La Fed devrait relever les taux à sa prochaine réunion, tout en injectant des fonds dans les sociétés financières en difficulté. Greg Bonnell discute avec Alexandra Gorewicz, gestionnaire de portefeuille, Titres à revenu fixe à gestion active, Gestion de Placements TD, de ce que les marchés obligataires nous disent sur le futur.
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La Fed vient de relever les taux d’intérêt de 25 points de base – une décision qui intervient en pleine vague de turbulences dans le secteur bancaire. Hafiz Noordin, gestionnaire de portefeuille, Gestion de Placements TD partage sa réaction. Il y a beaucoup à commenter, Hafiz. Commençons par la question la plus pressante. Avant cette réunion, la discussion tournait surtout autour des craintes pour la stabilité financière, mais aussi de l’inflation persistante. Comment la Fed a-t-elle trouvé un équilibre?
Oui, exactement. C’était clairement le sujet du débat. Compte tenu des fortes tensions dans le secteur bancaire, la Fed pouvait-elle réellement séparer son mandat de maîtrise de l’inflation – c’est-à-dire son mandat principal – des risques évidents qui pèsent sur le secteur bancaire? Avant la réunion, le marché était d’avis qu’avec la combinaison de mesures prises par la Fed, la FDIC et le Trésor qui, ensemble, visent à fournir de nouvelles liquidités au secteur bancaire, la Fed pouvait se permettre de relever son taux de 25 points de base. Le marché en tenait compte à hauteur d’environ 80 %, et aujourd’hui, cette hausse prend acte du fait que l’inflation demeure élevée. L’inflation de base se situe toujours dans une fourchette de 5 à 5,5 %. Mais dans son communiqué d’aujourd’hui, la Fed reconnaît que même si le secteur bancaire américain est solide, il est clair qu’il y aura un nouveau resserrement des conditions de crédit de la part des banques pour protéger leur bilan. Il y aura des effets sur l’économie réelle, un risque plus élevé de repli de la croissance et un renforcement de cette tendance déflationniste qui devrait durer un an ou deux.
C’est vraiment le changement que l’on observe depuis deux semaines. Il y a deux semaines, presque jour pour jour, Jerome Powell tenait un discours très ferme sur la nécessité de poursuivre les hausses. C’était dans le dernier communiqué. Les hausses allaient se poursuivre. La dernière fois qu’il s’est exprimé, il a dit que le taux final serait peut-être plus élevé que ce à quoi on s’attendait. Le discours a maintenant changé. Il écarte aujourd’hui des hausses régulières et évoque plutôt de nouvelles politiques. Comment interpréter ces déclarations pour la suite?
En réalité, c’est le taux final qui a été réévalué. Plus tôt ce mois-ci, après une série de rapports très solides sur le marché du travail, l’inflation et la consommation aux États-Unis, le taux final est passé d’environ 5 % à près de 6 %. Ces chiffres laissaient présager que la Fed pourrait même procéder à une hausse de 50 points de base. Évidemment, il s’est passé beaucoup de choses depuis début mars. Et on voit maintenant que le taux final a été réévalué à 5 %. On peut donc en conclure que le marché n’anticipe pratiquement plus de nouvelle hausse. D’ailleurs, le graphique à points de la Fed d’aujourd’hui confirme l’idée que les taux vont tourner autour de 5 % dans un avenir proche. La grande source de tension entre le marché et la Fed, c’est le début des baisses de taux. Avec la crise qui a éclaté dans le secteur bancaire ces dernières semaines, le marché anticipe désormais des baisses de taux dès juin ou juillet. Mais dans son communiqué et ses projections économiques d’aujourd’hui, la Fed tient tête et prévoit un taux directeur stable pour le reste de l’année. C’est la question qu’il reste à résoudre.
J’aimerais revenir sur ce que vous avez dit plus tôt au sujet des événements dans le secteur bancaire et du resserrement qui va en découler. La Fed l’a pleinement reconnu dans son communiqué et dans la conférence de presse. Le président Powell a déclaré que même si le système bancaire américain est solide et résilient, on va assister à un resserrement du crédit. Et il y aura des répercussions sur l’économie. On perçoit presque l’idée que les turbulences du secteur bancaire vont commencer à avoir l’effet que la Fed recherchait avec des hausses de taux, et qu’elle va peut-être pouvoir adoucir le ton.
