La Banque du Canada a fortement relevé ses taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation. Andrew Kelvin, stratège en chef, Canada à Valeurs Mobilières TD, explique à Greg Bonnell pourquoi il pense que les taux pourraient augmenter davantage que prévu.
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[MUSIQUE]
La lutte contre l’inflation reste la priorité absolue de la Banque du Canada aujourd’hui. Et la hausse des prix montrant très peu de signes de ralentissement, la Banque centrale a clairement indiqué qu’elle ferait tout ce qu’il faut pour y parvenir. Mon prochain invité dit que ça pourrait inclure une hausse des taux d’intérêt jusqu’à 4 %. C’est plus que les prévisions précédentes.
Andrew Kelvin, stratège en chef, Canada à Valeurs Mobilières TD. Andrew, c’est un plaisir de vous avoir avec nous aujourd’hui. Vous avez des nouvelles sur ce qu’on appelle le taux final, jusqu’où cette banque doit aller pour que l’objectif soit atteint.
Merci de me recevoir. Lors de la dernière réunion, le 7 septembre, les prévisions de la Banque du Canada étaient très, très ouvertes, mais le ton était clairement ferme. Cela signifie, selon moi du moins, que la Banque du Canada n’a pas nécessairement une idée précise de la tournure finale de ce cycle. Ou, si elle en a une, elle ne veut pas la partager, parce qu’elle veut garder toutes ses options ouvertes.
En quelque sorte, si elle vous dit qu’elle n’est pas certaine que le cycle est sur le point de s’achever ou non, ça implique le risque d’un point final beaucoup plus élevé pour les hausses de taux. Nous avions envisagé que la banque termine son cycle de resserrement à 3,5 %. Il nous semble maintenant que 4 % est probablement un niveau plus probable. Et je pense que, de façon réaliste, on peut envisager un taux de 3,5 % jusqu’à 4,5 % ou 4,75 % comme un point final plausible pour la Banque du Canada, bien que tout taux supérieur à 4 % serait assez agressif étant donné la situation de l’économie canadienne.
Parlons de la situation de l’économie canadienne, car évidemment, avec la dernière hausse de taux, on est entré, selon ses indicateurs, en territoire plus restrictif, où on devrait commencer à voir certaines personnes se retirer en raison des coûts d’emprunt aussi élevés et peut-être une incidence sur l’économie. Je vais donc aller beaucoup plus loin. Qu’est-ce que ça nous dit sur l’inflation? Qu’est-ce que ça nous dit sur la situation de l’économie canadienne?
L’inflation reste donc la priorité absolue de la Banque du Canada, comme vous l’avez dit. Le travail de la Banque du Canada est de faire baisser l’inflation, et elle a sous-estimé la force de l’inflation depuis plusieurs années. Elle a sous-estimé la force de l’économie après la pandémie. Si on remonte au début de l’année, la Banque craignait que les vagues persistantes de COVID entraînent un premier trimestre plus lent, et ça ne s’est pas produit.
En plus d’une croissance plus forte que prévu, nous avons des problèmes de chaîne d’approvisionnement pendant plus longtemps que prévu. La Banque du Canada s’attendait à ce que ces problèmes se résorbent d’eux-mêmes. Ces décisions étaient très difficiles à prendre sur le moment, Mais le fait est que l’inflation est élevée depuis un certain temps. Elle commence à se répercuter sur les attentes d’inflation à long terme.
C’est du moins ce qu’on craint, car je suis sûr que la plupart des gens, quand on leur parle dans la rue, ont l’impression que l’inflation est très élevée. Et si les gens croient que l’inflation restera élevée pendant une longue période, ça rend le travail de la Banque du Canada beaucoup plus difficile. Ce qu’elle a fait, c’est passer en territoire plus restrictif assez rapidement.
