La banque centrale du Canada a relevé son taux directeur de 75 points de base pour tenter de freiner l’inflation, qui est à son niveau le plus élevé depuis des décennies. Greg Bonnell et Leslie Preston, économiste principale au Groupe Banque TD, discutent de l’impact de taux plus élevés et de la menace d’une récession à l’horizon.
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[MUSIQUE] La Banque du Canada a procédé à une autre hausse de très grande envergure en augmentant de 75 points de base son taux du financement à un jour. Nous sommes maintenant à 3,25 %. La grande question est de savoir ce que l’avenir nous réserve. Voyons ce que cela signifie pour l’inflation, l’économie et les futurs coûts d’emprunt. Leslie Preston, économiste principale, se joint à nous. Leslie, c’est un plaisir de vous accueillir. Je vous en prie. Très bien, commençons. Je sais que les Services économiques TD ont appris pour l’augmentation des 75 points de base aujourd’hui. Et on veut savoir s’il y en a d’autres à venir? Nous pensons que c’est le cas. Dans l’ensemble, le message de la Banque du Canada était plutôt ferme aujourd’hui. On pense que le taux du financement à un jour atteindra 4 % d’ici la fin de l’année. JOURNALISTE : 4 % d’ici la fin de l’année. Donc encore 75 points de base à venir. Quelle sera la situation de la Banque après ça? Un taux de 4 %, c’est assez spectaculaire, compte tenu de là où on est parti et de là où on va arriver cette année. Et pour 2023? Nous pensons que la Banque du Canada prendra une longue pause pour évaluer comment l’économie canadienne digère ces coûts d’emprunt plus élevés. Les banques centrales ont été échaudées en cessant la lutte contre l’inflation rapidement. Je sais que sur les marchés, certains pensent qu’il y aurait des réductions l’an prochain. À moins d’une récession, nous pensons que la banque maintiendra ses taux d’intérêt pendant une longue période. JOURNALISTE : Oui, elle ne va pas céder, même si, comme nous l’avons entendu, nous allons souffrir, nous les Canadiens. J’aimerais examiner cette déclaration, car vous avez parlé de la fermeté de la stratégie et vous avez commencé à en décomposer certains aspects, car, bien sûr, il fallait reconnaître, en ce qui a trait à l’inflation, le message principal, ce qu’on tente de combattre, que l’inflation globale a diminué en juillet. Il y a toutefois eu une mise en garde. On commence à parler de certaines des composantes sous-jacentes. Que peut-on en penser? OK, l’inflation globale a diminué. Mais en surface, nous savons qu’il y a une certaine rigidité. Tout à fait. En fait, la Banque du Canada suit trois mesures d’inflation de base. Et, en moyenne, ces trois mesures ont augmenté. L’inflation de base a augmenté en juillet. La baisse des prix de l’énergie est donc une bonne nouvelle. Depuis le rapport de juillet, nous observons une baisse des prix à la pompe. Mais les paramètres sous-jacents qu’elle suit sont autour de 5 %, juste au-dessus de 5 % sur un an, soit beaucoup plus que ce qu’elle souhaite, et vont dans la mauvaise direction. La banque l’a souligné dans son communiqué, et mis l’accent sur l’inflation des services. L’économie canadienne a connu une forte croissance au premier semestre de l’année. Il n’est donc pas surprenant que l’inflation des services ait augmenté. Oui, je crois que les Services économiques TD, ont publié cette semaine un article très intéressant sur l’inflation. En éliminant les éléments volatils, l’énergie et la nourriture,
