L’essor spectaculaire de l’intelligence artificielle et ses profonds changements potentiels ont entraîné des appels en faveur d’une réglementation accrue. Kevin Hebner, stratège en placements mondiaux à Epoch TD, se joint à Kim Parlee pour discuter des difficultés liées à la réglementation d’une technologie qui est toujours en évolution.
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L’un des principaux thèmes du Forum économique mondial de Davos cette année était l’intelligence artificielle et, plus précisément, comment la réglementer. Cela témoigne de l’ascension de l’IA et de ses répercussions potentielles sur presque tout : notre travail et même le respect de notre vie privée. Mon invité a publié le troisième d’une série de cinq articles sur le sujet, intitulé « AI, How to Regulate an Emerging Technology. » Kevin Hebner est stratège en placements mondiaux à TD Epoch. Nous sommes ravis qu’il vienne nous rendre visite. Ravie de vous voir.
Bonjour, Kim.
Nous parlons de l’IA depuis longtemps et vous nous avez formés sur le potentiel de l’IA et sur ses répercussions dans le futur. Nous parlons de la réglementation de l’IA aujourd’hui. Mais pour commencer, j’aimerais que vous nous en expliquiez la raison. Pourquoi est-il nécessaire de réglementer l’IA?
Lors des conversations précédentes, nous avons discuté des occasions de l’IA, de ce qu’elle va apporter en matière de productivité, une stimulation très importante… pour certains secteurs… l’éducation, la santé, les services juridiques, etc. Il y a donc d’importants avantages. Mais il pourrait y avoir des risques. Nous savons déjà que l’IA a tendance à se tromper parfois, qu’elle peut poser problème, la reconnaissance faciale, par exemple, pour ce qui est de la protection de la vie privée.
Il y a des problèmes relatifs aux droits d’auteur. Une poursuite judiciaire importante est en cours entre OpenAI et le New York Times. Et il pourrait aussi y avoir des problèmes plus insidieux. On pourrait utiliser l’IA pour créer certains types d’armes biologiques. Une cyberattaque pourrait être créée par l’IA.
Il y a donc beaucoup de raisons. Et c’est le cas pour toute nouvelle technologie. Il y a des avantages et des risques. L’idée est de mettre en place un cadre réglementaire afin de profiter des avantages, en minimisant les risques.
Nous allons voir si c’est possible et comment tout cela est structuré. Commençons par ce qui a été fait jusqu’à maintenant. Quelles sont les nouvelles réglementations qui ont été mises en place?
Alors, il y a eu un décret-loi américain le 30 octobre. Il comptait 100 pages. Il touche 50 organismes. Il contient 150 règles. C’est énorme. Il reste à savoir si le président Biden dispose du pouvoir constitutionnel pour se faire. Je pense que c’est discutable.
Mais c’est tellement complexe et la technologie n’en est qu’à ses débuts, il n’est donc pas certain que ces mesures réglementaires auront un effet important. La réglementation la plus importante est probablement que, si le modèle d’IA est suffisamment important, donc GPT-4 ou plus, la société qui en fait la promotion doit effectuer des tests « red team ». C’est donc…
En quoi consistent les tests « red team »?
Alors, vous avez une équipe indépendante au sein de votre entreprise. Et vous essayez de voir si le modèle aura des effets négatifs si on le pousse de manière agressive. Est-ce qu’il y aura un malfonctionnement? Portera-t-il atteinte à la vie privée? Va-t-il créer une cyberarme ou une arme biologique, etc.? Puis, vous présentez les résultats au gouvernement fédéral. C’est une exigence que toutes les grandes plateformes ont acceptée. Et c’est probablement la plus importante du décret-loi.
