La Réserve fédérale américaine s’est fermement engagée à lutter contre l’inflation, même au détriment de la croissance économique. Greg Bonnell s’entretient avec Marko Papic, stratège en chef, Clocktower Group, des répercussions que le maintien du cap par la Fed aurait sur les marchés et l’économie.
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L’année a été difficile pour les marchés boursiers, évidemment. Toutefois, on a observé des remontées dans le contexte de toutes ces pressions exercées sur les marchés. Qu’est-ce que les investisseurs devraient surveiller pour tenter de déterminer quand le pire sera derrière nous?
Je pense que la seule chose qui compte vraiment en ce moment, c’est Jay Powell. Il y a tellement de choses dont on pourrait parler. On peut parler de la guerre entre l’Ukraine et la Russie. On peut parler du Congrès chinois. On peut parler de ce qui s’est passé au Royaume-Uni avec un changement de gouvernement. Il y a beaucoup de choses qui se passent.
Mais le seul problème, selon moi, c’est que la Fed n’a pas encore capitulé, et elle n’a pas dit qu’elle prendrait le temps de réfléchir au rythme des hausses qu’elle a imposées jusqu’à maintenant. C’est ce qu’a fait la Banque de réserve de l’Australie. C’est ce que la BCE a fait. La Banque d’Angleterre a pratiquement rétabli le contrôle de la courbe des taux. Mais tant que la Fed n’aura pas indiqué qu’elle estime que les mesures prises sont suffisantes, je pense que notre conviction à l’égard des actions doit être faible.
La Fed, bien sûr, nous donne beaucoup de fil à retordre, depuis Jackson Hole. J’avais l’impression que Jerome Powell allait dire : « Écoutez, je ne pense pas que vous ayez entendu ce que je dis depuis le début. » Il nous a fait comprendre qu’il allait prendre des mesures rigoureuses. Et c’est ce qu’il continue de dire depuis.
Est-ce qu’il pourrait y avoir un point de rupture? Y a-t-il une position où la Fed devra dire : « On s’engage à faire ça jusqu’à ce que ce ne soit plus possible »?
Eh bien, c’est exactement ce qu’elle a fait. Je pense que Jay Powell aime prouver que des gens comme moi ont tort. « Ah oui, je vais changer de cap? Regardez bien ça! » Et c’est ce qui se passe.
Toutefois, je crois qu’on commence à voir des signes de rupture. Partout dans le monde, c’est évident. Le Royaume-Uni a essentiellement connu une crise de la balance des paiements, ce qui est vraiment extraordinaire. Aux États-Unis, toutefois, ce sont vraiment des indicateurs avancés, comme les investissements privés réels. Et c’est inquiétant.
On est sur le point de tomber en récession en termes d’investissements. Et les investissements sont beaucoup plus tournés vers l’avenir que quelque chose comme le marché du travail. Donc, si la Fed envisage sérieusement de créer un sous-emploi des ressources sur le marché du travail... Si c’est ce qu’elle veut vraiment faire, on va se retrouver avec une récession catastrophique, pas seulement une légère récession.
Parce qu’une fois que vous commencez à créer un sous-emploi des ressources sur le marché du travail, il est trop tard pour commencer à revenir à une approche plus conciliante ou expansionniste à l’égard des hausses.
Je pense donc qu’il y a beaucoup de preuves qu’elle commence à rencontrer des problèmes. Et elle va changer de cap ou prendre une pause pour réfléchir, comme Lael Brainard l’a mentionné il y a quelques jours. Soit elle le fera au cours des prochaines semaines, soit on se dirige vers une récession beaucoup plus difficile que quiconque aurait pu croire, y compris moi-même.
Vraiment? Le délai est très serré; au cours des prochaines semaines, la Fed pourrait prendre une décision, changer de direction ou simplement maintenir le cap. Et peut-être devrait-on s’inquiéter encore plus des dommages économiques qu’elle pourrait causer.
Absolument. Je pense que la prochaine hausse de taux sera probablement la dernière. J’irais même jusqu’à dire ça. L’assouplissement quantitatif aura lieu d’ici le deuxième trimestre. Si vous voulez un bon petit piège à clics...
L’assouplissement quantitatif d’ici le deuxième trimestre.
L’assouplissement quantitatif d’ici le deuxième trimestre. Je pense que c’est quelque chose qu’il est très important de comprendre. Les consommateurs ont épargné 2 000 milliards de dollars. OK. Il y a eu beaucoup de mesures de relance budgétaire. OK. En fin de compte, ce qui est important pour l’économie, c’est la confiance des chefs de la direction et les décisions qu’ils prennent de continuer à investir. Et ces deux points paraissent vraiment mal.
