La Réserve fédérale américaine a procédé à une troisième hausse consécutive de trois quarts de point dans le but de réduire l’inflation, et a annoncé d’autres hausses importantes lors de réunions à venir. Anthony Okolie discute avec James Marple, économiste principal, Groupe Banque TD, des perspectives pour l’économie américaine.
Print Transcript
La Fed a relevé les taux d’intérêt de 75 points de base pour la troisième fois de suite. Elle a également indiqué que d’autres hausses sont à venir afin de ramener l’inflation à l’objectif de 2 %. James, qu’est-ce qui a retenu votre attention aujourd’hui?
Eh bien, au vu de la déclaration, les choses ont très, très peu changé. Quelques mots au tout début pour décrire la conjoncture économique actuelle, une mise à jour pour… les événements qui se sont produits. Mais rien d’autre n’a changé dans la déclaration.
On s’attend à des hausses de 75 points de base. Je pense que tout le monde sur les marchés s’attendait à ce type de hausse de taux. Ce qui a été un peu plus surprenant, c’est l’enquête sur les projections économiques, menée auprès de tous les membres du FOMC, à la fois ceux qui ont le droit de vote et ceux qui ne l’ont pas. Et là, il y a eu une réelle hausse des prévisions concernant les taux des fonds fédéraux.
Comme vous l’avez dit, elle a porté ce taux à 4,4 %, et d’autres hausses sont prévues au cours de l’année prochaine. C’est donc le grand changement. Les projections économiques ont aussi été revues à la baisse. En se référant aux données que nous avons déjà vues cette année, il n’y a pratiquement aucune croissance économique en 2022. Bien sûr, au cours des deux premiers trimestres, la croissance a été négative, donc ça fait sens. Mais de nouveau, l’an prochain, le taux de croissance s’affaiblira de façon presque égale et on aura une poursuite de croissance économique inférieure à la tendance.
Et, fait tout aussi important, on voit maintenant une hausse réelle et notable du taux de chômage. Il avait auparavant été estimé à moins de 4 %, ce qui correspond à une perspective à long terme. La Fed prévoit maintenant qu’il atteigne 4,4 % et qu’il s’y maintienne en 2023 et 2024. Elle dit donc clairement qu’il va falloir composer avec des difficultés économiques pour réduire l’inflation. Et sur le front de l’inflation, les prévisions ont aussi été revues à la hausse et on s’attend à ce qu’il faille un peu plus de temps pour revenir à l’objectif de 2 %.
Et vous avez dit que nous allons devoir augmenter les taux d’intérêt, et côté croissance économique, il y aura des difficultés à cause de ça. J’aimerais revenir sur un autre point que vous avez mentionné. Le FOMC prévoit un taux médian des fonds fédéraux d’environ 4,4 % d’ici la fin de l’année. Quelles perspectives voyez-vous pour les taux?
Eh bien, probablement encore à la hausse. Nous sommes à 3,25 %. Il y a probablement d’autres hausses à venir. Nous pensons qu’ils atteindront au moins 4 % d’ici la fin de l’année. Et, bien sûr, nous devrons surveiller les données économiques si l’inflation continue à surprendre comme elle l’a fait.
C’est la mission prioritaire. C’est ce sur quoi la Fed se concentre. Et… les taux devraient probablement augmenter encore. S’ils ont de la chance sur le plan de l’inflation, peut-être un peu comme ce fut le cas au Canada, où l’inflation est un peu plus basse et diminue, en faisant un pas dans la bonne direction, elle n’aura peut-être pas à augmenter autant. Mais le président de la Fed a été assez constant sur ce point, à savoir surveiller les mesures de l’inflation et avoir vraiment la conviction de ne pas faire l’erreur de qualifier le repli de temporaire, comme ce fut le cas pour la hausse.
Et comme vous l’avez mentionné, elle veut certainement que l’inflation de base diminue. J’aimerais qu’on parle des marchés. Comment les marchés obligataires ont-ils réagi à ces commentaires? Nous avons vu que le taux des obligations du Trésor à deux ans a augmenté, je crois qu’il a dépassé 4 %. Quelle a été la réaction du marché obligataire jusqu’à maintenant?
Eh bien, lors de la déclaration, tout a bondi, surtout sur la portion à court terme de la courbe. Puis, le ton modéré de Jay Powell a commencé à apaiser certaines de ces inquiétudes, nous avons vu les taux obligataires remonter un peu. Mais en examinant la courbe, on constate que les taux sont généralement en hausse, évidemment plus à court terme, car les marchés commencent, je crois, à croire la Fed lorsqu’elle affirme qu’elle se concentre uniquement sur l’inflation.
Et peut-être le signal que même une certaine hausse et le chômage ne suffiraient pas à leur faire changer d’avis, ce qui se traduit par des attentes de taux à court terme plus élevés.
Bien sûr, certains risques pèsent sur les perspectives en matière d’inflation. Il y a le conflit entre la Russie et l’Ukraine. Mais selon vous, quels sont les autres risques importants qui pèsent sur les taux d’intérêt à l’avenir?
