Il y a énormément de difficultés auxquelles est confrontée l’économie mondiale en ce moment, qu’il s’agisse de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, de la hausse de l’inflation ou de la pandémie de COVID-19 qui sévit toujours. Kim Parlee discute des perspectives de croissance avec Beata Caranci, économiste en chef, Groupe Banque TD.
Print Transcript
Il y a énormément de difficultés auxquelles l’économie mondiale est confrontée en ce moment, de la guerre entre la Russie et l’Ukraine à la reprise après la COVID, en passant par la hausse de l’inflation, il y a tant de choses qui se passent. Beata Caranci est la mieux placée pour nous aider à comprendre ses perspectives et ce qu’elle va surveiller au cours des prochains mois. Elle est économiste en chef au Groupe Banque TD.
Beata, nous vous avons consacré toute l’émission pour que vous puissiez nous parler de tout ce qui se passe en ce moment. J’aimerais commencer et structurer un peu la conversation. Je voulais d’abord parler des situations très compliquées qui se produisent, puis discuter un peu de l’économie américaine en particulier, et de l’économie canadienne en particulier. Alors commençons par le début.
Bien sûr.
Pour ceux qui ne suivent pas de près la crise Russie-Ukraine, pouvez-vous nous dire, d’un point de vue économique, ce que cette guerre signifie pour l’économie mondiale?
Oui, c’est difficile de mettre les choses en contexte en ce moment, car nous sommes encore au milieu de la crise. Ce qu’on surveille... et c’est vraiment essentiel que, quand on a vu des conflits internationaux, pas la Première Guerre mondiale, ni la Deuxième, mais la guerre du Golfe, la crise financière européenne, la grippe asiatique, ce type de conflits, ils ont tendance à être de courte durée, idéalement, par exemple un trimestre, et n’ont pas d’effets importants sur l’Amérique du Nord, c’est-à-dire l’économie canadienne et américaine, et, pour cette raison, parce que les liens directs par l’intermédiaire du commerce ne sont pas suffisamment importants pour causer un risque.
De ce point de vue-là, ce conflit pourrait être très différent, parce que nous ne sommes pas encore tout à fait certains... et on ne sait que rétrospectivement s’il va être de courte durée. Et la plupart des signaux nous disent qu’il est peu probable que ce soit le cas, du moins en ce qui concerne certaines des perturbations auxquelles on pourrait s’attendre dans les canaux des produits de base, en particulier ceux où l’Ukraine et la Russie ont d’importantes actions mondiales, du palladium, du blé, du pétrole et du gaz naturel liés à l’Europe. Et ces signaux-là nous portent à croire que le conflit pourrait se prolonger en raison du recul des perspectives économiques en Europe.
Et dans le cas de l’Amérique du Nord, tant que ça ne se transforme pas en un risque financier mondial, elle devrait être en mesure de survivre du point de vue de la croissance. Toutefois, plus le conflit va durer, plus il faut s’attendre à des baisses importantes de la croissance économique à l’avenir. Mais c’est très difficile de déterminer ça à environ deux semaines suivant le début du conflit.
Oui, je sais que c’est tôt. Et je pense que l’intention est simplement de bien comprendre ce que vous surveillez pour en saisir les répercussions possibles. De toute évidence, la tragédie humaine est horrible, ainsi que les pertes humaines qu’on a vues jusqu’à maintenant.
Ce que je sais, c’est que vous avez parlé de perturbations des chaînes d’approvisionnement et d’inflation, ce qui est très intéressant, et on pense aux importantes perturbations qui se produisent du côté des produits de base. Il va y avoir de l’inflation, mais vous parlez de distribution de l’inflation. Et donc, les personnes qui souffrent le plus, peut-être en raison des conflits en cours, vont être touchées de nouveau quand la vie va devenir inabordable, et c’est un risque réel.
Oui, certainement, si on pense au lien européen. Tout d’abord, lorsqu’on examine les risques liés à l’inflation et la distribution, on constate que l’inflation est particulièrement élevée aux États-Unis, simplement parce que ce pays dépend davantage des chaînes d’approvisionnement, car la façon dont il s’approvisionne, et parce qu’il affiche une hausse de la consommation dans des secteurs qui ont déjà des risques liés à la chaîne d’approvisionnement. Ensuite, il y a le Canada, puis l’Europe, où l’inflation est plus faible, même si les coûts de l’énergie sont actuellement soumis à d’importantes pressions.
