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Du ralentissement de la croissance aux élections américaines à venir, en passant par les nombreux enjeux géopolitiques, les événements susceptibles d’influer sur les marchés et sur la confiance des investisseurs sont légion. Kim Parlee discute de l’approche à adopter pour l’année à venir avec David Sykes, chef des placements, Gestion de Placements TD (GPTD), et Michael Craig, chef, Répartition des actifs et Produits dérivés, GPTD.
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Dans les milieux boursiers, un vieil adage dit que janvier fait toute l’année. Pour l’instant, les marchés ont bien du mal à continuer sur la lancée des gains importants enregistrés à la fin de 2023. Les investisseurs ne manquent pas de raisons d’afficher un certain pessimisme, entre le ralentissement de la croissance économique, les élections aux États-Unis, et une forte instabilité géopolitique. Nos invités d’aujourd’hui pensent toutefois qu’il y a des occasions à saisir.
Voici David Sykes, chef des placements à Gestion de Placements TD, et Michael Craig, chef, Répartition des actifs et Produits dérivés à Gestion de Placements TD. Ravie de vous accueillir tous les deux.
Merci, Kim.
Merci de l’invitation.
Allons-y. J’aimerais, si vous le permettez, qu’on revienne d’abord sur ce qui s’est passé, puis que l’on parle de ce qui se dessine, de façon générale, pour l’année 2024, d’abord sur le plan des risques, puis des occasions. Commençons par 2023. Que retenez-vous de cette année? Qu’a-t-on appris au fil de l’année 2023?
Avant tout, je dirais qu’on a connu une année hors du commun à bien des égards, une année marquée par la volatilité sur énormément de marchés. On voit surtout que la plupart des gains dans beaucoup de catégories d’actif ont été réalisés en toute fin d’année. Entre la fin d’octobre et la fin de décembre, les actions se sont fortement redressées. On a observé une forte remontée des titres à revenu fixe, et le revirement de la Fed a vraiment aidé le secteur des placements alternatifs.
On a observé un phénomène de deux ou trois mois avec des rendements positifs. Je crois qu’au fond, il fallait arriver à comprendre que les taux sont proches de leur sommet et qu’ils vont commencer à baisser dans le courant de l’année 2024. Voilà ce qu’il faut surtout retenir.
C’est peut-être frustrant pour certains, et c’est un peu paternaliste de dire qu’il faut conserver ses placements. Mais cet exemple le montre. C’est vrai. Oui. C’est vrai. La clé de la réussite financière, c’est de miser sur la composition des gains. Et on n’y arrive pas du jour au lendemain, malheureusement. Mais c’est le secret, oui. Et si on prend un peu de recul, après une forte remontée en fin d’année, on voit que les rendements ont stagné sur deux ans.
Ce n’est pas comme si on en avait terminé. On a simplement regagné le terrain perdu après les difficultés de 2022. Je crois que les marchés connaissent des moments difficiles. Ils tiennent compte de baisses futures.
L’important, ce n’est pas ce qui se passe aujourd’hui, mais ce que les marchés anticipent. Je pense que les clients doivent toujours voir à long terme, car c’est la composition des gains qui permet de faire grossir le patrimoine assez rapidement.
Si vous le voulez bien Michael, passons à ce qui se profile pour l’année 2024. De façon générale, quels facteurs allez-vous suivre de près cette année?
Je vais reprendre là où Dave s’est arrêté. Un processus de baisse continue de l’inflation. Les prix de beaucoup de produits sont en baisse. Du côté des produits, on y est. Les services ont tendance à mettre un peu plus de temps. Et tous les regards sont braqués sur les loyers, qui ne sont pas encore redescendus. Mais on est entré dans un processus de déflation.
On peut donc s’attendre à des baisses de taux résultant de la politique monétaire. Je crois que le marché est sans doute un peu en avance dans ses attentes. Le marché table sur 7 baisses de taux au cours des 12 prochains mois. C’est sans doute un peu excessif, mais on devrait assister à un assouplissement en début d’année.
Et puis, à mon avis, la question déterminante cette année sera : Est-ce qu’il va y avoir une récession? Les États-Unis sont a priori les mieux placés pour l’éviter. Un ralentissement de la croissance est certainement envisageable, mais à bien des égards, à la fin de cette année, selon toute probabilité, la récession aura été évitée.
L’Europe se trouve dans l’autre situation, au début du processus déflationniste, d’où des difficultés plus importantes. Et au Canada, on a des difficultés très spécifiques en ce moment. La croissance de la productivité est très médiocre et on se retrouve dans une sorte de piège démographique, car l’économie peine à absorber les niveaux d’immigration à sept chiffres de l’an dernier.
Le Canada se trouve donc quelque part entre les deux. À partir de là, si on a une bonne surprise et qu’on échappe à la récession, les marchés boursiers connaîtront probablement une bonne année.
Dave, dans une discussion précédente, on disait que le poids des nouvelles était un peu écrasant. On entend très peu de bonnes nouvelles du monde, que ce soit sur le plan militaire, géopolitique, etc. Si je me souviens bien, vous disiez qu’il y a aussi peut-être des bonnes nouvelles, comme un atterrissage en douceur, pas de récession. Et on assiste à des évolutions technologiques qui changent le cours de l’humanité ces temps-ci. Ces évolutions vont forcément avoir un impact sur les marchés. Oui. Il y a toujours des risques, mais il y a toujours aussi des occasions. Je pense qu’on en arrive à un point où – L’an dernier, sur le marché, tout reposait sur sept grandes actions, les actions des innovateurs. Il fallait trouver des puces et la puissance de calcul nécessaire pour l’IA.
Maintenant, tout va se jouer sur la façon dont les sociétés vont adopter ces stratégies et cette technologie pour devenir plus efficaces. On ne parle plus seulement de l’IA. Il va y avoir un impact sur la robotique, le numérique et l’infonuagique. Il y a tellement de secteurs où on va observer de la croissance et du potentiel.
