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Le budget fédéral 2022 propose jusqu’à 3,8 milliards de dollars pour mettre en œuvre la première stratégie canadienne sur les minéraux critiques pour la chaîne d’approvisionnement en batteries pour véhicules électriques (VE). Anthony Okolie et Thomas Feltmate, économiste principal, Groupe Banque TD, discutent des conséquences pour le secteur automobile canadien.
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[MUSIQUE]
Thomas, parlons tout d’abord de vos impressions du dernier budget fédéral, puis de vos perspectives sur le secteur automobile canadien et le marché des véhicules électriques.
Dans le dernier budget fédéral, on a annoncé environ 60 G$ en nouvelles dépenses nettes. De ce montant, 12 G$ ont été investis dans des initiatives liées au climat. De ce nombre, un tiers sera consacré à l’accélération importante de l’extraction de certains minéraux essentiels, comme le lithium, le nickel et le cobalt, entre autres, qui sont des minéraux directs utilisés dans la production de batteries au lithium-ion, qui sont la principale source de batteries utilisées dans les véhicules électriques à l’heure actuelle.
Dans le même ordre d’idées, un certain nombre de coentreprises ont été annoncées récemment au Canada en ce qui concerne la fabrication de batteries pour le secteur des véhicules électriques. Quelle est l’importance de ces opérations pour le Canada?
Assez importante. Cela montre que les investisseurs mondiaux se tournent vers le Canada et se rendent compte que nous sommes la pierre angulaire de la fabrication de cellules en Amérique du Nord dans les années à venir, compte tenu de notre main-d’œuvre qualifiée et de l’abondance des ressources naturelles. L’autre chose qu’il ne faut pas oublier, c’est qu’une fois que la fabrication de cellules sera bien établie, nous verrons probablement d’autres fournisseurs de composants, des fabricants également, venir au Canada, principalement parce qu’ils veulent être proches de leurs clients. Cela témoigne de l’avenir prometteur du Canada pour ce qui est d’établir une chaîne d’approvisionnement de bout en bout pour la fabrication de batteries.
Nous devons certainement parler de l’impact du conflit entre l’Ukraine et la Russie sur l’offre de minéraux essentiels. Pouvez-vous nous en parler un peu, en particulier en ce qui concerne le nickel, le lithium et le palladium? Quel impact ce conflit a-t-il eu sur la production mondiale d’automobiles?
Oui. Ce qui nous préoccupe le plus en ce moment, ce sont les répercussions sur le néon sous forme gazeuse. L’Ukraine est en fait un énorme producteur de ce gaz; elle produit près de 50 % de la production mondiale sur une base annuelle. 75 % de cette somme est investie directement dans la fabrication des plaquettes de semi-conducteurs. La production de semi-conducteurs risque donc d’être fortement touchée.
Ce qui est intéressant, c’est que les producteurs de semi-conducteurs ont jusqu’à présent assez rapidement minimisé ce risque, en invoquant à la fois des chaînes d’approvisionnement bien diversifiées et des réserves stratégiques de néon gazeux, qui pourraient durer de trois mois à un an. Ils disent donc être assez à l’abri en ce moment. À notre avis, les chaînes d’approvisionnement se sont grandement détériorées durant la dernière année.
De toute évidence, nous savons que la production de semi-conducteurs est bien en retard par rapport à ce qui était prévu. Un important arriéré d’ordres s’est accumulé. Et maintenant, on ajoute à cela le risque supplémentaire. Par conséquent, lorsqu’il est question de la production d’automobiles à l’échelle mondiale, cela soulève certainement un risque de baisse. Nous avons donc réduit nos prévisions en conséquence.
Maintenant, j’aimerais revenir à ce qui se passe plus près de nous. Parlons un peu du secteur canadien de l’automobile. Je sais que vous avez récemment publié un rapport dans lequel vous avez révisé à la baisse vos perspectives de production et de ventes d’automobiles. Qu’est-ce qui a motivé cette décision?
