
Les inquiétudes suscitées par le resserrement des conditions de crédit et le ralentissement de la croissance alimentent les spéculations sur ce que pourrait être la prochaine décision de la Réserve fédérale américaine. James Dixon, directeur, Solutions, Bureau de gestion de patrimoine familial à Valeurs Mobilières TD, s’attend à un changement important dans la stratégie de la Fed.
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Les investisseurs évaluent la probabilité que la Réserve fédérale américaine fasse une pause après la hausse de taux de la semaine dernière. Toutefois, notre invité d’aujourd’hui affirme que la stratégie de la Fed pourrait changer de façon plus marquée à l’avenir. Nous accueillons maintenant James Dixon, directeur, Solutions, Bureau de gestion de patrimoine familial à Valeurs Mobilières TD, qui va nous en dire davantage. C’est un plaisir de vous revoir.
Merci de m’avoir invité, Greg. C’est un plaisir d’être de retour.
Parlons de ce qui se passe avec la Fed. La semaine dernière, tout le monde voulait prédire ce qui allait se passer en se disant qu’il y aurait probablement une pause après la hausse de la semaine dernière. Pensez-vous que les changements de politique seront encore plus importants dans les mois à venir? Oui. La semaine dernière, pour être honnête avec vous, je croyais que c’était une erreur de politique. La dernière fois que je suis venu à l’émission...
La hausse en soi aurait été une erreur?
C’est exact. La dernière fois que j’ai participé à l’émission, j’ai clairement indiqué que je croyais que la Fed avait terminé le cycle de hausse. C’est ce qu’elle avait semblé communiquer. Lentement, de plus en plus de hausses se sont rajoutées. La Fed a augmenté de 25 %... je veux dire 25 points de base. Encore une fois, ce qu’elle a communiqué est conciliant. J’ai trouvé très intéressant que M. Powell parle de stabilité pour les banques, qui se portent bien. Et je pense que c’est plutôt troublant. J’ai trouvé que c’était vraiment que pour la forme. Et la raison pour laquelle je dis ça, c’est qu’on a toujours le problème de l’immobilier commercial dont on a parlé la dernière fois que j’ai participé à l’émission. On a toujours un problème avec l’exode des dépôts. De plus, il existe toujours une grande disparité entre les actifs et le passif en ce qui concerne les politiques de transformation des échéances. La vraie question, c’est : et maintenant, qu’est-ce qui se passe? La croissance ralentit. Les conditions de crédit sont très serrées. Mon équipe est toujours d’avis qu’il y aura un important revirement de la Fed. Et comme je l’ai mentionné la dernière fois que j’ai participé à l’émission, il y a une limite à ce qu’elle peut faire en matière de politique de taux d’intérêt. Je pense que le changement le plus important va prendre la forme d’achats d’obligations.
Donc selon vous, on reviendrait à l’assouplissement quantitatif à court terme? Ce serait une grande différence entre dire qu’il faudrait peut-être prendre une pause après ça pour voir comment les choses se passeraient, pour ensuite revenir aux réductions de taux, ce que le marché obligataire pense que la Fed fera peut-être d’ici l’été, et acheter des obligations.
C’est exact. On est donc seuls dans ce camp. Ce n’est certainement pas notre point de vue. On pense que ce virage s’en vient parce qu’il y aura beaucoup d’arrivées à échéance imminentes au cours des prochaines années. On parle de plus de 9 billions de dollars. Le problème est donc de savoir qui va acheter cette dette? Donc, la Fed, si elle ne l’achète pas, je ne sais pas où iront ces émissions-là. Donc le Trésor émet de nouvelles obligations pour absorber l’ancienne dette, effectuer les remboursements et augmenter la dette. Pour ce qui est de la taille des placements, je ne sais pas comment le marché les absorbe. Ce ne sont pas les mêmes acheteurs que la dernière fois, parce qu’il y a la guerre froide avec la Chine. Et les États-Unis ont utilisé le dollar comme arme lorsqu’ils ont gelé des actifs libellés en dollars, ce qui a isolé beaucoup d’acheteurs précédents. Alors, même si les investisseurs absorbaient la totalité des émissions, qu’advient-il des écarts de taux? Le taux de ces obligations de sociétés va grimper en flèche, ce qui va compliquer le financement et nuire aux perspectives de croissance.
