Malgré les signes de ralentissement de la croissance, la Banque du Canada réitère son engagement à lutter contre l’inflation. Andrew Kelvin, chef, Stratégie canadienne et mondiale liée aux taux, Valeurs Mobilières TD, estime que les marchés devraient interpréter ce signal de la banque centrale comme une indication qu’une baisse des taux est peu probable à court terme.
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La Banque du Canada a maintenu son taux directeur à 5 %, mais avertit également qu'elle est toujours préoccupée par l'inflation sous-jacente et qu'elle pourrait au besoin procéder à de nouvelles hausses pour la maîtriser. Andrew Kelvin est responsable des taux canadiens et mondiaux à Valeurs Mobilières TD. Bonjour, Andrew.
Bonjour. Merci de m'inviter.
Il y a un maintien du taux inchangé, mais un discours très ferme de la part de la Banque.
Je le dirai tout de suite: nous pensons que la Banque du Canada a terminé de relever les taux. Nous pensons que 5% sera le taux maximum pendant ce cycle et que nous y resterons pendant plusieurs trimestres. La Banque du Canada souhaite éviter... de laisser entendre aux marchés qu'elle va rapidement réduire les taux, car ce n'est pas du tout son intention en ce moment. Cette pause ferme vise plusieurs objectifs. Tout d'abord que les attentes à l'égard de l'inflation demeurent bien assises, c'est-à-dire que les marchés demeurent convaincus que l'inflation redescende à 2%, alors qu'elle est actuellement à 3%. Si l'objectif de la Banque est de 2% et que l'objectif de la Banque est de deux, cette dernière ne saurait être satisfaite de la situation.
Elle souligne donc le fait que l'impact des politiques monétaires se fait sentir: la demande excédentaire ralentit, la croissance ralentit. La Banque s'attend à ce que les mesures qu'elle a déjà prises continuent de faire effet en ralentissant l'économie, et donc en faisant reculer l'inflation. Voilà ce qui justifie le maintien inchangé du taux. Mais si les impacts décalés de ces hausses de taux ne sont pas suffisants pour maîtriser l'inflation et la ramener à 2%, sa mission exige d'elle qu'elle tente d'en faire plus, et c'est le message qu'elle cherche à transmettre. Cela ne doit pas nous étonner.
Il aurait été très prématuré que la Banque déclare victoire après que l'inflation n'ait pas redescendu en deçà de 3%. Mais compte tenu du fléchissement de la croissance au deuxième trimestre, la Banque montre qu'elle n'est pas décidée, quoi qu'il en soit et quoiqu'il en coûte, à relever les taux.
Il ne s'agirait donc pas d'une diminution régulière de 3 à 2%, linéaire. La Banque met en garde que le cours du pétrole brut et celui de l'essence ont augmenté.
Peut-être l'inflation remontera-t-elle encore avant de redescendre?
La Banque l'a signalé, ce qui l'obligerait peut-être à changer de cap, mais elle déclare qu'elle s'y attend. Si l'inflation remonte à cause d'une hausse des prix de l'essence, vous avez raison, cela n'amènera pas la Banque à changer de cap. Nous ne sommes pas nécessairement tirés d'affaire, car si l'inflation augmente plus que prévu, il y aura une nouvelle série de prévisions de la Banque du Canada en octobre. Mais quand on tient compte des autres facteurs: croissance des salaires, pouvoir d'achat des entreprises, demandes excédentaires... Si ces éléments se conjuguent avec une hausse généralisée de l'inflation, pas seulement les prix de l'essence, mais l'inflation de base dans son acception la plus large, et que l'on assiste là à une hausse du PIB, ou à une reprise des hausses de salaires, ou à une nouvelle chute du chômage, tout cela pourrait amener la Banque du Canada à revenir sur sa résolution dans l'avenir.
Nous ne pensons pas que ce sera le cas, mais la Banque du Canada tient à faire savoir qu'elle ne pense pas que 5% soit nécessairement le maximum, qu'elle estime avoir fait assez, mais qu'il faut que les statistiques le confirment. Que dire de l'inflation sous-jacente?
L'inflation globale, c'est une chose, mais vous avez parlé des salaires. La Banque l'a bien dit. La croissance des salaires tourne autour de 4 à 5%. À quel point cet élément est-il permanent?
Nous le verrons bien. Les accords patronaux-syndicaux tiennent compte d'une hausse de l'inflation. Cette croissance des salaires de 4 à 5% est trop élevée pour ne pas avoir un effet inflationniste. Au fur et à mesure que la croissance ralentit et que le taux de chômage augmente, surtout avec une croissance démographique forte, la population active est appelée à augmenter. Il n'y aura pas nécessairement de pertes d'emplois, mais une augmentation plus lente de l'emploi. Il se peut que le taux de chômage augmente sans déclencher une récession dans l'économie. C'est là où la pénurie de main-d'œuvre est moins aiguë dans certains secteurs, et l'on espérerait alors que la croissance des salaires ralentisse. C'est ce que la Banque du Canada veut réaliser. Elle déclare que la croissance lente actuelle est nécessaire pour rétablir l'équilibre dans l'économie, et c'est là son objectif: l'équilibre.
