Dans un contexte de spéculation croissante sur un éventuel atterrissage en douceur de l’économie, Emin Baghramyan, chef, Gestion quantitative de portefeuille à Gestion de Placements TD, explique pourquoi il est d’avis que les marchés sont peut-être trop optimistes et comment les stratégies de placements alternatifs peuvent aider à gérer les risques.
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Les marchés ont de plus en plus intégré un scénario d'atterrissage en douceur. Mais notre invité d'aujourd'hui estime que cela ne signifie pas pour autant qu'il y aura un atterrissage, et que les investisseurs sont peut-être trop optimistes quant aux perspectives de croissance. Emin Baghramyan, responsable de la gestion quantitative à Gestion de Placements TD, nous rejoint.
Bonjour Greg, merci de m'inviter.
Notre thèse que nous allons remettre en question serait que les investisseurs sont trop optimistes quant aux perspectives de croissance économique.
Les perspectives actuelles sont très optimistes quant à l'économie mondiale. À Gestion de Placements TD, au sein de l'équipe quantitative, nous avons un point de vue plus mesuré sur la croissance économique mondiale. Certes, la conjoncture mondiale... affiche une plus grande résilience qu'on ne l'avait prévu, surtout compte tenu des mesures de resserrements monétaires qui ont été prises depuis quelques années. Toutefois, quelques signes apparaissent qui devraient être pris en compte dans les jugements sur la croissance économique mondiale dans l'avenir. Tout d'abord... même si la sensibilité de l'économie aux taux d'intérêt a été considérablement réduite... Car depuis 10 ans, les particuliers, les entreprises, les autorités locales et les gouvernements ont profité des taux d'intérêt très bas. Depuis 10 ans. Et ont contracté des prêts à long terme à ces taux d'intérêt très bas. Toutefois, rien ne démontre que la sensibilité aux taux d'intérêt est nulle. Nous croyons que les effets négatifs des mesures de resserrements monétaires restent à venir. Ce décalage s'est même prolongé, mais nous pensons que les politiques monétaires commenceront à faire leur effet. Il est évident par ailleurs que le secteur manufacturier est en récession. Les indices des responsables des achats aux États-Unis, au Canada, au Japon, en Chine, en Europe... affichent un niveau qui correspond à une contraction. La source principale de la croissance économique, c'est la consommation des services. Or, nous croyons que le secteur des services bénéficie toujours de l'impact différé de la réouverture des économies post-pandémie. En effet, les gouvernements ont largement abondé les revenus des consommateurs pendant la pandémie... lesquels ont également profité des taux d'intérêt zéro. Il y a eu beaucoup de dépenses budgétaires, de prêts aux États-Unis pour la protection des masses salariales. Beaucoup de gens n'avaient pas d'exutoire pour leurs dépenses. Ils ont investi dans des rénovations, des travaux, ce qui a créé un essor dans ce secteur. Mais à présent, les consommateurs peuvent dépenser leurs fonds discrétionnaires en services dont ils avaient été privés: déplacements, divertissements, restaurants et autres sorties. La consommation est donc très forte. Toutefois... les indicateurs prospectifs, par exemple les réservations de restaurants et d'hôtels... laissent à croire que nous en sommes dans la phase ultime de cette croissance économique. Nous pensons que le secteur des services ralentira lui aussi. Et ce n'est pas tout. Des indicateurs prospectifs comme la croissance du crédit - par exemple, prenons l'enquête auprès des responsables principaux de prêts qui mesure l'enthousiasme des banques à l'égard du crédit aux consommateurs et aux entreprises - on constate que les normes de montage de prêts ont été très nettement resserrées. Ce tour de vis présage un ralentissement de la croissance du crédit. Or, dans les économies avancées, faute de crédit, l'économie en pâtit.
Ce sont des indicateurs qui sont intéressants. Peut-être après ce décalage verra-t-on enfin les conséquences des hausses de taux. Mais que dire des rendements du marché? Jusqu'ici, ils se comportent bien. Mais vous dites qu'il y a des risques au niveau des Sept Magnifiques. Parlez-nous des Sept Magnifiques.
