Le transport aérien connaît une reprise effrénée, mais face à la forte demande, on rencontre annulations, reports de vols, longs temps d’attente et pertes de bagages. Greg Bonnell discute avec David Mau, gestionnaire de portefeuille, Gestion de Placements TD, de ses perspectives pour le secteur dans le contexte du chaos aéroportuaire et des craintes grandissantes d’une récession.
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Le secteur du transport aérien a été durement touché par la pandémie, mais la reprise des voyages s’avère également compliquée. Pour discuter des perspectives des compagnies aériennes sur fond de préoccupations croissantes quant à une prochaine récession, on reçoit David Mau, gestionnaire de portefeuille à Gestion de Placements TD.
David, c’est un plaisir de vous avoir avec nous aujourd’hui. Le secteur des compagnies aériennes est très intéressant, n’est-ce pas? Comme on l’a dit dans l’introduction, il a été durement touché par la pandémie. Maintenant, les gens veulent repartir en voyage. Et ils rencontrent beaucoup de difficultés. Que se passe-t-il?
Oui, vous avez tout à fait raison. Mais il faut comprendre que ce n’est pas seulement la faute des compagnies aériennes. Lorsqu’on regarde… les gens ont probablement vu les photos aux nouvelles de ce qui s’est passé à l’aéroport Pearson, des files d’attente de 400 à 500 personnes et la salle des bagages remplie de valises non réclamées. Les compagnies aériennes assument certes une grande part de responsabilité.
Mais il y a aussi les organismes gouvernementaux qui gèrent l’aéroport, comme les Services douaniers et de sécurité des frontières, les contrôles de sécurité pour passer la porte d’embarquement. Il y a aussi le personnel au sol qui relève de la responsabilité des aéroports et les sociétés que les compagnies aériennes engagent pour le nettoyage de l’avion et pour s’assurer qu’il y a de la nourriture à bord, par exemple.
Tous ces intervenants ont souffert de pénuries de main-d’œuvre, car au début de la pandémie, quand le transport aérien a presque complètement cessé, beaucoup de ces employés ont été mis à pied provisoirement ou licenciés. Tous ces secteurs ont été lents à récupérer ces employés. Et ceux qu’ils ont pu ramener n’ont peut-être pas autant d’expérience que les employés qui sont partis. Il leur a donc fallu un peu plus de temps pour remonter la pente et pour s’assurer que toutes les activités se déroulent comme avant.
Maintenant que les investisseurs se vtournent ers les compagnies aériennes, devraient-ils être préoccupés par le fait que la demande de voyages ne peut pas être satisfaite à cause de tous les facteurs que vous venez d’énoncer? Certaines personnes pourraient même être rebutées par les voyages à cause de certaines images qu’on voit aux nouvelles. Cette période est cruciale. Vous voulez battre le fer tant qu’il est chaud, mais ce n’est pas possible.
Oui, vous avez raison de dire qu’elles ne peuvent tout simplement pas gérer la demande, le volume actuel. Cela dit, les compagnies aériennes ont augmenté le prix des billets récemment. Donc même si les volumes sont un peu plus faibles, le prix moyen du billet est plus élevé. Tout cela se compense. La question, c’est de savoir pendant combien de temps les prix élevés seront maintenus.
L’inflation a donc vraiment un impact sur le budget personnel des gens, qu’il s’agisse du prix de l’essence, des aliments ou d’autres produits similaires. Et on sait qu’en période de récession, si une récession se profile à l’horizon, les voyages pour le loisir sont l’une des premières choses que les gens coupent de leur budget.
Alors, parlons-en un peu. De toute évidence, il n’est pas certain qu’on entre en récession. Tout le monde a parié sur cette probabilité parce que les banques centrales agissent agressivement pour tenter de réduire l’inflation. Cela me fait penser à la situation des compagnies aériennes, à ce qu’elles traversent en ce moment. On se dit qu’il faut reprendre les activités. D’accord, on ne peut pas gérer le volume en raison de tous les facteurs que vous avez présentés. Mais en se projetant, on se demande si l’économie ne va pas ralentir. Dans quelle mesure est-ce un défi pour ce secteur à l’heure actuelle?
C’est vraiment un défi. Ce que je veux dire, c’est qu’à ce stade, rien n’indique que la demande a été anéantie en raison de l’inflation ou d’une hausse des prix. Mais c’est quelque chose qu’il faut surveiller à l’approche des troisième et quatrième trimestres.