Quand on songe au taux directeur de la Banque, qui a des conséquences sur l'ensemble des marchés obligataires et de l'économie, c'est pourquoi on l'appelle le taux directeur, quel est le message que transmettent les marchés obligataires? Le rendement des obligations augmente et augmente encore, surtout aux États-Unis aujourd'hui. Que disent les marchés et que disent les banques centrales?
Parfois, elles ne sont pas sur la même ligne. C'est toujours particulièrement délicat, surtout au début de septembre. Je le dis pour deux raisons. D'abord au Canada au moins, la Banque du Canada ne communique pas beaucoup pendant le mois d'août, alors qu'elle est tout à fait en mesure de tenir les marchés au courant entre ses réunions. Ce n'est pas le cas à la réunion de septembre. Jusqu'à cette annonce, nous étions dans l'expectative quant à l'interprétation que ferait la Banque des statistiques économiques. Les statistiques du PIB ont certes été moins élevées que prévu, mais le mois d'août est caractérisé par une absence de déclaration des responsables de la Banque. Il y a moins de statistiques que ce n'est le cas au printemps ou à l'automne.
Parfois, les marchés évoluent pour des raisons étranges, pour des raisons que les participants aux marchés éprouvent des difficultés à expliquer pendant le mois d'août. Compte tenu de la forte hausse des rendements depuis quatre à six semaines, celle-ci aura été exacerbée par la conjoncture de négociation. Ceci dit, je pense que les marchés sont un peu moins certains qu'ils ne l'avaient été dans le passé compte tenu de la situation aux États-Unis, que la Fed a achevé sa série de hausse de taux. Ce qui contribue à faire augmenter les rendements.
Parallèlement, la Banque du Canada a signalé la persistance des pressions inflationnistes. Dans certains cas, je pense que l'on s'inquiète, compte tenu de la persistance des pressions inflationnistes, que les taux demeureront plus élevés à moyen terme qu'on ne le prévoyait jusqu'ici. En effet, plus tôt dans le cycle, certains intervenants pensaient qu'il y aurait une rapide hausse des taux, mais que celle-ci serait rapidement débouclée. Les marchés changent d'attentes et évoluent dans leur pari quant à la rapidité de la redescente des taux.
Je ne dirai pas du retour aux taux qui ont précédé la pandémie. Ceux-ci étaient anormalement bas. Mais quand nous reviendrons à des taux normaux et neutres, ces attentes doivent être révisées.
La Banque du Canada a maintenu son taux directeur à 5 %, mais avertit également qu'elle est toujours préoccupée par l'inflation sous-jacente et qu'elle pourrait au besoin procéder à de nouvelles hausses pour la maîtriser. Andrew Kelvin est responsable des taux canadiens et mondiaux à Valeurs Mobilières TD. Bonjour, Andrew.
Bonjour. Merci de m'inviter.
Il y a un maintien du taux inchangé, mais un discours très ferme de la part de la Banque.
Je le dirai tout de suite: nous pensons que la Banque du Canada a terminé de relever les taux. Nous pensons que 5% sera le taux maximum pendant ce cycle et que nous y resterons pendant plusieurs trimestres. La Banque du Canada souhaite éviter... de laisser entendre aux marchés qu'elle va rapidement réduire les taux, car ce n'est pas du tout son intention en ce moment. Cette pause ferme vise plusieurs objectifs. Tout d'abord que les attentes à l'égard de l'inflation demeurent bien assises, c'est-à-dire que les marchés demeurent convaincus que l'inflation redescende à 2%, alors qu'elle est actuellement à 3%. Si l'objectif de la Banque est de 2% et que l'objectif de la Banque est de deux, cette dernière ne saurait être satisfaite de la situation.
Elle souligne donc le fait que l'impact des politiques monétaires se fait sentir: la demande excédentaire ralentit, la croissance ralentit. La Banque s'attend à ce que les mesures qu'elle a déjà prises continuent de faire effet en ralentissant l'économie, et donc en faisant reculer l'inflation. Voilà ce qui justifie le maintien inchangé du taux. Mais si les impacts décalés de ces hausses de taux ne sont pas suffisants pour maîtriser l'inflation et la ramener à 2%, sa mission exige d'elle qu'elle tente d'en faire plus, et c'est le message qu'elle cherche à transmettre. Cela ne doit pas nous étonner.
Il aurait été très prématuré que la Banque déclare victoire après que l'inflation n'ait pas redescendu en deçà de 3%. Mais compte tenu du fléchissement de la croissance au deuxième trimestre, la Banque montre qu'elle n'est pas décidée, quoi qu'il en soit et quoiqu'il en coûte, à relever les taux.