Oui. Si on considère les résultats d'un large éventail d'actions comme le S&P 500, cela semble corroborer la thèse positive à l'égard du marché... de la part des investisseurs. Mais si l'on creuse un peu, la plus grande partie de ces gains sont attribuables à une poignée d'entreprises. Il ne s'agit pas d'une remontée généralisée. Ces gains supérieurs à 10% du S&P 500, presque 35% jusqu'ici dans le cas du Nasdaq... sont fondés sur la comparaison avec une correction très profonde l'an dernier. Le S&P 500 a plongé de 25%, et le Nasdaq de 20%, à l'époque. Mais ce qui a remonté, ce sont les compagnies dites "de technologie". Un petit nombre d'entreprises, les entreprises dites "les Sept Magnifiques" représentent la plus grande partie des gains, des repères. Par exemple, si l'on considère une moyenne très générale, l'indice Russel 2000 où la pondération est équivalente, il s'agit essentiellement d'un indice inchangé... qui offre un rendement annualisé de 10% depuis quelques années et se situe à moins 10% jusqu'ici. Donc l'action moyenne n'a pas participé à cette remontée. Ce n'est pas un très bon signe quant à la croissance économique future. Toutefois, les grands indices ont été très vulnérables à l'évolution du cours des Sept Magnifiques.
Que se passera-t-il s'il se produit quelque chose? Si les investisseurs sont trop optimistes? On l'a bien vu souvent dans l'histoire: les investisseurs s'emballent. À l'heure actuelle, c'est l'intelligence artificielle qui est à la mode et qui suscite un véritable engouement à l'égard des perspectives de ces entreprises. Mais que se produira-t-il si cet optimisme n'est pas confirmé par les événements? Et que cette concentration des indices pourrait engendrer de grands risques pour les personnes qui investissent dans les grands indices comme le S&P 500 ou le Nasdaq.
Voilà pourquoi, à Gestion de Placements TD, au sein de l'équipe quantitative, nous pensons que le moment est propice pour envisager non plus les indices traditionnels à pondération en fonction de la capitalisation boursière, mais des stratégies alternatives.
Lesquelles? Lesquelles sont propices à l'heure actuelle?
Dans la conjoncture actuelle, il s'agirait de stratégies qui favorisent la faible volatilité... il s'agit d'investir dans des entreprises plus défensives et moins orientées vers les indices, plus diversifiées au niveau des entreprises individuelles, des secteurs, des régions. Une autre stratégie intéressante serait d'investir dans des actions qui rapportent des dividendes.
Les marchés ont de plus en plus intégré un scénario d'atterrissage en douceur. Mais notre invité d'aujourd'hui estime que cela ne signifie pas pour autant qu'il y aura un atterrissage, et que les investisseurs sont peut-être trop optimistes quant aux perspectives de croissance. Emin Baghramyan, responsable de la gestion quantitative à Gestion de Placements TD, nous rejoint.
Bonjour Greg, merci de m'inviter.
Notre thèse que nous allons remettre en question serait que les investisseurs sont trop optimistes quant aux perspectives de croissance économique.
Les perspectives actuelles sont très optimistes quant à l'économie mondiale. À Gestion de Placements TD, au sein de l'équipe quantitative, nous avons un point de vue plus mesuré sur la croissance économique mondiale. Certes, la conjoncture mondiale... affiche une plus grande résilience qu'on ne l'avait prévu, surtout compte tenu des mesures de resserrements monétaires qui ont été prises depuis quelques années. Toutefois, quelques signes apparaissent qui devraient être pris en compte dans les jugements sur la croissance économique mondiale dans l'avenir. Tout d'abord... même si la sensibilité de l'économie aux taux d'intérêt a été considérablement réduite... Car depuis 10 ans, les particuliers, les entreprises, les autorités locales et les gouvernements ont profité des taux d'intérêt très bas. Depuis 10 ans. Et ont contracté des prêts à long terme à ces taux d'intérêt très bas. Toutefois, rien ne démontre que la sensibilité aux taux d'intérêt est nulle. Nous croyons que les effets négatifs des mesures de resserrements monétaires restent à venir. Ce décalage s'est même prolongé, mais nous pensons que les politiques monétaires commenceront à faire leur effet. Il est évident par ailleurs que le secteur manufacturier est en récession. Les indices des responsables des achats aux États-Unis, au Canada, au Japon, en Chine, en Europe... affichent un niveau