Lorsque vous décrivez le potentiel… c’est ça… Lorsqu’une technologie présente un potentiel exponentiel dans à peu près tous les secteurs et dans toutes les directions, pour utiliser l’expression, et Bill Gates l’a utilisée lorsqu’il était à Davos, il faisait référence à Wayne Gretzky, « il faut patiner vers l’endroit où la rondelle va être », eh bien, la rondelle va dans toutes les directions. Donc, comment gérer une telle situation?
Oui, je pense que c’est une bonne métaphore. Vous patinez dans la direction de la rondelle. Il faut réglementer en fonction de l’orientation de la technologie. Mais nous ne savons pas du tout où va la technologie. Par exemple, il y a 15 mois, on pensait que l’IA influerait sur le travail des ouvriers, sur différents types d’activités physiques, puis peut-être le tertiaire et, enfin, les métiers créatifs.
Mais en seulement 15 mois, tout a changé. Elle touche les personnes créatives… auteurs, codeurs, artistes, compositeurs, certains travailleurs du savoir, des métiers dans le secteur bancaire, etc. Et il semble que les ouvriers seront…
protégés. Oui. Donc, même en 15 mois, notre compréhension de l’évolution de l’IA a été complètement modifiée. Sam Altman, chef d’OpenAI, et il y a un consensus là-dessus, pense que, comme pour toute nouvelle technologie des 500 dernières années, pendant longtemps, on ne sait pas comment les choses vont évoluer. Il m’apparaît donc prématuré de réglementer en fonction de la direction que l’IA prendra.
Vous avez indiqué que la réglementation existait pour aider les secteurs à évoluer de façon responsable, et cela depuis longtemps. Vous avez mentionné, dans votre rapport, entre autres, les chemins de fer. Supposons que les mêmes cadres s’appliquent à ce secteur. Quels sont les problèmes qui pourraient se présenter? Et ce qui existe… Alors, il y a trois erreurs courantes. Oui. Si on examine l’histoire de la réglementation aux États-Unis, les chemins de fer vers 1870, puis les automobiles, l’aviation, l’énergie nucléaire, et ainsi de suite, il y a généralement un retard d’environ 10 à 20 ans entre le moment où vous obtenez un produit commercialement viable et celui où un cadre réglementaire est mis en place. Le premier produit commercialement viable est apparu il y a quelques mois. Il est donc un peu tôt, selon moi.
Une erreur serait d’agir trop tôt, avant de savoir clairement ce que sera le produit. Une deuxième erreur consiste à créer un cadre réglementaire qui est favorable aux sociétés en place et défavorable aux autres. À l’heure actuelle, il y a très peu d’expertise en IA au sein du gouvernement fédéral au Canada, aux États-Unis ou ailleurs. Donc, les personnes qui fournissent les règles viennent du secteur. Elles vont se favoriser et se défendre face aux nouvelles entreprises qui pourraient compromettre leur position.
Troisièmement, vous établissez un ensemble de règles. Et tout devient difficile. Les règles vous empêchent de profiter des avantages de la nouvelle technologie, mais ne font rien pour réduire les risques. Vous perdez donc sur les deux tableaux. En examinant l’histoire de la technologie au cours des 150 dernières années, on trouve beaucoup d’exemples de ces trois erreurs.
J’aimerais vous poser des questions sur des graphiques qui se trouvent dans le rapport. Le premier montre le total des investissements privés dans l’IA. Il s’agit de milliards de dollars. Pourquoi est-ce important? Qu’est-ce qu’il y a de remarquable là-dedans? Oui. Pour l’exceptionnalisme américain; les États-Unis ont dominé l’ère informatique, l’ère d’Internet, l’ère des iPhones et l’infonuagique. Il semble que les États-Unis domineront également l’ère de l’IA. Et ce n’est pas parce que les Américains sont plus intelligents. Je pense que nous savons tous que ce n’est pas le cas. En fait, bon nombre des personnes qui dirigent les développements et les entreprises ne sont pas des Américains. Mais les États-Unis présentent un certain nombre d’avantages.