Leur point de départ est en fait inférieur à ce qu’on observe en Amérique du Nord. Il reste donc une certaine marge de manœuvre pour absorber certaines pressions. Mais je pense qu’on a beaucoup mis l’accent sur ce dont les économistes parlent dans les médias à propos de l’énergie, mais l’autre aspect, c’est la nourriture. Et pour revenir à votre point, lorsqu’on regarde ceux qui éprouvent des difficultés au sein de l’économie, et il s’agit généralement de personnes à faible revenu, de toute évidence, en Ukraine, il va y avoir des personnes déplacées maintenant, et ces personnes, si on prend seulement l’exemple des États-Unis, elles paient un taux d’inflation d’environ 8 % par rapport à tout autre groupe. Et si on augmente les coûts de l’énergie et de la nourriture, comme c’est le cas actuellement, elles n’ont pas les économies ni la marge de manœuvre nécessaires pour faire dévier des revenus d’autres secteurs, d’autres domaines de dépenses. Cela représente donc un fardeau disproportionné, surtout pour les particuliers à faible revenu à l’échelle mondiale, et en particulier dans les régions où l’inflation est déjà élevée, comme les États-Unis et, dans une moindre mesure, le Canada.
C’est amusant... parce que je n’aurais jamais cru que vous me parleriez de ce qui se passe dans le monde, et surtout pas de la COVID.
Oui. Et pourtant! L’autre chose qui se passe, bien sûr, et je dirais que c’est un bon côté de l’inflation, mais j’y ajoute un astérisque, c’est que la croissance revient, espérons-le, avec le retour à la nouvelle normalité. Comment les choses se passent-elles actuellement, compte tenu du conflit Russie-Ukraine? En fait, il y a toutes sortes de mouvements contraires qui se produisent en ce moment.
Oui, c’est tout à fait exact. En fait, et j’espère que ça ne va pas vous sembler insensible, mais pour ce qui est du moment, ce n’est pas le pire pour le Canada et les États-Unis. Le pire moment aurait été au plus fort des fermetures économiques causées par la COVID et des perturbations de l’emploi. Tout ça est du passé, et la demande d’emplois est très forte dans les deux pays. La croissance des salaires est robuste. Et c’est donc possible de l’absorber.
Et c’est un élément important qui, selon moi, ressort des manchettes, mis à part les images de guerre, qui sont horribles, mais lorsqu’on pense aux extensions du marché, il est très désolant de voir à quel point les prix du pétrole ont changé, tout comme ceux du blé. Essentiellement, c’est le cas de l’indice général des produits de base. En même temps, d’un point de vue financier, les ménages sont bien placés pour l’absorber maintenant qu’il y a, disons, six à 12 mois. Il y a donc une plus grande marge de manœuvre économique en Amérique du Nord pour l’absorber.
Et c’est une des raisons pour lesquelles, lorsque les prévisions économiques vont être publiées, il est peu probable que les États-Unis et le Canada se retrouvent en récession. Ils vont probablement subir une baisse à la vitesse de la croissance. Mais le point de départ était élevé. On s’attendait à ce que les États-Unis et le Canada affichent une croissance d’environ 3,7 % cette année, de sorte que même avec une baisse de 50, 60 ou 70 points de base, on s’attend encore à une croissance de 3 %. Il va y avoir un ralentissement au cours de l’année, mais avec ce coussin, en raison de la réouverture, ça va permettre à la demande accumulée de passer.
[MUSIQUE]
Beata, nous vous avons consacré toute l’émission pour que vous puissiez nous parler de tout ce qui se passe en ce moment. J’aimerais commencer et structurer un peu la conversation. Je voulais d’abord parler des situations très compliquées qui se produisent, puis discuter un peu de l’économie américaine en particulier, et de l’économie canadienne en particulier. Alors commençons par le début.
Bien sûr.
Pour ceux qui ne suivent pas de près la crise Russie-Ukraine, pouvez-vous nous dire, d’un point de vue économique, ce que cette guerre signifie pour l’économie mondiale?
Oui, c’est difficile de mettre les choses en contexte en ce moment, car nous sommes encore au milieu de la crise. Ce qu’on surveille... et c’est vraiment essentiel que, quand on a vu des conflits internationaux, pas la Première Guerre mondiale, ni la Deuxième, mais la guerre du Golfe, la crise financière européenne, la grippe asiatique, ce type de conflits, ils ont tendance à être de courte durée, idéalement, par exemple un trimestre, et n’ont pas d’effets importants sur l’Amérique du Nord, c’est-à-dire l’économie canadienne et américaine, et, pour cette raison, parce que les liens directs par l’intermédiaire du commerce ne sont pas suffisamment importants pour causer un risque.
De ce point de vue-là, ce conflit pourrait être très différent, parce que nous ne sommes pas encore tout à fait certains... et on ne sait que rétrospectivement s’il va être de courte durée. Et la plupart des signaux nous disent qu’il est peu probable que ce soit le cas, du moins en ce qui concerne certaines des perturbations auxquelles on pourrait s’attendre dans les canaux des produits de base, en particulier ceux où l’Ukraine et la Russie ont d’importantes actions mondiales, du palladium, du blé, du pétrole et du gaz naturel liés à l’Europe. Et ces signaux-là nous portent à croire que le conflit pourrait se prolonger en raison du recul des perspectives économiques en Europe.