Que ferait le marché de ces informations? Parce que, de toute évidence, on a l’impression que certains participants au marché souhaitent un revirement de la Fed. Ils veulent que la politique de taux d’intérêt de la Fed sorte d’un territoire restrictif. Et puis ils se disent que ce serait favorable aux actions. Est-ce aussi simple que ça, compte tenu du type de situation que vous décrivez?
Eh bien, oui, absolument. Donc si la Fed achète toutes ces obligations, cela représente une énorme quantité de liquidités injectées sur le marché. C’est un très mauvais risque. Ça signifie un dollar américain plus faible. Ça signifie que les actions vont se redresser. Le problème, c’est qu’il y a aussi l’inflation. Où ça pourrait être un peu difficile, c’est qu’on annonce un programme d’achat d’obligations qui ferait bondir l’inflation, qu’on devrait ensuite réduire. Les marchés pourraient donc être assez instables.
L’inflation... parlons de cette situation. De toute évidence, on en parle beaucoup moins dans les nouvelles depuis plusieurs mois. Et, bien sûr, il est plus difficile de revenir au niveau souhaité, soit autour de 2 %. Est-ce quelque chose que la Fed peut réaliser?
Eh bien, je pense qu’on en a parlé la dernière fois que j’ai participé à l’émission, Greg. On croit que l’inflation est persistante. Certains des grands thèmes sont présents : le rapatriement des chaînes d’approvisionnement, la remilitarisation, la construction d’infrastructures essentielles à domicile et les prix des produits de base qui demeurent élevés. Selon nous, ce sont tous des facteurs inflationnistes. On pense également que le problème démographique est un gros problème, et qu’il va se poser. Alors, même si on pense que l’inflation fait baisser les taux, on croit que ceux-ci se stabilisent autour de 3 % ou 4 %. Et ce qui est très intéressant, c’est la première fois où on a formulé cette thèse, il y a plus d’un an. Et mon équipe et moi... personne ne croyait à ce scénario-là. Et c’est presque ce que l’on entend maintenant dans le milieu financier : une inflation persistante qui fait baisser les taux et qui finit par stabiliser les taux autour de 3 % ou 4 %. Et ça va freiner la politique de la Fed.
Ce terme a été lancé, je crois, vers le début de la forte hausse de l’inflation, lorsque les gens ont cessé de parler de transition et ont commencé à penser qu’il y avait un problème plus important. Les banques centrales réagissent. Certains parlent de « stagflation », et il y a une génération qui ne sait pas vraiment ce que ça signifie de vivre dans un tel contexte. Est-ce une préoccupation pour l’avenir?
Tout à fait. Si on prend du recul, une économie peut se trouver dans l’une de quatre phases. L’inflation et la croissance augmentent. L’inflation augmente et la croissance stagne; c’est ce qu’on appelle un contexte stagflationniste. L’inflation diminue et la croissance est élevée. Ou encore, l’inflation et la croissance diminuent. Le contexte de stagflation est donc un réel problème, car que faut-il faire? Il faut effectuer un assouplissement pour stimuler la croissance. Mais c’est difficile, parce que l’inflation est élevée. Alors que doit-on faire? Si je reviens à ce dont on a parlé lors de la dernière émission, je crois que c’est presque un contexte où les banques centrales doivent se sentir à l’aise avec des taux d’inflation élevés. Et c’est parce que les bilans ont explosé. Et si votre bilan est gonflé, la seule façon d’amenuiser votre dette est de la réduire.
Si les banques centrales devaient se sentir plus à l’aise avec un taux d’inflation plus élevé, disons de 3 %, ou de 4 %, et qu’elles diraient que c’est très bien comme ça, ce ne serait pas nécessaire de revenir à 2 %, est-ce que ce serait une décision officielle concernant les politiques? Ou est-ce simplement quelque chose qui leur ferait dire : « Eh bien, vous savez, de facto, tout va bien, même si nous n’avons pas changé notre cible globale. » Je pense que c’est une question délicate. Vous pourriez avancer le même argument au sujet du plafond d’endettement. Le plafond d’endettement est relevé continuellement, mais y a-t-il déjà eu un changement de politique? Et la réponse est non. On se retrouve donc dans la même situation où les taux se stabilisent de facto. Elles ne peuvent pas dire ouvertement qu’elles changent de politique, parce que, selon moi, ce serait vraiment mauvais sur le plan politique. [MUSIQUE]
Les investisseurs évaluent la probabilité que la Réserve fédérale américaine fasse une pause après la hausse de taux de la semaine dernière. Toutefois, notre invité d’aujourd’hui affirme que la stratégie de la Fed pourrait changer de façon plus marquée à l’avenir. Nous accueillons maintenant James Dixon, directeur, Solutions, Bureau de gestion de patrimoine familial à Valeurs Mobilières TD, qui va nous en dire davantage. C’est un plaisir de vous revoir.
