Le ton ferme du président de la Fed, Jerome Powell, à la suite de la dernière réunion, indique que les taux d’intérêt pourraient rester élevés plus longtemps. Greg Bonnell s’entretient avec Scott Colbourne, directeur général, Titres à revenu fixe mondiaux à gestion active, Gestion de Placements TD, à propos des répercussions potentielles pour le marché obligataire.
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[LOGO AUDIO] Les marchés ont pris leur temps pour digérer ce que nous a dit le président de la Fed, Jerome Powell, hier après-midi. Mais la réaction est maintenant malheureusement négative. Les investisseurs, du moins certains d’entre eux, doutent d’une prochaine volte-face. Accueillons Scott Colburn, directeur général, Titres à revenu fixe en gestion active de Placements TD. Scott, examinons un peu ce qui s’est passé. De toute évidence, l’après-midi d’hier a été mouvementé. Oui, très. Il semble maintenant y avoir un certain consensus sur le marché par rapport à l’annonce de Jerome Powell. Quel est-il? L’énoncé était clair : les taux doivent encore augmenter, mais il a aussi reconnu que la politique monétaire fonctionne avec un certain retard et ces décalages ont un effet cumulatif sur l’économie. La réaction initiale du marché était plutôt positive, parce qu’on avait espéré la reconnaissance d’un changement ou d’une accélération des hausses de taux. La conférence de presse avec le gouverneur Powell a assombri le tableau. Il a formulé sa déclaration de trois façons. Il a d’abord indiqué qu’il fallait penser au rythme. C’est vrai que le rythme a été très rapide. Et qu’il changera à l’avenir. On l’a vu avec d’autres banques centrales, la Banque du Canada comme vous l’avez dit. Il est donc certain que le rythme de progression sera lent. Mais il se concentre maintenant sur la destination. Dans notre monde, le monde des obligations, on appelle cela le taux final. Et où se trouve ce taux? Il l’a reconnu, depuis septembre, date des dernières prévisions, il a augmenté, à l’époque il était à environ 4,5 %, 4,75 %. On va donc avoir un taux final plus élevé et il y a de l’incertitude. Cela a donc assombri les attentes du marché. Il est certain que ce type de resserrement prendra plus de temps. Et la combinaison de ces deux derniers points, le taux final plus élevé et sa durée ralentit les marchés. Les obligations ont progressé et la courbe s’est aplatie. Les taux à court terme ont progressé plus vite que les taux à long terme et cela a certainement freiné le marché boursier. La déclaration était intéressante, comme vous l’avez dit. Et elle nous a donné cette indication, comme celle de la Banque du Canada. On a fait beaucoup de choses et on doit peut-être réfléchir à tout ça. Mais ensuite, comme vous l’avez dit, lors de la conférence de presse, c’était le Jerome Powell de Jackson Hole. SCOTT COLBURN : Tout à fait. Au début, on pensait qu’il allait nous dire : ne vous inquiétez pas, on va assouplir les choses et ne pas trop causer trop de problèmes… mais c’était juste très strict. Ce qui m’a frappé, c’est cette dureté. Et il a reconnu, en rétrospective, que l’erreur était de bouger trop vite pour le pivot, les réductions et les pauses. L’histoire nous enseigne qu’il ne faut pas aller trop vite. En fait, il va plutôt trop resserrer plutôt que de resserrer trop peu. C’est vraiment un message sévère. Cela va sûrement continuer jusqu’à la fin de cette année et 2023. Vous avez parlé de l’objectif et du temps passé à cet objectif. Comme vous l’avez dit, le président Powell, n’a pas… on n’a pas eu de nouveau graphique. SCOTT COLBURN : Non. On n’en a pas eu… SCOTT COLBURN : Ce sera en décembre. Pas cette fois-ci. Cela semble indiquer que quand on finira par se retrouver dans la situation souhaitée, elle sera peut-être plus élevée que ce qu’on pensait. Et on va rester dans cette position