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Les marchés de l’énergie pourraient face à de nombreux défis cette année, notamment en raison des tensions au Moyen-Orient et de l’incertitude entourant les stocks. Hussein Allidina, chef, Produits de base à Gestion de Placements TD, discute des répercussions possibles sur les cours du pétrole avec Greg Bonnell de MoneyTalk.
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Le marché des produits de base est en proie à de nombreuses inquiétudes en ce début d'année, notamment en ce qui concerne le pétrole et le gaz. Mais notre invité affirme que le pessimisme est déjà largement intégré dans les cours du secteur, ce qui pourrait le rendre intéressant à long terme. Hussein Alidina, responsable des produits de base à Gestion d'actifs TD. Bonjour Greg. Bonne année à vous. Il se passe certaines choses intéressantes. On craint un ralentissement de la croissance économique. Mais plusieurs organismes sont optimistes quant à la demande. Comment concilier ces éléments? L'année 2023 a été préoccupante au niveau de la croissance de la demande. On se demandait s'il y aurait un atterrissage brutal ou en douceur ou pas d'atterrissage. La plus grosse surprise en 2023 était une offre supérieure aux prévisions. La production du gaz et de pétrole de schiste aux États-Unis a rebondi pendant le 2e semestre 2023. La production d'uranium a augmenté de 500 000 à 600 000 barils par jour, essentiellement parce que les sanctions n'étaient pas appliquées. Il pourrait y avoir des considérations politiques, l'inflation étant où elle l'était. Les Iraniens ont peut-être été autorisés à exporter. En 2024, la demande va ralentir. Le rebond attribuable à la COVID, où la croissance de la demande a excédé la tendance, va revenir à la normale. L'agence internationale de l'énergie a fait paraître ce matin son rapport sur le pétrole, prévoyant une croissance de la demande de 1,2 à 1,3 millions de barils par jour. C'est toujours la croissance. Moins que depuis quelques années, mais c'est toujours une croissance. Car le cours d'un produit de base est déterminé par l'intersection des niveaux d'offre et de demande. L'ampleur de la demande augmente en 2024, comme vous l'avez dit. L'incertitude, je pense, sur le marché se situe au niveau de l'offre. L'agence internationale de l'énergie prévoit une augmentation de l'offre de 1,4 millions de barils par jour. Sur le papier, il devrait y avoir un écart de 200 000 à 300 000 barils par jour en 2024. Mais ce qui est important, et c'est la raison pour laquelle nous sommes sans doute au bas de la fourchette en ce qui concerne les cours du pétrole, c'est que il y a énormément d'incertitude. La géopolitique, vous en avez parlé, au Moyen-Orient bien sûr. Mais même si je prévois un surcroît de 200 000 barils par jour pendant le reste de l'année, c'est à partir d'un stock très bas. Même si les cours du brut ont été sous pression, la forme de la courbe est toujours rétrogradée. Cela signifie que le marché est toujours serré. Compte tenu de ce qui se passe dans la mer Rouge, et les considérations géopolitiques du Moyen-Orient, certaines personnes pourraient considérer que le cours du brut, un peu moins de 74 le baril de brut américain de référence, et se demander: Mais où est la prime de risque? Comment se fait-il que cela ne soit pas intégré dans le prix? Au niveau factuel, il y a énormément d'offres potentielles qui sont à risque, mais jusqu'ici, aucune offre n'a été perturbée. Considérez les 5-6-7 derniers épisodes de perturbations possibles de l'approvisionnement: il n'y a jamais eu d'Alfa au niveau des négociations. Le phénomène le plus récent, c'est lorsque les Houthis ont attaqué les installations dans l'ouest de l'Arabie Saoudite. Les cours du pétrole ont grimpé pendant un ou deux jours, on a rétabli la production sur le marché très rapidement. Aujourd'hui, compte tenu du fait qu'il y a 3-4-5 million de barils par jour de capacité excédentaire, les marchés sont sereins quant à la possibilité d'une perturbation. Ce qui me préoccupe, c'est que si perturbation il y a, ceux qui détiennent la capacité excédentaire, ce sont surtout l'Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis. Ils circulent dans le détroit d'Ormuz, dans la mer Rouge, dans une grande mesure, pour livrer leur brut. Je pense qu'il n'est donc pas juste de dire qu'il y a énormément de capacité excédentaire qui permet de répondre à la demande en cas de perturbation. Je pense qu'il y a beaucoup moins de risques pris en compte dans les cours qu'il ne devrait y en avoir. Mais, sachant que depuis 5 à 7 ans, la dernière fois qu'il y a eu rémunération, pour prendre le risque de perturbations possibles, ça a été au moment de la chute de Mouammar Kadhafi en Libye, il y a longtemps. Bien sûr, la menace qui plane