La confiance des chefs de la direction est égale ou inférieure à celle observée le 11 septembre, en 2008 et en 2020. Ce sont donc des récessions très, très profondes. Et je pense que l’économie réelle, qui a dans le passé réagi de façon très énergique aux hausses les moins importantes, doit maintenant composer avec une hausse considérable du taux des fonds fédéraux en très peu de temps, et c’est pourquoi je pense qu’elle se prépare à un revirement.
Le discours de Lael Brainard, je pense que tout le monde devrait le lire. Elle a utilisé beaucoup de termes qui, selon moi, feront partie du jargon de la Fed, notamment la réflexion. Il faut réfléchir à ce que ces hausses ont fait à l’économie réelle.
C’est important. C’est un excellent point que vous avez soulevé. Bien sûr, la politique monétaire, les décisions des banques centrales et leurs effets se font sentir rapidement sur le marché de l’habitation et dans certaines catégories d’actif. Mais les effets devraient se faire sentir plus tard sur l’économie. Avec toutes ces hausses de taux massives, peut-on même savoir ce qu’elles vont donner, ce qu’elles vont déclencher dans les mois à venir?
Non. Je ne pense pas. Et c’est pourquoi Lael Brainard avait raison, je crois. Et si vous regardez ce qui se passe partout dans le monde, normalement lorsque la Fed amorce un cycle de hausse des taux, les pays et les économies qui en souffrent sont dans les marchés émergents et les marchés frontaliers. C’était certainement le cas dans les années 1980 et 1990. Et maintenant, ça prend 12 à 18 mois pour que ces crises catastrophiques reviennent aux États-Unis. C’est alors que la Fed se réveille et déclare : « Oh, il y a une crise du LTCM! »
Cette fois-ci, il ne s’agit pas de la Corée du Sud, de la Thaïlande, de la Russie ou du Brésil. Ces pays-là vont bien. Beaucoup de ces pays-là ont relevé leurs taux en 2021 selon un échéancier approprié. Le vrai problème se trouve dans les marchés développés.
Et beaucoup de ces économies ont un accès rapide au Trésor et à la Fed. Elles peuvent donc dire à la banque centrale des États-Unis : « Écoutez, on a des problèmes au Royaume-Uni. » Le Royaume-Uni est un allié géopolitique des États-Unis. Le Royaume-Uni n’est pas la Corée du Sud ni la Thaïlande durant la crise en Asie de l’Est.
Je pense que la Fed devra en tenir compte et ne pas se limiter à ce qui se passe à l’échelle nationale, mais aussi à l’échelle internationale, et ce, beaucoup plus rapidement que par le passé.
En fin de compte, la lutte actuelle, c’est contre l’inflation, et celle-ci ne s’est pas avérée temporaire, et la Fed espérait que ce ne serait pas le cas. Et ça n’a pas été le cas non plus. Elle a donc dû adopter une approche plutôt audacieuse. Réalise-t-on des progrès à cet égard?
Oui, absolument. L’IPC a certainement atteint un sommet. Je ne vois pas pourquoi ça n’aurait pas été le cas. Peut-être qu’un événement géopolitique, exogène, pourrait faire perdre beaucoup de pétrole. Toutefois, l’IPC devrait atteindre 4 % à 6 % d’ici 6 à 12 mois.
Et je pense que la Fed le sait. Je rédige des recherches sur les placements sur la plage en Californie. Les 300 docteurs à la Fed le savent. Ils mènent donc une guerre qu’ils ont gagnée il y a 12 mois. Et je ne pense pas que c’est quelque chose qui les préoccupe vraiment. Je pense que ce qui les inquiète, c’est le contexte politique. Les salaires réels aux États-Unis sont fortement négatifs. Et ça crée une profonde inquiétude au sein de l’économie.
Et donc, je pense qu’une fois que l’IPC va commencer à se redresser, les pressions politiques exercées sur la Fed pour qu’elle agisse de façon aussi ferme vont s’atténuer également. Et on est très près de ça. C’est pourquoi je pense qu’on est à quelques semaines d’une sorte de... je ne veux pas dire « changement de cap », parce que les gens pensent qu’il s’agit de réductions, un peu comme un apaisement du ton ferme employé par la Fed. Pourquoi? Parce que d’ici quelques semaines, la récession va commencer à prendre de l’ampleur et à toucher davantage l’inflation dans la sphère politique. Et c’est là que la Fed va devoir réagir à ça.