quelque temps. Quel effet cela a-t-il sur les marchés? Eh bien, du point de vue des investisseurs en obligations, cela signifie que l’on continue d’avoir une pression sur le segment à court terme de la courbe des taux et les taux à court terme augmentent plus que les taux à long terme, ce qui aplatit la courbe des taux et, de façon générale, tous les taux sont plus élevés. Les taux obligataires continueront donc d’augmenter. Et pour ce qui est de la destination : il y a beaucoup de spéculation. Vers où se dirige le taux des fonds fédéraux? Il se situe maintenant entre 3,75 % et 4 %. La cible est-elle de 5 %, de 5,75 % ou de 5,5 %? Je dirais qu’on devrait probablement atteindre 5 %, 5,25 %. Mais on a vu l’économie américaine, en particulier la consommation, le marché de l’emploi demeurer résilients. On va donc commencer à… on vit dans un monde qui dépend des données. Il l’a clairement indiqué. Et on obtiendra de nouvelles données demain, vendredi. Il va falloir bien s’accrocher, non? Oui. On va avoir les données de l’emploi. Peut-être… la croissance de l’emploi est lente, mais demeure solide. La Fed l’a reconnu hier. Le message, c’est que les choses n’ont pas vraiment ralenti au niveau de l’emploi et il est trop solide même pour amorcer ce processus de virage. Donc, on verra. On verra avec l’IPC la semaine prochaine. On a vraiment une dépendance à l’égard des données. Mais je pense qu’il nous reste du chemin à faire. Quand on pense… vous avez mentionné que… et Jerome Powell l’a dit aussi, le marché de l’emploi est toujours solide et tendu. En matière d’inflation, est-ce qu’on sait si les banques centrales commencent à gagner le combat, même simplement… peut-être pas à gagner, mais à réduire la tendance? Oui. Lorsqu’on a commencé à discuter pour la première fois de la taille excessive de l’inflation, il s’agissait des chocs liés à la COVID, aux chaînes d’approvisionnement. C’était l’inflation et les chocs énergétiques. Cette tendance est clairement à la baisse. Il y a eu un revirement. On voit que le taux de hausse de l’IPC global diminue. Tout cela favorise une baisse de l’inflation l’an prochain. Et lorsqu’on examine les données sur le marché obligataire, elles montrent clairement que l’inflation diminue. L’inflation globale sera proche de 3 % aux 2e et 3e trimestres de l’année prochaine. Cela dit, la base, le marché de l’emploi, l’élément difficile de l’inflation de base, c’est ça le défi. Pour revenir à l’argument de la banque centrale, surtout de la Fed, il est possible de… Il y a plus de façons de réduire la demande pour rééquilibrer l’offre et la demande dans l’économie. Avant d’arrêter de parler des banques centrales, la Fed est évidemment très importante, mais ce n’est pas la seule banque centrale au monde. On a entendu aujourd’hui des représentants de la Banque d’Angleterre. Et cela ne semblait pas très bon. Ils ont augmenté les taux de 75 points de base. Mais ils ont quand même un peu repoussé l’évolution des taux. C’était donc une surprise pour le marché, le fait que le gouverneur Bailey ait dit, écoutez, on va voir… si on suit le cours du marché et la trajectoire attendue… on connaîtra une période de récession soutenue. Je pense que cela a un peu surpris le marché. Mais il est tout à fait possible que les taux continuent d’augmenter. Je pense que c’est le défi auquel sont confrontées toutes les banques centrales. La Banque du Canada l’a reconnu, la Banque d’Angleterre l’a reconnu aujourd’hui. On entre dans un contexte de faible croissance, est-ce une récession? Quelle sera la profondeur de la récession l’an prochain, en 2023? Et cela a évidemment des répercussions sur les marchés obligataires, les marchés boursiers et de crédit. Et toutes les économies ne suivront pas, comme au cours de la dernière année. On va commencer à voir ces différences. [LOGO AUDIO] [MUSIQUE]