L’un d’eux est l’écosystème du capital de risque. Il y a beaucoup de fonds. Il y a beaucoup d’investissements privés, comme le montre le graphique. Un deuxième avantage est le faible niveau de réglementation. Pour ce qui est du compromis entre l’innovation et la sécurité, les États-Unis auront tendance à favoriser l’innovation, là où des endroits comme l’Europe auront tendance à privilégier la sécurité. Il semble donc que le marché demeurera centré sur les États-Unis, ce qui signifie une technologie centrée sur la Californie.
On a aussi un graphique ici qui montre la croissance exponentielle de l’IA. Ce graphique est à la fois incroyable et effrayant. Oui. Ça fait peur quand on pense au nombre de paramètres dans ces modèles. Et ce ne sont que des données non structurées. Ce sont des données non structurées. Des images. Des vidéos. La quantité de données va être multipliée par 100. Et les modèles vont devenir de plus en plus gros. On va passer de 7 milliards de paramètres à 100 milliards de paramètres.
Les ressources informatiques et les dépenses nécessaires pour se faire signifient qu’un très petit nombre d’entreprises domineront le marché. Et, pour ce qui est des plateformes, il y en aura probablement trois ou quatre, comme pour l’Internet, l’infonuagique, l’iPhone, etc.
La seule chose qui… et, encore une fois, vous en parlez dans votre article… Ce sont les gagnants qui vont dominer le marché. Oui. Oui. Dites-moi, alors, ce que cela signifie.
Du point de vue d’un investisseur? Oui.
Oui? Par exemple, au cours des 25 dernières années, pour les technologies numériques, on a observé une concentration accrue sur le marché. De moins en moins de sociétés sont gagnantes. Et cela reflète le fait que, dans le segment des technologies numériques du marché, les marges, le rendement des capitaux propres, ont doublé, voire triplé au cours des 25 dernières années, alors que le reste du marché se stabilisait.
Et c’est ce qui a continué à se produire cette année. Les bénéfices des Sept Magnifiques augmentent, donc quelques sociétés technologiques en hausse de 55 %, le reste du marché affiche une croissance des bénéfices d’environ 4,8 %.
C’est incroyable.
Oui, nous avons cette énorme divergence sur le marché depuis 25 ans et ça continue. Du point de vue des investisseurs, les plateformes sont intéressantes. Google, Microsoft, Meta ou Facebook. Les grandes plateformes continueront d’être intéressantes. Et puis il y a les entreprises de semi-conducteurs, par exemple. Dans le secteur des semi-conducteurs, il y a des sociétés de conception comme NVIDIA. Mais il y en a un bon nombre, et beaucoup sont en Californie. Elles sont intéressantes.
Il y a les sociétés d’équipement. ASML aux Pays-Bas est la plus importante. Mais il y a aussi Canon à Tokyo, Electron et Advantest au Japon. Et il y a le quatuor gagnant. Il y a un petit nombre de sociétés de fabrication… TSMC à Taïwan, Samsung en Corée et Intel aux États-Unis. Le segment des semi-conducteurs est donc intéressant.
Et puis il y a un certain nombre d’applications. Une application qui s’est bien comportée récemment, c’est Adobe. Elle crée du contenu numérique créatif. C’est une excellente plateforme. De nombreuses sociétés comme Adobe sont cotées en bourse et il y en a des centaines et des milliers qui se profilent à l’horizon et qui obtiennent du financement à l’étape du CR.
Les sociétés industrielles mettent fortement l’accent sur l’intelligence artificielle. Deere est un exemple parmi d’autres. Il est difficile de penser à Deere, une société agricole, comme acteur du secteur de l’IA. Mais ils sont très audacieux, ils engagent des ingénieurs logiciels et intègrent l’intelligence artificielle dans leurs moissonneuses-batteuses. Ces dernières font beaucoup de choses. Le travail du sol, la plantation, l’eau, la fertilisation et la récolte. Ils utilisent l’IA de façon intensive, par exemple, pour l’eau, pour examiner le niveau d’humidité.
