L’économie canadienne reste sur la voie de la reprise, affichant de solides tendances de consommation et un marché de l’emploi vigoureux. Toutefois, la hausse des prix des produits de base demeure préoccupante. Kim Parlee discute des perspectives de croissance avec Beata Caranci, économiste en chef, Groupe Banque TD.
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[MUSIQUE]
Nous sommes de retour avec Beata Caranci. Voyons maintenant quelless sont ses attentes à l’égard de l’économie canadienne. Beata, je vais tout de suite entrer dans le vif du sujet. Commençons par vos perspectives de croissance économique pour le Canada cette année et l’année prochaine. Que va-t-il se passer?
Eh bien, il y a un facteur favorable au Canada en ce moment. La réouverture a donc été retardée par rapport à ce qui se passait aux États-Unis et même dans une grande partie de l’Europe.
Et on se retrouve maintenant avec des habitudes de consommation plus fortes.
Et le marché de l’emploi est assez vigoureux au Canada. Les taux de participation de la main-d’œuvre sont plus élevés aujourd’hui qu’ils ne l’étaient avant la pandémie. Et la seule chose qui manque, et qui n’est pas une mauvaise chose du point de vue de l’inflation, c’est que les salaires sont à la traîne. Et dans un contexte de forte inflation, on pourrait s’attendre à ce que des pressions salariales s’exercent.
Donc pour l’économie canadienne, encore une fois, il y a beaucoup de résilience, beaucoup de facteurs favorables à l’économie. Toutefois, en fin de compte, les gens sont touchés par la hausse des prix des produits de base, que ce soit à la pompe ou à l’épicerie. Et ça va réduire une partie de ces tendances de croissance. Mais on pense que l’économie... un taux de croissance de 3 % cette année ne serait pas inhabituel.
J’aimerais qu’on parle des produits de base dans un instant. Mais avant d’en arriver là... et, évidemment, la Banque du Canada, si je comprends bien ce que vous dites, elle a des préoccupations au sujet de l’inflation, et ça fait partie de son mandat. Selon vous, que fera-t-elle? Et est-ce que ça va changer?
Eh bien, à ce stade-ci, pas encore. Et je suppose qu’elle va faire ce qu’on fait, c’est-à-dire chercher à savoir si on traverse une véritable période de stress financier de longue durée. Mais en fin de compte, les banques centrales, tant au Canada qu’aux États-Unis, abordent la politique monétaire différemment au cours de ce cycle-ci.
Normalement, elles ajustent les taux d’intérêt avant que l’économie n’atteigne une demande excédentaire. Elles se fondent donc sur des prévisions quant à la situation de l’économie dans un an ou un an et demi, et se disent qu’elles vont avoir une économie équilibrée à ce moment-là. On devrait donc commencer à relever les taux d’intérêt dès maintenant.
Elles ne l’ont pas fait cette fois-ci. Et c’est pourquoi elles ont l’impression d’être en retard sur la courbe de l’inflation, parce que la demande est déjà excédentaire au sein de l’économie et dépasse la capacité. Il y a donc une tendance naturelle à l’inflation, peu importe ce qui se passe du côté de l’offre à l’échelle mondiale. Et ça les place... essentiellement, toutes les banques centrales, que ce soit au Royaume-Uni, aux États-Unis ou au Canada, en position de devoir relever les taux d’intérêt, même en présence d’un risque. Il faut donc que les risques se traduisent par un ralentissement important de la croissance pour qu’ils ne suivent pas cette trajectoire.
Ce que ça pourrait faire pendant que les banques continuent d’augmenter les taux d’intérêt... la tendance pourrait changer, elles pourraient peut-être prendre une pause, puis augmenter les taux de 50 points de base à mesure que les risques diminuent. Cette tendance peut donc sembler différente.
Mais il faut encore qu’elles haussent les taux par rapport à ce qu’ils sont aujourd’hui, après une seule hausse de taux.
Par conséquent, à ce stade du cycle, le taux directeur se situe habituellement entre 1 % et 1,5 %. Et nous sommes à 50 points de base, donc il nous reste beaucoup de chemin à faire.
Intéressant. Très intéressant. J’ai trois sujets à aborder et il nous reste trois minutes, Beata. Alors je vais y aller rapidement. Je veux qu’on parle de ces trois points-là. Les produits de base... évidemment, ce n’est pas une bonne chose pour les dépenses. Mais c’est un petit facteur favorable pour l’ouest du pays. Dans quelle mesure est-ce que c’est important?
