La Banque du Canada et la Réserve fédérale américaine estiment que le moment n’est pas encore propice à des réductions de taux. Hafiz Noordin, vice-président et directeur, Gestion active des portefeuilles de titres à revenu fixe, Gestion de Placements TD, explique à Greg Bonnell de MoneyTalk pourquoi cela pourrait changer au cours des prochains mois et les conséquences possibles pour les marchés.
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La Banque du Canada a maintenu les taux inchangés. Le gouverneur Tiff Macklem déclare qu'il est encore trop tôt pour envisager des réductions. Hafiz Noordin, de gestion de placements TD nous rejoint pour commenter. Bonjour, Hafiz. - Bonjour, Greg. - Alors c'est intéressant. Nous ne nous attendions pas à une décision sur les taux, mais c'était le discours tenu par la Banque qui nous intéressait. "Trop tôt", ces mots ont été prononcés. "Davantage de temps", "l'inflation persistante", voilà une Banque du Canada qui ne veut pas annoncer la couleur. Les marchés supposent que des coupures de taux s'en viennent et les banques centrales ne l'ont pas démenti. La question, c'est de savoir quand et dans quelle mesure. La Banque du Canada aujourd'hui, tout comme la Fed précédemment, a déclaré qu'elle privilégie la patience avant d'entamer ce cycle de coupures et ne veut pas se retrouver dans une situation où elle a réduit les taux trop tôt et où l'inflation reprend. Ce serait le pire résultat de son point de vue. Donc la banque centrale estime qu'elle peut s'en tenir à un taux directeur élevé. Elle a bien marqué qu'elle ne les relèverait plus. Nous en demeurons à 5%. Et on laisse les taux faire leur œuvre et on attend des éléments montrant que l'inflation redescend durablement vers 2%.
La Banque du Canada semble s'inquiéter de l'inflation sous-jacente
reconnaissant que l'inflation du logement est un élément important, mais il y a d'autres secteurs qui gênent la Banque et cette dernière estime qu'il y aura des hauts et des bas. Il semble que les coupures de taux sont de plus en plus différées, mais les marchés pensent qu'elles interviendront au mois de juin.
Oui, il y a l'inflation du logement mais l'une des préoccupations, pour la banque, c'est la croissance des salaires. Lorsque le marché du travail est très serré, le chômage n'augmente pas tellement depuis l'an dernier, cela engendre des inquiétudes face à l'idée que l'inflation de base persistera dans la zone des 3 à 4%. Si la croissance des salaires demeure également dans la zone des 4 à 5%, cela permettra plus difficilement de ramener l'inflation à 2%. Inversement, toutefois, à l'heure actuelle, les marchés prévoient 80% de probabilité de réduction de taux au mois de juin. C'est fondé sur l'idée que l'inflation peut encore diminuer suffisamment pour que ces coupures d'ajustement puissent entrer en vigueur. On passera de 5% à un peu moins de 5%. C'est toujours largement au-delà du niveau neutre et c'est toujours une politique monétaire restrictive, mais ces ajustements peuvent commencer.
Une fois que la banque commence à agir et si c'est au mois de juin, comme vous l'avez dit, nous sommes toujours à un niveau restrictif, est-ce qu'on pense qu'il aura des réductions à chaque réunion à partir de ce moment-là, peut-être pas énormes, mais pour ramener le taux à un niveau plus bas?
Oui, c'est là où les marchés se sont emballés en début d'année. On pensait essentiellement que les coupures de taux commenceraient à la fin du premier trimestre. Et pratiquement à chaque réunion par la suite. Compte tenu des données économiques assez résilientes qui ont récemment paru les perspectives de croissance demeurant fortes, le marché du travail demeurant bien portant, on pense que cette première coupure interviendra au mois de juin, qu'il y aura quelques coupures par la suite. Mais je pense qu'on a reconnu qu'il pourrait ne pas s'agir d'un cycle de coupures de taux très rapide à moins qu'il y ait un choc de croissance. Donc dans le scénario le plus probable, la croissance est légèrement supérieure à 0% et l'inflation reflue, il se pourrait qu'il y ait des pauses de temps à autre, afin que la banque puisse s'assurer que les coupures n'engendrent pas une relance de l'inflation, surtout sachant que le logement a déjà commencé à remonter légèrement. Je pense que c'est la principale préoccupation.
La réunion de la Fed n'a pas lieu aujourd'hui, mais Jerome Powell s'est exprimé devant le congrès et encore une fois, il a demandé davantage de temps, il a demandé de la patience. Je pense qu'il a répété ce qu'il avait déjà dit auparavant et les marchés n'ont pas été surpris.