je ne comprends pas trop pourquoi, car une grande partie de mon revenu y est consacrée. Mais ils les éliminent avec l’idée qu’une fois que l’inflation se répercute sur les services, c’est plus difficile. C’est plus difficile à réduire. Tout à fait. L’inflation dans les services s’est avérée beaucoup plus persistante au fil du temps. Plus l’inflation augmentera dans les services, plus il sera difficile de la réduire. Et c’est pareil pour les attentes. C’est une question qui préoccupe les banques centrales. La déclaration parlait de ce sondage qui suggère que les attentes d’inflation à court terme restent élevées. Est-ce quelque chose que la banque doit vraiment renforcer dans ses communications, pour nous rassurer en tant que Canadiens sur le fait qu’elle peut maîtriser la situation à un moment donné? Oui. Les attentes d’inflation sont essentielles au mandat de la Banque du Canada. Elle doit maintenir les attentes d’inflation dans une fourchette de 1 % à 3 %. Et quand elle constate que les attentes d’inflation à court terme restent plus élevées que prévu, c’est exactement comme vous le dites. Elle doit agir de façon décisive et énergique, avec une hausse de 75 points de base, pour tenter de ramener ces attentes d’inflation là où elle aimerait qu’elles soient. Donc, elle tient compte de l’inflation dans sa déclaration. En disant que oui, l’inflation globale a diminué. Mais il y a les mises en garde importantes que nous avons vues, l’économie canadienne. L’économie a connu une croissance moins rapide que celle prévue par la Banque du Canada. Encore une fois, il y a une mise en garde. Mais, la Banque du Canada estime qu’il y a d’autres facteurs à examiner. Oui, elle regorge d’économistes qui tiennent des doubles discours. Dans l’ensemble, le PIB a quelque peu déçu. Mais, les indicateurs de la demande intérieure étaient très forts. Les dépenses de consommation ont été très fortes. Les Canadiens, libérés des restrictions liées à la COVID, recommencent à dépenser. Et ces parties du rapport sur le PIB étaient assez fortes. Maintenant, bien sûr, le taux du financement à un jour global, et l’orientation qui va être prise avec l’appel aux Services économiques TD. On va atteindre 4 d’ici la fin de l’année. Ça fait les manchettes, car les gens le comprennent. Ça se répercute directement sur le budget des ménages, surtout s’ils ont des prêts à taux variable. Ils ont aussi un peu parlé du resserrement quantitatif, et du travail que cela permet de faire pour tenter de ralentir l’économie. Est-ce qu’il se passe beaucoup de choses dans ce domaine? Quelle est la contribution réelle au-delà des hausses de taux que nous avons observées? Le resserrement quantitatif a aussi pour effet d’augmenter les taux obligataires à moyen et à long terme, ce qui freine la croissance de l’économie. La banque a réaffirmé que son programme de resserrement quantitatif se poursuit. Dans une certaine mesure, c’est un peu un substitut aux hausses de taux. Donc, quand on dit 4 % sur le taux directeur, l’effet est en fait légèrement plus important, étant donné l’impact du resserrement quantitatif. Maintenant, en ce qui concerne les difficultés annoncées par les banques centrales, qu’il s’agisse de la nôtre, de Jerome Powell, aux États-Unis, nous savons qu’en tentant de ramener l’inflation à une cible de 2 % et de s’y maintenir, ce sont les ménages qui vont en souffrir. L’économie va en souffrir. À quel genre de difficultés devons-nous préparer en tant que Canadiens? Nous pensons que la croissance au deuxième semestre de l’année sera d’environ 1 % annualisé en termes réels. C’est une croissance plutôt lente pour l’économie canadienne. À titre de comparaison, au premier semestre, elle était légèrement supérieure à 3 %. Nous prévoyons donc un ralentissement assez important et probablement une hausse du taux de chômage. Pour mettre les choses en perspective, le taux de chômage au Canada était de 4,9 % en juillet. C’est au-delà du plus bas niveau en 50 ans. Le marché de l’emploi au Canada n’a jamais été aussi solide. Mais comme la croissance ralentit sous ce que nous considérons comme le taux de croissance tendanciel ou potentiel de l’économie, nous pensons qu’il y aura une hausse du taux de chômage. Après la crise financière, nous nous sommes habitués en tant qu’investisseurs, ou comme les ménages, en tant que Canadiens, à ce que les banques centrales viennent