Le conflit en Russie et en Ukraine a certainement joué un rôle dans la production de semi-conducteurs et dans la façon dont cela se traduira dans la production d’automobiles. De plus, comme nous le voyons en ce moment en Chine avec certains des plus récents confinements, nous avons observé une hausse des cas de COVID. Le gouvernement semble tenir mordicus à maintenir cette politique de zéro COVID. Comme je l’ai dit, cela a entraîné des mesures de confinement à Hong Kong, à Shenzhen et, plus récemment, à Shanghai. Ce sont tous des centres de fabrication importants, du point de vue de l’électronique et de la fabrication de machinerie. Il est donc probable que les répercussions touchent les chaînes d’approvisionnement mondiales.
Compte tenu du ralentissement attendu de la reprise de la production de semi-conducteurs, nous avons révisé à la baisse nos perspectives pour l’automobile en Amérique du Nord pour les deux prochaines années. Nous avons ramené nos prévisions à 15 millions d’unités cette année, ce qui représente une amélioration par rapport aux dernières années, mais certainement moins que ce à quoi nous nous attendions. En 2023, si certains de ces problèmes de production commencent à s’atténuer durant la deuxième moitié de l’année prochaine, la production pourrait atteindre un niveau qui serait plus semblable à celui de 2019, soit environ 16,3 millions. Mais lorsque l’on examine l’équilibre des risques à l’heure actuelle, les choses vont à la baisse.
Bien sûr, on ne peut pas parler de voitures sans parler du pétrole, et du prix du pétrole, qui, comme nous le savons, a récemment atteint 100 $ US le baril. La hausse des prix de l’essence pourrait-elle inciter un plus grand nombre de Canadiens à délaisser l’essence pour l’électricité beaucoup plus rapidement que prévu?
Je pense qu’en temps normal, oui, c’est probablement une thèse valable. Ce que nous constatons actuellement, c’est qu’en plus de certaines des conséquences de la reprise plus lente de la production de semi-conducteurs, la situation a durement touché le secteur des véhicules électriques de façon disproportionnée. Les véhicules électriques représentent une grande demande en semi-conducteurs. Ils ont deux fois plus de semi-conducteurs qu’un modèle à essence comparable. Le déploiement des modèles a donc été beaucoup plus lent cette année.
Soit dit en passant, on dit aux clients que le temps d’attente varie de six mois à un an. Selon moi, c’est sûrement un facteur qui influencerait les décisions des consommateurs, du moins à court terme. Nous avons déjà parlé d’autres problèmes, comme la hausse des prix de base et l’anxiété.
Pour le budget fédéral, nous avons vu des annonces assez importantes sur les deux fronts. Le gouvernement fédéral a donc bonifié le programme de remboursement existant en injectant 1,7 G$ de plus au cours des cinq prochaines années. Ils ont également élargi l’admissibilité pour inclure les véhicules d’occasion, les VCR et les VUS.
Certains pensent également que le plafond sera relevé pour lequel les remboursements s’appliquent, puis qu’ils vont effectuer d’importants investissements dans les infrastructures au cours des prochaines années. Une affectation de plus de 900 millions $ sera effectuée d’ici la fin de 2026, ce qui pourrait multiplier l’infrastructure de recharge par plus de cinq aujourd’hui. Alors, nous allons dans la bonne direction. À mesure que certaines de ces contraintes d’approvisionnement commenceront à s’assouplir, je pense que nous assisterons certainement à une accélération et à une adoption des véhicules électriques au cours des prochaines années.
Selon vous, quelle direction prendra le secteur canadien de l’automobile au cours des 12 prochains mois?
À l’heure actuelle, nous prévoyons des ventes d’environ 1,7 million d’unités pour cette année. Par rapport à l’an dernier, nous sommes essentiellement à égalité. Ensuite, dans la mesure où certaines de ces contraintes d’approvisionnement peuvent être assouplies l’an prochain, nous attendons une reprise des ventes pour revenir à un niveau d’environ 1,9 million d’unités, ce qui, selon nous, est plus conforme à la tendance sous-jacente. Mais, encore une fois, de nombreux facteurs doivent entrer en ligne de compte. Nous surveillerons certainement le marché dans les mois à venir.