Oui, c'est conforme aux autres interventions du gouverneur de la Fed récemment. Aux États-Unis, c'est particulièrement notable. La croissance à l'heure actuelle... est plutôt dans la zone de 3% de croissance du PIB, c'est au-delà du potentiel alors qu'au Canada, nous sommes plutôt entre 0 et 1%. Aux États-Unis, on verra où ressortent les chiffres de l'emploi, mais c'est un risque accru que la croissance des salaires persistera, voire même accélérera. Il est donc justifiable pour la Fed de prêcher la patience. Mais même avec un taux directeur de 5,5%, l'idée que certaines coupures d'ajustement pourraient commencer au mois de juin est raisonnable, car la dynamique de l'inflation a certainement réalisé un revirement depuis le mois de novembre et s'est reflété dans les cours du marché.
Avec l'économie américaine qui donne d'excellents résultats, malgré les taux à ce niveau-là, ne pourrait-on pas arguer que le taux neutre pour les États-Unis est beaucoup plus élevé qu'on le croit et peut-être que le taux actuel n'empêche pas l'économie de tourner à plein régime. Pourquoi réduire les taux alors?
Oui, c'est tout à fait pertinent. On voit déjà cette thèse reflétée dans les cours du marché où le taux terminal après la série de coupures ne se situe plus à 1 ou 2 ou 2,5%, c'est au-delà de 3%. Il y a encore des discussions sur les marchés quant aux résultats à escompter. La Fed elle-même déterminera à la fin du mois de mars, dans son graphique de points, quels sont ses pronostics. Mais on considère que le taux neutre est sans doute plus près de 3 ou 3,5%. Ceci signifierait que les rendements obligataires en général... il est beaucoup plus difficile de parvenir au niveau prépandémie où il y avait des taux inférieurs à 2%. La situation de la croissance est beaucoup plus positive, il y a beaucoup moins de sensibilité au taux d'intérêt aux États-Unis. Nous savons que les propriétaires de logements peuvent contracter des prêts hypothécaires jusqu'à 30 ans. Les entreprises ont également des dettes à long terme. La sensibilité aux taux d'intérêt n'est plus ce qu'elle était. C'est plus difficile au Canada où nous devons renouveler nos prêts hypothécaires tous les cinq ans. Il y a davantage de sensibilité à ce niveau-là. Il se pourrait qu'il y ait une divergence entre les deux économies.
Si l'on conjugue tous ces éléments, qu'est-ce que ça signifie pour le marché obligataire cette année?
Au début de l'année, on partait du principe qu'après une forte remontée des rendements obligataires... ...il y aurait... une fourchette assez serrée. Aujourd'hui le rendement des obligations canadiennes, le bon du Trésor à 10 ans se situe entre 3 et 3,7%. Il y a une augmentation de 20 à 25 points de base des rendements cette année qui reflète la croissance plus forte et ce qui entraîne un report des coupures de taux par rapport aux prévisions ambitieuses du début de l'année. Nous évoluons dans une fourchette limitée, car il est difficile de descendre en deçà de 3% pour les rendements à 10 ans au Canada, à moins qu'il n'y ait un choc de croissance et, inversement, il est difficile de se rapprocher, mettons, de 4%, comme ça a été le cas l'an dernier, lorsque l'inflation se comporte de façon rassurante. Ce que ça signifie pour les investisseurs dans les titres à revenu fixe, c'est que vous pouvez tirer un revenu décent avec une certaine volatilité, mais le revenu est véritablement le principal facteur des rendements dans l'avenir et c'est toujours assez attractif d'un point de vue historique.
La Banque du Canada semble s'inquiéter de l'inflation sous-jacente
reconnaissant que l'inflation du logement est un élément important, mais il y a d'autres secteurs qui gênent la Banque et cette dernière estime qu'il y aura des hauts et des bas. Il semble que les coupures de taux sont de plus en plus différées, mais les marchés pensent qu'elles interviendront au mois de juin.
Oui, il y a l'inflation du logement mais l'une des préoccupations, pour la banque, c'est la croissance des salaires. Lorsque le marché du travail est très serré, le chômage n'augmente pas tellement depuis l'an dernier, cela engendre des inquiétudes face à l'idée que l'inflation de base persistera dans la zone des 3 à 4%. Si la croissance des salaires demeure également dans la zone des 4 à 5%, cela permettra plus difficilement de ramener l'inflation à 2%. Inversement, toutefois, à l'heure actuelle, les marchés prévoient 80% de probabilité de réduction de taux au mois de juin. C'est fondé sur l'idée que l'inflation peut encore diminuer suffisamment pour que ces coupures d'ajustement puissent entrer en vigueur. On passera de 5% à un peu moins de 5%. C'est toujours largement au-delà du niveau neutre et c'est toujours une politique monétaire restrictive, mais ces ajustements peuvent commencer.
Une fois que la banque commence à agir et si c'est au mois de juin, comme vous l'avez dit, nous sommes toujours à un niveau restrictif, est-ce qu'on pense qu'il aura des réductions à chaque réunion à partir de ce moment-là, peut-être pas énormes, mais pour ramener le taux à un niveau plus bas?