Tout à fait. C’était un point clé du communiqué et le président Powell l’a souligné durant la conférence de presse. Il y a un mécanisme de transmission, par l’intermédiaire des banques, de la hausse des taux directeurs – plus de 400 points de base ces douze derniers mois. Les effets décalés de ces hausses se font désormais sentir dans l’économie. Et dès qu’une cassure se produit quelque part, les conditions de crédit se resserrent. L’économie réelle va être touchée et la croissance va pouvoir diminuer. Je crois que le président Powell est même allé plus loin lors de la conférence de presse, en disant qu’ils avaient même envisagé une pause. On est donc passés d’une possible hausse de 50 points de base à une pause en à peine quelques semaines. Et le marché s’est clairement accroché à cette déclaration. Les actions et les obligations sont remontées en flèche. Le marché sait maintenant que la Fed est très attentive au fait qu’il faut maintenir la stabilité financière pour assurer une baisse ordonnée de l’inflation et éviter un choc qui pourrait anéantir l’économie.
Le communiqué et la décision d’aujourd’hui s’inscrivent dans un contexte de turbulences pour les banques régionales américaines. Quelles sont les perspectives pour le dollar américain? Le dollar américain a connu un tel règne, une telle domination. Où s’en va-t-il maintenant?
Aujourd’hui, la tendance est sans aucun doute à la baisse, ce qui s’explique par la forte réévaluation sur le marché obligataire. Sur la portion à deux ans de la courbe – qui reflète vraiment les variations du taux directeur ou le taux directeur que l’on anticipe pour les deux prochaines années – on observe une baisse d’environ 20 points de base. Quand les taux obligataires à court terme sont plus faibles aux États-Unis que dans le reste du monde, cela se traduit généralement par une baisse du dollar US. Et c’est ce que nous constatons. L’euro est en hausse aujourd’hui. Essentiellement, la Fed envisage aujourd’hui une pause, elle doit désormais s’appuyer davantage sur les données et on entrevoit de futures réductions de taux. Le dollar américain n’a donc pas vraiment de raisons de grimper, à moins de hausses surprises des chiffres de l’inflation ou de l’emploi qui pousseraient la Fed à réévaluer ce taux final et à le relever au-delà de 5 %.
Beaucoup de bouleversements en peu de temps. Je vous remercie de nous avoir éclairés, Hafiz.
Je vous en prie.
Hafiz Noordin, gestionnaire de portefeuille à Gestion de Placements TD. [MUSIQUE]
La Fed vient de relever les taux d’intérêt de 25 points de base – une décision qui intervient en pleine vague de turbulences dans le secteur bancaire. Hafiz Noordin, gestionnaire de portefeuille, Gestion de Placements TD partage sa réaction. Il y a beaucoup à commenter, Hafiz. Commençons par la question la plus pressante. Avant cette réunion, la discussion tournait surtout autour des craintes pour la stabilité financière, mais aussi de l’inflation persistante. Comment la Fed a-t-elle trouvé un équilibre?
Oui, exactement. C’était clairement le sujet du débat. Compte tenu des fortes tensions dans le secteur bancaire, la Fed pouvait-elle réellement séparer son mandat de maîtrise de l’inflation – c’est-à-dire son mandat principal – des risques évidents qui pèsent sur le secteur bancaire? Avant la réunion, le marché était d’avis qu’avec la combinaison de mesures prises par la Fed, la FDIC et le Trésor qui, ensemble, visent à fournir de nouvelles liquidités au secteur bancaire, la Fed pouvait se permettre de relever son taux de 25 points de base. Le marché en tenait compte à hauteur d’environ 80 %, et aujourd’hui, cette hausse prend acte du fait que l’inflation demeure élevée. L’inflation de base se situe toujours dans une fourchette de 5 à 5,5 %. Mais dans son communiqué d’aujourd’hui, la Fed reconnaît que même si le secteur bancaire américain est solide, il est clair qu’il y aura un nouveau resserrement des conditions de crédit de la part des banques pour protéger leur bilan. Il y aura des effets sur l’économie réelle, un risque plus élevé de repli de la croissance et un renforcement de cette tendance déflationniste qui devrait durer un an ou deux.
C’est vraiment le changement que l’on observe depuis deux semaines. Il y a deux semaines, presque jour pour jour, Jerome Powell tenait un discours très ferme sur la nécessité de poursuivre les hausses. C’était dans le dernier communiqué. Les hausses allaient se poursuivre. La dernière fois qu’il s’est exprimé, il a dit que le taux final serait peut-être plus élevé que ce à quoi on s’attendait. Le discours a maintenant changé. Il écarte aujourd’hui des hausses régulières et évoque plutôt de nouvelles politiques. Comment interpréter ces déclarations pour la suite?