qui correspond à une contraction. La source principale de la croissance économique, c'est la consommation des services. Or, nous croyons que le secteur des services bénéficie toujours de l'impact différé de la réouverture des économies post-pandémie. En effet, les gouvernements ont largement abondé les revenus des consommateurs pendant la pandémie... lesquels ont également profité des taux d'intérêt zéro. Il y a eu beaucoup de dépenses budgétaires, de prêts aux États-Unis pour la protection des masses salariales. Beaucoup de gens n'avaient pas d'exutoire pour leurs dépenses. Ils ont investi dans des rénovations, des travaux, ce qui a créé un essor dans ce secteur. Mais à présent, les consommateurs peuvent dépenser leurs fonds discrétionnaires en services dont ils avaient été privés: déplacements, divertissements, restaurants et autres sorties. La consommation est donc très forte. Toutefois... les indicateurs prospectifs, par exemple les réservations de restaurants et d'hôtels... laissent à croire que nous en sommes dans la phase ultime de cette croissance économique. Nous pensons que le secteur des services ralentira lui aussi. Et ce n'est pas tout. Des indicateurs prospectifs comme la croissance du crédit - par exemple, prenons l'enquête auprès des responsables principaux de prêts qui mesure l'enthousiasme des banques à l'égard du crédit aux consommateurs et aux entreprises - on constate que les normes de montage de prêts ont été très nettement resserrées. Ce tour de vis présage un ralentissement de la croissance du crédit. Or, dans les économies avancées, faute de crédit, l'économie en pâtit.
Ce sont des indicateurs qui sont intéressants. Peut-être après ce décalage verra-t-on enfin les conséquences des hausses de taux. Mais que dire des rendements du marché? Jusqu'ici, ils se comportent bien. Mais vous dites qu'il y a des risques au niveau des Sept Magnifiques. Parlez-nous des Sept Magnifiques.
Oui. Si on considère les résultats d'un large éventail d'actions comme le S&P 500, cela semble corroborer la thèse positive à l'égard du marché... de la part des investisseurs. Mais si l'on creuse un peu, la plus grande partie de ces gains sont attribuables à une poignée d'entreprises. Il ne s'agit pas d'une remontée généralisée. Ces gains supérieurs à 10% du S&P 500, presque 35% jusqu'ici dans le cas du Nasdaq... sont fondés sur la comparaison avec une correction très profonde l'an dernier. Le S&P 500 a plongé de 25%, et le Nasdaq de 20%, à l'époque. Mais ce qui a remonté, ce sont les compagnies dites "de technologie". Un petit nombre d'entreprises, les entreprises dites "les Sept Magnifiques" représentent la plus grande partie des gains, des repères. Par exemple, si l'on considère une moyenne très générale, l'indice Russel 2000 où la pondération est équivalente, il s'agit essentiellement d'un indice inchangé... qui offre un rendement annualisé de 10% depuis quelques années et se situe à moins 10% jusqu'ici. Donc l'action moyenne n'a pas participé à cette remontée. Ce n'est pas un très bon signe quant à la croissance économique future. Toutefois, les grands indices ont été très vulnérables à l'évolution du cours des Sept Magnifiques.
Que se passera-t-il s'il se produit quelque chose? Si les investisseurs sont trop optimistes? On l'a bien vu souvent dans l'histoire: les investisseurs s'emballent. À l'heure actuelle, c'est l'intelligence artificielle qui est à la mode et qui suscite un véritable engouement à l'égard des perspectives de ces entreprises. Mais que se produira-t-il si cet optimisme n'est pas confirmé par les événements? Et que cette concentration des indices pourrait engendrer de grands risques pour les personnes qui investissent dans les grands indices comme le S&P 500 ou le Nasdaq.
Voilà pourquoi, à Gestion de Placements TD, au sein de l'équipe quantitative, nous pensons que le moment est propice pour envisager non plus les indices traditionnels à pondération en fonction de la capitalisation boursière, mais des stratégies alternatives.
Lesquelles? Lesquelles sont propices à l'heure actuelle?
Dans la conjoncture actuelle, il s'agirait de stratégies qui favorisent la faible volatilité... il s'agit d'investir dans des entreprises plus défensives et moins orientées vers les indices, plus diversifiées au niveau des entreprises individuelles, des secteurs, des régions. Une autre stratégie intéressante serait d'investir dans des actions qui rapportent des dividendes.