Oui, c'est là où les marchés se sont emballés en début d'année. On pensait essentiellement que les coupures de taux commenceraient à la fin du premier trimestre. Et pratiquement à chaque réunion par la suite. Compte tenu des données économiques assez résilientes qui ont récemment paru les perspectives de croissance demeurant fortes, le marché du travail demeurant bien portant, on pense que cette première coupure interviendra au mois de juin, qu'il y aura quelques coupures par la suite. Mais je pense qu'on a reconnu qu'il pourrait ne pas s'agir d'un cycle de coupures de taux très rapide à moins qu'il y ait un choc de croissance. Donc dans le scénario le plus probable, la croissance est légèrement supérieure à 0% et l'inflation reflue, il se pourrait qu'il y ait des pauses de temps à autre, afin que la banque puisse s'assurer que les coupures n'engendrent pas une relance de l'inflation, surtout sachant que le logement a déjà commencé à remonter légèrement. Je pense que c'est la principale préoccupation.
La réunion de la Fed n'a pas lieu aujourd'hui, mais Jerome Powell s'est exprimé devant le congrès et encore une fois, il a demandé davantage de temps, il a demandé de la patience. Je pense qu'il a répété ce qu'il avait déjà dit auparavant et les marchés n'ont pas été surpris.
Oui, c'est conforme aux autres interventions du gouverneur de la Fed récemment. Aux États-Unis, c'est particulièrement notable. La croissance à l'heure actuelle... est plutôt dans la zone de 3% de croissance du PIB, c'est au-delà du potentiel alors qu'au Canada, nous sommes plutôt entre 0 et 1%. Aux États-Unis, on verra où ressortent les chiffres de l'emploi, mais c'est un risque accru que la croissance des salaires persistera, voire même accélérera. Il est donc justifiable pour la Fed de prêcher la patience. Mais même avec un taux directeur de 5,5%, l'idée que certaines coupures d'ajustement pourraient commencer au mois de juin est raisonnable, car la dynamique de l'inflation a certainement réalisé un revirement depuis le mois de novembre et s'est reflété dans les cours du marché.
Avec l'économie américaine qui donne d'excellents résultats, malgré les taux à ce niveau-là, ne pourrait-on pas arguer que le taux neutre pour les États-Unis est beaucoup plus élevé qu'on le croit et peut-être que le taux actuel n'empêche pas l'économie de tourner à plein régime. Pourquoi réduire les taux alors?
Oui, c'est tout à fait pertinent. On voit déjà cette thèse reflétée dans les cours du marché où le taux terminal après la série de coupures ne se situe plus à 1 ou 2 ou 2,5%, c'est au-delà de 3%. Il y a encore des discussions sur les marchés quant aux résultats à escompter. La Fed elle-même déterminera à la fin du mois de mars, dans son graphique de points, quels sont ses pronostics. Mais on considère que le taux neutre est sans doute plus près de 3 ou 3,5%. Ceci signifierait que les rendements obligataires en général... il est beaucoup plus difficile de parvenir au niveau prépandémie où il y avait des taux inférieurs à 2%. La situation de la croissance est beaucoup plus positive, il y a beaucoup moins de sensibilité au taux d'intérêt aux États-Unis. Nous savons que les propriétaires de logements peuvent contracter des prêts hypothécaires jusqu'à 30 ans. Les entreprises ont également des dettes à long terme. La sensibilité aux taux d'intérêt n'est plus ce qu'elle était. C'est plus difficile au Canada où nous devons renouveler nos prêts hypothécaires tous les cinq ans. Il y a davantage de sensibilité à ce niveau-là. Il se pourrait qu'il y ait une divergence entre les deux économies.
Si l'on conjugue tous ces éléments, qu'est-ce que ça signifie pour le marché obligataire cette année?
Au début de l'année, on partait du principe qu'après une forte remontée des rendements obligataires... ...il y aurait... une fourchette assez serrée. Aujourd'hui le rendement des obligations canadiennes, le bon du Trésor à 10 ans se situe entre 3 et 3,7%. Il y a une augmentation de 20 à 25 points de base des rendements cette année qui reflète la croissance plus forte et ce qui entraîne un report des coupures de taux par rapport aux prévisions ambitieuses du début de l'année. Nous évoluons dans une fourchette limitée, car il est difficile de descendre en deçà de 3% pour les rendements à 10 ans au Canada, à moins qu'il n'y ait un choc de croissance et, inversement, il est difficile de se rapprocher, mettons, de 4%, comme ça a été le cas l'an dernier, lorsque l'inflation se comporte de façon rassurante. Ce que ça signifie pour les investisseurs dans les titres à revenu fixe, c'est que vous pouvez tirer un revenu décent avec une certaine volatilité, mais le revenu est véritablement le principal facteur des rendements dans l'avenir et c'est toujours assez attractif d'un point de vue historique.