Ce n’est pas suffisant pour compenser l’effet négatif que cela pourrait avoir du côté des consommateurs. Mais, pour revenir à ce que vous disiez, c’est un coussin important.
Donc, non seulement sur le plan de l’énergie : l’agriculture, le blé et le soya, ce sont des secteurs qui vont avoir un effet positif, mais sur le plan régional... la Saskatchewan et l’Alberta en particulier vont profiter de ce contexte.
Intéressant. Le huard... qu’est-ce que cette hausse de 50 points de base de la Banque du Canada, suivie peut-être d’une pause, va avoir comme effet sur le huard? Qu’anticipez-vous?
Eh bien, le huard a été incroyablement rigoureux. Et en termes de marché, il se limite à une fourchette. Il peut atteindre 0,79 $. Et il se situe quelque part au bas de la fourchette, autour de 0,77 $.
Dans ce marché où le prix du pétrole se situe aujourd’hui, on se serait attendu à ce que le huard se situe bien au-dessus de 0,80 $. Ce n’est pas le cas. Beaucoup d’échanges se font en dollars américains. Une ruée vers les valeurs sûres en cours profite au dollar américain. Et il y a trop de risques dans l’économie mondiale. Et c’est un effet net négatif pour le dollar canadien.
Par conséquent, si le pétrole, à ces prix-là, ne le fait pas monter à 0,80 $, je suppose qu’il n’y a pas grand-chose qui va y arriver. On pourrait donc s’attendre à ce qu’il se tienne entre 0,77 $ et 0,79 $.
Intéressant. Enfin, bien sûr, nous, les Canadiens, on aime notre immobilier. Et on en parle beaucoup. Et comme les taux commencent enfin à augmenter, le marché canadien a défié la gravité en ce qui a trait à l’immobilier... prévoyez-vous des changements au cours des deux prochaines années?
Pas pour le moment. On s’attend à ce que la banque centrale continue de relever les taux d’intérêt et les taux hypothécaires pour tenir compte de cette situation-là, et pour calmer un peu l’enthousiasme à l’égard des ventes qu’on a observé.
En revanche, l’un des avantages qu’on commence à voir, Kim, dont les premiers signes sont visibles, c’est la hausse de l’offre. Et si cette tendance-là se poursuit, ça devrait contribuer à rééquilibrer le marché et à calmer les prix, et non pas entraîner des pressions correctives, mais au moins nous faire dévier de cette croissance à deux chiffres, c’est-à-dire les taux de croissance qu’on observe depuis deux ans. Le prix des maisons existantes sur une période de deux ans a augmenté de près de 50 %. C’est complètement insoutenable.
Beata, il me reste environ une minute. Ma dernière question porte simplement sur ce dont nous n’avons pas parlé et que vous surveillez en ce qui concerne l’économie canadienne et ce qui va se produire à l’avenir.
Eh bien, je pense qu’il y aura beaucoup de discussions sur la chaîne d’approvisionnement. L’un des défis... la Russie et l’Ukraine, elles ont une grande exposition aux métaux, aux minéraux, à l’énergie et à l’agriculture. Et il pourrait y avoir des discussions au Canada, par exemple, dans le cas des expéditions de blé : à l’échelle internationale, on constate que le protectionnisme commence à prendre beaucoup d’ampleur. Vous vous souvenez peut-être qu’on a vu des pays accumuler des réserves d’équipement de protection individuelle pour eux-mêmes, lorsqu’il y avait un risque sanitaire. Et on commence en fait à voir que dans le secteur agricole, certains pays interdisent les exportations de blé, d’autres limitent ce qui peut être exporté, par exemple l’Indonésie, avec les huiles alimentaires.
Ce sera donc intéressant de voir comment va agir le Canada de ce côté-là... est-ce qu’on veut exporter dans les pays qui imposent des interdictions ou est-ce qu’on veut soutenir des régions comme l’Europe qui en ont vraiment besoin et l’Ukraine? Je pense que ce sera une année intéressante, car nous allons voir comment ces chaînes d’approvisionnement vont se réorienter, et le degré de protectionnisme qui s’installe maintenant dans le secteur de la sécurité alimentaire.
