L’utilisation de l’intelligence artificielle est montée en flèche depuis son adoption par les masses. Cependant, à mesure que la consommation augmente, le besoin d’électricité s’accroît également. Kevin Hebner, stratège en placements mondiaux à TD Epoch, discute avec Greg Bonnell de Parlons Argent des conséquences possibles pour les réseaux électriques et les investisseurs.
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Le potentiel de l'intelligence artificielle suscite beaucoup d'enthousiasme, qu'il s'agisse d'applications en milieu de travail ou de changements dans notre vie quotidienne, mais selon notre invité d'aujourd'hui, toute cette puissance de calcul va nécessiter beaucoup d'énergie. Kevin Hebner de TD Epoch nous rejoint. Bonjour, Kevin.
Bonjour, Greg.
Il s'agit d'un thème qui se fait jour au milieu des débats et de l'enthousiasme à l'égard de l'avenir de l'intelligence artificielle. On se rend compte que la demande d'électricité va progresser, alors qu'elle stagne depuis quelque temps.
Oui, ce sera un changement important. La demande d'électricité au Canada et aux États-Unis était inchangée entre 2017 et 2022, et maintenant il y a une forte montée. C'est attribuable à trois facteurs. D'abord l'intelligence artificielle, surtout les centres de données. Par exemple, Microsoft crée un nouveau centre de données tous les trois jours. Ces centres de données sont plus vastes, ont besoin de davantage de refroidissement. Ensuite, les véhicules électriques et l'électrification en général. Et puis, troisième facteur, le rapatriement des installations en Amérique du Nord. Cela est un phénomène qui est déjà entamé. Les trois éléments de cette tendance sont bien réels et c'est vraiment une rupture avec les 15 dernières années.
Il y a des intérêts rivaux. Les véhicules électriques, le rapatriement de la fabrication et l'intelligence artificielle, autant de tendances énergivores. Y a-t-il une menace au développement de l'IA? Celui-ci pourrait-il ralentir à cause de la demande d'énergie?
C'est un risque. On peut considérer l'IA comme étant un tabouret à quatre pattes. Tout d'abord les algorithmes, les modèles, il y a beaucoup d'éléments qui entrent en jeu, ensuite les données, on se préoccupe au niveau des données, notamment la qualité des données. Maintenant, on se lance dans les images, les vidéos, le son, donc les données sont toujours au rendez-vous. L'informatique, vous avez parlé de NVIDIA, c'est un élément critique. Nous connaissons ces trois facteurs depuis assez longtemps. La nouveauté cette année, c'est vraiment l'électricité. Les centres de données consomment énormément d'électricité et cela a pris par surprise toute l'infrastructure de l'énergie depuis six mois. Je pense que l'on ne s'y attendait pas.
Bien sûr, depuis 10 ans, nous sommes de plus en plus conscients des problèmes climatiques. Les pouvoirs publics, les entreprises ont déployé d'immenses efforts pour lutter contre celui-ci. L'intelligence artificielle est tellement avide d'énergie et de ressources; est-ce que le changement climatique se trouverait... La lutte contre le changement climatique se trouverait mise à mal?
À court terme, oui. Les centres de données, indispensables pour l'IA, seront un facteur négatif. Depuis une quinzaine d'années, nous réduisons les émissions de gaz carbonique dans la plus grande partie du monde développé. Cela va se poursuivre, mais peut-être moins rapidement avec la demande accrue attribuable à l'IA. Si nous avons besoin d'un surcroît d'électricité, la manière la plus facile de la produire, c'est par le gaz naturel. C'est très facile. Ensuite il y a l'éolien, le solaire, mais il y a des problèmes d'intermittence qui représentent un gros problème pour les centres de données jusqu'à ce que nous puissions créer des batteries pour stocker l'électricité non pas pendant deux à quatre heures, mais pendant deux à trois jours. On parle beaucoup du nucléaire, mais cette énergie ne fera pas partie de la solution d'ici 10 ans. Au-delà de la prochaine décennie, c'est prometteur, mais c'est une technologie que nous délaissons depuis longtemps. À court terme, le plus facile consiste à se tourner vers le gaz naturel. Malheureusement, le gaz naturel engendre des émissions de gaz carbonique et risque de compromettre la lutte contre le changement climatique. Toutefois, les grandes compagnies de technologie, Microsoft, Facebook et autres, cherchent très sérieusement à tenir leurs engagements environnementaux. Elles veulent parvenir à la carboneutralité. Cela fait partie de l'évaluation et de la rémunération des hauts dirigeants de ces entreprises. Elles font ce qu'elles peuvent. Il y a déjà eu des mesures très importantes prises par Amazon, par Microsoft, pour alimenter leurs centres de données à partir d'énergie propre. À court terme, c'est un problème, mais je pense que le secteur de la technologie est très sérieux à l'égard de la lutte contre le changement climatique, mais il faudra du temps.