Fascinant. Merci de vous être joint à nous aujourd’hui.
Je vous en prie. Ce fut un réel plaisir.
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L’année a été difficile pour les marchés boursiers, évidemment. Toutefois, on a observé des remontées dans le contexte de toutes ces pressions exercées sur les marchés. Qu’est-ce que les investisseurs devraient surveiller pour tenter de déterminer quand le pire sera derrière nous?
Je pense que la seule chose qui compte vraiment en ce moment, c’est Jay Powell. Il y a tellement de choses dont on pourrait parler. On peut parler de la guerre entre l’Ukraine et la Russie. On peut parler du Congrès chinois. On peut parler de ce qui s’est passé au Royaume-Uni avec un changement de gouvernement. Il y a beaucoup de choses qui se passent.
Mais le seul problème, selon moi, c’est que la Fed n’a pas encore capitulé, et elle n’a pas dit qu’elle prendrait le temps de réfléchir au rythme des hausses qu’elle a imposées jusqu’à maintenant. C’est ce qu’a fait la Banque de réserve de l’Australie. C’est ce que la BCE a fait. La Banque d’Angleterre a pratiquement rétabli le contrôle de la courbe des taux. Mais tant que la Fed n’aura pas indiqué qu’elle estime que les mesures prises sont suffisantes, je pense que notre conviction à l’égard des actions doit être faible.
La Fed, bien sûr, nous donne beaucoup de fil à retordre, depuis Jackson Hole. J’avais l’impression que Jerome Powell allait dire : « Écoutez, je ne pense pas que vous ayez entendu ce que je dis depuis le début. » Il nous a fait comprendre qu’il allait prendre des mesures rigoureuses. Et c’est ce qu’il continue de dire depuis.
Est-ce qu’il pourrait y avoir un point de rupture? Y a-t-il une position où la Fed devra dire : « On s’engage à faire ça jusqu’à ce que ce ne soit plus possible »?
Eh bien, c’est exactement ce qu’elle a fait. Je pense que Jay Powell aime prouver que des gens comme moi ont tort. « Ah oui, je vais changer de cap? Regardez bien ça! » Et c’est ce qui se passe.
Toutefois, je crois qu’on commence à voir des signes de rupture. Partout dans le monde, c’est évident. Le Royaume-Uni a essentiellement connu une crise de la balance des paiements, ce qui est vraiment extraordinaire. Aux États-Unis, toutefois, ce sont vraiment des indicateurs avancés, comme les investissements privés réels. Et c’est inquiétant.
On est sur le point de tomber en récession en termes d’investissements. Et les investissements sont beaucoup plus tournés vers l’avenir que quelque chose comme le marché du travail. Donc, si la Fed envisage sérieusement de créer un sous-emploi des ressources sur le marché du travail... Si c’est ce qu’elle veut vraiment faire, on va se retrouver avec une récession catastrophique, pas seulement une légère récession.
Parce qu’une fois que vous commencez à créer un sous-emploi des ressources sur le marché du travail, il est trop tard pour commencer à revenir à une approche plus conciliante ou expansionniste à l’égard des hausses.
Je pense donc qu’il y a beaucoup de preuves qu’elle commence à rencontrer des problèmes. Et elle va changer de cap ou prendre une pause pour réfléchir, comme Lael Brainard l’a mentionné il y a quelques jours. Soit elle le fera au cours des prochaines semaines, soit on se dirige vers une récession beaucoup plus difficile que quiconque aurait pu croire, y compris moi-même.
Vraiment? Le délai est très serré; au cours des prochaines semaines, la Fed pourrait prendre une décision, changer de direction ou simplement maintenir le cap. Et peut-être devrait-on s’inquiéter encore plus des dommages économiques qu’elle pourrait causer.
Absolument. Je pense que la prochaine hausse de taux sera probablement la dernière. J’irais même jusqu’à dire ça. L’assouplissement quantitatif aura lieu d’ici le deuxième trimestre. Si vous voulez un bon petit piège à clics...
L’assouplissement quantitatif d’ici le deuxième trimestre.
L’assouplissement quantitatif d’ici le deuxième trimestre. Je pense que c’est quelque chose qu’il est très important de comprendre. Les consommateurs ont épargné 2 000 milliards de dollars. OK. Il y a eu beaucoup de mesures de relance budgétaire. OK. En fin de compte, ce qui est important pour l’économie, c’est la confiance des chefs de la direction et les décisions qu’ils prennent de continuer à investir. Et ces deux points paraissent vraiment mal.