C’est là-dessus qu’on essaie de se concentrer pour profiter du potentiel de hausse. Mais oui, les risques sont bien présents. Je crois qu’il est facile de se laisser aller au pessimisme, mais il ne faut pas ne pas oublier que la croissance va continuer, qu’il va y avoir d’autres progrès et d’autres innovations, ce qui va finir par tirer les marchés vers le haut. Et on va profiter de l’effet de capitalisation au fil du temps.
C’est intéressant. On va reparler des risques très bientôt, mais les innovations nous en ont mis plein les yeux, l’an dernier. Je crois avoir vu quelque chose au sujet du lancement de GPT5. Et l’IA progresse trois fois plus vite que la loi de Moore. C’est stupéfiant.
Mais est-ce que l’intégration de l’IA va se manifester par une réduction des coûts dans les entreprises? Est-ce que l’IA va commencer à apporter des gains de productivité?
Je crois qu’il y a des arguments dans les deux sens. Beaucoup de gens se disent qu’avec l’IA, les entreprises vont exploiter les bases de données de clients et créer des synergies de revenus. Ce n’est pas faux, mais pour nous, il s’agit plutôt d’accroître la productivité à l’interne. De se débarrasser des processus en différé et imprécis.
Si on gère du travail de bureau, où tout repose sur les courriels, l’information et les réunions, ou si on ouvre une usine et des lignes de production, comment améliorer l’efficacité? Pour moi, c’est une question de réduction des coûts, d’élimination des déchets, et d’optimisation de la productivité des entreprises.
Quels sont les risques pour l’année qui vient? Si vous deviez dresser une liste, quels risques pèsent sur une embellie?
D’abord, je dirais qu’aucune année ne commence sans bruit et sans risque. Il n’y a pas si longtemps, des banques faisaient faillite aux États-Unis et on s’inquiétait d’une crise financière. Ce n’est plus du tout d’actualité. Ces choses ont tendance à... Ça ne dure pas éternellement.
Selon moi, le risque le plus important – et il peut jouer en faveur ou non du marché – mais il est certain que les élections américaines auront plus de poids que les autres années, en raison des politiques et des orientations qui seront prises selon quel candidat et quel parti prend le pouvoir. À long terme, les politiques ont souvent un fort impact sur les rendements des marchés. Par le passé, on a eu des élections qui ont suscité beaucoup d’inquiétudes juste avant le scrutin, puis on est passé à autre chose.
Cette fois-ci, je crois qu’il y aura un contrecoup. On sait tous ce qui se passe au Moyen-Orient et en Ukraine. En Ukraine, je ne sais pas si la situation va s’aggraver. Pour le moment, c’est l’impasse. Le conflit ne pèse pas dans la balance, du point de vue des placements. Bien sûr, c’est une horreur sur le plan humanitaire.
Ce sont les grands sujets qui me préoccupent le plus actuellement. Mais à l’approche du printemps, l’élection va occuper le devant de la scène pour les participants au marché.
On a évoqué comment se profile l’année 2024, et les événements actuels. J’aimerais qu’on parle des risques. Pour Michael, les élections américaines sont en tête de liste.
Je crois que le sujet est incontournable. Le président Trump a considérablement progressé dans les premiers sondages. On semble parti pour un autre affrontement Biden-Trump. Ils sont au coude à coude. Je crois qu’il faut envisager la perspective d’une nouvelle présidence de Trump.
Pour moi, il y a trois grands enjeux géopolitiques. Il s’agit bien sûr de la Chine et Taïwan, de l’Ukraine et la Russie, et des événements au Moyen-Orient. Si Trump est réélu, il y aura des répercussions très importantes.
Comment réagira-t-il à la situation en Ukraine? Peut-être avec un retrait de l’OTAN, ce qui comporte des risques monumentaux. Ses actes risquent d’attiser les tensions entre la Chine et Taïwan. Et au Moyen-Orient – Le conflit s’intensifie et se propage comme une traîne de poudre au Yémen et ailleurs. On peut craindre une réaction de l’Iran et la réaction de Trump.
On se trouve face à un ensemble très différent de probabilités et de résultats par rapport à une nouvelle administration Biden. À mon avis, cette élection aura des répercussions considérables. On n’aura les réponses à ces questions que dans quelques mois. Je crois aussi qu’au fond, tout dépendra de ses politiques sur la fiscalité, les droits de douane, la frontière mexicaine et l’immigration. Il y a encore beaucoup de grands points d’interrogation.
J’allais me tourner vers vous pour avoir votre point de vue. Qu’en pensez-vous?
Tout d’abord, de manière générale, que ce soit Biden ou Trump... Je crois qu’il ne faut pas partir du principe que les Américains vont garantir la sécurité mondiale dans les décennies à venir. Ils n’ont ni les ressources ni les fonds nécessaires. On continue d’évoluer vers un monde plus multipolaire.
J’ai l’impression qu’il verra ces questions de façon cloisonnée, comme des transactions sans réfléchir aux conséquences – que signifie un retrait de l’OTAN, pour les relations entre la Chine à Taïwan, etc. Du point de vue des placements, on doit rester très attentifs à une hausse générale des droits de douane. Ce serait une très mauvaise nouvelle pour le Canada.
Je me permets d’intervenir, car je me souviens du temps où Trump et son équipe, plus précisément Lighthizer, ont mis en place l’AEUMC qui a remplacé l’ALENA.
L’OTAN. Non, l’ALENA.
On se mélange dans les acronymes. L’AEU – Bref, continuons. Sachant qu’il est l’un des architectes de ce nouvel accord, sommes-nous un peu plus en sécurité? On ne peut pas prédire l’avenir, mais...
Non, je pense qu’il envisage une hausse des droits de douane générale, tant pour ses alliés que ses adversaires. Il faut aussi tenir compte des secteurs très réglementés. Quand on assouplit les réglementations, c’est très positif pour les services financiers, l’énergie, etc. Les secteurs qui ont bénéficié de subventions du gouvernement sont des secteurs à risque. Les énergies de substitution, par exemple, ont reçu un soutien sous forme de subventions gouvernementales.