sur ce marché depuis quelques temps, ce sont les politiques des banques centrales. Au début de l'année, nous nous attendions à ce que la Fed, au moins selon ce qu'on croyait des marchés, allait réaliser plusieurs coupures de taux. Depuis 48 heures, avec les données qui ont paru, on se demande que la Fed va faire. Est-ce que cela planait sur le marché des produits de base? Oui. Depuis deux ans, la hausse des taux et la tentative de ralentir l'économie, et par conséquent le raffermissement net du dollar, ont été des facteurs négatifs pour le marché de produits de base. Considérez le cours du brut, qui est largement inférieur à ses sommets nominaux en dollars américains, en Inde bien sûr, à cause de la faiblesse de la roupie, compte tenu de la force du dollar, les Indiens payent des prix record pour le brut depuis un an, un an et demi. Si le dollar faiblit à cause d'un assouplissement des conditions monétaires, cela devrait fondamentalement améliorer la demande dans les économies qui ne sont pas reliées au dollar. La situation macro-économique a été défavorable pour les produits de base. La situation microéconomique, au contraire, a été très favorable. Cette année, on s'interroge sur la situation microéconomique: croissance de la production aux États-Unis, croissance de la demande, mais les données macro-économiques vont sans doute être davantage favorables au niveau de la politique générale en ce qui concerne les produits de base. Quand on songe au fait que les observateurs du marché attendent la 1re coupure de taux de la Fed, est-ce que ce sera en mars? Est-ce que ce sera plus tard? Les marchés des produits de base surveillent-ils la situation d'aussi près? Oui, je crois. La difficulté aujourd'hui, c'est que nous parlons de réduire les taux afin de stimuler l'économie, puisque l'inflation a baissé. Vous avez dit que les statistiques américaines parues ce matin montrent que l'économie se porte mieux que prévu, et les attentes à l'égard des coupures de taux sont par conséquent peut-être mitigées. Si l'économie se porte mieux que prévu et que cela empêche la Fed ou dissuade les banques centrales de réduire les taux aussi rapidement que les marchés ne le prévoient, ceci devrait signifier que la demande de produits de base est plus élevée aujourd'hui que le marché ne s'y attend. Donc, je pense que c'est une période très délicate que nous vivons. En définitive, toutefois, et je souligne le fait que les stocks dans l'ensemble du secteur des produits de base avaient connu des exceptions, sont à des niveaux plus bas que depuis plusieurs années, les niveaux de demande continuent d'augmenter, et l'offre, compte tenu du manque d'investissement depuis 10 à 12 ans, l'offre représente un écart par rapport à la demande. Si la croissance du PIB est supérieure aux prévisions, et comme je l'ai dit tout à l'heure, y a beaucoup de pessimisme qui est pris en compte, si la croissance de la demande est supérieure aux prévisions, que ce soit pour le cuivre ou d'autres produits de base, nous n'avons pas la capacité pour répondre à cette demande. Il y a donc beaucoup de possibilités de hausse. Je m'inquiète, et le marché aussi, à l'idée que la croissance pourrait bien ne pas être aussi robuste que nous l'espérons. Est-ce que ce potentiel de hausse s'inscrit dans le long terme? Car, à l'heure actuelle, nous venons de faire le tour des facteurs qui sont à l'oeuvre, mais à long terme? Quand on parle d'un sous-investissement? Vous avez dit qu'il y a une dizaine d'années ou plus. Oui. À long terme, je crois fermement qu'au fil du temps, l'économie mondiale connaîtra une croissance. On pourra se demander à quoi cela ressemblera au 1er semestre de 2024 ou dans l'ensemble de l'année 2024, mais il y a beaucoup d'inertie dans la croissance du PIB. Et si l'économie est en croissance, le problème de l'offre n'a pas été résolu. En définitive, la demande augmentera, et cela aura pour effet de resserrer les équilibres. C'est pourquoi, structurellement, je suis optimiste quant aux produits de base et je prévois que les cours des produits de base vont continuer de bien se porter d'ici 5 à 10 ans. À très court terme, il règne quelques incertitudes quant à l'allure que va prendre la croissance. Quand je me positionne sur le marché, je pense que ce dernier est trop pessimiste, compte tenu des données fondamentales sur le marché des produits de base, et compte tenu de la possibilité d'une croissance. À cette époque de l'an dernier, on parlait de la croissance de la demande chinoise. Parlez aux gens du secteur des produits de base: très peu s'intéressent à l'heure actuelle à ce qui se passe en Chine. La Chine a déçu par rapport aux attentes cette année ou l'année dernière. Je pense que la possibilité que celle-ci dépasse des attentes très faibles n'est pas prise en compte.