Décider de ce qui doit être fait à ce niveau.
Il y a donc aussi… et c’est ce qui est intéressant, car l’IA touche l’ensemble du marché et de l’économie à mesure que des sociétés comme Adobe comme Deere, investissent massivement dans l’IA.
Encore une fois, la liste est longue et c’est très intéressant. Il ne me reste qu’une trentaine de secondes, Kevin, mais j’ai une dernière question. Où les mesures antitrust et les organismes de réglementation comme la FTC interviennent? Parce que tous ces acteurs, les plus gros, vont encore plus s’implanter, je suppose. Oui. Et toutes les grandes plateformes ont acheté des centaines d’entreprises au cours des dernières années. Dans très peu de cas, elles ont été empêchées par la FTC ou le ministère de la Justice. Et il semble qu’à l’avenir, ça va continuer de la même façon. Oui. Bon, les gens doivent toujours gérer leurs propres risques pour ce qui est de leurs portefeuilles. Mais y a-t-il des choses à surveiller dans le domaine de l’IA?
Qu’entendez-vous par des choses à surveiller?
Alors, la croissance semble très positive. Y a-t-il quelque chose qui pourrait changer cela? Est-ce seulement une question de réglementation, la rapidité de son entrée en vigueur?
Je pense qu’il est très peu probable que le volet réglementaire vienne plus rapidement que prévu. L’UE, la Chine et les États-Unis essaient tous de le faire. Mais cela prend énormément de temps. Je dirais que si nous sommes très déçus par l’IA et qu’elle ne peut finalement pas faire tout ce que nous croyons qu’elle peut faire, mais tous les indicateurs montrent que l’IA accroît ses capacités encore plus rapidement que nos attentes. Il y a donc toujours un risque que les choses tournent mal. Mais en ce moment, tout semble plutôt favorable. Oui. Kevin, c’est toujours un plaisir de vous recevoir. Merci beaucoup.
Merci, Kim. [LOGO SONORE] [MUSIQUE]
L’un des principaux thèmes du Forum économique mondial de Davos cette année était l’intelligence artificielle et, plus précisément, comment la réglementer. Cela témoigne de l’ascension de l’IA et de ses répercussions potentielles sur presque tout : notre travail et même le respect de notre vie privée. Mon invité a publié le troisième d’une série de cinq articles sur le sujet, intitulé « AI, How to Regulate an Emerging Technology. » Kevin Hebner est stratège en placements mondiaux à TD Epoch. Nous sommes ravis qu’il vienne nous rendre visite. Ravie de vous voir.
Bonjour, Kim.
Nous parlons de l’IA depuis longtemps et vous nous avez formés sur le potentiel de l’IA et sur ses répercussions dans le futur. Nous parlons de la réglementation de l’IA aujourd’hui. Mais pour commencer, j’aimerais que vous nous en expliquiez la raison. Pourquoi est-il nécessaire de réglementer l’IA?
Lors des conversations précédentes, nous avons discuté des occasions de l’IA, de ce qu’elle va apporter en matière de productivité, une stimulation très importante… pour certains secteurs… l’éducation, la santé, les services juridiques, etc. Il y a donc d’importants avantages. Mais il pourrait y avoir des risques. Nous savons déjà que l’IA a tendance à se tromper parfois, qu’elle peut poser problème, la reconnaissance faciale, par exemple, pour ce qui est de la protection de la vie privée.
Il y a des problèmes relatifs aux droits d’auteur. Une poursuite judiciaire importante est en cours entre OpenAI et le New York Times. Et il pourrait aussi y avoir des problèmes plus insidieux. On pourrait utiliser l’IA pour créer certains types d’armes biologiques. Une cyberattaque pourrait être créée par l’IA.