Nous verrons comment cela évoluera, mais en même temps, nous savons que nous allons utiliser beaucoup d'énergie, et l'infrastructure, comme nous le savons, en Amérique du Nord, est ancienne, il y a des défis dans sa modernisation. Dans une certaine mesure, ceci reflète la vétusté des capacités d'infrastructure en Amérique du Nord depuis les années 90 dans l'ensemble du secteur manufacturier. S'agissant d'électricité, il faut des centres de données, des systèmes de refroidissement, des transformateurs, il faut développer le réseau. Cela exige beaucoup de composantes, un acier spécialisé. Il y a une seule compagnie aux États-Unis qui fabrique cet acier spécialisé. Le savoir-faire manufacturier a tellement été appauvri en faveur de fournisseurs étrangers, en particulier en Chine, on se rend compte, qu'il s'agisse de semi-conducteurs d'énergie, d'électricité, d'infrastructure électrique, que nous devons rapatrier le développement. Cela a pris beaucoup de gens par surprise. Je crois qu'il faudra donc... C'est là où le monde des octets rencontre le monde des atomes. Le monde des octets peut évoluer très rapidement, mais le monde des atomes peut prendre longtemps, 5 à 10 ans.
Nous montrions au public le graphique que vous nous avez fourni montrant l'âge moyen de l'infrastructure. Cet âge a beaucoup grimpé depuis quelque temps. On parle de risques ici, risques pour la tendance de l'IA, l'énergie étant au cœur de la situation. Comment cela pourrait-il se dérouler?
L'un des risques, c'est que nous ne disposons pas de l'énergie suffisante pour alimenter les centres de données, ce qui ralentit les progrès de l'IA. On pense que l'IA détient beaucoup de promesses pour des secteurs comme l'éducation et la santé, bref, que c'est un facteur de progrès social. Il s'agit d'un risque. Je peux peut-être même dire qu'il s'agit d'une probabilité. Il y a un autre risque, c'est que nous nous trouvons en plein boom de l'immobilisation d'investissement. Les trois plus grandes compagnies ont promis d'investir 150 milliards de dollars cette année. Ce sont des sommes énormes. Il se peut que nous revivions les années 1990 et que les investissements ne soient pas durables et que nous allons donc connaître un recul. Si nous développons l'infrastructure d'énergie trop rapidement, nous pourrions en faire trop. D'ici 5 à 10 ans, il y aura certainement une demande. Mais je pense que le risque est double. Fort probablement, il s'avérera que nous n'aurons pas les capacités nécessaires et que les progrès de l'IA en seront ralentis.
Quelles sont les conséquences pour les investisseurs? La première série a porté sur les semi-conducteurs. Que prévoir dans l'avenir?
Au-delà de cela, si vous considérez les secteurs de l'indice S&P 500, le troisième secteur pour le rendement est celui des services publics. Il y a la technologie, les services aux entreprises, y compris beaucoup des grandes, des hyper compagnies technologiques, mais les services publics semblent très intéressants, plus que cela n'a été le cas depuis deux ans environ. Deuxièmement, il y a des titres d'infrastructure énergétique. Si vous considérez les dix plus gros joueurs sur l'indice S&P aujourd'hui, quatre de ces dix sont des titres d'infrastructure énergétique. NVIDIA, tout le monde en parle, mais même au-delà de NVIDIA, il y a d'autres entreprises qui ne sont pas connues du grand public et qui paraissent très intéressantes compte tenu de ce thème. Et puis, la troisième idée intéressante pour les investisseurs procède du fait qu'il faudra beaucoup d'investissement réel dans l'infrastructure énergétique et dans l'infrastructure en général. Ce sont des actifs réels, des fonds d'actifs réels. Ceci suscite beaucoup d'intérêt. Le gouvernement ne pourra pas financer tout cela, car les gouvernements manquent de trésorerie, surtout aux États-Unis. Ce sont les investisseurs qui vont financer cela. C'est souvent la possibilité d'obtenir des rendements stables de 8 %, c'est-à-dire beaucoup plus que les obligations d'État.