On a eu un resserrement de 175 points de base en deux réunions, ce qui est une chose extraordinairement rare pour une banque centrale. Il est peu probable qu’elle aille un peu plus loin dans ce cycle juste pour s’assurer que le travail est fait, pour vraiment s’assurer d’être capable de ramener l’inflation à l’objectif, malgré trois mois de pertes d’emplois.
L’économie montre des signes de ralentissement. Normalement, la Banque du Canada doit constater ces signes de ralentissement, et faire une pause. Et dans un cycle plus normal, je pourrais examiner les chiffres de croissance. Je pourrais regarder l’emploi et dire, OK, c’est le sommet. Mais comme la Banque du Canada était en retard au début de l’année, et à la fin de l’année dernière, elle doit maintenant aller un peu plus loin pour maîtriser l’inflation.
Et les taux, de combien doivent-ils augmenter? Vous avez une illustration? Un graphique? On va l’afficher à l’écran et on va l’expliquer. Qu’est-ce que ça nous dit?
ANDREW KELVIN : Ce que j’ai fait ici… Je crois qu’il y a deux points à considérer. La barre plus sombre représente les attentes du marché quant à la direction que la Banque du Canada prendra. Et vous pouvez voir ce que le marché attend vraiment en points de base, donc 48 points de base. Le marché a pleinement pris en compte une variation de 50 points de base en septembre.
Là où je diffère un peu – et c’est autant un outil rhétorique qu’autre chose. Je pense que maintenant que les taux d’intérêt sont assez élevés par rapport à ce que nous avons connu au cours des 15 dernières années. Et comme l’économie ne ressemble pas à ce qu’elle était en 2004-2005… l’économie affiche un effet de levier nettement plus important, elle sera plus sensible aux hausses de taux d’intérêt. Je pense qu’il serait avisé que la Banque du Canada se rapproche un peu plus prudemment de cette cible de 4 %, pour qu’en cas de conséquences imprévues aux hausses de taux, elle n’ait pas à serrer la vis dans une mesure qu’elle ne souhaiterait pas.
L’autre point que je voulais soulever au sujet de ce graphique…
GREG BONNELL : Oui, parce que vous allez plus loin, et je crois que je vois des prévisions de baisse.
ANDREW KELVIN : C’est exactement ça. Le fait que la Banque procède à un tel resserrement pour maîtriser les attentes en termes d’inflation, si elle y parvient, ce qui, selon moi, devrait être le cas, et si nous allons… disons jusqu’au 3e trimestre de l’année prochaine, car c’est ce moment-là que nous avons prévu, elle envisage peut-être une économie où le taux de chômage a augmenté d’un point de pourcentage ou peut-être plus, une économie où l’inflation a diminué, parce que nous pensons que l’inflation a atteint un sommet, et une économie où les attentes en matière d’inflation sont de nouveau bien ancrées.
Elle pourrait se demander s’il est vraiment nécessaire d’atteindre 4 %, ce qui représente un taux directeur fortement restrictif. La Banque du Canada aura la possibilité au cours du deuxième semestre de l’année prochaine de commencer à lever une partie du resserrement mis en place. Ce sera un processus plus graduel. Il ne sera pas symétrique. Selon nous, il n’y aura pas de réduction de 100 ou 75 points de base par réunion.
Nous pourrions voir un assouplissement graduel au 2e semestre de l’année prochaine, ce qui nous amènerait à quelque chose d’un peu plus normal, espérons-le, d’ici la fin de 2024.
Bien sûr, la Banque du Canada n’agit pas de façon isolée. Les banques centrales du monde entier, à l’exception de la Chine, sont également sur cette voie. À quel moment le Canada pourrait-il s’écarter des États-Unis? La dynamique est-elle assez différente pour que la Fed continue, mais que la BdC réalise qu’on est allés aussi loin que possible compte tenu de nos conditions économiques? Je pense à la dette.
C’est un très bon point. Je dirais que, de façon isolée, si vous mettez la Réserve fédérale face aux mêmes défis que la Banque du Canada, il y a plus de possibilités de resserrement pour la Réserve fédérale. Et ça nous ramène au problème de l’endettement des ménages. Au cours de toute la période qui a suivi la crise financière, les ménages canadiens ont continué à s’endetter, s’endetter, s’endetter.