Il y a donc beaucoup de raisons. Et c’est le cas pour toute nouvelle technologie. Il y a des avantages et des risques. L’idée est de mettre en place un cadre réglementaire afin de profiter des avantages, en minimisant les risques.
Nous allons voir si c’est possible et comment tout cela est structuré. Commençons par ce qui a été fait jusqu’à maintenant. Quelles sont les nouvelles réglementations qui ont été mises en place?
Alors, il y a eu un décret-loi américain le 30 octobre. Il comptait 100 pages. Il touche 50 organismes. Il contient 150 règles. C’est énorme. Il reste à savoir si le président Biden dispose du pouvoir constitutionnel pour se faire. Je pense que c’est discutable.
Mais c’est tellement complexe et la technologie n’en est qu’à ses débuts, il n’est donc pas certain que ces mesures réglementaires auront un effet important. La réglementation la plus importante est probablement que, si le modèle d’IA est suffisamment important, donc GPT-4 ou plus, la société qui en fait la promotion doit effectuer des tests « red team ». C’est donc…
En quoi consistent les tests « red team »?
Alors, vous avez une équipe indépendante au sein de votre entreprise. Et vous essayez de voir si le modèle aura des effets négatifs si on le pousse de manière agressive. Est-ce qu’il y aura un malfonctionnement? Portera-t-il atteinte à la vie privée? Va-t-il créer une cyberarme ou une arme biologique, etc.? Puis, vous présentez les résultats au gouvernement fédéral. C’est une exigence que toutes les grandes plateformes ont acceptée. Et c’est probablement la plus importante du décret-loi.
Lorsque vous décrivez le potentiel… c’est ça… Lorsqu’une technologie présente un potentiel exponentiel dans à peu près tous les secteurs et dans toutes les directions, pour utiliser l’expression, et Bill Gates l’a utilisée lorsqu’il était à Davos, il faisait référence à Wayne Gretzky, « il faut patiner vers l’endroit où la rondelle va être », eh bien, la rondelle va dans toutes les directions. Donc, comment gérer une telle situation?
Oui, je pense que c’est une bonne métaphore. Vous patinez dans la direction de la rondelle. Il faut réglementer en fonction de l’orientation de la technologie. Mais nous ne savons pas du tout où va la technologie. Par exemple, il y a 15 mois, on pensait que l’IA influerait sur le travail des ouvriers, sur différents types d’activités physiques, puis peut-être le tertiaire et, enfin, les métiers créatifs.
Mais en seulement 15 mois, tout a changé. Elle touche les personnes créatives… auteurs, codeurs, artistes, compositeurs, certains travailleurs du savoir, des métiers dans le secteur bancaire, etc. Et il semble que les ouvriers seront…
protégés. Oui. Donc, même en 15 mois, notre compréhension de l’évolution de l’IA a été complètement modifiée. Sam Altman, chef d’OpenAI, et il y a un consensus là-dessus, pense que, comme pour toute nouvelle technologie des 500 dernières années, pendant longtemps, on ne sait pas comment les choses vont évoluer. Il m’apparaît donc prématuré de réglementer en fonction de la direction que l’IA prendra.
Vous avez indiqué que la réglementation existait pour aider les secteurs à évoluer de façon responsable, et cela depuis longtemps. Vous avez mentionné, dans votre rapport, entre autres, les chemins de fer. Supposons que les mêmes cadres s’appliquent à ce secteur. Quels sont les problèmes qui pourraient se présenter? Et ce qui existe… Alors, il y a trois erreurs courantes. Oui. Si on examine l’histoire de la réglementation aux États-Unis, les chemins de fer vers 1870, puis les automobiles, l’aviation, l’énergie nucléaire, et ainsi de suite, il y a généralement un retard d’environ 10 à 20 ans entre le moment où vous obtenez un produit commercialement viable et celui où un cadre réglementaire est mis en place. Le premier produit commercialement viable est apparu il y a quelques mois. Il est donc un peu tôt, selon moi.