à la rescousse, à chaque fois qu’il y a des difficultés à l’horizon; ne vous inquiétez pas. Les marchés pourraient même connaître une petite crise. Et il semble que les banques centrales viendraient à la rescousse. La situation est-elle simplement différente maintenant? Nous avons eu droit à un discours musclé. C’est encore le cas aujourd’hui de la part de notre banque centrale. Nous l’avons observé au sud de la frontière. Je crois qu’il y a encore des gens qui pensent qu’ils vont s’effondrer, si nous finissons par souffrir sur le plan économique. Que si les ménages sont durement touchés, ils vont s’effondrer. Croyez-vous qu’ils sont sérieux cette fois-ci? Je pense que oui. Et pour en revenir au taux de chômage, à la rescousse, je ne pense pas qu’une économie affichant un taux de chômage de 4,9 % ait besoin d’être sauvée. Je crois que la Banque du Canada a rapidement ajusté les paramètres de la politique monétaire en fonction de la force de l’économie canadienne. L’inflation est à son plus haut niveau depuis 40 ans, le chômage à son plus bas en 50 ans. Je crois qu’on pourrait voir le chômage s’aggraver dans une certaine mesure avant que la banque ne s’en inquiète. Pour mettre les choses en perspective, avant la pandémie, le taux de chômage était d’environ 5,8 %, 5,9 %. Et on disait que c’était très bas. Je pense qu’il est important de décrire le contexte comme très solide pour les consommateurs canadiens qui doivent faire face à des taux d’inflation et de salaire beaucoup plus élevés. Nous pensons donc que lorsque vous dites : « la banque vient à la rescousse », je ne pense pas que ce soit nécessaire à moins qu’on finisse par constater un resserrement excessif et qu’on déclenche une récession. [LOGO AUDIO] [MUSIQUE]
je ne comprends pas trop pourquoi, car une grande partie de mon revenu y est consacrée. Mais ils les éliminent avec l’idée qu’une fois que l’inflation se répercute sur les services, c’est plus difficile. C’est plus difficile à réduire. Tout à fait. L’inflation dans les services s’est avérée beaucoup plus persistante au fil du temps. Plus l’inflation augmentera dans les services, plus il sera difficile de la réduire. Et c’est pareil pour les attentes. C’est une question qui préoccupe les banques centrales. La déclaration parlait de ce sondage qui suggère que les attentes d’inflation à court terme restent élevées. Est-ce quelque chose que la banque doit vraiment renforcer dans ses communications, pour nous rassurer en tant que Canadiens sur le fait qu’elle peut maîtriser la situation à un moment donné? Oui. Les attentes d’inflation sont essentielles au mandat de la Banque du Canada. Elle doit maintenir les attentes d’inflation dans une fourchette de 1 % à 3 %. Et quand elle constate que les attentes d’inflation à court terme restent plus élevées que prévu, c’est exactement comme vous le dites. Elle doit agir de façon décisive et énergique, avec une hausse de 75 points de base, pour tenter de ramener ces attentes d’inflation là où elle aimerait qu’elles soient. Donc, elle tient compte de l’inflation dans sa déclaration. En disant que oui, l’inflation globale a diminué. Mais il y a les mises en garde importantes que nous avons vues, l’économie canadienne. L’économie a connu une croissance moins rapide que celle prévue par la Banque du Canada. Encore une fois, il y a une mise en garde. Mais, la Banque du Canada estime qu’il y a d’autres facteurs à examiner. Oui, elle regorge d’économistes qui tiennent des doubles discours. Dans l’ensemble, le PIB a quelque peu déçu. Mais, les indicateurs de la demande intérieure étaient très forts. Les dépenses de consommation ont été très fortes. Les Canadiens, libérés des restrictions liées à la COVID, recommencent à dépenser. Et ces parties du rapport sur le PIB étaient assez fortes. Maintenant, bien sûr, le taux du financement à un jour global, et l’orientation qui va être prise avec l’appel aux Services économiques TD. On va