Merci de m’avoir invité, Greg. C’est un plaisir d’être de retour.
Parlons de ce qui se passe avec la Fed. La semaine dernière, tout le monde voulait prédire ce qui allait se passer en se disant qu’il y aurait probablement une pause après la hausse de la semaine dernière. Pensez-vous que les changements de politique seront encore plus importants dans les mois à venir? Oui. La semaine dernière, pour être honnête avec vous, je croyais que c’était une erreur de politique. La dernière fois que je suis venu à l’émission...
La hausse en soi aurait été une erreur?
C’est exact. La dernière fois que j’ai participé à l’émission, j’ai clairement indiqué que je croyais que la Fed avait terminé le cycle de hausse. C’est ce qu’elle avait semblé communiquer. Lentement, de plus en plus de hausses se sont rajoutées. La Fed a augmenté de 25 %... je veux dire 25 points de base. Encore une fois, ce qu’elle a communiqué est conciliant. J’ai trouvé très intéressant que M. Powell parle de stabilité pour les banques, qui se portent bien. Et je pense que c’est plutôt troublant. J’ai trouvé que c’était vraiment que pour la forme. Et la raison pour laquelle je dis ça, c’est qu’on a toujours le problème de l’immobilier commercial dont on a parlé la dernière fois que j’ai participé à l’émission. On a toujours un problème avec l’exode des dépôts. De plus, il existe toujours une grande disparité entre les actifs et le passif en ce qui concerne les politiques de transformation des échéances. La vraie question, c’est : et maintenant, qu’est-ce qui se passe? La croissance ralentit. Les conditions de crédit sont très serrées. Mon équipe est toujours d’avis qu’il y aura un important revirement de la Fed. Et comme je l’ai mentionné la dernière fois que j’ai participé à l’émission, il y a une limite à ce qu’elle peut faire en matière de politique de taux d’intérêt. Je pense que le changement le plus important va prendre la forme d’achats d’obligations.
Donc selon vous, on reviendrait à l’assouplissement quantitatif à court terme? Ce serait une grande différence entre dire qu’il faudrait peut-être prendre une pause après ça pour voir comment les choses se passeraient, pour ensuite revenir aux réductions de taux, ce que le marché obligataire pense que la Fed fera peut-être d’ici l’été, et acheter des obligations.
C’est exact. On est donc seuls dans ce camp. Ce n’est certainement pas notre point de vue. On pense que ce virage s’en vient parce qu’il y aura beaucoup d’arrivées à échéance imminentes au cours des prochaines années. On parle de plus de 9 billions de dollars. Le problème est donc de savoir qui va acheter cette dette? Donc, la Fed, si elle ne l’achète pas, je ne sais pas où iront ces émissions-là. Donc le Trésor émet de nouvelles obligations pour absorber l’ancienne dette, effectuer les remboursements et augmenter la dette. Pour ce qui est de la taille des placements, je ne sais pas comment le marché les absorbe. Ce ne sont pas les mêmes acheteurs que la dernière fois, parce qu’il y a la guerre froide avec la Chine. Et les États-Unis ont utilisé le dollar comme arme lorsqu’ils ont gelé des actifs libellés en dollars, ce qui a isolé beaucoup d’acheteurs précédents. Alors, même si les investisseurs absorbaient la totalité des émissions, qu’advient-il des écarts de taux? Le taux de ces obligations de sociétés va grimper en flèche, ce qui va compliquer le financement et nuire aux perspectives de croissance.
