
Les marchés boursiers subissent des pressions depuis le début de l’année. Bien que cela puisse donner à penser que certaines actions sont sous-évaluées, Ben Gossack, gestionnaire de portefeuille, Gestion de Placements TD, affirme à Greg Bonnell que ce ne sont pas toutes les actions qui sont aussi bon marché qu’il n’y paraît.
[MUSIQUE]
En tant qu’investisseurs, nous savons que les marchés ont connu des difficultés jusqu’à présent cette année. L’indice S&P 500, bien sûr, vient d’entrer en territoire baissier. Selon notre invité d’aujourd’hui, même si de nombreuses actions peuvent sembler bon marché, elles sont quand même assez chères si on y regarde de plus près.
J’accueille Ben Gossack, gestionnaire de portefeuille à Gestion de Placements TD. Ben, c’est un plaisir de vous recevoir. C’est curieux... et on va commencer par ça, parce que si on regarde le repli et l’ampleur de ce qu’on a vécu en tant qu’investisseurs cette année, certains pourraient avoir tort de penser que les actions sont bon marché. Quels sont les signaux d’avertissement ici?
Oui, merci de m’avoir invité. Et je sais que c’est une journée merveilleuse aujourd’hui, et je ne veux pas gâcher la fête. Mais d’importantes corrections ont été apportées à l’indice S&P 500 et au NASDAQ. On parle de baisses de 25 % et de 35 %, et pour bien des gens, selon ces indices, leurs actions ont chuté de 50 %, 60 % ou 70 %. On dit toujours que c’est un secteur étrange, parce que tout le reste... si on voit un article qu’on aime, une voiture ou un t-shirt, ou quelque chose en baisse de 50 %, on l’achète automatiquement.
Pourtant, dans notre secteur, où les a{ plus importante?
Et ce que je dis, c’est que les cours boursiers ont baissé, et que les prévisions de bénéfices sont restées à la hausse ou ont augmenté légèrement. Ça donne l’impression que le marché boursier est bon marché. Ce que je dis, c’est que c’est important de comprendre pourquoi ça se présente ainsi. Les prévisions de bénéfices effectuées par le marché ne sont pas exactes.
Selon vous, quelle est la dynamique sous-jacente? Les entreprises restent-elles sur leurs positions? Voient-elles vraiment une amélioration à venir? Parce que, comme vous l’avez dit, les risques ne manquent pas. Une des principales raisons pour lesquelles on observe un repli, c’est qu’on craint une ère de politiques, où les banques centrales effectueraient un resserrement un peu trop musclé et augmenteraient les taux d’intérêt de façon plus marquée, ce qui nous plongerait dans une récession.
Comme ça a été le cas en février 2020, quand un nouveau virus est apparu, qu’est-ce que ça a signifié? Les gouvernements veulent nous confiner. Qu’est-ce que ça signifie pour les entreprises? Quelles sont les entreprises qui peuvent survivre? Ce dont on se rappelle le plus aujourd’hui, c’est : « un atterrissage en douceur est-il possible? L’atterrissage sera-t-il brutal? Y aura-t-il une récession? Les consommateurs peuvent-ils tenir le coup? » Je pense que ça soulève beaucoup de questions quant à la voie à suivre. Ceci dit, les prévisions de bénéfices n’ont pas diminué, et c’est parce que les équipes de direction... je pense qu’elles résistent, en quelque sorte, en espérant que les choses vont s’améliorer. C’est en juillet qu’on va voir ça, quand on va connaître les bénéfices pour le deuxième trimestre.
On en a déjà eu un aperçu. Microsoft a déclaré qu’elle vendait beaucoup de logiciels à l’extérieur des États-Unis et que le dollar américain était très vigoureux, ce qui signifie que ses bénéfices à l’étranger sont de moins en moins élevés. On a besoin d’orientations. On l’a vu avec Adobe la semaine dernière.
L’effet se fait donc progressivement sentir. Mais ce qui est préoccupant, c’est que les prévisions des analystes pour un titre donné, la variabilité des bénéfices... l’écart entre les prévisions les plus faibles et les plus élevées est très serré. Et donc, sans dispersion, tout le monde pense de la même façon, et on veut que les prévisions des gens soient différentes.
Pour vous donner un exemple, l’indice S&P 500, probablement au cours des 12 prochains mois, va se négocier environ 15 fois les bénéfices prévisionnels. C’est essentiellement une juste valeur, si on regarde en arrière, dans les années 1970. Mais ces chiffres-là vont commencer à diminuer. La question à laquelle on essaie tous de répondre, c’est de savoir combien de facteurs ont déjà été pris en compte dans ces titres-là... est-ce que c’est un léger ralentissement ou y a-t-il encore plus à venir?
Pendant la pandémie, bien sûr, avec la remontée des actions... vous connaissez tous les acronymes, n’est-ce pas? Le slogan TINA, There is no alternative, Il n’y pas de solution de rechange, en français. Étant donné l’évolution de la situation et du contexte, y a-t-il des solutions de rechange maintenant?
Oui.