La confiance des chefs de la direction est égale ou inférieure à celle observée le 11 septembre, en 2008 et en 2020. Ce sont donc des récessions très, très profondes. Et je pense que l’économie réelle, qui a dans le passé réagi de façon très énergique aux hausses les moins importantes, doit maintenant composer avec une hausse considérable du taux des fonds fédéraux en très peu de temps, et c’est pourquoi je pense qu’elle se prépare à un revirement.
Le discours de Lael Brainard, je pense que tout le monde devrait le lire. Elle a utilisé beaucoup de termes qui, selon moi, feront partie du jargon de la Fed, notamment la réflexion. Il faut réfléchir à ce que ces hausses ont fait à l’économie réelle.
C’est important. C’est un excellent point que vous avez soulevé. Bien sûr, la politique monétaire, les décisions des banques centrales et leurs effets se font sentir rapidement sur le marché de l’habitation et dans certaines catégories d’actif. Mais les effets devraient se faire sentir plus tard sur l’économie. Avec toutes ces hausses de taux massives, peut-on même savoir ce qu’elles vont donner, ce qu’elles vont déclencher dans les mois à venir?
Non. Je ne pense pas. Et c’est pourquoi Lael Brainard avait raison, je crois. Et si vous regardez ce qui se passe partout dans le monde, normalement lorsque la Fed amorce un cycle de hausse des taux, les pays et les économies qui en souffrent sont dans les marchés émergents et les marchés frontaliers. C’était certainement le cas dans les années 1980 et 1990. Et maintenant, ça prend 12 à 18 mois pour que ces crises catastrophiques reviennent aux États-Unis. C’est alors que la Fed se réveille et déclare : « Oh, il y a une crise du LTCM! »
Cette fois-ci, il ne s’agit pas de la Corée du Sud, de la Thaïlande, de la Russie ou du Brésil. Ces pays-là vont bien. Beaucoup de ces pays-là ont relevé leurs taux en 2021 selon un échéancier approprié. Le vrai problème se trouve dans les marchés développés.
Et beaucoup de ces économies ont un accès rapide au Trésor et à la Fed. Elles peuvent donc dire à la banque centrale des États-Unis : « Écoutez, on a des problèmes au Royaume-Uni. » Le Royaume-Uni est un allié géopolitique des États-Unis. Le Royaume-Uni n’est pas la Corée du Sud ni la Thaïlande durant la crise en Asie de l’Est.
Je pense que la Fed devra en tenir compte et ne pas se limiter à ce qui se passe à l’échelle nationale, mais aussi à l’échelle internationale, et ce, beaucoup plus rapidement que par le passé.
En fin de compte, la lutte actuelle, c’est contre l’inflation, et celle-ci ne s’est pas avérée temporaire, et la Fed espérait que ce ne serait pas le cas. Et ça n’a pas été le cas non plus. Elle a donc dû adopter une approche plutôt audacieuse. Réalise-t-on des progrès à cet égard?
Oui, absolument. L’IPC a certainement atteint un sommet. Je ne vois pas pourquoi ça n’aurait pas été le cas. Peut-être qu’un événement géopolitique, exogène, pourrait faire perdre beaucoup de pétrole. Toutefois, l’IPC devrait atteindre 4 % à 6 % d’ici 6 à 12 mois.
Et je pense que la Fed le sait. Je rédige des recherches sur les placements sur la plage en Californie. Les 300 docteurs à la Fed le savent. Ils mènent donc une guerre qu’ils ont gagnée il y a 12 mois. Et je ne pense pas que c’est quelque chose qui les préoccupe vraiment. Je pense que ce qui les inquiète, c’est le contexte politique. Les salaires réels aux États-Unis sont fortement négatifs. Et ça crée une profonde inquiétude au sein de l’économie.
Et donc, je pense qu’une fois que l’IPC va commencer à se redresser, les pressions politiques exercées sur la Fed pour qu’elle agisse de façon aussi ferme vont s’atténuer également. Et on est très près de ça. C’est pourquoi je pense qu’on est à quelques semaines d’une sorte de... je ne veux pas dire « changement de cap », parce que les gens pensent qu’il s’agit de réductions, un peu comme un apaisement du ton ferme employé par la Fed. Pourquoi? Parce que d’ici quelques semaines, la récession va commencer à prendre de l’ampleur et à toucher davantage l’inflation dans la sphère politique. Et c’est là que la Fed va devoir réagir à ça.
Fascinant. Merci de vous être joint à nous aujourd’hui.
Je vous en prie. Ce fut un réel plaisir.
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