Que ferait le marché de ces informations? Parce que, de toute évidence, on a l’impression que certains participants au marché souhaitent un revirement de la Fed. Ils veulent que la politique de taux d’intérêt de la Fed sorte d’un territoire restrictif. Et puis ils se disent que ce serait favorable aux actions. Est-ce aussi simple que ça, compte tenu du type de situation que vous décrivez?
Eh bien, oui, absolument. Donc si la Fed achète toutes ces obligations, cela représente une énorme quantité de liquidités injectées sur le marché. C’est un très mauvais risque. Ça signifie un dollar américain plus faible. Ça signifie que les actions vont se redresser. Le problème, c’est qu’il y a aussi l’inflation. Où ça pourrait être un peu difficile, c’est qu’on annonce un programme d’achat d’obligations qui ferait bondir l’inflation, qu’on devrait ensuite réduire. Les marchés pourraient donc être assez instables.
L’inflation... parlons de cette situation. De toute évidence, on en parle beaucoup moins dans les nouvelles depuis plusieurs mois. Et, bien sûr, il est plus difficile de revenir au niveau souhaité, soit autour de 2 %. Est-ce quelque chose que la Fed peut réaliser?
Eh bien, je pense qu’on en a parlé la dernière fois que j’ai participé à l’émission, Greg. On croit que l’inflation est persistante. Certains des grands thèmes sont présents : le rapatriement des chaînes d’approvisionnement, la remilitarisation, la construction d’infrastructures essentielles à domicile et les prix des produits de base qui demeurent élevés. Selon nous, ce sont tous des facteurs inflationnistes. On pense également que le problème démographique est un gros problème, et qu’il va se poser. Alors, même si on pense que l’inflation fait baisser les taux, on croit que ceux-ci se stabilisent autour de 3 % ou 4 %. Et ce qui est très intéressant, c’est la première fois où on a formulé cette thèse, il y a plus d’un an. Et mon équipe et moi... personne ne croyait à ce scénario-là. Et c’est presque ce que l’on entend maintenant dans le milieu financier : une inflation persistante qui fait baisser les taux et qui finit par stabiliser les taux autour de 3 % ou 4 %. Et ça va freiner la politique de la Fed.
Ce terme a été lancé, je crois, vers le début de la forte hausse de l’inflation, lorsque les gens ont cessé de parler de transition et ont commencé à penser qu’il y avait un problème plus important. Les banques centrales réagissent. Certains parlent de « stagflation », et il y a une génération qui ne sait pas vraiment ce que ça signifie de vivre dans un tel contexte. Est-ce une préoccupation pour l’avenir?
Tout à fait. Si on prend du recul, une économie peut se trouver dans l’une de quatre phases. L’inflation et la croissance augmentent. L’inflation augmente et la croissance stagne; c’est ce qu’on appelle un contexte stagflationniste. L’inflation diminue et la croissance est élevée. Ou encore, l’inflation et la croissance diminuent. Le contexte de stagflation est donc un réel problème, car que faut-il faire? Il faut effectuer un assouplissement pour stimuler la croissance. Mais c’est difficile, parce que l’inflation est élevée. Alors que doit-on faire? Si je reviens à ce dont on a parlé lors de la dernière émission, je crois que c’est presque un contexte où les banques centrales doivent se sentir à l’aise avec des taux d’inflation élevés. Et c’est parce que les bilans ont explosé. Et si votre bilan est gonflé, la seule façon d’amenuiser votre dette est de la réduire.
Si les banques centrales devaient se sentir plus à l’aise avec un taux d’inflation plus élevé, disons de 3 %, ou de 4 %, et qu’elles diraient que c’est très bien comme ça, ce ne serait pas nécessaire de revenir à 2 %, est-ce que ce serait une décision officielle concernant les politiques? Ou est-ce simplement quelque chose qui leur ferait dire : « Eh bien, vous savez, de facto, tout va bien, même si nous n’avons pas changé notre cible globale. » Je pense que c’est une question délicate. Vous pourriez avancer le même argument au sujet du plafond d’endettement. Le plafond d’endettement est relevé continuellement, mais y a-t-il déjà eu un changement de politique? Et la réponse est non. On se retrouve donc dans la même situation où les taux se stabilisent de facto. Elles ne peuvent pas dire ouvertement qu’elles changent de politique, parce que, selon moi, ce serait vraiment mauvais sur le plan politique. [MUSIQUE]