Après la crise de 2009, les ménages américains ont entamé un processus de désendettement. Par conséquent, les ménages canadiens ont un effet de levier 80 % plus élevé, mesuré par le ratio dette/revenu, que celui des ménages américains, ce qui devrait rendre chaque hausse de taux au Canada plus impactante qu’une hausse de taux aux États-Unis. Dans cette optique, je pense que la Fed pourrait resserrer davantage ses taux que la Banque du Canada.
Nous pensons que la Réserve fédérale pourrait aller jusqu’à 4,5 % comme limite supérieure, tandis que nous pensons que la Banque du Canadas’arrêtera à 4 %. Cela dit, la Banque du Canada ne peut pas trop s’éloigner de la Fed. Le dernier cycle de la Banque du Canada a terminé à 75 points de base plus bas que la Fed. Au fil du temps, ces deux banques centrales ont tendance à évoluer de concert.
Et si la Banque du Canada prenait trop de retard sur la Fed au cours du présent cycle, ça aurait des répercussions sur la devise. La devise se déprécierait. Ça aurait des répercussions inflationnistes à court terme, ce que la Banque du Canada ne souhaite pas particulièrement. Ce n’est donc c’est sa principale priorité. Ce n’est pas non plus sa deuxième priorité. Mais cela a une incidence sur la marge.
Et je pense qu’il y a aussi un certain sens, étant donné que le Canada et les États-Unis subissent les mêmes chocs, ce sont des chocs de demande. Si la Fed prend trop d’avance sur la Banque du Canada, on se demandera si la Banque du Canada prend les choses au sérieux, ce qui nous ramène à la question de la crédibilité. La Banque du Canada n’est pas en position de décevoir les marchés, et elle n’est en mesure de susciter des questions sur son engagement.
Les banques centrales, dont la nôtre, n’essaient pas de rompre quelque chose. C’est ce qu’on entend. Elles vont continuer à resserrer leur politique jusqu’à ce que quelque chose rompe. Peuvent-elles éviter ça maintenant? C’est un peu le but. Comme on l’a dit, on ne peut pas régler les problèmes de chaîne d’approvisionnement ou autres en raison de la hausse des taux, mais nous pouvons certainement réduire la demande.
Oui. L’idée est de ralentir la croissance. C’est délicat pour une banque centrale de dire… c’est extraordinairement difficile pour une banque centrale de dire, ce que nous aimerions faire, c’est augmenter le taux de chômage. Sur le plan politique, ce n’est pas une chose qu’un décideur peut faire. C’est ainsi que le resserrement de la politique monétaire fonctionne à un certain niveau.
Ce qu’elles aimeraient faire, c’est organiser ce qu’on appelle un atterrissage en douceur. Il n’y a pas de définition technique d’un atterrissage en douceur. On pourrait débattre toute la journée de ce que ça signifie. Ce n’est pas un débat particulièrement utile. Mais c’est un peu la voie médiane dans laquelle elles aimeraient s’engager. Le problème est que, parce qu’elles ont pris du retard, comme au début de l’année et qu’elles essaient maintenant de compenser par des hausses massives de 75 à 100 points de base, le risque d’un dépassement est encore plus grand parce que la politique monétaire fonctionne avec un décalage.
Les taux n’augmentent pas un jour et l’inflation baisse le lendemain. Il faut un an, un an et demi pour que les effets se fassent pleinement sentir. Étant donné qu’elles se concentrent sur la maîtrise de l’inflation, étant donné qu’elles sont probablement prêtes à procéder à un resserrement excessif, je pense qu’un atterrissage en douceur est possible, quelle qu’en soit la définition. Ça devient simplement beaucoup, beaucoup, beaucoup plus difficile à réaliser quand il faut procéder à des hausses de taux aussi rapides.