En temps normal… difficile de se souvenir d’une période normale, mais peut-être la vie avant la pandémie. Si on examine le secteur du transport aérien, de toute évidence, le coût le plus élevé, c’est le carburéacteur. L’énergie n’est pas bon marché en ce moment. Qu’est-ce que cela donne pour les compagnies aériennes? Comment composent-elles avec ce genre de pression?
Oui, c’est une excellente remarque. Pour une compagnie aérienne moyenne, le carburant représente entre 25 % et 40 % des frais d’exploitation, selon la composition de sa flotte active.
Cela crée un sentiment d’urgence pour les compagnies aériennes parce que les nouveaux avions sont beaucoup plus écoénergétiques que ceux construits il y a 15 ou 20 ans. Un nouvel avion pourrait faire économiser à une compagnie aérienne de 25 % à 30 % sur le coût de carburant, une très bonne nouvelle pour les fabricants d’avions, comme Boeing et Airbus, parce que cela créera une forte demande pour l’ajout de nouveaux avions dans les flottes.
Parlons de cette occasion parce qu’on a mis l’accent sur les compagnies aériennes, les problèmes que tout le monde rencontre dans les aéroports. Vous venez de le dire, dans ce contexte, il y aura peut-être une impulsion. Je crois que c’était Delta aujourd’hui. Je crois que Delta vient d’indiquer qu’elle avait commandé de nouveaux avions Boeing, qui sont censés être plus écoénergétiques.
Oui, alors le salon aéronautique Farnborough, un événement important dans le secteur, se déroule en Angleterre cette semaine. Habituellement, lors de ces salons, les compagnies aériennes annoncent leurs nouvelles commandes pour les prochaines années. Et la majorité de ces nouvelles commandes seront pour Boeing ou Airbus parce qu’il n’y a que deux grands fabricants d’avions dans le monde. Donc si vous êtes une compagnie aérienne et que vous voulez commander un nouvel avion, vous êtes limitée à Boeing ou Airbus.
Cela devrait donc être intéressant au salon aérien. Et on entendra probablement parler au cours des prochains jours des intentions des compagnies aériennes en matière de commandes et de projets pour l’avenir.
Farnborough est de toute évidence un événement majeur dans le secteur; on en parle beaucoup l’année où elle a lieu. Les investisseurs doivent-ils surveiller la situation? Par rapport à ce qu’on a vu dans le passé, est-ce quelque chose que les investisseurs doivent surveiller ou est-ce que c’est juste intéressant?
C’est intéressant, car iça donne une ndication de la demande à laquelle les compagnies aériennes s’attendent et leur stratégie de croissance pour l’avenir, mais comme il s’agit d’un phénomène très mondial, ça ne concerne pas seulement les compagnies aériennes nord-américaines. Il y a les compagnies aériennes asiatiques et européennes. De toute évidence, la Russie ne fera pas partie du processus de commande d’avions, du moins pour le moment. Mais cela donne une bonne perspective mondiale de la façon dont les compagnies aériennes planifient leur avenir.
À long terme… on a connu des perturbations à court terme en raison de la COVID-19 on espère que, dans l’ensemble, le pire est passé. On croise les doigts. On pourrait peut-être avoir des défis à court terme si l’économie ralentit ou tombe en récession. Mais on ne sait pas ce qui va se passer. Dans 5, 10 ou 15 ans, comment se portera le transport aérien?
En général, je suis très optimiste dà l’égard e ce secteur. Si l’on se fie aux prévisions des grands acteurs du secteur, ils auront besoin de plus de 40 000 nouveaux avions au cours des 20 prochaines années. Il s’agira d’avions de remplacement des appareils qui sortent de la flotte, qui sont trop vieux pour être exploités et qui vont sortir du parc. Et il y aura aussi une partie qui sera consacrée à la nouvelle expansion.
On s’attend à ce que le secteur du transport aérien continue de croître. Si on examine les cinq à huit dernières années d’avant la pandémie, la croissance du trafic aérien de passagers a été de 5 % à 6 % par année. Les prévisions sont un peu plus basses. Elles se situent entre 4 % et 5 %. Mais il s’agit toujours d’une assez bonne croissance du chiffre d’affaires.
Et c’est très prévisible, car le transport aérien est accessible à un plus grand nombre de personnes dans les pays d’Afrique ou d’Asie du Sud-Est alors que, traditionnellement, cette population était un peu exclue du marché parce c’est cher de prendre l’avion, mais comme le prix des billets d’avion a diminué au cours des 10 ou 20 dernières années, c’est beaucoup plus accessible. On s’attend donc à ce type de croissance sur les 20, 30 ou 40 prochaines années.
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