions. J'imagine que l'inquiétude face à une récession... Il y a longtemps qu'on en parle, on l'attend encore. On espère peut-être qu'elle n'arrivera jamais ou qu'il y aura un atterrissage en douceur. Mais si une récession se déclare, elle surviendrait au moment même où les compagnies aériennes renouent avec la croissance. Oui, ce serait une autre raison pour les gens pour ne pas voyager. Rappelez-vous qu'en 2020–2021, même au début 2022, c'était une époque très difficile pour les compagnies aériennes. Elles ont perdu des milliards de dollars et n'ont pas encore refait ces pertes. Cela reflète également le cours des actions. Quant aux destinations de voyage, il y a une différence entre les voyages intérieurs et les voyages à l'étranger. Lequel gagne? À l'heure actuelle, les voyages à l'étranger offrent des perspectives beaucoup plus prometteuses. Rappelez-vous 2022, l'an dernier: c'était la première année complète pendant laquelle il était possible de voyager. La plupart des déplacements étaient intérieurs. C'était des voyages à l'intérieur du pays de chacun. Mais les voyages à l'étranger étaient entravés par de nombreuses restrictions liées à la COVID qui avaient été mises en œuvre par un certain nombre de pays. Il fallait porter un masque à l'aéroport, à bord de l'avion. Il y avait des quarantaines, des exigences de vaccination. Tous ces éléments ont entravé l'essor des déplacements à l'étranger, mais la plupart de ces restrictions ont été abrogées au milieu de l'année dernière. À l'heure actuelle, beaucoup de gens ayant accompli le voyage à l'autre bout du pays pour visiter grand-maman vont se payer le voyage en Asie ou les vacances au soleil qu'ils avaient dû reporter. Ce qui est reflété dans les chiffres des déplacements, c'est que la demande de voyages intérieurs commence à diminuer beaucoup. Les résultats du deuxième trimestre pour la plupart des grandes compagnies aériennes américaines, les transporteurs régionaux - Southwest, JetBlue, Alaska Airlines - ont obtenu de bons résultats au deuxième trimestre qui dépassent les attentes, mais leurs annonces pour le troisième trimestre et au-delà sont beaucoup moins prometteuses qu'on ne l'avait supposé. Si peu prometteuses, en fait, que la plupart des transporteurs intérieurs vont devoir commencer à réduire le prix des billets d'avion après la saison des voyages estivale. C'est très différent de ce qui se passe pour les transporteurs internationaux - United, Delta, American - qui ont obtenu de bons résultats au deuxième trimestre, mais qui ont d'excellentes perspectives pour le troisième: d'excellentes réservations jusqu'à la fin de l'année sur les liaisons internationales. Les transporteurs internationaux ont relevé leur pronostic de bénéfices pour le reste de l'année, alors que les transporteurs intérieurs l'ont baissé. C'est compréhensible. Les gens qui ont dû prendre des vacances dans leur pays veulent maintenant aller à l'étranger. Que dire des déplacements d'affaires, qui sont très lucratifs pour les entreprises compte tenu des prix des billets d'affaires? Il y a eu une certaine reprise, mais par comparaison aux niveaux de 2019... nous sommes encore en deçà de 15 à 20% des niveaux de 2019. Les entreprises sont prudentes face à la perspective d'une récession. Elles ne veulent pas claquer le budget de déplacements pour l'année et elles cherchent à faire preuve de retenue. Même s'il y a eu une relance considérable des déplacements d'affaires, nous n'en sommes pas encore aux niveaux d'il y a quelques années. On a parlé des hausses de coûts des compagnies aériennes. L'un des coûts les plus importants, c'est le carburant. Le cours du pétrole est plus bas qu'il ne l'était l'an dernier. Les cours du carburant cette année sont un facteur favorable. Lorsque le pétrole avait atteint 120$ par rapport à ce qu'il est aujourd'hui, environ 80... c'est un facteur très favorable. Mais quand on compare à 2019, le pétrole coûtait 60$ le baril. Alors à 80$ aujourd'hui, le coût du carburant est toujours supérieur d'un tiers. Depuis 12 mois, le coût du carburant a effectivement baissé, ce qui est favorable, mais d'autres catégories de dépenses augmentent en revanche. La plus importante, c'est celle de la main-d’œuvre; le coût de la main-d'œuvre. De fait, quand on considère la répartition des coûts d'exploitation des compagnies aériennes, le carburant représente 25% à 30% et le personnel, 25% voire davantage. Quand ces deux éléments sont plus élevés qu'ils ne l'étaient il y a quelques années, cela a un impact considérable sur la rentabilité. Voilà les problèmes actuels et à court terme. Que dire du moyen et du long terme? Comment les compagnies aériennes se présentent-elles? Je crois qu'elles sont en situation assez favorable, mais elles doivent maîtriser leurs coûts. Le coût de la main-d'œuvre, comme je l'ai dit, est très important et la tendance est à la hausse. Cette tendance ne semble pas appelée à prendre fin. Il y a quelques semaines, United a conclu un accord avec ses pilotes, dont le traitement a été relevé de 40% d'ici quatre ans. American Airlines, peu de temps après, a conclu une entente semblable. En effet, il s'agit d'éviter une grève des pilotes qui paralyserait le réseau. Ces coûts sont permanents. Il s'agit de voir dans quelle mesure les compagnies aériennes peuvent les compenser en relevant le prix des billets et quelle sera la capacité de riposte des syndicats, car il y a des syndicats des aiguilleurs de l'air, du personnel navigant, et ainsi de suite.