Ce sont des secteurs à risque. Si on se place purement du point de vue des placements, on s’attend à une certaine rotation du marché. Et l’an dernier, comme Dave l’a dit, le marché boursier a été tiré vers le haut par seulement quelques sociétés. Certaines sociétés étaient à la traîne.
Ça pourrait être le catalyseur qui permettrait à ces sociétés de prendre l’ascendant sur les autres, en termes de rendement. Voilà quelques éléments de réflexion. Et si on part de l’hypothèse qu’il n’y aura pas de récession, la logique habituelle veut qu’on mise sur des secteurs en début de cycle comme l’énergie, les services financiers, les produits industriels, les matériaux, etc. Et en théorie, c’est aussi une bonne nouvelle pour la bourse de Toronto. On verra s’il y aura des répercussions sur nos marchés.
On va reparler du Moyen-Orient dans un instant, mais à vous entendre, je me pose une question. Quand il n’y a que quelques variables, on arrive à les gérer. Avant, on surveillait les taux d’intérêt et l’inflation, entre autres. Mais de nos jours, il y a tellement de variables, tellement de pièces mobiles. Comment composez-vous avec l’instabilité?
La seule chose gratuite dans le monde des placements, c’est la diversification. On discute autour de cette table des probabilités et des possibilités, mais il n’existe pas de boussole pour nous mener exactement au bon endroit. Il faut donc veiller à la diversification des catégories d’actif, au sein des catégories d’actif, et se départir d’une vision à très court terme axée sur les trois prochains mois à l’élection de novembre.
Il faut une vision à 3, 5 ou 10 ans. Sinon, vous prenez des décisions sous le coup de l’émotion. Et comme on l’a dit au début, on a vu une hausse de 15 % les 9 dernières semaines de l’année.
Si vous passez à côté de ces 15 %, vous réduisez fortement votre gagne-pain. C’est vraiment la clé pour réussir. Il faut diversifier.
On a évoqué de façon très générale le conflit au Moyen-Orient. Vous avez mentionné aussi l’assouplissement des réglementations. Quels sont les facteurs déflationnistes et inflationnistes? J’imagine que le conflit au Moyen-Orient est inflationniste. L’IA est peut-être déflationniste. Je ne sais pas. Au final, dans quelle direction va-t-on? D’accord. Si on prend une vue d’ensemble, dans le cadre qu’on imagine pour les années à venir, l’inflation est bien plus volatile. Durant la majeure partie de notre carrière, le contexte était très déflationniste. On revient à un monde qui sera sans doute déflationniste cette année, mais pas forcément en 2025 ou 2026 – D’autant que de nos jours, en général, les gens veulent des changements rapides.
Et quand les gouvernements commencent à intervenir dans l’économie, il y a souvent un effet inflationniste. Il faut parvenir à trouver une composition de l’actif que l’on peut orienter pour qu’elle fonctionne dans les deux cas, ce qui donne accès à un plus large éventail d’outils. On a des actifs réels comme les infrastructures, l’immobilier, les prêts hypothécaires commerciaux, les produits de base, mais aussi des stratégies de produits dérivés qui complètent les titres à revenu fixe et les actions.
Tout d’abord, en créant un portefeuille plus diversifié, on facilite les choses pour les clients. Ce point est très important. Par ailleurs, on part en position de force. Si une catégorie d’actif surpasse les attentes tandis qu’une autre recule, on peut réaffecter des fonds de la première vers celle qui est à la traîne et obtenir un rendement plus élevé pour les clients.
Dave et moi parlons du monde à venir, et c’est difficile. Avec le recul, on aura sans doute manqué des choses. Mais si on part avec un très vaste ensemble d’actifs dans lequel puiser, on travaille à partir d’une position de force.
On a parlé des perspectives et des risques pour 2024. Passons maintenant en revue la répartition des différents actifs : les actions, les obligations, les titres alternatifs et les produits de base. David, commençons par les actions. Qu’entrevoyez-vous pour cette année? Oui. À l’aube de 2024, on peut dire qu’on a profité de beaux rendements à la fin de l’année dernière. Mais pour la suite, en fin de compte, ce sont les bénéfices qui font monter les actions.
Si on s’engage vers un atterrissage en douceur, on peut raisonnablement tabler sur une croissance modeste des bénéfices cette année, de l’ordre 4, 5 ou 6 %. Ces chiffres concernent le Canada et les États-Unis. Ils seront peut-être un peu plus faibles en Europe et en Chine.
Mais de façon générale, si les taux directeurs commencent à baisser dans la seconde moitié de l’année, on peut s’attendre à des rendements corrects à un chiffre élevé du côté des actions. Tout dépend des actions que vous voulez acheter. Toutes les actions ne se valent pas.
Mais à mon avis, il est faux de dire qu’en période d’incertitude, les actions ne se comportent pas bien. Les actions de qualité peuvent toujours produire de bons résultats. Oui. Et comment définit-on la qualité? Pour rappel. Oui. On commence par regarder une chose toute simple : le bilan. Est-ce que la société est très endettée? Si la réponse est oui, il vaut mieux s’abstenir d’investir. Si la société est peu endettée et que son modèle d’affaires présente une douve ou un avantage concurrentiel qui permet d’avoir des flux de revenu récurrents, on estime que c’est une entreprise de qualité et qu’elle mérite qu’on envisage d’acheter des actions.
C’est amusant – on parlait de l’IA, de la déréglementation, etc. Il pourrait y avoir de grands changements cette année. Tout à fait. L’une des clés dans le monde des actions, c’est de bien comprendre où se situe l’avantage concurrentiel, et si cet avantage est durable. Est-ce que ça va durer? Est-ce qu’il va résister à l’épreuve du temps?
OK. Passons aux obligations, Michael, qui ont connu une belle remontée fin 2023. Mais…
Le marché obligatoire a connu une belle remontée après avoir été durement touché. À la mi-octobre, les obligations avaient reculé de 4 ou de 5 % sur l’année. En fin d’année, elles affichaient une hausse de 6 %. C’est une remontée spectaculaire, mais on la doit à des taux très élevés.
