Le cas de Louisa est un exemple classique de femme canadienne ayant réussi financièrement. C’est une femme qui a fait son chemin de façon autonome, dont les parents sont venus au Canada comme réfugiés. Elle a parfois dû les soutenir, mais ne leur a jamais demandé d’argent. Elle a toujours eu un emploi et s’est payé des études universitaires. Maintenant dans la mi-trentaine, elle gagne bien sa vie, travaillant pour l’une des plus grandes sociétés canadiennes. Elle tente avec diligence d’économiser au moins 10 % de son revenu.

Malgré son travail acharné et ses réalisations, Louisa ne peut pas acheter une maison à Toronto et elle a l’impression que les règles du jeu ont soudainement changé. Notamment, le processus de détermination du montant du prêt hypothécaire qu’une personne peut se permettre utilisé par les institutions financières – simulation de crise financière – l’a amenée à chercher des solutions de rechange, comme se résigner à être locataire pour le reste de sa vie.

« J’ai été très ébranlée lorsque j’ai commencé à regarder mes finances de plus près. Je sais qu’une simulation de crise est censée exercer une certaine pression sur nos finances, mais elle m’a vraiment stressée mentalement et émotionnellement », affirme-t-elle.

Aurait-elle dû commencer à épargner pour l’achat d’une maison pendant ses études secondaires plutôt que d’acheter des CD et des chaussures? Où s’est-elle trompée?

Si l’histoire de Louisa vous semble familière, c’est parce que les prix élevés des maisons et le problème de l’abordabilité préoccupent beaucoup de Canadiens et de Canadiennes.

Les statistiques apportent un éclairage à la fois frappant et choquant. Les prix des logements au Canada ont presque triplé en moyenne au cours des 15 dernières années; cependant, il va sans dire que nos revenus n’ont pas augmenté au même rythme. 1 Le prix moyen des maisons au Canada est maintenant de 679 000 $; il est beaucoup plus élevé encore en périphérie des grandes villes. 2 3

Les prix à Toronto et à Vancouver ont tellement augmenté qu’ils ont surpassé certains des endroits les moins abordables du monde, dont : Londres, Singapour et New York. 4 Bien qu’il puisse s’agir d’une aubaine inattendue pour les propriétaires qui voient la valeur de leur maison monter en flèche, il en va autrement pour ceux qui sont de l’autre côté de la petite clôture blanche, et qui éprouvent plutôt un mélange de frustration et d’envie.

Cela signifie qu’un grand nombre de Canadiens, malgré de bons emplois et de bons salaires, ne peuvent tout simplement plus se permettre d’acheter une maison, du moins pas dans les marchés de leur choix. En raison de la flambée des prix des maisons, les premiers acheteurs ont de la difficulté à respecter le montant minimum exigé pour une mise de fonds.

Il peut être difficile d’établir un plan financier ou de retraite qui n’inclut pas la pièce maîtresse que constitue une maison. Le fait de posséder une maison vous aide à établir des antécédents de crédit et vous permet d’investir automatiquement dans un bien sur une longue période, ce qui vous procure une certaine sécurité. Toutefois, il est possible de réussir financièrement sans posséder de maison en suivant scrupuleusement certaines étapes. En fait, cela pourrait même être avantageux. Comme de plus en plus de Canadiens et de Canadiennes, comme Louisa, ont l’impression que l’achat d’une propriété est de moins en moins accessible, nous avons demandé à Natasha Kovacs et à Varun Bhagwat, deux planificateurs financiers à Gestion de patrimoine TD, de nous faire part de leurs réflexions sur la façon de bâtir un avenir financier prospère tout en évitant la surchauffe sur le marché canadien de l’habitation.

Éviter la culpabilité

Selon Natasha Kovacs, qui travaille à Windsor, en Ontario, les gens ne doivent pas associer leur incapacité à accéder au marché du logement à leur estime personnelle. Le problème du marché de l’habitation est attribuable à de nombreux facteurs et, selon un rapport des Services économiques TD, diverses initiatives gouvernementales mises de l’avant pour ralentir les marchés se sont jusqu’ici révélées vaines : Ce problème peut être contrariant, mais il ne doit pas vous empêcher d’établir des plans financiers. 5

« Ne laissez pas le marché immobilier faire obstacle à votre bonheur. Envisagez plutôt ce qui, au bout du compte, vous rendra heureux », soutient Mme Kovacs.

Varun Bhagwat, qui travaille dans la région de Mississauga, en Ontario, affirme que même si certains jeunes sont frustrés, d’autres refusent de laisser le marché immobilier dicter leur vie et se sont fixé d’autres objectifs.

« Beaucoup vivent dans le moment présent. Ils ont de bons emplois et de bons salaires, ce qui leur donne plus de liberté et de flexibilité pour voyager ou même déménager. Ils ne veulent pas nécessairement être liés à une ville ou même au Canada. L’achat d’une maison est la dernière chose à laquelle ils pensent », affirme-t-il

Définir ses objectifs : Qu’est-ce qui me rendra heureux?