Bonjour, Greg.
Il s'agit d'un thème qui se fait jour au milieu des débats et de l'enthousiasme à l'égard de l'avenir de l'intelligence artificielle. On se rend compte que la demande d'électricité va progresser, alors qu'elle stagne depuis quelque temps.
Oui, ce sera un changement important. La demande d'électricité au Canada et aux États-Unis était inchangée entre 2017 et 2022, et maintenant il y a une forte montée. C'est attribuable à trois facteurs. D'abord l'intelligence artificielle, surtout les centres de données. Par exemple, Microsoft crée un nouveau centre de données tous les trois jours. Ces centres de données sont plus vastes, ont besoin de davantage de refroidissement. Ensuite, les véhicules électriques et l'électrification en général. Et puis, troisième facteur, le rapatriement des installations en Amérique du Nord. Cela est un phénomène qui est déjà entamé. Les trois éléments de cette tendance sont bien réels et c'est vraiment une rupture avec les 15 dernières années.
Il y a des intérêts rivaux. Les véhicules électriques, le rapatriement de la fabrication et l'intelligence artificielle, autant de tendances énergivores. Y a-t-il une menace au développement de l'IA? Celui-ci pourrait-il ralentir à cause de la demande d'énergie?
C'est un risque. On peut considérer l'IA comme étant un tabouret à quatre pattes. Tout d'abord les algorithmes, les modèles, il y a beaucoup d'éléments qui entrent en jeu, ensuite les données, on se préoccupe au niveau des données, notamment la qualité des données. Maintenant, on se lance dans les images, les vidéos, le son, donc les données sont toujours au rendez-vous. L'informatique, vous avez parlé de NVIDIA, c'est un élément critique. Nous connaissons ces trois facteurs depuis assez longtemps. La nouveauté cette année, c'est vraiment l'électricité. Les centres de données consomment énormément d'électricité et cela a pris par surprise toute l'infrastructure de l'énergie depuis six mois. Je pense que l'on ne s'y attendait pas.
Bien sûr, depuis 10 ans, nous sommes de plus en plus conscients des problèmes climatiques. Les pouvoirs publics, les entreprises ont déployé d'immenses efforts pour lutter contre celui-ci. L'intelligence artificielle est tellement avide d'énergie et de ressources; est-ce que le changement climatique se trouverait... La lutte contre le changement climatique se trouverait mise à mal?
À court terme, oui. Les centres de données, indispensables pour l'IA, seront un facteur négatif. Depuis une quinzaine d'années, nous réduisons les émissions de gaz carbonique dans la plus grande partie du monde développé. Cela va se poursuivre, mais peut-être moins rapidement avec la demande accrue attribuable à l'IA. Si nous avons besoin d'un surcroît d'électricité, la manière la plus facile de la produire, c'est par le gaz naturel. C'est très facile. Ensuite il y a l'éolien, le solaire, mais il y a des problèmes d'intermittence qui représentent un gros problème pour les centres de données jusqu'à ce que nous puissions créer des batteries pour stocker l'électricité non pas pendant deux à quatre heures, mais pendant deux à trois jours. On parle beaucoup du nucléaire, mais cette énergie ne fera pas partie de la solution d'ici 10 ans. Au-delà de la prochaine décennie, c'est prometteur, mais c'est une technologie que nous délaissons depuis longtemps. À court terme, le plus facile consiste à se tourner vers le gaz naturel. Malheureusement, le gaz naturel engendre des émissions de gaz carbonique et risque de compromettre la lutte contre le changement climatique. Toutefois, les grandes compagnies de technologie, Microsoft, Facebook et autres, cherchent très sérieusement à tenir leurs engagements environnementaux. Elles veulent parvenir à la carboneutralité. Cela fait partie de l'évaluation et de la rémunération des hauts dirigeants de ces entreprises. Elles font ce qu'elles peuvent. Il y a déjà eu des mesures très importantes prises par Amazon, par Microsoft, pour alimenter leurs centres de données à partir d'énergie propre. À court terme, c'est un problème, mais je pense que le secteur de la technologie est très sérieux à l'égard de la lutte contre le changement climatique, mais il faudra du temps.