En ce début d’année, les taux d’intérêt réels sont de l’ordre de 2 %, d’après les attentes à long terme. À plus long terme, il serait plus réaliste de les situer aux alentours de 1 %. Je crois qu’on peut encore faire des gains en capital avec les titres à revenu fixe.
Restons modestes, et disons 50 points de base. Si on ajoute une compression des taux de 50 points de base aux taux obligataire actuels de 5 %, on arrive à un rendement à un chiffre élevé pour 2024. Mais s’il y a un autre sursaut surprise de l’inflation, tout est possible. Ceci dit, c’est très peu probable. Et si le ralentissement économique est plus prononcé, les rendements seront encore plus élevés.
Très rapidement, quels seraient pour vous les signes indicateurs d’une forte inflation ou d’une détérioration de l’économie? Quels signes allez-vous surveiller?
Si les consommateurs se remettaient à dépenser sans compter, j’aurais des motifs d’inquiétude. Par ailleurs, si le marché de l’emploi ne poursuit pas sur sa lancée – C’est encore très tendu, mais certains indicateurs montrent un assouplissement. Si le marché ne poursuit pas dans la direction d’un assouplissement, je crois que l’inflation va persister.
La hausse de l’inflation éloignerait la perspective d’une baisse de taux, ce qui nous ramènerait à des rendements à un chiffre pour les titres à revenu fixe. Si on ne s’attend plus à des baisses mais à des hausses de taux, le marché sera en difficulté.
OK. Qu’en est-il des placements alternatifs et des belles occasions qu’ils réservent? On sent une appétence chez les investisseurs, qui ont envie de mieux connaître ces actifs. Oui. Le problème vient en partie du fait qu’on parle des placements alternatifs comme s’il s’agissait d’un univers compliqué et ésotérique. Ce n’est pas du tout le cas. Un placement alternatif, pour nous, c’est parfois simplement de l’immobilier.
Il peut s’agir de bureaux, d’immeubles industriels ou multirésidentiels. Dans le secteur des infrastructures, ce sont tout simplement le transport, les routes, les ports. Dans le secteur de l’énergie de substitution, ce sont les panneaux solaires ou les éoliennes. Tout l’intérêt des placements alternatifs, de notre point de vue, c’est qu’au niveau du portefeuille global, ils n’affichent pas nécessairement une corrélation élevée.
Leurs modèles d’affaires présentent souvent un avantage concurrentiel très durable qui, en général, se traduit au fil du temps par une hausse du revenu et des distributions. D’où notre regard très positif sur les placements alternatifs. On affectionne tout particulièrement les prêts hypothécaires commerciaux.
Les rendements sont très, très élevés et très attrayants sur une courte durée. Et puis, à l’autre bout du spectre, il y a les infrastructures. On a insuffisamment investi dans les infrastructures pendant des décennies, pas seulement au Canada, mais à l’échelle mondiale. Le besoin est très fort.
C’est intéressant, parce qu’à l’heure où partout dans le monde, les gouvernements sont très endettés, ils cherchent à établir des partenariats avec le secteur privé et ils font appel à des capitaux privés pour construire des infrastructures. Et on est ravis des occasions qui s’offrent à nous.
Ce qui nous amène tout naturellement aux produits de base, parce que j’ai l’impression qu’il y a de la demande.
Idem pour les produits de base : pas assez d’investissements pour diverses raisons. Les produits de base traversent de longs cycles où on entre en déficit, on construit trop, l’offre est excédentaire, et on a des périodes de 10 ans où les prix sont soit très élevés, soit très faibles. On sort d’une période où les prix sont assez faibles depuis un certain temps.
L’année 2023 n’a pas été mirobolante pour les produits de base. On a eu une bonne année en 2022. Sur le plan structurel, la suite s’annonce très bien. On profite d’un élément de rendement intéressant. En plus, les produits de base nous protègent si jamais l’inflation décide de jouer les trouble-fête.
Les produits de base sont le point d’ancrage défensif du portefeuille. Dans la répartition, ils ne représentent habituellement pas plus de 3 ou 5 %, mais ils sont là pour offrir une diversification. Et les produits de base bénéficient d’un facteur structurel, ce qui rejoint les propos de David au sujet des infrastructures.
Pourrait-on clarifier ce que sont les produits de base? Vous avez un peu expliqué à quoi se rapportent les placements alternatifs, mais les produits de base forment un groupe très hétérogène. Oui. C’est un panier. Il se compose surtout de l’énergie, c’est-à-dire le pétrole, le gaz naturel, le mazout. Il y a les métaux de base, comme le cuivre, nickel, etc. Les métaux précieux – l’or, l’argent. Et les biens agricoles, comme le soya, le porc maigre, etc.
Chaque type de produit fluctue selon des facteurs différents. Mais pour l’énergie et les métaux de base, on en revient à ce qu’a dit David à propos des infrastructures.
Je suis bien plus optimiste après cette conversation qu’au tout début. C’est bien. Avez-vous un dernier mot sur ce qui mérite réflexion? Oui. De notre point de vue, les risques sont inévitables. Il s’agit de l’argent, des retraites et des fonds de dotation des gens. On ne peut pas le prendre à la légère.
On peut toujours trouver des problèmes auxquels on n’a pas de solution évidente. Mais si vous êtes prêt à comprendre ce que vous achetez... À qui prêtez-vous votre argent? Quelles sont les probabilités de récupérer votre argent et votre coupon?
Dans quelles entreprises investissez-vous? Quelle autre stratégie analysez-vous? Si vous prenez cette approche, essayez de laisser les émotions de côté. Mais surtout, il faut voir les choses à long terme.
Il y a toujours des problèmes dans le monde. On sort d’une pandémie. On a subi une période d’inflation. Il y a les enjeux géopolitiques dont on a parlé. Mais si vous êtes passé au travers avec un portefeuille diversifié composé d’actifs de qualité, vous avez enregistré un très, très bon rendement.