Mme Kovacs affirme que la situation du logement peut être problématique, mais elle recommande un mantra à garder à l’esprit : Contrôlez les objectifs que vous pouvez atteindre et faites ce qui vous rend heureux. Selon elle, cela peut apporter plus de satisfaction que la poursuite d’un objectif qui ne pourra jamais se concrétiser. Concrètement, ce qui vous rend heureux – que ce soit les enfants, la sécurité financière, les activités de loisirs ou une retraite confortable –, ce sont des objectifs de vie que vous pouvez atteindre grâce à de bons conseils et à une planification adéquate.

« Songez aux solutions de rechange sur le plan financier et à ce que vous pouvez faire avec cet argent supplémentaire si vous n’avez pas de prêt hypothécaire, dit-elle. Par exemple, les fonds qui seraient autrement affectés au remboursement d’un prêt hypothécaire peuvent être utilisés pour atteindre d’autres objectifs, comme la possibilité de prendre une retraite anticipée ou de profiter de vacances plus longues.

Mme Kovacs confie qu’une de ses clientes, qui avait à peine les moyens de se payer la maison qu’elle voulait et qui savait que le prêt hypothécaire la placerait dans une situation financière délicate, a plutôt décidé de demeurer locataire. Elle affecte ses économies à la sécurité financière et aux études de ses enfants. Cette décision lui donne le contrôle de sa vie et lui permet de s’occuper de ses priorités.

Commencer à épargner très tôt (dès maintenant!)

Bien que le marché de l’habitation chaotique d’aujourd’hui puisse être perturbant, M. Bhagwat tient à souligner que personne ne peut négliger ses finances, la planification de sa retraite ou ses placements. Selon lui, il peut être gratifiant de « vivre dans le moment présent », mais les propriétaires tout comme les non-propriétaires doivent épargner pour le moment où ils ne voudront plus travailler ou n’en seront plus capables. Une personne qui, à 65 ans, n’a ni maison ni épargne-retraite pourrait se retrouver dans une situation précaire, affirme-t-il.

On ne répètera jamais assez souvent qu’il faut commencer à épargner dès que possible et autant que possible. Il ajoute que même si les générations précédentes ont eu le luxe d’attendre à la trentaine avant de commencer à épargner, les jeunes doivent y réfléchir dès maintenant. Non seulement le pouvoir de l’intérêt composé produit-il de meilleurs résultats sur une plus longue période, mais plus tôt vous acquérez de bonnes habitudes d’épargne, par exemple en faisant preuve d’une grande discipline dans vos dépenses discrétionnaires, plus vite vous atteindrez vos objectifs, affirme-t-il.

Faire fructifier son argent : REER et CELI

Pour M. Bhagwat, les éléments clés permettant à ceux qui ont décidé de demeurer locataires d’assurer leur sécurité financière et d’épargner pour leur retraite sont le régime enregistré d’épargne-retraite (REER) et le compte d’épargne libre d’impôt (CELI). Ces deux véhicules de placement offrent des avantages fiscaux, mais différemment : dans un REER, vous payez l’impôt au moment de retirer des fonds, tandis que dans un CELI, vous ne payez pas d’impôt sur les retraits ni sur le rendement de votre placement. Apprenez-en plus sur leurs différences ici. Il est tout aussi important de faire appel à un conseiller financier pour s’assurer d’avoir dans ces comptes les placements de croissance appropriés qui ont le potentiel de prendre de la valeur au fil du temps.

Il souligne que le fait d’affecter des fonds à un plan de placement plutôt qu’à une maison signifie simplement que vous investissez dans un type d’actif différent. En fait, selon les cas, le fait de ne pas avoir à rembourser un prêt hypothécaire chaque mois peut libérer des liquidités qui vous permettront de faire des cotisations supplémentaires à un régime d’épargne. Bien que le loyer soit une dépense récurrente, vous pourriez économiser l’argent consacré aux taxes municipales, aux frais d’entretien et de rénovation résidentielle, qui grugent l’épargne des propriétaires. De plus, selon les instruments de placement que vous détenez, épargner 500 000 $ plutôt que d’être propriétaire d’une maison de valeur équivalente peut en fait vous procurer plus de liquidités et vous permettre de diversifier vos actifs.

M. Bhagwat souligne que de parler à un conseiller financier peut vous aider à élaborer un plan pour déterminer quels types d’objectifs sont atteignables et comment ils peuvent être atteints. Et si vous ne vous y connaissez pas en finance et en placement, il est maintenant temps d’apprendre.

« Il est préférable que les jeunes commencent à épargner le plus tôt possible plutôt que d’attendre à la quarantaine pour se soucier soudainement de planification financière, affirme-t-il.

DON SUTTON

PARLONS ARGENT ET VIE

ILLUSTRATION

MYRIAM WARES