
Le marché canadien du logement continue de souffrir des fortes hausses de taux de la Banque du Canada. Beata Caranci, économiste en chef, Groupe Banque TD, explique à Kim Parlee pourquoi elle pense que la baisse des ventes et des prix pourrait s’aggraver cette année avant un redressement en 2024.
Print Transcript
[LOGO AUDIO]
En 2023, on va probablement s’approcher du creux. Ça va dépendre, toutefois, premièrement, que la Banque du Canada ne continue pas de dépasser nos attentes. On pense qu’il n’y aura au plus qu’une hausse d’un quart de point à l’avenir.
Deuxièmement, il n’y a pas beaucoup de ventes forcées. Ce sont des gens qui ont des problèmes dans le financement de leur maison en raison du taux hypothécaire variable [INAUDIBLE].
Pourquoi on ne voit pas plus de ventes forcées? Parce que c’est important.
Oui, c’est important. L’un des facteurs qui entrent en ligne de compte est que pour déterminer le prêt hypothécaire, c’est-à-dire la réponse initiale, même dans le cas des prêts hypothécaires à taux d’intérêt variable, une plus grande partie va… Pardon, une plus grande part est consacrée au paiement des intérêts plutôt qu’au capital et à maintenir une structure de paiement plus stable.
Et il en va de même pour les renouvellements à venir après cinq ans, vous avez des capitaux propres intégrés au prêt hypothécaire. Vous pouvez donc en quelque sorte prolonger votre période d’amortissement ou substituer la part du capital aux intérêts.
Voilà pour ce qui est des comportements. Et c’est exactement ce qu’on a vu dans les cycles de récession précédents. Les gens sont très pratiques dans leur approche. Et les institutions financières ne veulent pas se retrouver avec la maison sur les bras. [RIRES]
Oui, elles veulent que les gens aient la maison et elles, le prêt hypothécaire.
Exactement. Il y a beaucoup d’incitatifs des deux côtés pour régler le problème. Et c’est généralement ce que vous voyez comme réponse initiale. L’autre facteur, c’est que le marché de l’emploi demeure très favorable, avec une très bonne croissance du revenu. Les capacités financières sont donc toujours là pour que les ménages continuent de payer.
Il y a toujours des personnes à la marge qui ne sont pas dans cette situation. C’est la réalité de tout cycle. Et ce sont eux qu’on doit surveiller, et ce sont ceux qui ont tendance à se révéler chaque trimestre.
Oui, si on examine certains des… parce qu’il n’existe pas de marché immobilier national. C’est différent partout. Mais, d’un côté, il y a… les ventes qui baissent dans vos prévisions pour 2023. De plus, pour la première fois, en moyenne, les prix baissent par rapport à 2022.
Pourquoi observe-t-on une résilience accrue? On voit, par exemple, que le Manitoba reculera de 8 %, et que la Saskatchewan reculera de 7 %. La Nouvelle-Écosse enregistrera une baisse de 12 % et le Nouveau-Brunswick de 11 %. Pourquoi observe-t-on de telles différences?
Oui, c’est davantage lié au moment où cela s’est produit en 2022. Des marchés très sensibles aux prix, comme l’Ontario et la Colombie-Britannique, n’ont pas eu une aussi bonne année au deuxième semestre de 2022, à l’approche de 2023. Et puis, il y a eu un peu plus de lenteur dans des marchés plus abordables.
Et, fait intéressant, même l’Alberta a une plus grande résilience que ce qu’on pensait parce qu’ils se trouvent dans un cycle un peu différent au niveau du marché de l’emploi. C’est pourquoi, lorsqu’on regarde les provinces, il y a une variabilité en matière de déclencheurs et de moments. Dans l’ensemble, le message est le même. Et personne ne peut échapper au fait que les taux d’intérêt élevés réduisent la demande du marché, et tous les marchés ont réduit leurs ventes et leurs prix. Mais il y a des nuances quant au moment.
Et puis, il y a beaucoup de gens qui posent des questions sur l’immobilier étranger. Lorsque des capitaux étrangers entrent au Canada pour acheter des logements, l’idée est que cela devrait aider les prix des logements à augmenter si on ne peut pas le faire pendant deux ans. Est-ce que cela aura un impact?
Non, pas comme lorsque la politique a été conçue et réfléchie. Parce que ce qu’on a vu, du moins pendant la pandémie, c’est que ce sont les investisseurs canadiens qui ont le plus fait monter le prix des maisons, avec des achats spéculatifs, comparativement aux acheteurs étrangers. Et c’est en grande partie parce qu’un certain nombre de provinces… La Colombie-Britannique est un bon exemple… avait déjà imposé des restrictions aux acheteurs étrangers.