Nous verrons comment cela évoluera, mais en même temps, nous savons que nous allons utiliser beaucoup d'énergie, et l'infrastructure, comme nous le savons, en Amérique du Nord, est ancienne, il y a des défis dans sa modernisation. Dans une certaine mesure, ceci reflète la vétusté des capacités d'infrastructure en Amérique du Nord depuis les années 90 dans l'ensemble du secteur manufacturier. S'agissant d'électricité, il faut des centres de données, des systèmes de refroidissement, des transformateurs, il faut développer le réseau. Cela exige beaucoup de composantes, un acier spécialisé. Il y a une seule compagnie aux États-Unis qui fabrique cet acier spécialisé. Le savoir-faire manufacturier a tellement été appauvri en faveur de fournisseurs étrangers, en particulier en Chine, on se rend compte, qu'il s'agisse de semi-conducteurs d'énergie, d'électricité, d'infrastructure électrique, que nous devons rapatrier le développement. Cela a pris beaucoup de gens par surprise. Je crois qu'il faudra donc... C'est là où le monde des octets rencontre le monde des atomes. Le monde des octets peut évoluer très rapidement, mais le monde des atomes peut prendre longtemps, 5 à 10 ans.
Nous montrions au public le graphique que vous nous avez fourni montrant l'âge moyen de l'infrastructure. Cet âge a beaucoup grimpé depuis quelque temps. On parle de risques ici, risques pour la tendance de l'IA, l'énergie étant au cœur de la situation. Comment cela pourrait-il se dérouler?
L'un des risques, c'est que nous ne disposons pas de l'énergie suffisante pour alimenter les centres de données, ce qui ralentit les progrès de l'IA. On pense que l'IA détient beaucoup de promesses pour des secteurs comme l'éducation et la santé, bref, que c'est un facteur de progrès social. Il s'agit d'un risque. Je peux peut-être même dire qu'il s'agit d'une probabilité. Il y a un autre risque, c'est que nous nous trouvons en plein boom de l'immobilisation d'investissement. Les trois plus grandes compagnies ont promis d'investir 150 milliards de dollars cette année. Ce sont des sommes énormes. Il se peut que nous revivions les années 1990 et que les investissements ne soient pas durables et que nous allons donc connaître un recul. Si nous développons l'infrastructure d'énergie trop rapidement, nous pourrions en faire trop. D'ici 5 à 10 ans, il y aura certainement une demande. Mais je pense que le risque est double. Fort probablement, il s'avérera que nous n'aurons pas les capacités nécessaires et que les progrès de l'IA en seront ralentis.
Quelles sont les conséquences pour les investisseurs? La première série a porté sur les semi-conducteurs. Que prévoir dans l'avenir?
Au-delà de cela, si vous considérez les secteurs de l'indice S&P 500, le troisième secteur pour le rendement est celui des services publics. Il y a la technologie, les services aux entreprises, y compris beaucoup des grandes, des hyper compagnies technologiques, mais les services publics semblent très intéressants, plus que cela n'a été le cas depuis deux ans environ. Deuxièmement, il y a des titres d'infrastructure énergétique. Si vous considérez les dix plus gros joueurs sur l'indice S&P aujourd'hui, quatre de ces dix sont des titres d'infrastructure énergétique. NVIDIA, tout le monde en parle, mais même au-delà de NVIDIA, il y a d'autres entreprises qui ne sont pas connues du grand public et qui paraissent très intéressantes compte tenu de ce thème. Et puis, la troisième idée intéressante pour les investisseurs procède du fait qu'il faudra beaucoup d'investissement réel dans l'infrastructure énergétique et dans l'infrastructure en général. Ce sont des actifs réels, des fonds d'actifs réels. Ceci suscite beaucoup d'intérêt. Le gouvernement ne pourra pas financer tout cela, car les gouvernements manquent de trésorerie, surtout aux États-Unis. Ce sont les investisseurs qui vont financer cela. C'est souvent la possibilité d'obtenir des rendements stables de 8 %, c'est-à-dire beaucoup plus que les obligations d'État.