C’est ce qu’il ne faut pas perdre de vue pour les 3, 5, 10 ou 15 prochaines années. Tout va bien se passer pour vous, mais assurez-vous de respecter votre plan.
David, Michael, c’est toujours un plaisir.
Merci de l’invitation.
Merci, Kim. [MUSIQUE]
Dans les milieux boursiers, un vieil adage dit que janvier fait toute l’année. Pour l’instant, les marchés ont bien du mal à continuer sur la lancée des gains importants enregistrés à la fin de 2023. Les investisseurs ne manquent pas de raisons d’afficher un certain pessimisme, entre le ralentissement de la croissance économique, les élections aux États-Unis, et une forte instabilité géopolitique. Nos invités d’aujourd’hui pensent toutefois qu’il y a des occasions à saisir.
Voici David Sykes, chef des placements à Gestion de Placements TD, et Michael Craig, chef, Répartition des actifs et Produits dérivés à Gestion de Placements TD. Ravie de vous accueillir tous les deux.
Merci, Kim.
Merci de l’invitation.
Allons-y. J’aimerais, si vous le permettez, qu’on revienne d’abord sur ce qui s’est passé, puis que l’on parle de ce qui se dessine, de façon générale, pour l’année 2024, d’abord sur le plan des risques, puis des occasions. Commençons par 2023. Que retenez-vous de cette année? Qu’a-t-on appris au fil de l’année 2023?
Avant tout, je dirais qu’on a connu une année hors du commun à bien des égards, une année marquée par la volatilité sur énormément de marchés. On voit surtout que la plupart des gains dans beaucoup de catégories d’actif ont été réalisés en toute fin d’année. Entre la fin d’octobre et la fin de décembre, les actions se sont fortement redressées. On a observé une forte remontée des titres à revenu fixe, et le revirement de la Fed a vraiment aidé le secteur des placements alternatifs.
On a observé un phénomène de deux ou trois mois avec des rendements positifs. Je crois qu’au fond, il fallait arriver à comprendre que les taux sont proches de leur sommet et qu’ils vont commencer à baisser dans le courant de l’année 2024. Voilà ce qu’il faut surtout retenir.
C’est peut-être frustrant pour certains, et c’est un peu paternaliste de dire qu’il faut conserver ses placements. Mais cet exemple le montre. C’est vrai. Oui. C’est vrai. La clé de la réussite financière, c’est de miser sur la composition des gains. Et on n’y arrive pas du jour au lendemain, malheureusement. Mais c’est le secret, oui. Et si on prend un peu de recul, après une forte remontée en fin d’année, on voit que les rendements ont stagné sur deux ans.
Ce n’est pas comme si on en avait terminé. On a simplement regagné le terrain perdu après les difficultés de 2022. Je crois que les marchés connaissent des moments difficiles. Ils tiennent compte de baisses futures.
L’important, ce n’est pas ce qui se passe aujourd’hui, mais ce que les marchés anticipent. Je pense que les clients doivent toujours voir à long terme, car c’est la composition des gains qui permet de faire grossir le patrimoine assez rapidement.
Si vous le voulez bien Michael, passons à ce qui se profile pour l’année 2024. De façon générale, quels facteurs allez-vous suivre de près cette année?
Je vais reprendre là où Dave s’est arrêté. Un processus de baisse continue de l’inflation. Les prix de beaucoup de produits sont en baisse. Du côté des produits, on y est. Les services ont tendance à mettre un peu plus de temps. Et tous les regards sont braqués sur les loyers, qui ne sont pas encore redescendus. Mais on est entré dans un processus de déflation.
On peut donc s’attendre à des baisses de taux résultant de la politique monétaire. Je crois que le marché est sans doute un peu en avance dans ses attentes. Le marché table sur 7 baisses de taux au cours des 12 prochains mois. C’est sans doute un peu excessif, mais on devrait assister à un assouplissement en début d’année.
Et puis, à mon avis, la question déterminante cette année sera : Est-ce qu’il va y avoir une récession? Les États-Unis sont a priori les mieux placés pour l’éviter. Un ralentissement de la croissance est certainement envisageable, mais à bien des égards, à la fin de cette année, selon toute probabilité, la récession aura été évitée.
L’Europe se trouve dans l’autre situation, au début du processus déflationniste, d’où des difficultés plus importantes. Et au Canada, on a des difficultés très spécifiques en ce moment. La croissance de la productivité est très médiocre et on se retrouve dans une sorte de piège démographique, car l’économie peine à absorber les niveaux d’immigration à sept chiffres de l’an dernier.
Le Canada se trouve donc quelque part entre les deux. À partir de là, si on a une bonne surprise et qu’on échappe à la récession, les marchés boursiers connaîtront probablement une bonne année.
Dave, dans une discussion précédente, on disait que le poids des nouvelles était un peu écrasant. On entend très peu de bonnes nouvelles du monde, que ce soit sur le plan militaire, géopolitique, etc. Si je me souviens bien, vous disiez qu’il y a aussi peut-être des bonnes nouvelles, comme un atterrissage en douceur, pas de récession. Et on assiste à des évolutions technologiques qui changent le cours de l’humanité ces temps-ci. Ces évolutions vont forcément avoir un impact sur les marchés. Oui. Il y a toujours des risques, mais il y a toujours aussi des occasions. Je pense qu’on en arrive à un point où – L’an dernier, sur le marché, tout reposait sur sept grandes actions, les actions des innovateurs. Il fallait trouver des puces et la puissance de calcul nécessaire pour l’IA.
Maintenant, tout va se jouer sur la façon dont les sociétés vont adopter ces stratégies et cette technologie pour devenir plus efficaces. On ne parle plus seulement de l’IA. Il va y avoir un impact sur la robotique, le numérique et l’infonuagique. Il y a tellement de secteurs où on va observer de la croissance et du potentiel.
C’est là-dessus qu’on essaie de se concentrer pour profiter du potentiel de hausse. Mais oui, les risques sont bien présents. Je crois qu’il est facile de se laisser aller au pessimisme, mais il ne faut pas ne pas oublier que la croissance va continuer, qu’il va y avoir d’autres progrès et d’autres innovations, ce qui va finir par tirer les marchés vers le haut. Et on va profiter de l’effet de capitalisation au fil du temps.