C’est pourquoi je répète qu’à mon avis, la chose la plus prudente à faire est de procéder à un ralentissement du resserrement à un rythme plus mesuré.
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La lutte contre l’inflation reste la priorité absolue de la Banque du Canada aujourd’hui. Et la hausse des prix montrant très peu de signes de ralentissement, la Banque centrale a clairement indiqué qu’elle ferait tout ce qu’il faut pour y parvenir. Mon prochain invité dit que ça pourrait inclure une hausse des taux d’intérêt jusqu’à 4 %. C’est plus que les prévisions précédentes.
Andrew Kelvin, stratège en chef, Canada à Valeurs Mobilières TD. Andrew, c’est un plaisir de vous avoir avec nous aujourd’hui. Vous avez des nouvelles sur ce qu’on appelle le taux final, jusqu’où cette banque doit aller pour que l’objectif soit atteint.
Merci de me recevoir. Lors de la dernière réunion, le 7 septembre, les prévisions de la Banque du Canada étaient très, très ouvertes, mais le ton était clairement ferme. Cela signifie, selon moi du moins, que la Banque du Canada n’a pas nécessairement une idée précise de la tournure finale de ce cycle. Ou, si elle en a une, elle ne veut pas la partager, parce qu’elle veut garder toutes ses options ouvertes.
En quelque sorte, si elle vous dit qu’elle n’est pas certaine que le cycle est sur le point de s’achever ou non, ça implique le risque d’un point final beaucoup plus élevé pour les hausses de taux. Nous avions envisagé que la banque termine son cycle de resserrement à 3,5 %. Il nous semble maintenant que 4 % est probablement un niveau plus probable. Et je pense que, de façon réaliste, on peut envisager un taux de 3,5 % jusqu’à 4,5 % ou 4,75 % comme un point final plausible pour la Banque du Canada, bien que tout taux supérieur à 4 % serait assez agressif étant donné la situation de l’économie canadienne.
Parlons de la situation de l’économie canadienne, car évidemment, avec la dernière hausse de taux, on est entré, selon ses indicateurs, en territoire plus restrictif, où on devrait commencer à voir certaines personnes se retirer en raison des coûts d’emprunt aussi élevés et peut-être une incidence sur l’économie. Je vais donc aller beaucoup plus loin. Qu’est-ce que ça nous dit sur l’inflation? Qu’est-ce que ça nous dit sur la situation de l’économie canadienne?
L’inflation reste donc la priorité absolue de la Banque du Canada, comme vous l’avez dit. Le travail de la Banque du Canada est de faire baisser l’inflation, et elle a sous-estimé la force de l’inflation depuis plusieurs années. Elle a sous-estimé la force de l’économie après la pandémie. Si on remonte au début de l’année, la Banque craignait que les vagues persistantes de COVID entraînent un premier trimestre plus lent, et ça ne s’est pas produit.
En plus d’une croissance plus forte que prévu, nous avons des problèmes de chaîne d’approvisionnement pendant plus longtemps que prévu. La Banque du Canada s’attendait à ce que ces problèmes se résorbent d’eux-mêmes. Ces décisions étaient très difficiles à prendre sur le moment, Mais le fait est que l’inflation est élevée depuis un certain temps. Elle commence à se répercuter sur les attentes d’inflation à long terme.
C’est du moins ce qu’on craint, car je suis sûr que la plupart des gens, quand on leur parle dans la rue, ont l’impression que l’inflation est très élevée. Et si les gens croient que l’inflation restera élevée pendant une longue période, ça rend le travail de la Banque du Canada beaucoup plus difficile. Ce qu’elle a fait, c’est passer en territoire plus restrictif assez rapidement.
On a eu un resserrement de 175 points de base en deux réunions, ce qui est une chose extraordinairement rare pour une banque centrale. Il est peu probable qu’elle aille un peu plus loin dans ce cycle juste pour s’assurer que le travail est fait, pour vraiment s’assurer d’être capable de ramener l’inflation à l’objectif, malgré trois mois de pertes d’emplois.