Il ne s'agirait donc pas d'une diminution régulière de 3 à 2%, linéaire. La Banque met en garde que le cours du pétrole brut et celui de l'essence ont augmenté.
Peut-être l'inflation remontera-t-elle encore avant de redescendre?
La Banque l'a signalé, ce qui l'obligerait peut-être à changer de cap, mais elle déclare qu'elle s'y attend. Si l'inflation remonte à cause d'une hausse des prix de l'essence, vous avez raison, cela n'amènera pas la Banque à changer de cap. Nous ne sommes pas nécessairement tirés d'affaire, car si l'inflation augmente plus que prévu, il y aura une nouvelle série de prévisions de la Banque du Canada en octobre. Mais quand on tient compte des autres facteurs: croissance des salaires, pouvoir d'achat des entreprises, demandes excédentaires... Si ces éléments se conjuguent avec une hausse généralisée de l'inflation, pas seulement les prix de l'essence, mais l'inflation de base dans son acception la plus large, et que l'on assiste là à une hausse du PIB, ou à une reprise des hausses de salaires, ou à une nouvelle chute du chômage, tout cela pourrait amener la Banque du Canada à revenir sur sa résolution dans l'avenir.
Nous ne pensons pas que ce sera le cas, mais la Banque du Canada tient à faire savoir qu'elle ne pense pas que 5% soit nécessairement le maximum, qu'elle estime avoir fait assez, mais qu'il faut que les statistiques le confirment. Que dire de l'inflation sous-jacente?
L'inflation globale, c'est une chose, mais vous avez parlé des salaires. La Banque l'a bien dit. La croissance des salaires tourne autour de 4 à 5%. À quel point cet élément est-il permanent?
Nous le verrons bien. Les accords patronaux-syndicaux tiennent compte d'une hausse de l'inflation. Cette croissance des salaires de 4 à 5% est trop élevée pour ne pas avoir un effet inflationniste. Au fur et à mesure que la croissance ralentit et que le taux de chômage augmente, surtout avec une croissance démographique forte, la population active est appelée à augmenter. Il n'y aura pas nécessairement de pertes d'emplois, mais une augmentation plus lente de l'emploi. Il se peut que le taux de chômage augmente sans déclencher une récession dans l'économie. C'est là où la pénurie de main-d'œuvre est moins aiguë dans certains secteurs, et l'on espérerait alors que la croissance des salaires ralentisse. C'est ce que la Banque du Canada veut réaliser. Elle déclare que la croissance lente actuelle est nécessaire pour rétablir l'équilibre dans l'économie, et c'est là son objectif: l'équilibre.
Quand on songe au taux directeur de la Banque, qui a des conséquences sur l'ensemble des marchés obligataires et de l'économie, c'est pourquoi on l'appelle le taux directeur, quel est le message que transmettent les marchés obligataires? Le rendement des obligations augmente et augmente encore, surtout aux États-Unis aujourd'hui. Que disent les marchés et que disent les banques centrales?
Parfois, elles ne sont pas sur la même ligne. C'est toujours particulièrement délicat, surtout au début de septembre. Je le dis pour deux raisons. D'abord au Canada au moins, la Banque du Canada ne communique pas beaucoup pendant le mois d'août, alors qu'elle est tout à fait en mesure de tenir les marchés au courant entre ses réunions. Ce n'est pas le cas à la réunion de septembre. Jusqu'à cette annonce, nous étions dans l'expectative quant à l'interprétation que ferait la Banque des statistiques économiques. Les statistiques du PIB ont certes été moins élevées que prévu, mais le mois d'août est caractérisé par une absence de déclaration des responsables de la Banque. Il y a moins de statistiques que ce n'est le cas au printemps ou à l'automne.
Parfois, les marchés évoluent pour des raisons étranges, pour des raisons que les participants aux marchés éprouvent des difficultés à expliquer pendant le mois d'août. Compte tenu de la forte hausse des rendements depuis quatre à six semaines, celle-ci aura été exacerbée par la conjoncture de négociation. Ceci dit, je pense que les marchés sont un peu moins certains qu'ils ne l'avaient été dans le passé compte tenu de la situation aux États-Unis, que la Fed a achevé sa série de hausse de taux. Ce qui contribue à faire augmenter les rendements.
Parallèlement, la Banque du Canada a signalé la persistance des pressions inflationnistes. Dans certains cas, je pense que l'on s'inquiète, compte tenu de la persistance des pressions inflationnistes, que les taux demeureront plus élevés à moyen terme qu'on ne le prévoyait jusqu'ici. En effet, plus tôt dans le cycle, certains intervenants pensaient qu'il y aurait une rapide hausse des taux, mais que celle-ci serait rapidement débouclée. Les marchés changent d'attentes et évoluent dans leur pari quant à la rapidité de la redescente des taux.
Je ne dirai pas du retour aux taux qui ont précédé la pandémie. Ceux-ci étaient anormalement bas. Mais quand nous reviendrons à des taux normaux et neutres, ces attentes doivent être révisées.