C’est intéressant. On va reparler des risques très bientôt, mais les innovations nous en ont mis plein les yeux, l’an dernier. Je crois avoir vu quelque chose au sujet du lancement de GPT5. Et l’IA progresse trois fois plus vite que la loi de Moore. C’est stupéfiant.
Mais est-ce que l’intégration de l’IA va se manifester par une réduction des coûts dans les entreprises? Est-ce que l’IA va commencer à apporter des gains de productivité?
Je crois qu’il y a des arguments dans les deux sens. Beaucoup de gens se disent qu’avec l’IA, les entreprises vont exploiter les bases de données de clients et créer des synergies de revenus. Ce n’est pas faux, mais pour nous, il s’agit plutôt d’accroître la productivité à l’interne. De se débarrasser des processus en différé et imprécis.
Si on gère du travail de bureau, où tout repose sur les courriels, l’information et les réunions, ou si on ouvre une usine et des lignes de production, comment améliorer l’efficacité? Pour moi, c’est une question de réduction des coûts, d’élimination des déchets, et d’optimisation de la productivité des entreprises.
Quels sont les risques pour l’année qui vient? Si vous deviez dresser une liste, quels risques pèsent sur une embellie?
D’abord, je dirais qu’aucune année ne commence sans bruit et sans risque. Il n’y a pas si longtemps, des banques faisaient faillite aux États-Unis et on s’inquiétait d’une crise financière. Ce n’est plus du tout d’actualité. Ces choses ont tendance à... Ça ne dure pas éternellement.
Selon moi, le risque le plus important – et il peut jouer en faveur ou non du marché – mais il est certain que les élections américaines auront plus de poids que les autres années, en raison des politiques et des orientations qui seront prises selon quel candidat et quel parti prend le pouvoir. À long terme, les politiques ont souvent un fort impact sur les rendements des marchés. Par le passé, on a eu des élections qui ont suscité beaucoup d’inquiétudes juste avant le scrutin, puis on est passé à autre chose.
Cette fois-ci, je crois qu’il y aura un contrecoup. On sait tous ce qui se passe au Moyen-Orient et en Ukraine. En Ukraine, je ne sais pas si la situation va s’aggraver. Pour le moment, c’est l’impasse. Le conflit ne pèse pas dans la balance, du point de vue des placements. Bien sûr, c’est une horreur sur le plan humanitaire.
Ce sont les grands sujets qui me préoccupent le plus actuellement. Mais à l’approche du printemps, l’élection va occuper le devant de la scène pour les participants au marché.
On a évoqué comment se profile l’année 2024, et les événements actuels. J’aimerais qu’on parle des risques. Pour Michael, les élections américaines sont en tête de liste.
Je crois que le sujet est incontournable. Le président Trump a considérablement progressé dans les premiers sondages. On semble parti pour un autre affrontement Biden-Trump. Ils sont au coude à coude. Je crois qu’il faut envisager la perspective d’une nouvelle présidence de Trump.
Pour moi, il y a trois grands enjeux géopolitiques. Il s’agit bien sûr de la Chine et Taïwan, de l’Ukraine et la Russie, et des événements au Moyen-Orient. Si Trump est réélu, il y aura des répercussions très importantes.
Comment réagira-t-il à la situation en Ukraine? Peut-être avec un retrait de l’OTAN, ce qui comporte des risques monumentaux. Ses actes risquent d’attiser les tensions entre la Chine et Taïwan. Et au Moyen-Orient – Le conflit s’intensifie et se propage comme une traîne de poudre au Yémen et ailleurs. On peut craindre une réaction de l’Iran et la réaction de Trump.
On se trouve face à un ensemble très différent de probabilités et de résultats par rapport à une nouvelle administration Biden. À mon avis, cette élection aura des répercussions considérables. On n’aura les réponses à ces questions que dans quelques mois. Je crois aussi qu’au fond, tout dépendra de ses politiques sur la fiscalité, les droits de douane, la frontière mexicaine et l’immigration. Il y a encore beaucoup de grands points d’interrogation.
J’allais me tourner vers vous pour avoir votre point de vue. Qu’en pensez-vous?
Tout d’abord, de manière générale, que ce soit Biden ou Trump... Je crois qu’il ne faut pas partir du principe que les Américains vont garantir la sécurité mondiale dans les décennies à venir. Ils n’ont ni les ressources ni les fonds nécessaires. On continue d’évoluer vers un monde plus multipolaire.
J’ai l’impression qu’il verra ces questions de façon cloisonnée, comme des transactions sans réfléchir aux conséquences – que signifie un retrait de l’OTAN, pour les relations entre la Chine à Taïwan, etc. Du point de vue des placements, on doit rester très attentifs à une hausse générale des droits de douane. Ce serait une très mauvaise nouvelle pour le Canada.
Je me permets d’intervenir, car je me souviens du temps où Trump et son équipe, plus précisément Lighthizer, ont mis en place l’AEUMC qui a remplacé l’ALENA.
L’OTAN. Non, l’ALENA.
On se mélange dans les acronymes. L’AEU – Bref, continuons. Sachant qu’il est l’un des architectes de ce nouvel accord, sommes-nous un peu plus en sécurité? On ne peut pas prédire l’avenir, mais...
Non, je pense qu’il envisage une hausse des droits de douane générale, tant pour ses alliés que ses adversaires. Il faut aussi tenir compte des secteurs très réglementés. Quand on assouplit les réglementations, c’est très positif pour les services financiers, l’énergie, etc. Les secteurs qui ont bénéficié de subventions du gouvernement sont des secteurs à risque. Les énergies de substitution, par exemple, ont reçu un soutien sous forme de subventions gouvernementales.
Ce sont des secteurs à risque. Si on se place purement du point de vue des placements, on s’attend à une certaine rotation du marché. Et l’an dernier, comme Dave l’a dit, le marché boursier a été tiré vers le haut par seulement quelques sociétés. Certaines sociétés étaient à la traîne.