Selon moi, cela ne changera pas grand-chose sur le marché. Ça sera plus du côté du marché intérieur.
Pensez-vous, et encore une fois, en citant votre rapport, des baisses annuelles moyennes des prix sont attendues dans la région de l’Atlantique, en Ontario et en Colombie-Britannique en 2023. Les Canadiens sont-ils prêts? On profite de cette belle appréciation des prix depuis des décennies. Doit-on être conscients des répercussions psychologiques de cette situation?
Eh bien, je pense que les Canadiens ont eu environ six mois pour s’habituer à cet effet psychologique parce qu’on a vu cela se produire sur le marché. Et je pense que c’est important qu’on ait eu une hausse aussi marquée au cours de la pandémie. Il s’agit vraiment d’une hausse sans précédent de la valeur du logement. 50 % sur une période de deux ans.
Selon nos prévisions, les prix devraient reculer de 20 % à 25 %. Cela laisse encore la grande majorité dans une position positive, sauf si vous avez effectué des achats au cours des 12 à 18 derniers mois. Il s’agit du groupe vulnérable.
Mais en fin de compte, d’un point de vue psychologique, on a aussi dû se préparer à la période qu’on a vécue. Cela n’a jamais été durable.
Même si ce n’est jamais le cas. J’allais le dire, mais, c’est intéressant, pour 2024, vous prévoyez que les prix remontent de nouveau.
Oui, on prévoit une stabilisation du marché de l’habitation. Et les données le confirment en partie. On n’observe pas une baisse aussi rapide des ventes et des pressions sur les inscriptions observées au début du cycle. C’est positif et on pense qu’une dynamique de stabilisation devrait arriver au premier semestre de cette année.
Cela permet une modeste reprise au deuxième semestre de cette année et en 2024. De plus, la Banque du Canada réduit les taux à la fin de l’année. Les hypothèses ont donc un effet combiné, mais cela devrait aider.
On sait aussi que les paramètres fondamentaux de la population sont solides au Canada. Il serait inhabituel que le marché de l’habitation piétine. Ça fait partie du défi de la Banque du Canada parce qu’on continue essentiellement, la croissance de la population est plus forte que tout ce qu’on voit dans un pays comparable. Et en gros, cela donne un filet de sécurité au marché, et en ce qui concerne la psychologie du logement, les gens savent que la demande sera toujours forte. Et c’est la tension constante entre les taux d’intérêt et le marché de l’habitation.
Beata, c’est toujours un plaisir de vous recevoir. Merci beaucoup.
Je vous en prie. [LOGO AUDIO] [MUSIQUE]
En 2023, on va probablement s’approcher du creux. Ça va dépendre, toutefois, premièrement, que la Banque du Canada ne continue pas de dépasser nos attentes. On pense qu’il n’y aura au plus qu’une hausse d’un quart de point à l’avenir.
Deuxièmement, il n’y a pas beaucoup de ventes forcées. Ce sont des gens qui ont des problèmes dans le financement de leur maison en raison du taux hypothécaire variable [INAUDIBLE].
Pourquoi on ne voit pas plus de ventes forcées? Parce que c’est important.
Oui, c’est important. L’un des facteurs qui entrent en ligne de compte est que pour déterminer le prêt hypothécaire, c’est-à-dire la réponse initiale, même dans le cas des prêts hypothécaires à taux d’intérêt variable, une plus grande partie va… Pardon, une plus grande part est consacrée au paiement des intérêts plutôt qu’au capital et à maintenir une structure de paiement plus stable.
Et il en va de même pour les renouvellements à venir après cinq ans, vous avez des capitaux propres intégrés au prêt hypothécaire. Vous pouvez donc en quelque sorte prolonger votre période d’amortissement ou substituer la part du capital aux intérêts.
Voilà pour ce qui est des comportements. Et c’est exactement ce qu’on a vu dans les cycles de récession précédents. Les gens sont très pratiques dans leur approche. Et les institutions financières ne veulent pas se retrouver avec la maison sur les bras. [RIRES]
Oui, elles veulent que les gens aient la maison et elles, le prêt hypothécaire.
Exactement. Il y a beaucoup d’incitatifs des deux côtés pour régler le problème. Et c’est généralement ce que vous voyez comme réponse initiale. L’autre facteur, c’est que le marché de l’emploi demeure très favorable, avec une très bonne croissance du revenu. Les capacités financières sont donc toujours là pour que les ménages continuent de payer.
Il y a toujours des personnes à la marge qui ne sont pas dans cette situation. C’est la réalité de tout cycle. Et ce sont eux qu’on doit surveiller, et ce sont ceux qui ont tendance à se révéler chaque trimestre.