atteindre 4 d’ici la fin de l’année. Ça fait les manchettes, car les gens le comprennent. Ça se répercute directement sur le budget des ménages, surtout s’ils ont des prêts à taux variable. Ils ont aussi un peu parlé du resserrement quantitatif, et du travail que cela permet de faire pour tenter de ralentir l’économie. Est-ce qu’il se passe beaucoup de choses dans ce domaine? Quelle est la contribution réelle au-delà des hausses de taux que nous avons observées? Le resserrement quantitatif a aussi pour effet d’augmenter les taux obligataires à moyen et à long terme, ce qui freine la croissance de l’économie. La banque a réaffirmé que son programme de resserrement quantitatif se poursuit. Dans une certaine mesure, c’est un peu un substitut aux hausses de taux. Donc, quand on dit 4 % sur le taux directeur, l’effet est en fait légèrement plus important, étant donné l’impact du resserrement quantitatif. Maintenant, en ce qui concerne les difficultés annoncées par les banques centrales, qu’il s’agisse de la nôtre, de Jerome Powell, aux États-Unis, nous savons qu’en tentant de ramener l’inflation à une cible de 2 % et de s’y maintenir, ce sont les ménages qui vont en souffrir. L’économie va en souffrir. À quel genre de difficultés devons-nous préparer en tant que Canadiens? Nous pensons que la croissance au deuxième semestre de l’année sera d’environ 1 % annualisé en termes réels. C’est une croissance plutôt lente pour l’économie canadienne. À titre de comparaison, au premier semestre, elle était légèrement supérieure à 3 %. Nous prévoyons donc un ralentissement assez important et probablement une hausse du taux de chômage. Pour mettre les choses en perspective, le taux de chômage au Canada était de 4,9 % en juillet. C’est au-delà du plus bas niveau en 50 ans. Le marché de l’emploi au Canada n’a jamais été aussi solide. Mais comme la croissance ralentit sous ce que nous considérons comme le taux de croissance tendanciel ou potentiel de l’économie, nous pensons qu’il y aura une hausse du taux de chômage. Après la crise financière, nous nous sommes habitués en tant qu’investisseurs, ou comme les ménages, en tant que Canadiens, à ce que les banques centrales viennent à la rescousse, à chaque fois qu’il y a des difficultés à l’horizon; ne vous inquiétez pas. Les marchés pourraient même connaître une petite crise. Et il semble que les banques centrales viendraient à la rescousse. La situation est-elle simplement différente maintenant? Nous avons eu droit à un discours musclé. C’est encore le cas aujourd’hui de la part de notre banque centrale. Nous l’avons observé au sud de la frontière. Je crois qu’il y a encore des gens qui pensent qu’ils vont s’effondrer, si nous finissons par souffrir sur le plan économique. Que si les ménages sont durement touchés, ils vont s’effondrer. Croyez-vous qu’ils sont sérieux cette fois-ci? Je pense que oui. Et pour en revenir au taux de chômage, à la rescousse, je ne pense pas qu’une économie affichant un taux de chômage de 4,9 % ait besoin d’être sauvée. Je crois que la Banque du Canada a rapidement ajusté les paramètres de la politique monétaire en fonction de la force de l’économie canadienne. L’inflation est à son plus haut niveau depuis 40 ans, le chômage à son plus bas en 50 ans. Je crois qu’on pourrait voir le chômage s’aggraver dans une certaine mesure avant que la banque ne s’en inquiète. Pour mettre les choses en perspective, avant la pandémie, le taux de chômage était d’environ 5,8 %, 5,9 %. Et on disait que c’était très bas. Je pense qu’il est important de décrire le contexte comme très solide pour les consommateurs canadiens qui doivent faire face à des taux d’inflation et de salaire beaucoup plus élevés. Nous pensons donc que lorsque vous dites : « la banque vient à la rescousse », je ne pense pas que ce soit nécessaire à moins qu’on finisse par constater un resserrement excessif et qu’on déclenche une récession. [LOGO AUDIO] [MUSIQUE]