Ça pourrait être le catalyseur qui permettrait à ces sociétés de prendre l’ascendant sur les autres, en termes de rendement. Voilà quelques éléments de réflexion. Et si on part de l’hypothèse qu’il n’y aura pas de récession, la logique habituelle veut qu’on mise sur des secteurs en début de cycle comme l’énergie, les services financiers, les produits industriels, les matériaux, etc. Et en théorie, c’est aussi une bonne nouvelle pour la bourse de Toronto. On verra s’il y aura des répercussions sur nos marchés.
On va reparler du Moyen-Orient dans un instant, mais à vous entendre, je me pose une question. Quand il n’y a que quelques variables, on arrive à les gérer. Avant, on surveillait les taux d’intérêt et l’inflation, entre autres. Mais de nos jours, il y a tellement de variables, tellement de pièces mobiles. Comment composez-vous avec l’instabilité?
La seule chose gratuite dans le monde des placements, c’est la diversification. On discute autour de cette table des probabilités et des possibilités, mais il n’existe pas de boussole pour nous mener exactement au bon endroit. Il faut donc veiller à la diversification des catégories d’actif, au sein des catégories d’actif, et se départir d’une vision à très court terme axée sur les trois prochains mois à l’élection de novembre.
Il faut une vision à 3, 5 ou 10 ans. Sinon, vous prenez des décisions sous le coup de l’émotion. Et comme on l’a dit au début, on a vu une hausse de 15 % les 9 dernières semaines de l’année.
Si vous passez à côté de ces 15 %, vous réduisez fortement votre gagne-pain. C’est vraiment la clé pour réussir. Il faut diversifier.
On a évoqué de façon très générale le conflit au Moyen-Orient. Vous avez mentionné aussi l’assouplissement des réglementations. Quels sont les facteurs déflationnistes et inflationnistes? J’imagine que le conflit au Moyen-Orient est inflationniste. L’IA est peut-être déflationniste. Je ne sais pas. Au final, dans quelle direction va-t-on? D’accord. Si on prend une vue d’ensemble, dans le cadre qu’on imagine pour les années à venir, l’inflation est bien plus volatile. Durant la majeure partie de notre carrière, le contexte était très déflationniste. On revient à un monde qui sera sans doute déflationniste cette année, mais pas forcément en 2025 ou 2026 – D’autant que de nos jours, en général, les gens veulent des changements rapides.
Et quand les gouvernements commencent à intervenir dans l’économie, il y a souvent un effet inflationniste. Il faut parvenir à trouver une composition de l’actif que l’on peut orienter pour qu’elle fonctionne dans les deux cas, ce qui donne accès à un plus large éventail d’outils. On a des actifs réels comme les infrastructures, l’immobilier, les prêts hypothécaires commerciaux, les produits de base, mais aussi des stratégies de produits dérivés qui complètent les titres à revenu fixe et les actions.
Tout d’abord, en créant un portefeuille plus diversifié, on facilite les choses pour les clients. Ce point est très important. Par ailleurs, on part en position de force. Si une catégorie d’actif surpasse les attentes tandis qu’une autre recule, on peut réaffecter des fonds de la première vers celle qui est à la traîne et obtenir un rendement plus élevé pour les clients.
Dave et moi parlons du monde à venir, et c’est difficile. Avec le recul, on aura sans doute manqué des choses. Mais si on part avec un très vaste ensemble d’actifs dans lequel puiser, on travaille à partir d’une position de force.
On a parlé des perspectives et des risques pour 2024. Passons maintenant en revue la répartition des différents actifs : les actions, les obligations, les titres alternatifs et les produits de base. David, commençons par les actions. Qu’entrevoyez-vous pour cette année? Oui. À l’aube de 2024, on peut dire qu’on a profité de beaux rendements à la fin de l’année dernière. Mais pour la suite, en fin de compte, ce sont les bénéfices qui font monter les actions.
Si on s’engage vers un atterrissage en douceur, on peut raisonnablement tabler sur une croissance modeste des bénéfices cette année, de l’ordre 4, 5 ou 6 %. Ces chiffres concernent le Canada et les États-Unis. Ils seront peut-être un peu plus faibles en Europe et en Chine.
Mais de façon générale, si les taux directeurs commencent à baisser dans la seconde moitié de l’année, on peut s’attendre à des rendements corrects à un chiffre élevé du côté des actions. Tout dépend des actions que vous voulez acheter. Toutes les actions ne se valent pas.
Mais à mon avis, il est faux de dire qu’en période d’incertitude, les actions ne se comportent pas bien. Les actions de qualité peuvent toujours produire de bons résultats. Oui. Et comment définit-on la qualité? Pour rappel. Oui. On commence par regarder une chose toute simple : le bilan. Est-ce que la société est très endettée? Si la réponse est oui, il vaut mieux s’abstenir d’investir. Si la société est peu endettée et que son modèle d’affaires présente une douve ou un avantage concurrentiel qui permet d’avoir des flux de revenu récurrents, on estime que c’est une entreprise de qualité et qu’elle mérite qu’on envisage d’acheter des actions.
C’est amusant – on parlait de l’IA, de la déréglementation, etc. Il pourrait y avoir de grands changements cette année. Tout à fait. L’une des clés dans le monde des actions, c’est de bien comprendre où se situe l’avantage concurrentiel, et si cet avantage est durable. Est-ce que ça va durer? Est-ce qu’il va résister à l’épreuve du temps?
OK. Passons aux obligations, Michael, qui ont connu une belle remontée fin 2023. Mais…
Le marché obligatoire a connu une belle remontée après avoir été durement touché. À la mi-octobre, les obligations avaient reculé de 4 ou de 5 % sur l’année. En fin d’année, elles affichaient une hausse de 6 %. C’est une remontée spectaculaire, mais on la doit à des taux très élevés.
En ce début d’année, les taux d’intérêt réels sont de l’ordre de 2 %, d’après les attentes à long terme. À plus long terme, il serait plus réaliste de les situer aux alentours de 1 %. Je crois qu’on peut encore faire des gains en capital avec les titres à revenu fixe.