Beata, nous vivons une période intéressante. Merci beaucoup pour votre temps aujourd’hui. C’est grandement apprécié.
Ça m’a fait plaisir.
[MUSIQUE]
Nous sommes de retour avec Beata Caranci. Voyons maintenant quelless sont ses attentes à l’égard de l’économie canadienne. Beata, je vais tout de suite entrer dans le vif du sujet. Commençons par vos perspectives de croissance économique pour le Canada cette année et l’année prochaine. Que va-t-il se passer?
Eh bien, il y a un facteur favorable au Canada en ce moment. La réouverture a donc été retardée par rapport à ce qui se passait aux États-Unis et même dans une grande partie de l’Europe.
Et on se retrouve maintenant avec des habitudes de consommation plus fortes.
Et le marché de l’emploi est assez vigoureux au Canada. Les taux de participation de la main-d’œuvre sont plus élevés aujourd’hui qu’ils ne l’étaient avant la pandémie. Et la seule chose qui manque, et qui n’est pas une mauvaise chose du point de vue de l’inflation, c’est que les salaires sont à la traîne. Et dans un contexte de forte inflation, on pourrait s’attendre à ce que des pressions salariales s’exercent.
Donc pour l’économie canadienne, encore une fois, il y a beaucoup de résilience, beaucoup de facteurs favorables à l’économie. Toutefois, en fin de compte, les gens sont touchés par la hausse des prix des produits de base, que ce soit à la pompe ou à l’épicerie. Et ça va réduire une partie de ces tendances de croissance. Mais on pense que l’économie... un taux de croissance de 3 % cette année ne serait pas inhabituel.
J’aimerais qu’on parle des produits de base dans un instant. Mais avant d’en arriver là... et, évidemment, la Banque du Canada, si je comprends bien ce que vous dites, elle a des préoccupations au sujet de l’inflation, et ça fait partie de son mandat. Selon vous, que fera-t-elle? Et est-ce que ça va changer?
Eh bien, à ce stade-ci, pas encore. Et je suppose qu’elle va faire ce qu’on fait, c’est-à-dire chercher à savoir si on traverse une véritable période de stress financier de longue durée. Mais en fin de compte, les banques centrales, tant au Canada qu’aux États-Unis, abordent la politique monétaire différemment au cours de ce cycle-ci.
Normalement, elles ajustent les taux d’intérêt avant que l’économie n’atteigne une demande excédentaire. Elles se fondent donc sur des prévisions quant à la situation de l’économie dans un an ou un an et demi, et se disent qu’elles vont avoir une économie équilibrée à ce moment-là. On devrait donc commencer à relever les taux d’intérêt dès maintenant.
Elles ne l’ont pas fait cette fois-ci. Et c’est pourquoi elles ont l’impression d’être en retard sur la courbe de l’inflation, parce que la demande est déjà excédentaire au sein de l’économie et dépasse la capacité. Il y a donc une tendance naturelle à l’inflation, peu importe ce qui se passe du côté de l’offre à l’échelle mondiale. Et ça les place... essentiellement, toutes les banques centrales, que ce soit au Royaume-Uni, aux États-Unis ou au Canada, en position de devoir relever les taux d’intérêt, même en présence d’un risque. Il faut donc que les risques se traduisent par un ralentissement important de la croissance pour qu’ils ne suivent pas cette trajectoire.
Ce que ça pourrait faire pendant que les banques continuent d’augmenter les taux d’intérêt... la tendance pourrait changer, elles pourraient peut-être prendre une pause, puis augmenter les taux de 50 points de base à mesure que les risques diminuent. Cette tendance peut donc sembler différente.
Mais il faut encore qu’elles haussent les taux par rapport à ce qu’ils sont aujourd’hui, après une seule hausse de taux.
Par conséquent, à ce stade du cycle, le taux directeur se situe habituellement entre 1 % et 1,5 %. Et nous sommes à 50 points de base, donc il nous reste beaucoup de chemin à faire.
Intéressant. Très intéressant. J’ai trois sujets à aborder et il nous reste trois minutes, Beata. Alors je vais y aller rapidement. Je veux qu’on parle de ces trois points-là. Les produits de base... évidemment, ce n’est pas une bonne chose pour les dépenses. Mais c’est un petit facteur favorable pour l’ouest du pays. Dans quelle mesure est-ce que c’est important?