L’économie montre des signes de ralentissement. Normalement, la Banque du Canada doit constater ces signes de ralentissement, et faire une pause. Et dans un cycle plus normal, je pourrais examiner les chiffres de croissance. Je pourrais regarder l’emploi et dire, OK, c’est le sommet. Mais comme la Banque du Canada était en retard au début de l’année, et à la fin de l’année dernière, elle doit maintenant aller un peu plus loin pour maîtriser l’inflation.
Et les taux, de combien doivent-ils augmenter? Vous avez une illustration? Un graphique? On va l’afficher à l’écran et on va l’expliquer. Qu’est-ce que ça nous dit?
ANDREW KELVIN : Ce que j’ai fait ici… Je crois qu’il y a deux points à considérer. La barre plus sombre représente les attentes du marché quant à la direction que la Banque du Canada prendra. Et vous pouvez voir ce que le marché attend vraiment en points de base, donc 48 points de base. Le marché a pleinement pris en compte une variation de 50 points de base en septembre.
Là où je diffère un peu – et c’est autant un outil rhétorique qu’autre chose. Je pense que maintenant que les taux d’intérêt sont assez élevés par rapport à ce que nous avons connu au cours des 15 dernières années. Et comme l’économie ne ressemble pas à ce qu’elle était en 2004-2005… l’économie affiche un effet de levier nettement plus important, elle sera plus sensible aux hausses de taux d’intérêt. Je pense qu’il serait avisé que la Banque du Canada se rapproche un peu plus prudemment de cette cible de 4 %, pour qu’en cas de conséquences imprévues aux hausses de taux, elle n’ait pas à serrer la vis dans une mesure qu’elle ne souhaiterait pas.
L’autre point que je voulais soulever au sujet de ce graphique…
GREG BONNELL : Oui, parce que vous allez plus loin, et je crois que je vois des prévisions de baisse.
ANDREW KELVIN : C’est exactement ça. Le fait que la Banque procède à un tel resserrement pour maîtriser les attentes en termes d’inflation, si elle y parvient, ce qui, selon moi, devrait être le cas, et si nous allons… disons jusqu’au 3e trimestre de l’année prochaine, car c’est ce moment-là que nous avons prévu, elle envisage peut-être une économie où le taux de chômage a augmenté d’un point de pourcentage ou peut-être plus, une économie où l’inflation a diminué, parce que nous pensons que l’inflation a atteint un sommet, et une économie où les attentes en matière d’inflation sont de nouveau bien ancrées.
Elle pourrait se demander s’il est vraiment nécessaire d’atteindre 4 %, ce qui représente un taux directeur fortement restrictif. La Banque du Canada aura la possibilité au cours du deuxième semestre de l’année prochaine de commencer à lever une partie du resserrement mis en place. Ce sera un processus plus graduel. Il ne sera pas symétrique. Selon nous, il n’y aura pas de réduction de 100 ou 75 points de base par réunion.
Nous pourrions voir un assouplissement graduel au 2e semestre de l’année prochaine, ce qui nous amènerait à quelque chose d’un peu plus normal, espérons-le, d’ici la fin de 2024.
Bien sûr, la Banque du Canada n’agit pas de façon isolée. Les banques centrales du monde entier, à l’exception de la Chine, sont également sur cette voie. À quel moment le Canada pourrait-il s’écarter des États-Unis? La dynamique est-elle assez différente pour que la Fed continue, mais que la BdC réalise qu’on est allés aussi loin que possible compte tenu de nos conditions économiques? Je pense à la dette.
C’est un très bon point. Je dirais que, de façon isolée, si vous mettez la Réserve fédérale face aux mêmes défis que la Banque du Canada, il y a plus de possibilités de resserrement pour la Réserve fédérale. Et ça nous ramène au problème de l’endettement des ménages. Au cours de toute la période qui a suivi la crise financière, les ménages canadiens ont continué à s’endetter, s’endetter, s’endetter.