Restons modestes, et disons 50 points de base. Si on ajoute une compression des taux de 50 points de base aux taux obligataire actuels de 5 %, on arrive à un rendement à un chiffre élevé pour 2024. Mais s’il y a un autre sursaut surprise de l’inflation, tout est possible. Ceci dit, c’est très peu probable. Et si le ralentissement économique est plus prononcé, les rendements seront encore plus élevés.
Très rapidement, quels seraient pour vous les signes indicateurs d’une forte inflation ou d’une détérioration de l’économie? Quels signes allez-vous surveiller?
Si les consommateurs se remettaient à dépenser sans compter, j’aurais des motifs d’inquiétude. Par ailleurs, si le marché de l’emploi ne poursuit pas sur sa lancée – C’est encore très tendu, mais certains indicateurs montrent un assouplissement. Si le marché ne poursuit pas dans la direction d’un assouplissement, je crois que l’inflation va persister.
La hausse de l’inflation éloignerait la perspective d’une baisse de taux, ce qui nous ramènerait à des rendements à un chiffre pour les titres à revenu fixe. Si on ne s’attend plus à des baisses mais à des hausses de taux, le marché sera en difficulté.
OK. Qu’en est-il des placements alternatifs et des belles occasions qu’ils réservent? On sent une appétence chez les investisseurs, qui ont envie de mieux connaître ces actifs. Oui. Le problème vient en partie du fait qu’on parle des placements alternatifs comme s’il s’agissait d’un univers compliqué et ésotérique. Ce n’est pas du tout le cas. Un placement alternatif, pour nous, c’est parfois simplement de l’immobilier.
Il peut s’agir de bureaux, d’immeubles industriels ou multirésidentiels. Dans le secteur des infrastructures, ce sont tout simplement le transport, les routes, les ports. Dans le secteur de l’énergie de substitution, ce sont les panneaux solaires ou les éoliennes. Tout l’intérêt des placements alternatifs, de notre point de vue, c’est qu’au niveau du portefeuille global, ils n’affichent pas nécessairement une corrélation élevée.
Leurs modèles d’affaires présentent souvent un avantage concurrentiel très durable qui, en général, se traduit au fil du temps par une hausse du revenu et des distributions. D’où notre regard très positif sur les placements alternatifs. On affectionne tout particulièrement les prêts hypothécaires commerciaux.
Les rendements sont très, très élevés et très attrayants sur une courte durée. Et puis, à l’autre bout du spectre, il y a les infrastructures. On a insuffisamment investi dans les infrastructures pendant des décennies, pas seulement au Canada, mais à l’échelle mondiale. Le besoin est très fort.
C’est intéressant, parce qu’à l’heure où partout dans le monde, les gouvernements sont très endettés, ils cherchent à établir des partenariats avec le secteur privé et ils font appel à des capitaux privés pour construire des infrastructures. Et on est ravis des occasions qui s’offrent à nous.
Ce qui nous amène tout naturellement aux produits de base, parce que j’ai l’impression qu’il y a de la demande.
Idem pour les produits de base : pas assez d’investissements pour diverses raisons. Les produits de base traversent de longs cycles où on entre en déficit, on construit trop, l’offre est excédentaire, et on a des périodes de 10 ans où les prix sont soit très élevés, soit très faibles. On sort d’une période où les prix sont assez faibles depuis un certain temps.
L’année 2023 n’a pas été mirobolante pour les produits de base. On a eu une bonne année en 2022. Sur le plan structurel, la suite s’annonce très bien. On profite d’un élément de rendement intéressant. En plus, les produits de base nous protègent si jamais l’inflation décide de jouer les trouble-fête.
Les produits de base sont le point d’ancrage défensif du portefeuille. Dans la répartition, ils ne représentent habituellement pas plus de 3 ou 5 %, mais ils sont là pour offrir une diversification. Et les produits de base bénéficient d’un facteur structurel, ce qui rejoint les propos de David au sujet des infrastructures.
Pourrait-on clarifier ce que sont les produits de base? Vous avez un peu expliqué à quoi se rapportent les placements alternatifs, mais les produits de base forment un groupe très hétérogène. Oui. C’est un panier. Il se compose surtout de l’énergie, c’est-à-dire le pétrole, le gaz naturel, le mazout. Il y a les métaux de base, comme le cuivre, nickel, etc. Les métaux précieux – l’or, l’argent. Et les biens agricoles, comme le soya, le porc maigre, etc.
Chaque type de produit fluctue selon des facteurs différents. Mais pour l’énergie et les métaux de base, on en revient à ce qu’a dit David à propos des infrastructures.
Je suis bien plus optimiste après cette conversation qu’au tout début. C’est bien. Avez-vous un dernier mot sur ce qui mérite réflexion? Oui. De notre point de vue, les risques sont inévitables. Il s’agit de l’argent, des retraites et des fonds de dotation des gens. On ne peut pas le prendre à la légère.
On peut toujours trouver des problèmes auxquels on n’a pas de solution évidente. Mais si vous êtes prêt à comprendre ce que vous achetez... À qui prêtez-vous votre argent? Quelles sont les probabilités de récupérer votre argent et votre coupon?
Dans quelles entreprises investissez-vous? Quelle autre stratégie analysez-vous? Si vous prenez cette approche, essayez de laisser les émotions de côté. Mais surtout, il faut voir les choses à long terme.
Il y a toujours des problèmes dans le monde. On sort d’une pandémie. On a subi une période d’inflation. Il y a les enjeux géopolitiques dont on a parlé. Mais si vous êtes passé au travers avec un portefeuille diversifié composé d’actifs de qualité, vous avez enregistré un très, très bon rendement.
C’est ce qu’il ne faut pas perdre de vue pour les 3, 5, 10 ou 15 prochaines années. Tout va bien se passer pour vous, mais assurez-vous de respecter votre plan.
David, Michael, c’est toujours un plaisir.
Merci de l’invitation.
Merci, Kim. [MUSIQUE]