Thomas, merci beaucoup de votre présence aujourd’hui.
Merci.
[MUSIQUE]
Thomas, parlons tout d’abord de vos impressions du dernier budget fédéral, puis de vos perspectives sur le secteur automobile canadien et le marché des véhicules électriques.
Dans le dernier budget fédéral, on a annoncé environ 60 G$ en nouvelles dépenses nettes. De ce montant, 12 G$ ont été investis dans des initiatives liées au climat. De ce nombre, un tiers sera consacré à l’accélération importante de l’extraction de certains minéraux essentiels, comme le lithium, le nickel et le cobalt, entre autres, qui sont des minéraux directs utilisés dans la production de batteries au lithium-ion, qui sont la principale source de batteries utilisées dans les véhicules électriques à l’heure actuelle.
Dans le même ordre d’idées, un certain nombre de coentreprises ont été annoncées récemment au Canada en ce qui concerne la fabrication de batteries pour le secteur des véhicules électriques. Quelle est l’importance de ces opérations pour le Canada?
Assez importante. Cela montre que les investisseurs mondiaux se tournent vers le Canada et se rendent compte que nous sommes la pierre angulaire de la fabrication de cellules en Amérique du Nord dans les années à venir, compte tenu de notre main-d’œuvre qualifiée et de l’abondance des ressources naturelles. L’autre chose qu’il ne faut pas oublier, c’est qu’une fois que la fabrication de cellules sera bien établie, nous verrons probablement d’autres fournisseurs de composants, des fabricants également, venir au Canada, principalement parce qu’ils veulent être proches de leurs clients. Cela témoigne de l’avenir prometteur du Canada pour ce qui est d’établir une chaîne d’approvisionnement de bout en bout pour la fabrication de batteries.
Nous devons certainement parler de l’impact du conflit entre l’Ukraine et la Russie sur l’offre de minéraux essentiels. Pouvez-vous nous en parler un peu, en particulier en ce qui concerne le nickel, le lithium et le palladium? Quel impact ce conflit a-t-il eu sur la production mondiale d’automobiles?
Oui. Ce qui nous préoccupe le plus en ce moment, ce sont les répercussions sur le néon sous forme gazeuse. L’Ukraine est en fait un énorme producteur de ce gaz; elle produit près de 50 % de la production mondiale sur une base annuelle. 75 % de cette somme est investie directement dans la fabrication des plaquettes de semi-conducteurs. La production de semi-conducteurs risque donc d’être fortement touchée.
Ce qui est intéressant, c’est que les producteurs de semi-conducteurs ont jusqu’à présent assez rapidement minimisé ce risque, en invoquant à la fois des chaînes d’approvisionnement bien diversifiées et des réserves stratégiques de néon gazeux, qui pourraient durer de trois mois à un an. Ils disent donc être assez à l’abri en ce moment. À notre avis, les chaînes d’approvisionnement se sont grandement détériorées durant la dernière année.
De toute évidence, nous savons que la production de semi-conducteurs est bien en retard par rapport à ce qui était prévu. Un important arriéré d’ordres s’est accumulé. Et maintenant, on ajoute à cela le risque supplémentaire. Par conséquent, lorsqu’il est question de la production d’automobiles à l’échelle mondiale, cela soulève certainement un risque de baisse. Nous avons donc réduit nos prévisions en conséquence.
Maintenant, j’aimerais revenir à ce qui se passe plus près de nous. Parlons un peu du secteur canadien de l’automobile. Je sais que vous avez récemment publié un rapport dans lequel vous avez révisé à la baisse vos perspectives de production et de ventes d’automobiles. Qu’est-ce qui a motivé cette décision?