Et dans le cas de l’Amérique du Nord, tant que ça ne se transforme pas en un risque financier mondial, elle devrait être en mesure de survivre du point de vue de la croissance. Toutefois, plus le conflit va durer, plus il faut s’attendre à des baisses importantes de la croissance économique à l’avenir. Mais c’est très difficile de déterminer ça à environ deux semaines suivant le début du conflit.
Oui, je sais que c’est tôt. Et je pense que l’intention est simplement de bien comprendre ce que vous surveillez pour en saisir les répercussions possibles. De toute évidence, la tragédie humaine est horrible, ainsi que les pertes humaines qu’on a vues jusqu’à maintenant.
Ce que je sais, c’est que vous avez parlé de perturbations des chaînes d’approvisionnement et d’inflation, ce qui est très intéressant, et on pense aux importantes perturbations qui se produisent du côté des produits de base. Il va y avoir de l’inflation, mais vous parlez de distribution de l’inflation. Et donc, les personnes qui souffrent le plus, peut-être en raison des conflits en cours, vont être touchées de nouveau quand la vie va devenir inabordable, et c’est un risque réel.
Oui, certainement, si on pense au lien européen. Tout d’abord, lorsqu’on examine les risques liés à l’inflation et la distribution, on constate que l’inflation est particulièrement élevée aux États-Unis, simplement parce que ce pays dépend davantage des chaînes d’approvisionnement, car la façon dont il s’approvisionne, et parce qu’il affiche une hausse de la consommation dans des secteurs qui ont déjà des risques liés à la chaîne d’approvisionnement. Ensuite, il y a le Canada, puis l’Europe, où l’inflation est plus faible, même si les coûts de l’énergie sont actuellement soumis à d’importantes pressions.
Leur point de départ est en fait inférieur à ce qu’on observe en Amérique du Nord. Il reste donc une certaine marge de manœuvre pour absorber certaines pressions. Mais je pense qu’on a beaucoup mis l’accent sur ce dont les économistes parlent dans les médias à propos de l’énergie, mais l’autre aspect, c’est la nourriture. Et pour revenir à votre point, lorsqu’on regarde ceux qui éprouvent des difficultés au sein de l’économie, et il s’agit généralement de personnes à faible revenu, de toute évidence, en Ukraine, il va y avoir des personnes déplacées maintenant, et ces personnes, si on prend seulement l’exemple des États-Unis, elles paient un taux d’inflation d’environ 8 % par rapport à tout autre groupe. Et si on augmente les coûts de l’énergie et de la nourriture, comme c’est le cas actuellement, elles n’ont pas les économies ni la marge de manœuvre nécessaires pour faire dévier des revenus d’autres secteurs, d’autres domaines de dépenses. Cela représente donc un fardeau disproportionné, surtout pour les particuliers à faible revenu à l’échelle mondiale, et en particulier dans les régions où l’inflation est déjà élevée, comme les États-Unis et, dans une moindre mesure, le Canada.
C’est amusant... parce que je n’aurais jamais cru que vous me parleriez de ce qui se passe dans le monde, et surtout pas de la COVID.
Oui. Et pourtant! L’autre chose qui se passe, bien sûr, et je dirais que c’est un bon côté de l’inflation, mais j’y ajoute un astérisque, c’est que la croissance revient, espérons-le, avec le retour à la nouvelle normalité. Comment les choses se passent-elles actuellement, compte tenu du conflit Russie-Ukraine? En fait, il y a toutes sortes de mouvements contraires qui se produisent en ce moment.
Oui, c’est tout à fait exact. En fait, et j’espère que ça ne va pas vous sembler insensible, mais pour ce qui est du moment, ce n’est pas le pire pour le Canada et les États-Unis. Le pire moment aurait été au plus fort des fermetures économiques causées par la COVID et des perturbations de l’emploi. Tout ça est du passé, et la demande d’emplois est très forte dans les deux pays. La croissance des salaires est robuste. Et c’est donc possible de l’absorber.
Et c’est un élément important qui, selon moi, ressort des manchettes, mis à part les images de guerre, qui sont horribles, mais lorsqu’on pense aux extensions du marché, il est très désolant de voir à quel point les prix du pétrole ont changé, tout comme ceux du blé. Essentiellement, c’est le cas de l’indice général des produits de base. En même temps, d’un point de vue financier, les ménages sont bien placés pour l’absorber maintenant qu’il y a, disons, six à 12 mois. Il y a donc une plus grande marge de manœuvre économique en Amérique du Nord pour l’absorber.
Et c’est une des raisons pour lesquelles, lorsque les prévisions économiques vont être publiées, il est peu probable que les États-Unis et le Canada se retrouvent en récession. Ils vont probablement subir une baisse à la vitesse de la croissance. Mais le point de départ était élevé. On s’attendait à ce que les États-Unis et le Canada affichent une croissance d’environ 3,7 % cette année, de sorte que même avec une baisse de 50, 60 ou 70 points de base, on s’attend encore à une croissance de 3 %. Il va y avoir un ralentissement au cours de l’année, mais avec ce coussin, en raison de la réouverture, ça va permettre à la demande accumulée de passer.
[MUSIQUE]