Il y a une solution de rechange. Disons qu’avant la pandémie, les taux d’intérêt étaient de 3 % aux États-Unis. Même à l’époque, on se disait que ce n’était pas suffisant, qu’on avait besoin d’un taux plus élevé. Ce taux est ensuite presque descendu à zéro. Et oui, dans ce contexte-là, il n’y avait pas vraiment de solution de rechange. Et je pense que c’est pourquoi beaucoup d’actions ont grimpé en flèche. Mais maintenant que les obligations d’État américaines dépassent 3 %, beaucoup d’actions semblent très chères par rapport à ces obligations. Alors oui, il y a une nouvelle solution de rechange, et ce sont les titres du Trésor américain.
Dans certains cas, il pourrait s’agir d’obligations de sociétés américaines. Et je pense que c’est pourquoi beaucoup d’actions... on a vu une baisse de 50 %, 60 % et 70 %, parce qu’elles sont devenues trop chères, non pas parce que ces entreprises n’avaient pas un bon plan d’affaires ou qu’elles n’acquéraient pas de nouvelles affaires. Un grand nombre de ces entreprises-là continuent de croître, soit une augmentation du chiffre d’affaires de 10 %, 15 % ou 20 %. Elles ont d’excellentes équipes de direction. C’est simplement qu’il y a maintenant un facteur d’actualisation.
Il n’y a donc pas eu de valeur temps de l’argent au cours des trois dernières années. Donc un dollar aujourd’hui audrait 1 $ dans 10 ans. Aujourd’hui, 1 $ vaut certainement plus que 1 $ il y a 10 ans. Maintenant qu’on a réduit ça, je pense que bien des gens sur le marché ont oublié et négligé ça.
J’ai travaillé dans ce milieu-là. Si on a une perspective baissière, si on veut profiter des baisses sur les marchés, c’est facile de trouver des gens qui sont d’accord avec ce point de vue-là. Est-ce que c’est exagérément fataliste?
Quand on pense aux problèmes en cours en Europe, comment peut-on éviter une récession? On regarde la chaîne d’approvisionnement et les problèmes en Chine, et on se demande pendant combien de temps cette politique de zéro COVID va pouvoir durer? Parce que ça a seulement un impact sur les chaînes d’approvisionnement et ça fait augmenter le coût de toutes sortes d’intrants. Mais si les gens se Quand on pense à la Fed, aux banques centrales du monde entier qui tentent de contrer l’inflation, on peut se demander si une hausse des taux d’intérêt permettrait d’extraire davantage de pétrole du sol, de rendre le lait moins cher, et à quel prix? Et si on réduisait cette inflation? Est-ce que ça va entraîner des pertes d’emplois? Est-ce que les gens vont arrêter de dépenser? Et tout ça crée toute cette incertitude-là.
Mais pour revenir à ce que vous disiez, je suis d’avis qu’il s’agit d’un consensus. On le voit dans les sondages auprès des investisseurs. On le voit dans la façon dont les gens négocient les contrats d’options. Et donc on se rend compte que c’est facile d’avoir une perspective baissière, mais je dirais que le sentiment de pessimisme, c’est un consensus. Et donc ce qu’on essaie de faire maintenant, c’est de chercher des occasions et de se demander si on a développé cette perspective baissière... y a-t-il des choses à acheter, des occasions, des choses qui ont fait l’objet d’une survente? Encore une fois, pour en revenir au fait qu’on achète des titres de très grande qualité, on cherche toujours des occasions d’acheter des titres de sociétés de qualité à des bas prix.
Mais si les gens se sentent très négatifs et inquiets... oui, beaucoup de gens ressentent ça aussi. On n’a donc pas de boule de cristal qui pourrait nous faire voir les choses différemment des autres participants au marché.
Ça ressemble beaucoup à l’expression qui nous dit « d’ouvrir l’œil ». Quand tout était en hausse, c’était facile de faire de l’argent, non? On n’avait qu’à acheter un indice. Mais maintenant, on dirait que c’est vraiment le moment où on doit faire ses devoirs.
Absolument. Parce qu’il se passe tellement de choses. On pourrait dire, par exemple, que le cours d’une action a reculé de 60 %. OK, on va atteindre le niveau élevé d’avant. Je pense qu’on se pose beaucoup de questions quant à savoir si c’est possible. Et plus précisément, il y a des entreprises comme ça dans le secteur des technologies. Et il y a des occasions de voir une reprise dans certains secteurs, et si certains secteurs de l’économie vont être touchés par rapport à d’autres.
Alors oui, on doit mettre nos lunettes et ouvrir l’œil. Il y a toujours des occasions sur le marché. Cela dit, mon principal message, c’est que... vous allez entendre beaucoup de gens dire que les prix et les évaluations sont bon marché.
Ce que je veux dire, c’est qu’ils semblent bon marché parce qu’on n’a pas réduit les estimations. Commencez à regarder les estimations baisser.
En fait, ce que j’ai vraiment hâte de voir...
il y a eu de mauvaises nouvelles et les cours boursiers baissent.
Ce qu’il faut surtout comprendre, c’est qu’il y aura toujours de mauvaises nouvelles, et que les cours boursiers peuvent stagner ou se redresser. On n’en est pas encore là, mais ça en dit long. C’est quelque chose que je surveillerais, une étape importante qui nous permettrait de dire qu’on a commencé à absorber une grande partie de cette négativité-là. On n’en est pas encore là, mais c’est le genre d’éléments que je surveillerais.
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