En réalité, c’est le taux final qui a été réévalué. Plus tôt ce mois-ci, après une série de rapports très solides sur le marché du travail, l’inflation et la consommation aux États-Unis, le taux final est passé d’environ 5 % à près de 6 %. Ces chiffres laissaient présager que la Fed pourrait même procéder à une hausse de 50 points de base. Évidemment, il s’est passé beaucoup de choses depuis début mars. Et on voit maintenant que le taux final a été réévalué à 5 %. On peut donc en conclure que le marché n’anticipe pratiquement plus de nouvelle hausse. D’ailleurs, le graphique à points de la Fed d’aujourd’hui confirme l’idée que les taux vont tourner autour de 5 % dans un avenir proche. La grande source de tension entre le marché et la Fed, c’est le début des baisses de taux. Avec la crise qui a éclaté dans le secteur bancaire ces dernières semaines, le marché anticipe désormais des baisses de taux dès juin ou juillet. Mais dans son communiqué et ses projections économiques d’aujourd’hui, la Fed tient tête et prévoit un taux directeur stable pour le reste de l’année. C’est la question qu’il reste à résoudre.
J’aimerais revenir sur ce que vous avez dit plus tôt au sujet des événements dans le secteur bancaire et du resserrement qui va en découler. La Fed l’a pleinement reconnu dans son communiqué et dans la conférence de presse. Le président Powell a déclaré que même si le système bancaire américain est solide et résilient, on va assister à un resserrement du crédit. Et il y aura des répercussions sur l’économie. On perçoit presque l’idée que les turbulences du secteur bancaire vont commencer à avoir l’effet que la Fed recherchait avec des hausses de taux, et qu’elle va peut-être pouvoir adoucir le ton.
Tout à fait. C’était un point clé du communiqué et le président Powell l’a souligné durant la conférence de presse. Il y a un mécanisme de transmission, par l’intermédiaire des banques, de la hausse des taux directeurs – plus de 400 points de base ces douze derniers mois. Les effets décalés de ces hausses se font désormais sentir dans l’économie. Et dès qu’une cassure se produit quelque part, les conditions de crédit se resserrent. L’économie réelle va être touchée et la croissance va pouvoir diminuer. Je crois que le président Powell est même allé plus loin lors de la conférence de presse, en disant qu’ils avaient même envisagé une pause. On est donc passés d’une possible hausse de 50 points de base à une pause en à peine quelques semaines. Et le marché s’est clairement accroché à cette déclaration. Les actions et les obligations sont remontées en flèche. Le marché sait maintenant que la Fed est très attentive au fait qu’il faut maintenir la stabilité financière pour assurer une baisse ordonnée de l’inflation et éviter un choc qui pourrait anéantir l’économie.
Le communiqué et la décision d’aujourd’hui s’inscrivent dans un contexte de turbulences pour les banques régionales américaines. Quelles sont les perspectives pour le dollar américain? Le dollar américain a connu un tel règne, une telle domination. Où s’en va-t-il maintenant?
Aujourd’hui, la tendance est sans aucun doute à la baisse, ce qui s’explique par la forte réévaluation sur le marché obligataire. Sur la portion à deux ans de la courbe – qui reflète vraiment les variations du taux directeur ou le taux directeur que l’on anticipe pour les deux prochaines années – on observe une baisse d’environ 20 points de base. Quand les taux obligataires à court terme sont plus faibles aux États-Unis que dans le reste du monde, cela se traduit généralement par une baisse du dollar US. Et c’est ce que nous constatons. L’euro est en hausse aujourd’hui. Essentiellement, la Fed envisage aujourd’hui une pause, elle doit désormais s’appuyer davantage sur les données et on entrevoit de futures réductions de taux. Le dollar américain n’a donc pas vraiment de raisons de grimper, à moins de hausses surprises des chiffres de l’inflation ou de l’emploi qui pousseraient la Fed à réévaluer ce taux final et à le relever au-delà de 5 %.
Beaucoup de bouleversements en peu de temps. Je vous remercie de nous avoir éclairés, Hafiz.
Je vous en prie.
Hafiz Noordin, gestionnaire de portefeuille à Gestion de Placements TD. [MUSIQUE]