Une erreur serait d’agir trop tôt, avant de savoir clairement ce que sera le produit. Une deuxième erreur consiste à créer un cadre réglementaire qui est favorable aux sociétés en place et défavorable aux autres. À l’heure actuelle, il y a très peu d’expertise en IA au sein du gouvernement fédéral au Canada, aux États-Unis ou ailleurs. Donc, les personnes qui fournissent les règles viennent du secteur. Elles vont se favoriser et se défendre face aux nouvelles entreprises qui pourraient compromettre leur position.
Troisièmement, vous établissez un ensemble de règles. Et tout devient difficile. Les règles vous empêchent de profiter des avantages de la nouvelle technologie, mais ne font rien pour réduire les risques. Vous perdez donc sur les deux tableaux. En examinant l’histoire de la technologie au cours des 150 dernières années, on trouve beaucoup d’exemples de ces trois erreurs.
J’aimerais vous poser des questions sur des graphiques qui se trouvent dans le rapport. Le premier montre le total des investissements privés dans l’IA. Il s’agit de milliards de dollars. Pourquoi est-ce important? Qu’est-ce qu’il y a de remarquable là-dedans? Oui. Pour l’exceptionnalisme américain; les États-Unis ont dominé l’ère informatique, l’ère d’Internet, l’ère des iPhones et l’infonuagique. Il semble que les États-Unis domineront également l’ère de l’IA. Et ce n’est pas parce que les Américains sont plus intelligents. Je pense que nous savons tous que ce n’est pas le cas. En fait, bon nombre des personnes qui dirigent les développements et les entreprises ne sont pas des Américains. Mais les États-Unis présentent un certain nombre d’avantages.
L’un d’eux est l’écosystème du capital de risque. Il y a beaucoup de fonds. Il y a beaucoup d’investissements privés, comme le montre le graphique. Un deuxième avantage est le faible niveau de réglementation. Pour ce qui est du compromis entre l’innovation et la sécurité, les États-Unis auront tendance à favoriser l’innovation, là où des endroits comme l’Europe auront tendance à privilégier la sécurité. Il semble donc que le marché demeurera centré sur les États-Unis, ce qui signifie une technologie centrée sur la Californie.
On a aussi un graphique ici qui montre la croissance exponentielle de l’IA. Ce graphique est à la fois incroyable et effrayant. Oui. Ça fait peur quand on pense au nombre de paramètres dans ces modèles. Et ce ne sont que des données non structurées. Ce sont des données non structurées. Des images. Des vidéos. La quantité de données va être multipliée par 100. Et les modèles vont devenir de plus en plus gros. On va passer de 7 milliards de paramètres à 100 milliards de paramètres.
Les ressources informatiques et les dépenses nécessaires pour se faire signifient qu’un très petit nombre d’entreprises domineront le marché. Et, pour ce qui est des plateformes, il y en aura probablement trois ou quatre, comme pour l’Internet, l’infonuagique, l’iPhone, etc.
La seule chose qui… et, encore une fois, vous en parlez dans votre article… Ce sont les gagnants qui vont dominer le marché. Oui. Oui. Dites-moi, alors, ce que cela signifie.
Du point de vue d’un investisseur? Oui.
Oui? Par exemple, au cours des 25 dernières années, pour les technologies numériques, on a observé une concentration accrue sur le marché. De moins en moins de sociétés sont gagnantes. Et cela reflète le fait que, dans le segment des technologies numériques du marché, les marges, le rendement des capitaux propres, ont doublé, voire triplé au cours des 25 dernières années, alors que le reste du marché se stabilisait.
Et c’est ce qui a continué à se produire cette année. Les bénéfices des Sept Magnifiques augmentent, donc quelques sociétés technologiques en hausse de 55 %, le reste du marché affiche une croissance des bénéfices d’environ 4,8 %.
