Dans la foulée de la hausse inattendue du taux directeur de la Banque du Canada, l’attention se porte maintenant vers la prochaine décision de la Fed aux États-Unis. Maria Solovieva, économiste à la TD, discute des conditions économiques aux États-Unis, de leurs différences par rapport à celles du Canada et de la possibilité d’une pause des taux à la prochaine réunion de la Fed.
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* Les banques centrales évaluent un large éventail d’indicateurs économiques et tentent d’évaluer si elles en font assez pour ramener l’inflation à la cible ou si elles doivent prendre d’autres mesures. Bien sûr, avec la récente hausse de taux de la Banque du Canada, l’attention se tourne maintenant vers la décision que prendra la Fed cette semaine à l’égard de son taux directeur. Maria Solovieva, économiste à la TD, se joint maintenant à nous pour nous en dire davantage. Maria, bienvenue à l’émission. C’est la première fois que vous venez ici. Je suis vraiment ravi de vous recevoir. * Merci de m’avoir invitée. * Alors on va parler des banques centrales. On va commencer par la Banque du Canada. De toute évidence, le marché a été un peu surpris la semaine dernière. La Banque a imposé une hause et a affirmé qu’elle avait de toute évidence besoin d’en faire plus. Et puis, vendredi, on a reçu le rapport sur l’emploi. Les chiffres sont un peu faibles. Comment devrait-on considérer tout ça? * La semaine dernière, ça a certainement été une surprise. Les nouvelles macroéconomiques du Canada ne font pas toujours les manchettes, donc ça a amené les autres marchés à réfléchir à ce qui se passe. Donc, si vous vous souvenez bien, la Banque du Canada a décidé de faire une pause, de prendre du recul et de se demander si le nombre de hausses précédentes était suffisant pour ralentir l’économie. Et on s’attendait à ce que, oui, la consommation ralentisse, que l’inflation prenne le bon tournant et que le ralentissement se poursuive. Toutefois, cela ne s’est pas produit et, comme on l’a vu, l’inflation a en fait commencé à s’accélérer, même si ce n’était que par une petite marge en avril, mais ce n’est pas exactement ce que la Banque du Canada voulait voir. De même, la consommation a été très solide au premier trimestre; on a connu une croissance annualisée de 5,7 % et on a également observé de légères répercussions au deuxième trimestre. Si on regarde les ventes au détail, par exemple, elles témoignent d’une vigueur soutenue en avril. Ces facteurs ont fait réfléchir la Banque du Canada, qui s’est demandé si elle en avait fait assez. Et, de toute évidence, cette décision de relever les taux témoigne du fait qu’elle n’en avait pas fait assez. Et pour le moment, malgré la décision prise la semaine dernière, on prévoit une autre hausse. Cela indique simplement que l’économie connaît actuellement trop d’excès et que la Banque doit poursuivre ses hausses. * Et il y a ce rapport sur l’emploi qu’on a reçu vendredi, qui affiche de faibles chiffres. * Ce n’est pas ça qui l’aurait fait changer d’avis. Bien sûr, elle n’aurait pas pu le prévoir, et ça a évidemment été une surprise. Je dirais que le facteur temps a été plus important qu’en principe, tout comme la hausse de la Banque du Canada. Le rapport sur l’emploi montre certainement qu’il y a des faiblesses potentielles, mais il faut le prendre avec un grain de sel, car c’est la première baisse qu’on a connue jusqu’à maintenant. On a effectivement observé un ralentissement de l’emploi au Canada, mais il n’a pas atteint un tel niveau de baisse, comme vous le savez, une telle faiblesse à laquelle on ne s’attendait pas. Un autre facteur qui fait réfléchir les économistes, c’est le facteur saisonnier. La baisse a donc été très concentrée dans le groupe d’âge des 16 à 25 ans. Si on fait abstraction de cette baisse, il y a eu des gains d’emplois au mois de mai. Donc techniquement, ces facteurs saisonniers pourraient avoir un impact sur le chiffre global. Alors si c’est le cas, il pourrait y avoir des révisions. On aimerait qu’il y ait un plus grand ralentissement de l’emploi et un ralentissement continu, et cela va probablement se produire, mais malgré certaines révisions potentielles à l’avenir. Tout ça pour dire que, oui, il y a un ralentissement sur le marché du travail, ce qui est une bonne chose pour l’économie, car on veut que ce ralentissement se poursuive. Ça contribue également à réduire la croissance des salaires ou, comme vous le savez, à ralentir la croissance des salaires qui va alimenter l’inflation, et à aider à ralentir l’inflation à l’avenir. * Y a-t-il quelque chose dans ce que la Banque du Canada a fait la semaine dernière et les facteurs qu’elle évaluait qui influenceraient la Fed, alors qu’elle va tenir sa réunion de deux jours à compter de demain, qui va se terminer mercredi, moment auquel elle va prendre une décision quant à ses taux? L’économie américaine est-elle confrontée aux mêmes facteurs? J’imagine que la Fed se pose la même question : « En a-t-on suffisamment fait jusqu’à maintenant? Peut-on relâcher nos efforts ou doit-on continuer? » * Je crois qu’avant la semaine dernière, la Fed était très conformiste, au point qu’elle voulait faire une pause cette fois-ci. Et on est également d’avis qu’elle va faire une pause. Si on regarde le marché, les prix s’appliquent également à ce stade. Elle n’a pas pris la même décision que la Banque du Canada. Elle faisait aussi face à des facteurs inflationnistes plus importants. Il y avait donc des raisons à ça. L’emploi est aussi beaucoup plus vigoureux aux États-Unis. Il y avait donc des raisons de continuer d’imposer des hausses. Mais à ce stade, je pense qu’elle voulait prendre du recul et réévaluer ce qui se passe dans l’économie, d’autant plus qu’il y a eu cette mini-crise bancaire. Donc il y a eu certains facteurs qui ont donné à penser qu’il pourrait y avoir un resserrement du crédit. Donc pour elle, c’est plus logique. Mais il y a un risque. Évidemment, demain, on aura le rapport sur l’IPC. * La Fed va avoir un petit avantage, peut-être parce que Macklem va probablement vouloir assister à cette réunion avec son rapport sur le travail. Elle va arriver à la réunion avec son rapport sur l’inflation. * Oui, exactement. Donc, demain, ce sera un moment très décisif pour la Fed également. Je suis à peu près certaine que les données inflationnistes vont également fortement influencer la décision. Alors oui, on pense que la Fed est prête à faire une pause. Toutefois, s’il y a des indications très solides que l’inflation s’accélère, elle pourrait revoir sa décision et imposer une nouvelle hausse. * Qu’en est-il du rapport sur l’inflation? Pour ce qui est des perspectives sur l’inflation, on ne sait pas exactement ce qui va se passer, mais les économistes vont évidemment avoir une idée de ce qui nous attend. Quel rapport pourrait-on recevoir, selon vous, demain matin? * Eh bien, on pense qu’il va quand même indiquer une croissance, surtout dans l’IPC de base, par rapport au mois précédent. Il va donc y avoir encore des signes de vigueur de l’inflation sur 12 mois. Mais ce qu’on espère, c’est que certains de ces facteurs ralentissent déjà, qu’on voie des signes que l’inflation va ralentir, sans accélération. Donc évidemment, on ne prévoit pas de ralentissement spectaculaire de l’inflation sur un mois, mais il serait bon d’en voir quelques signes, en particulier les facteurs de l’inflation de base, qui vont indiquer un ralentissement important.