JAMES MARPLE : Eh bien, vous avez certainement vu l’effet des taux d’intérêt sur les secteurs sensibles aux taux d’intérêt, en particulier l’habitation. Les ventes de maisons existantes ont encore diminué. Les ventes de voitures et tout ce qui est lié aux taux d’intérêt restent faibles. Donc je pense que la Fed va se pencher sur la question.
Elle va observer les indicateurs généraux de l’activité économique, en particulier du côté des consommateurs. Les dépenses de consommation ont été assez faibles. Mais, encore une fois, je pense que l’inflation va être observée.
En matière de risques économiques, tout choc financier important peut amener à une réaction un peu plus lente. Mais je pense que ça va vraiment dépendre de l’inflation. Encore une fois, il y aura une tolérance envers une certaine détérioration de l’économie dans le but d’atteindre l’objectif de 2 %.
ANTHONY OKOLIE : Oui, et Jay Powell a clairement répété qu’il souhaite atteindre cet objectif de 2 %. Enfin, le dollar américain s’est envolé récemment. Son indice est à son plus haut niveau depuis 20 ans par rapport à un panier de devises. Quelles perspectives voyez-vous pour le dollar américain?
JAMES MARPLE : Eh bien, je pense… je pense beaucoup au dollar canadien par rapport au dollar américain. Dans ce contexte, l’économie canadienne, du moins jusqu’à présent, semble avoir été plus performante. Maintenant, je crois qu’il y a des doutes quant à la possibilité que cela se poursuive. Mais si l’économie canadienne continuait d’afficher une certaine résilience, nous pourrions voir un dollar canadien un peu plus fort que le dollar américain, qui a été très durement touché.
Bien sûr, je pense que les écarts d’inflation auront de l’importance, car comme l’inflation a commencé à diminuer un peu au Canada, cela a nui au huard, en raison des hausses de taux de la Banque du Canada qui ne devraient pas être aussi importantes. Je dirais que nous verrons probablement une appréciation un peu plus marquée du dollar canadien au cours des prochains mois. Il s’est beaucoup affaibli, et je ne pense pas que la politique monétaire des deux pays sera très différente. Les deux se sont fortement engagés à ramener l’inflation à 2 %.
Par rapport à l’euro, je crois que nous nous attendons à une faiblesse persistante. Je ne suis pas sûr que l’euro s’affaiblira beaucoup par rapport à aujourd’hui, mais il est certain que leurs défis en matière d’énergie ne datent pas d’hier. Et ils vont avoir du mal, du fait qu’ils vont probablement entrer en récession d’ici la fin de l’année, à resserrer leur politique autant que nous le faisons de ce côté-ci de l’Atlantique.
ANTHONY OKOLIE : Il y a encore beaucoup de variables, James. Merci beaucoup pour vos explications.
Je vous en prie.
[MUSIQUE]
Eh bien, au vu de la déclaration, les choses ont très, très peu changé. Quelques mots au tout début pour décrire la conjoncture économique actuelle, une mise à jour pour… les événements qui se sont produits. Mais rien d’autre n’a changé dans la déclaration.
On s’attend à des hausses de 75 points de base. Je pense que tout le monde sur les marchés s’attendait à ce type de hausse de taux. Ce qui a été un peu plus surprenant, c’est l’enquête sur les projections économiques, menée auprès de tous les membres du FOMC, à la fois ceux qui ont le droit de vote et ceux qui ne l’ont pas. Et là, il y a eu une réelle hausse des prévisions concernant les taux des fonds fédéraux.
Comme vous l’avez dit, elle a porté ce taux à 4,4 %, et d’autres hausses sont prévues au cours de l’année prochaine. C’est donc le grand changement. Les projections économiques ont aussi été revues à la baisse. En se référant aux données que nous avons déjà vues cette année, il n’y a pratiquement aucune croissance économique en 2022. Bien sûr, au cours des deux premiers trimestres, la croissance a été négative, donc ça fait sens. Mais de nouveau, l’an prochain, le taux de croissance s’affaiblira de façon presque égale et on aura une poursuite de croissance économique inférieure à la tendance.
Et, fait tout aussi important, on voit maintenant une hausse réelle et notable du taux de chômage. Il avait auparavant été estimé à moins de 4 %, ce qui correspond à une perspective à long terme. La Fed prévoit maintenant qu’il atteigne 4,4 % et qu’il s’y maintienne en 2023 et 2024. Elle dit donc clairement qu’il va falloir composer avec des difficultés économiques pour réduire l’inflation. Et sur le front de l’inflation, les prévisions ont aussi été revues à la hausse et on s’attend à ce qu’il faille un peu plus de temps pour revenir à l’objectif de 2 %.
Et vous avez dit que nous allons devoir augmenter les taux d’intérêt, et côté croissance économique, il y aura des difficultés à cause de ça. J’aimerais revenir sur un autre point que vous avez mentionné. Le FOMC prévoit un taux médian des fonds fédéraux d’environ 4,4 % d’ici la fin de l’année. Quelles perspectives voyez-vous pour les taux?
