
Les véhicules électriques sont considérés comme un élément clé des efforts de lutte contre les changements climatiques. Mais si les ventes augmentent, leur rythme a ralenti. David Mau, gestionnaire de portefeuille, Gestion de Placements TD, explique pourquoi et analyse les conséquences pour les constructeurs automobiles qui ont fait des véhicules électriques une pièce maîtresse de leur stratégie pour l’avenir.
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De nombreux pays estiment que l'électrification est cruciale dans la lutte contre le changement climatique. La saison des annonces de bénéfices montre que les consommateurs ne sont peut-être pas du même avis en ce qui concerne les véhicules électriques. Bonjour, David Mau, de Gestion de Placements TD. Bonjour, Greg. Merci de m'inviter. La tendance est intéressante depuis quelque temps. On ne parle que de l'électrification, l'électrification des véhicules, de presque tout, et les consommateurs ne semblent pas être aussi emballés. C'est vrai, il y a un ralentissement de la demande de véhicules électriques. Cela a commencé au début de l'année sans doute. Attention, le marché des véhicules électriques est toujours en plein essor, mais pas aussi rapidement qu'autrefois. Il y a une ou deux raisons à cela, mais la principale, c'est qu'il semble que la demande a diminué... ... parce que le bassin des acheteurs de véhicules électriques est peut-être parvenu à un point de saturation précoce. La plupart des gens qui avaient l'intention d'acheter un véhicule électrique depuis quelques années en ont déjà acheté un. Ce bassin d'acheteurs potentiels se tarit donc au fil du temps. Les véhicules électriques restent chez les concessionnaires pendant beaucoup plus longtemps. Autrefois, un véhicule électrique demeurait en inventaire du concessionnaire pendant 30, 40 ou 50 jours. À présent, les véhicules électriques restent chez les concessionnaires pendant plus de 90 jours. C'est tout de même un écart important. Bien sûr, il y a davantage d'offres, donc davantage de constructeurs proposent de nouveaux modèles, la production a augmenté, il y a donc davantage d'offres, davantage de stocks, mais moins d'acheteurs. C'est donc le ralentissement de la demande. En ce qui concerne l'explication, il y a un ou deux éléments. J'ai évoqué le fait que le bassin des acheteurs se réduit. Et puis le prix est toujours un élément important. Le prix est le caractère abordable. Avec un véhicule électrique qui coûte toujours 20 à 30 % de plus qu'un véhicule comparable à moteur à combustion interne, les consommateurs, surtout alors que les taux d'intérêt sont élevés et que l'abordabilité est beaucoup plus problématique, les consommateurs cherchent moins cher. Si vous financez cette voiture, vous ne la financez pas à 1,5 %. Vous la financez beaucoup plus cher. Elon Musk l'a dit: Ce n'est pas que l'activité de Tesla a des problèmes, c'est que l'économie ralentit, les taux d'intérêt sont élevés et les acheteurs ne sont pas au rendez-vous. Il y a deux ans, vous pouviez obtenir un prêt automobile à 1, 2 ou 3 %. Aujourd'hui, il faut payer 7 ou 8 %. Cela a un effet considérable. Quand il s'agit de prêt automobile... une rumeur qui a circulé à la fin de l'année dernière, c'est l'idée qu'on pouvait commencer à constater des problèmes au niveau des prêts automobiles aux États-Unis, surtout les prêts à des acheteurs au crédit moins solide. Oui, il y a de plus en plus de défaillances pour les prêts automobiles pour les acheteurs moins solvables. Selon les statistiques, le taux de défaillance pour cette catégorie est supérieur à 6 %, 6 % des acheteurs moins solvables sont en défaillance. C'est, je pense, le chiffre le plus élevé depuis 30 ou 40 ans. C'est encore plus élevé que pendant la crise financière en 2008-2009. Cela commence à être un peu inquiétant. Pour ces emprunteurs moins solvables, ils n'ont généralement pas une bonne cote de crédit, quand l'économie commence à faiblir, même un peu, ce sont les premiers à être affectés. Et les emprunteurs moins solvables payent très cher leur prêt automobile: Entre 15 et 20 %. Donc lorsque les choses commencent à aller mal, c'est là qu'il y a les premières failles qui apparaissent. Qu'est-ce que cela signifie pour l'industrie, si ces failles commencent à apparaître? Ce sont des taux très élevés, beaucoup plus élevés que ce que la plupart des gens payent, je l'espère, pour leur voiture. Mais qu'est-ce que ça signifie pour l'industrie d'ici quelque temps? Ce sera délicat pour le secteur. Les emprunteurs moins solvables représentent 7 à 8 % de l'ensemble du bassin des acheteurs de voitures, mais ces 7 à 8 %, s'ils disparaissent, représentent tout de même une différence considérable et pourraient avoir un impact important sur les ventes dans l'avenir. Bon, ralentissement de la demande de véhicules électriques pour diverses raisons, hausse des défauts de paiement par les emprunteurs moins solvables... Par ailleurs, ce n'est pas tout, il y a eu les grèves du secteur automobile, et maintenant, des accords qui y ont mis un terme avec de fortes augmentations de salaires. Comment tout cela contribue-t-il au secteur automobile? Vous parlez sans doute de la grève des travailleurs unis de l'automobile depuis quelques mois. Ils ont fait la grève pendant six semaines et semblent parvenus à un accord. Les syndicats ont bien su négocier pour les employés. La plupart des ententes prévoyaient des augmentations de salaire de 25 %. Quand on ajoute les autres avantages sociaux et améliorations que les syndicats ont négociés, la rémunération totale va bondir de 40 % d'ici 4 à 5 ans pour ces travailleurs syndiqués. C'est une bonne affaire pour les travailleurs, mais ceci alourdit une conjoncture de plus en plus délicate pour les constructeurs automobiles. Comme nous l'avons déjà dit, les taux d'intérêt plus élevés ralentissent la demande et à présent, le coût de la main-d'œuvre augmente. En définitive, cela va exercer une pression sur les marges, donc la rentabilité va baisser. En général, ce qui se produit dans un tel cas, c'est que les constructeurs, lorsqu'ils font face à une hausse des coûts, vont tenter de répercuter ceux-ci sur le consommateur. Le consommateur chez qui la demande commence déjà à ralentir. Donc il y aura des prix plus élevés pour les consommateurs. Cela ne s'est pas encore produit, mais lorsque cela se produira, cela ne concernera pas seulement les trois gros constructeurs automobiles, mais des marques asiatiques comme Honda, Toyota, Hyundai, même Tesla. Ces constructeurs ne sont pas syndiqués. Mais à cause de ces accords, beaucoup de ces constructeurs ont relevé les salaires de leurs employés. D'abord parce qu'ils savent qu'ils doivent demeurer concurrentiels au niveau de la rémunération pour attirer et fidéliser des employés, mais ensuite parce qu'ils ne veulent pas que les syndicats s'installent dans leurs usines. Si leurs employés sont satisfaits de leur rémunération, il y a moins de chances que les syndicats puissent les convaincre d'y adhérer. Vu l'ensemble des choses, qu'est-ce que ça signifie pour la thèse de placement dans le secteur automobile? Est-ce qu'il y aura plus de volatilité? Oui, à court terme, il y aura de la volatilité. Hausse des coûts, ralentissement de la demande... C'est relié aux véhicules électriques. Beaucoup de constructeurs automobiles dépensent énormément d'argent pour développer leurs capacités de construction de véhicules automobiles, construire des usines, augmenter la production. Et il y a beaucoup de facteurs négatifs qui pourraient entraîner une situation difficile à court et moyen terme pour les constructeurs automobiles.