Après la crise de 2009, les ménages américains ont entamé un processus de désendettement. Par conséquent, les ménages canadiens ont un effet de levier 80 % plus élevé, mesuré par le ratio dette/revenu, que celui des ménages américains, ce qui devrait rendre chaque hausse de taux au Canada plus impactante qu’une hausse de taux aux États-Unis. Dans cette optique, je pense que la Fed pourrait resserrer davantage ses taux que la Banque du Canada.
Nous pensons que la Réserve fédérale pourrait aller jusqu’à 4,5 % comme limite supérieure, tandis que nous pensons que la Banque du Canadas’arrêtera à 4 %. Cela dit, la Banque du Canada ne peut pas trop s’éloigner de la Fed. Le dernier cycle de la Banque du Canada a terminé à 75 points de base plus bas que la Fed. Au fil du temps, ces deux banques centrales ont tendance à évoluer de concert.
Et si la Banque du Canada prenait trop de retard sur la Fed au cours du présent cycle, ça aurait des répercussions sur la devise. La devise se déprécierait. Ça aurait des répercussions inflationnistes à court terme, ce que la Banque du Canada ne souhaite pas particulièrement. Ce n’est donc c’est sa principale priorité. Ce n’est pas non plus sa deuxième priorité. Mais cela a une incidence sur la marge.
Et je pense qu’il y a aussi un certain sens, étant donné que le Canada et les États-Unis subissent les mêmes chocs, ce sont des chocs de demande. Si la Fed prend trop d’avance sur la Banque du Canada, on se demandera si la Banque du Canada prend les choses au sérieux, ce qui nous ramène à la question de la crédibilité. La Banque du Canada n’est pas en position de décevoir les marchés, et elle n’est en mesure de susciter des questions sur son engagement.
Les banques centrales, dont la nôtre, n’essaient pas de rompre quelque chose. C’est ce qu’on entend. Elles vont continuer à resserrer leur politique jusqu’à ce que quelque chose rompe. Peuvent-elles éviter ça maintenant? C’est un peu le but. Comme on l’a dit, on ne peut pas régler les problèmes de chaîne d’approvisionnement ou autres en raison de la hausse des taux, mais nous pouvons certainement réduire la demande.
Oui. L’idée est de ralentir la croissance. C’est délicat pour une banque centrale de dire… c’est extraordinairement difficile pour une banque centrale de dire, ce que nous aimerions faire, c’est augmenter le taux de chômage. Sur le plan politique, ce n’est pas une chose qu’un décideur peut faire. C’est ainsi que le resserrement de la politique monétaire fonctionne à un certain niveau.
Ce qu’elles aimeraient faire, c’est organiser ce qu’on appelle un atterrissage en douceur. Il n’y a pas de définition technique d’un atterrissage en douceur. On pourrait débattre toute la journée de ce que ça signifie. Ce n’est pas un débat particulièrement utile. Mais c’est un peu la voie médiane dans laquelle elles aimeraient s’engager. Le problème est que, parce qu’elles ont pris du retard, comme au début de l’année et qu’elles essaient maintenant de compenser par des hausses massives de 75 à 100 points de base, le risque d’un dépassement est encore plus grand parce que la politique monétaire fonctionne avec un décalage.
Les taux n’augmentent pas un jour et l’inflation baisse le lendemain. Il faut un an, un an et demi pour que les effets se fassent pleinement sentir. Étant donné qu’elles se concentrent sur la maîtrise de l’inflation, étant donné qu’elles sont probablement prêtes à procéder à un resserrement excessif, je pense qu’un atterrissage en douceur est possible, quelle qu’en soit la définition. Ça devient simplement beaucoup, beaucoup, beaucoup plus difficile à réaliser quand il faut procéder à des hausses de taux aussi rapides.
C’est pourquoi je répète qu’à mon avis, la chose la plus prudente à faire est de procéder à un ralentissement du resserrement à un rythme plus mesuré.
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