Eh bien, probablement encore à la hausse. Nous sommes à 3,25 %. Il y a probablement d’autres hausses à venir. Nous pensons qu’ils atteindront au moins 4 % d’ici la fin de l’année. Et, bien sûr, nous devrons surveiller les données économiques si l’inflation continue à surprendre comme elle l’a fait.
C’est la mission prioritaire. C’est ce sur quoi la Fed se concentre. Et… les taux devraient probablement augmenter encore. S’ils ont de la chance sur le plan de l’inflation, peut-être un peu comme ce fut le cas au Canada, où l’inflation est un peu plus basse et diminue, en faisant un pas dans la bonne direction, elle n’aura peut-être pas à augmenter autant. Mais le président de la Fed a été assez constant sur ce point, à savoir surveiller les mesures de l’inflation et avoir vraiment la conviction de ne pas faire l’erreur de qualifier le repli de temporaire, comme ce fut le cas pour la hausse.
Et comme vous l’avez mentionné, elle veut certainement que l’inflation de base diminue. J’aimerais qu’on parle des marchés. Comment les marchés obligataires ont-ils réagi à ces commentaires? Nous avons vu que le taux des obligations du Trésor à deux ans a augmenté, je crois qu’il a dépassé 4 %. Quelle a été la réaction du marché obligataire jusqu’à maintenant?
Eh bien, lors de la déclaration, tout a bondi, surtout sur la portion à court terme de la courbe. Puis, le ton modéré de Jay Powell a commencé à apaiser certaines de ces inquiétudes, nous avons vu les taux obligataires remonter un peu. Mais en examinant la courbe, on constate que les taux sont généralement en hausse, évidemment plus à court terme, car les marchés commencent, je crois, à croire la Fed lorsqu’elle affirme qu’elle se concentre uniquement sur l’inflation.
Et peut-être le signal que même une certaine hausse et le chômage ne suffiraient pas à leur faire changer d’avis, ce qui se traduit par des attentes de taux à court terme plus élevés.
Bien sûr, certains risques pèsent sur les perspectives en matière d’inflation. Il y a le conflit entre la Russie et l’Ukraine. Mais selon vous, quels sont les autres risques importants qui pèsent sur les taux d’intérêt à l’avenir?
JAMES MARPLE : Eh bien, vous avez certainement vu l’effet des taux d’intérêt sur les secteurs sensibles aux taux d’intérêt, en particulier l’habitation. Les ventes de maisons existantes ont encore diminué. Les ventes de voitures et tout ce qui est lié aux taux d’intérêt restent faibles. Donc je pense que la Fed va se pencher sur la question.
Elle va observer les indicateurs généraux de l’activité économique, en particulier du côté des consommateurs. Les dépenses de consommation ont été assez faibles. Mais, encore une fois, je pense que l’inflation va être observée.
En matière de risques économiques, tout choc financier important peut amener à une réaction un peu plus lente. Mais je pense que ça va vraiment dépendre de l’inflation. Encore une fois, il y aura une tolérance envers une certaine détérioration de l’économie dans le but d’atteindre l’objectif de 2 %.
ANTHONY OKOLIE : Oui, et Jay Powell a clairement répété qu’il souhaite atteindre cet objectif de 2 %. Enfin, le dollar américain s’est envolé récemment. Son indice est à son plus haut niveau depuis 20 ans par rapport à un panier de devises. Quelles perspectives voyez-vous pour le dollar américain?
JAMES MARPLE : Eh bien, je pense… je pense beaucoup au dollar canadien par rapport au dollar américain. Dans ce contexte, l’économie canadienne, du moins jusqu’à présent, semble avoir été plus performante. Maintenant, je crois qu’il y a des doutes quant à la possibilité que cela se poursuive. Mais si l’économie canadienne continuait d’afficher une certaine résilience, nous pourrions voir un dollar canadien un peu plus fort que le dollar américain, qui a été très durement touché.
Bien sûr, je pense que les écarts d’inflation auront de l’importance, car comme l’inflation a commencé à diminuer un peu au Canada, cela a nui au huard, en raison des hausses de taux de la Banque du Canada qui ne devraient pas être aussi importantes. Je dirais que nous verrons probablement une appréciation un peu plus marquée du dollar canadien au cours des prochains mois. Il s’est beaucoup affaibli, et je ne pense pas que la politique monétaire des deux pays sera très différente. Les deux se sont fortement engagés à ramener l’inflation à 2 %.
Par rapport à l’euro, je crois que nous nous attendons à une faiblesse persistante. Je ne suis pas sûr que l’euro s’affaiblira beaucoup par rapport à aujourd’hui, mais il est certain que leurs défis en matière d’énergie ne datent pas d’hier. Et ils vont avoir du mal, du fait qu’ils vont probablement entrer en récession d’ici la fin de l’année, à resserrer leur politique autant que nous le faisons de ce côté-ci de l’Atlantique.
ANTHONY OKOLIE : Il y a encore beaucoup de variables, James. Merci beaucoup pour vos explications.
Je vous en prie.
[MUSIQUE]