Ce n’est pas suffisant pour compenser l’effet négatif que cela pourrait avoir du côté des consommateurs. Mais, pour revenir à ce que vous disiez, c’est un coussin important.
Donc, non seulement sur le plan de l’énergie : l’agriculture, le blé et le soya, ce sont des secteurs qui vont avoir un effet positif, mais sur le plan régional... la Saskatchewan et l’Alberta en particulier vont profiter de ce contexte.
Intéressant. Le huard... qu’est-ce que cette hausse de 50 points de base de la Banque du Canada, suivie peut-être d’une pause, va avoir comme effet sur le huard? Qu’anticipez-vous?
Eh bien, le huard a été incroyablement rigoureux. Et en termes de marché, il se limite à une fourchette. Il peut atteindre 0,79 $. Et il se situe quelque part au bas de la fourchette, autour de 0,77 $.
Dans ce marché où le prix du pétrole se situe aujourd’hui, on se serait attendu à ce que le huard se situe bien au-dessus de 0,80 $. Ce n’est pas le cas. Beaucoup d’échanges se font en dollars américains. Une ruée vers les valeurs sûres en cours profite au dollar américain. Et il y a trop de risques dans l’économie mondiale. Et c’est un effet net négatif pour le dollar canadien.
Par conséquent, si le pétrole, à ces prix-là, ne le fait pas monter à 0,80 $, je suppose qu’il n’y a pas grand-chose qui va y arriver. On pourrait donc s’attendre à ce qu’il se tienne entre 0,77 $ et 0,79 $.
Intéressant. Enfin, bien sûr, nous, les Canadiens, on aime notre immobilier. Et on en parle beaucoup. Et comme les taux commencent enfin à augmenter, le marché canadien a défié la gravité en ce qui a trait à l’immobilier... prévoyez-vous des changements au cours des deux prochaines années?
Pas pour le moment. On s’attend à ce que la banque centrale continue de relever les taux d’intérêt et les taux hypothécaires pour tenir compte de cette situation-là, et pour calmer un peu l’enthousiasme à l’égard des ventes qu’on a observé.
En revanche, l’un des avantages qu’on commence à voir, Kim, dont les premiers signes sont visibles, c’est la hausse de l’offre. Et si cette tendance-là se poursuit, ça devrait contribuer à rééquilibrer le marché et à calmer les prix, et non pas entraîner des pressions correctives, mais au moins nous faire dévier de cette croissance à deux chiffres, c’est-à-dire les taux de croissance qu’on observe depuis deux ans. Le prix des maisons existantes sur une période de deux ans a augmenté de près de 50 %. C’est complètement insoutenable.
Beata, il me reste environ une minute. Ma dernière question porte simplement sur ce dont nous n’avons pas parlé et que vous surveillez en ce qui concerne l’économie canadienne et ce qui va se produire à l’avenir.
Eh bien, je pense qu’il y aura beaucoup de discussions sur la chaîne d’approvisionnement. L’un des défis... la Russie et l’Ukraine, elles ont une grande exposition aux métaux, aux minéraux, à l’énergie et à l’agriculture. Et il pourrait y avoir des discussions au Canada, par exemple, dans le cas des expéditions de blé : à l’échelle internationale, on constate que le protectionnisme commence à prendre beaucoup d’ampleur. Vous vous souvenez peut-être qu’on a vu des pays accumuler des réserves d’équipement de protection individuelle pour eux-mêmes, lorsqu’il y avait un risque sanitaire. Et on commence en fait à voir que dans le secteur agricole, certains pays interdisent les exportations de blé, d’autres limitent ce qui peut être exporté, par exemple l’Indonésie, avec les huiles alimentaires.
Ce sera donc intéressant de voir comment va agir le Canada de ce côté-là... est-ce qu’on veut exporter dans les pays qui imposent des interdictions ou est-ce qu’on veut soutenir des régions comme l’Europe qui en ont vraiment besoin et l’Ukraine? Je pense que ce sera une année intéressante, car nous allons voir comment ces chaînes d’approvisionnement vont se réorienter, et le degré de protectionnisme qui s’installe maintenant dans le secteur de la sécurité alimentaire.
Beata, nous vivons une période intéressante. Merci beaucoup pour votre temps aujourd’hui. C’est grandement apprécié.
Ça m’a fait plaisir.
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