Le conflit en Russie et en Ukraine a certainement joué un rôle dans la production de semi-conducteurs et dans la façon dont cela se traduira dans la production d’automobiles. De plus, comme nous le voyons en ce moment en Chine avec certains des plus récents confinements, nous avons observé une hausse des cas de COVID. Le gouvernement semble tenir mordicus à maintenir cette politique de zéro COVID. Comme je l’ai dit, cela a entraîné des mesures de confinement à Hong Kong, à Shenzhen et, plus récemment, à Shanghai. Ce sont tous des centres de fabrication importants, du point de vue de l’électronique et de la fabrication de machinerie. Il est donc probable que les répercussions touchent les chaînes d’approvisionnement mondiales.
Compte tenu du ralentissement attendu de la reprise de la production de semi-conducteurs, nous avons révisé à la baisse nos perspectives pour l’automobile en Amérique du Nord pour les deux prochaines années. Nous avons ramené nos prévisions à 15 millions d’unités cette année, ce qui représente une amélioration par rapport aux dernières années, mais certainement moins que ce à quoi nous nous attendions. En 2023, si certains de ces problèmes de production commencent à s’atténuer durant la deuxième moitié de l’année prochaine, la production pourrait atteindre un niveau qui serait plus semblable à celui de 2019, soit environ 16,3 millions. Mais lorsque l’on examine l’équilibre des risques à l’heure actuelle, les choses vont à la baisse.
Bien sûr, on ne peut pas parler de voitures sans parler du pétrole, et du prix du pétrole, qui, comme nous le savons, a récemment atteint 100 $ US le baril. La hausse des prix de l’essence pourrait-elle inciter un plus grand nombre de Canadiens à délaisser l’essence pour l’électricité beaucoup plus rapidement que prévu?
Je pense qu’en temps normal, oui, c’est probablement une thèse valable. Ce que nous constatons actuellement, c’est qu’en plus de certaines des conséquences de la reprise plus lente de la production de semi-conducteurs, la situation a durement touché le secteur des véhicules électriques de façon disproportionnée. Les véhicules électriques représentent une grande demande en semi-conducteurs. Ils ont deux fois plus de semi-conducteurs qu’un modèle à essence comparable. Le déploiement des modèles a donc été beaucoup plus lent cette année.
Soit dit en passant, on dit aux clients que le temps d’attente varie de six mois à un an. Selon moi, c’est sûrement un facteur qui influencerait les décisions des consommateurs, du moins à court terme. Nous avons déjà parlé d’autres problèmes, comme la hausse des prix de base et l’anxiété.
Pour le budget fédéral, nous avons vu des annonces assez importantes sur les deux fronts. Le gouvernement fédéral a donc bonifié le programme de remboursement existant en injectant 1,7 G$ de plus au cours des cinq prochaines années. Ils ont également élargi l’admissibilité pour inclure les véhicules d’occasion, les VCR et les VUS.
Certains pensent également que le plafond sera relevé pour lequel les remboursements s’appliquent, puis qu’ils vont effectuer d’importants investissements dans les infrastructures au cours des prochaines années. Une affectation de plus de 900 millions $ sera effectuée d’ici la fin de 2026, ce qui pourrait multiplier l’infrastructure de recharge par plus de cinq aujourd’hui. Alors, nous allons dans la bonne direction. À mesure que certaines de ces contraintes d’approvisionnement commenceront à s’assouplir, je pense que nous assisterons certainement à une accélération et à une adoption des véhicules électriques au cours des prochaines années.
Selon vous, quelle direction prendra le secteur canadien de l’automobile au cours des 12 prochains mois?
À l’heure actuelle, nous prévoyons des ventes d’environ 1,7 million d’unités pour cette année. Par rapport à l’an dernier, nous sommes essentiellement à égalité. Ensuite, dans la mesure où certaines de ces contraintes d’approvisionnement peuvent être assouplies l’an prochain, nous attendons une reprise des ventes pour revenir à un niveau d’environ 1,9 million d’unités, ce qui, selon nous, est plus conforme à la tendance sous-jacente. Mais, encore une fois, de nombreux facteurs doivent entrer en ligne de compte. Nous surveillerons certainement le marché dans les mois à venir.
Thomas, merci beaucoup de votre présence aujourd’hui.
Merci.
[MUSIQUE]