Oui, si on examine certains des… parce qu’il n’existe pas de marché immobilier national. C’est différent partout. Mais, d’un côté, il y a… les ventes qui baissent dans vos prévisions pour 2023. De plus, pour la première fois, en moyenne, les prix baissent par rapport à 2022.
Pourquoi observe-t-on une résilience accrue? On voit, par exemple, que le Manitoba reculera de 8 %, et que la Saskatchewan reculera de 7 %. La Nouvelle-Écosse enregistrera une baisse de 12 % et le Nouveau-Brunswick de 11 %. Pourquoi observe-t-on de telles différences?
Oui, c’est davantage lié au moment où cela s’est produit en 2022. Des marchés très sensibles aux prix, comme l’Ontario et la Colombie-Britannique, n’ont pas eu une aussi bonne année au deuxième semestre de 2022, à l’approche de 2023. Et puis, il y a eu un peu plus de lenteur dans des marchés plus abordables.
Et, fait intéressant, même l’Alberta a une plus grande résilience que ce qu’on pensait parce qu’ils se trouvent dans un cycle un peu différent au niveau du marché de l’emploi. C’est pourquoi, lorsqu’on regarde les provinces, il y a une variabilité en matière de déclencheurs et de moments. Dans l’ensemble, le message est le même. Et personne ne peut échapper au fait que les taux d’intérêt élevés réduisent la demande du marché, et tous les marchés ont réduit leurs ventes et leurs prix. Mais il y a des nuances quant au moment.
Et puis, il y a beaucoup de gens qui posent des questions sur l’immobilier étranger. Lorsque des capitaux étrangers entrent au Canada pour acheter des logements, l’idée est que cela devrait aider les prix des logements à augmenter si on ne peut pas le faire pendant deux ans. Est-ce que cela aura un impact?
Non, pas comme lorsque la politique a été conçue et réfléchie. Parce que ce qu’on a vu, du moins pendant la pandémie, c’est que ce sont les investisseurs canadiens qui ont le plus fait monter le prix des maisons, avec des achats spéculatifs, comparativement aux acheteurs étrangers. Et c’est en grande partie parce qu’un certain nombre de provinces… La Colombie-Britannique est un bon exemple… avait déjà imposé des restrictions aux acheteurs étrangers.
Selon moi, cela ne changera pas grand-chose sur le marché. Ça sera plus du côté du marché intérieur.
Pensez-vous, et encore une fois, en citant votre rapport, des baisses annuelles moyennes des prix sont attendues dans la région de l’Atlantique, en Ontario et en Colombie-Britannique en 2023. Les Canadiens sont-ils prêts? On profite de cette belle appréciation des prix depuis des décennies. Doit-on être conscients des répercussions psychologiques de cette situation?
Eh bien, je pense que les Canadiens ont eu environ six mois pour s’habituer à cet effet psychologique parce qu’on a vu cela se produire sur le marché. Et je pense que c’est important qu’on ait eu une hausse aussi marquée au cours de la pandémie. Il s’agit vraiment d’une hausse sans précédent de la valeur du logement. 50 % sur une période de deux ans.
Selon nos prévisions, les prix devraient reculer de 20 % à 25 %. Cela laisse encore la grande majorité dans une position positive, sauf si vous avez effectué des achats au cours des 12 à 18 derniers mois. Il s’agit du groupe vulnérable.
Mais en fin de compte, d’un point de vue psychologique, on a aussi dû se préparer à la période qu’on a vécue. Cela n’a jamais été durable.
Même si ce n’est jamais le cas. J’allais le dire, mais, c’est intéressant, pour 2024, vous prévoyez que les prix remontent de nouveau.
Oui, on prévoit une stabilisation du marché de l’habitation. Et les données le confirment en partie. On n’observe pas une baisse aussi rapide des ventes et des pressions sur les inscriptions observées au début du cycle. C’est positif et on pense qu’une dynamique de stabilisation devrait arriver au premier semestre de cette année.
Cela permet une modeste reprise au deuxième semestre de cette année et en 2024. De plus, la Banque du Canada réduit les taux à la fin de l’année. Les hypothèses ont donc un effet combiné, mais cela devrait aider.
On sait aussi que les paramètres fondamentaux de la population sont solides au Canada. Il serait inhabituel que le marché de l’habitation piétine. Ça fait partie du défi de la Banque du Canada parce qu’on continue essentiellement, la croissance de la population est plus forte que tout ce qu’on voit dans un pays comparable. Et en gros, cela donne un filet de sécurité au marché, et en ce qui concerne la psychologie du logement, les gens savent que la demande sera toujours forte. Et c’est la tension constante entre les taux d’intérêt et le marché de l’habitation.
Beata, c’est toujours un plaisir de vous recevoir. Merci beaucoup.
Je vous en prie. [LOGO AUDIO] [MUSIQUE]