C’est incroyable.
Oui, nous avons cette énorme divergence sur le marché depuis 25 ans et ça continue. Du point de vue des investisseurs, les plateformes sont intéressantes. Google, Microsoft, Meta ou Facebook. Les grandes plateformes continueront d’être intéressantes. Et puis il y a les entreprises de semi-conducteurs, par exemple. Dans le secteur des semi-conducteurs, il y a des sociétés de conception comme NVIDIA. Mais il y en a un bon nombre, et beaucoup sont en Californie. Elles sont intéressantes.
Il y a les sociétés d’équipement. ASML aux Pays-Bas est la plus importante. Mais il y a aussi Canon à Tokyo, Electron et Advantest au Japon. Et il y a le quatuor gagnant. Il y a un petit nombre de sociétés de fabrication… TSMC à Taïwan, Samsung en Corée et Intel aux États-Unis. Le segment des semi-conducteurs est donc intéressant.
Et puis il y a un certain nombre d’applications. Une application qui s’est bien comportée récemment, c’est Adobe. Elle crée du contenu numérique créatif. C’est une excellente plateforme. De nombreuses sociétés comme Adobe sont cotées en bourse et il y en a des centaines et des milliers qui se profilent à l’horizon et qui obtiennent du financement à l’étape du CR.
Les sociétés industrielles mettent fortement l’accent sur l’intelligence artificielle. Deere est un exemple parmi d’autres. Il est difficile de penser à Deere, une société agricole, comme acteur du secteur de l’IA. Mais ils sont très audacieux, ils engagent des ingénieurs logiciels et intègrent l’intelligence artificielle dans leurs moissonneuses-batteuses. Ces dernières font beaucoup de choses. Le travail du sol, la plantation, l’eau, la fertilisation et la récolte. Ils utilisent l’IA de façon intensive, par exemple, pour l’eau, pour examiner le niveau d’humidité.
Décider de ce qui doit être fait à ce niveau.
Il y a donc aussi… et c’est ce qui est intéressant, car l’IA touche l’ensemble du marché et de l’économie à mesure que des sociétés comme Adobe comme Deere, investissent massivement dans l’IA.
Encore une fois, la liste est longue et c’est très intéressant. Il ne me reste qu’une trentaine de secondes, Kevin, mais j’ai une dernière question. Où les mesures antitrust et les organismes de réglementation comme la FTC interviennent? Parce que tous ces acteurs, les plus gros, vont encore plus s’implanter, je suppose. Oui. Et toutes les grandes plateformes ont acheté des centaines d’entreprises au cours des dernières années. Dans très peu de cas, elles ont été empêchées par la FTC ou le ministère de la Justice. Et il semble qu’à l’avenir, ça va continuer de la même façon. Oui. Bon, les gens doivent toujours gérer leurs propres risques pour ce qui est de leurs portefeuilles. Mais y a-t-il des choses à surveiller dans le domaine de l’IA?
Qu’entendez-vous par des choses à surveiller?
Alors, la croissance semble très positive. Y a-t-il quelque chose qui pourrait changer cela? Est-ce seulement une question de réglementation, la rapidité de son entrée en vigueur?
Je pense qu’il est très peu probable que le volet réglementaire vienne plus rapidement que prévu. L’UE, la Chine et les États-Unis essaient tous de le faire. Mais cela prend énormément de temps. Je dirais que si nous sommes très déçus par l’IA et qu’elle ne peut finalement pas faire tout ce que nous croyons qu’elle peut faire, mais tous les indicateurs montrent que l’IA accroît ses capacités encore plus rapidement que nos attentes. Il y a donc toujours un risque que les choses tournent mal. Mais en ce moment, tout semble plutôt favorable. Oui. Kevin, c’est toujours un plaisir de vous recevoir. Merci beaucoup.
Merci, Kim. [LOGO SONORE] [MUSIQUE]