
Les prix du pétrole ont suivi une trajectoire baissière au cours des derniers mois, les préoccupations à l’égard de la demande l’emportant sur le manque à gagner potentiel de l’offre. Bart Melek, chef mondial, Stratégie relative aux produits de base, Valeurs Mobilières TD, explique à Greg Bonnell pourquoi le prix du pétrole brut devrait encore augmenter à long terme.
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* Les prix du pétrole brut ont diminué au cours des derniers mois,
malgré les préoccupations liées à l’offre et l’instabilité géopolitique.
Les perspectives économiques mondiales semblent peser sur le pétrole, mais les
négociateurs sont-ils trop pessimistes?
Nous en parlons avec Bart Melek, chef, Stratégie relative aux produits de base à
Valeurs Mobilières TD. Bart, c’est toujours un plaisir de vous compter parmi nous.
* Je suis content d’être ici.
Merci de m’avoir invité de nouveau.
* À mon écran, je vois des prix de référence du pétrole brut américain de moins de 70 $.
Il a diminué depuis le début de l’année, et je crois aussi pour le trimestre.
Que se passe-t-il ici?
* Eh bien, je pense que ce qui inquiète le plus les négociateurs, c’est que la Chine
a été à la traîne des attentes.
Il y a quelques mois, lorsqu’on pensait que la Chine allait rouvrir, il y a eu une forte
hausse de la demande, ce qui a entraîné un resserrement des marchés.
On croyait qu’un ralentissement allait peut-être se produire dans la mesure
où on le pense maintenant, et on estimait que les réductions de l’OPEP proposées
contribueraient à resserrer ce marché.
* La demande était donc très forte, l’offre était limitée, les marchés étaient
tendus et les prix étaient plus élevés.
Eh bien, cela ne s’est pas matérialisé jusqu’à maintenant, et les négociateurs qui
étaient là depuis longtemps ont décidé de prendre des profits ou de se retirer de leurs
positions. Ce qui est préoccupant, bien sûr, c’est que le monde occidental se dirige vers
une récession. Cela signifie un certain ralentissement de la croissance.
Et, bien sûr, la croissance en Chine demeure problématique.
* Mis à part ça, on continue de penser qu’avec les réductions précédentes de l’OPEP
annoncées en avril et la plus récente, qui prévoit des réductions de production
d’un million de barils en provenance de l’Arabie saoudite et une performance
probablement inégale de la part de l’Iran, qui a récemment affiché une légère
augmentation des exportations.
On pense toujours qu’on va enregistrer des déficits vers la fin de l’année
en raison des réductions.
* Et oui, la croissance chinoise est probablement un peu plus faible qu’on
l’aurait souhaité. Mais dans notre dernière analyse, à mesure qu’on rebondit après la
pandémie de COVID, tout, du transport aérien aux autres carburants et même la demande
industrielle dans cette partie du monde, va contribuer à une hausse assez robuste.
En effet, si on considère la croissance de la demande pour 2023, on prévoit toujours
une production de plus de deux millions de barils par jour, et l’OPEP devrait
continuer de faire preuve d’une approche assez rigoureuse en matière d’offre.
* Donc, pour répondre à votre question...
* Croyez-vous que l’OPEP a suffisamment réduit l’offre?
* Probablement.
Je ne suis pas certain qu’elle a convaincu tous les négociateurs à ce stade-ci.
Mais je pense que certains d’entre eux ont peut-être été un peu trop pessimistes
à l’égard du pétrole, et on s’attend à ce que le prix du pétrole brut rebondisse au
deuxième semestre de l’année; on pense que le prix de près de 90 $ ne sera probablement pas
déraisonnable au cours des six prochains mois, environ, car le pire des craintes à
l’égard d’une récession sont modérées et la Réserve fédérale américaine s’oriente vers un
ton conciliant. * Mais bien sûr, ce n’est pas le cas en ce moment.
En fait, le virage semble prendre la forme d’une politique encore plus ferme de la
Réserve fédérale. On continue d’entendre Jerome Powell prendre un ton ferme, et le
marché commence à revoir sa position d’il y a quelques mois, selon laquelle le FOMC ne
plaisante peut-être pas lorsqu’il affirme qu’il est tout à fait possible qu’il y ait
deux autres hausses d’ici la fin de l’année.
* Et quand on regarde les données, on voit aujourd’hui des révisions à la hausse du PIB,
avec un léger renversement des demandes de prestations d’assurance-chômage dans les
données hebdomadaires à fréquence élevée.
En conclusion, il est fort possible que la Réserve fédérale
fasse grimper les taux.
De plus, il est fort probable que les taux les plus élevés durent plus longtemps
que ce que plusieurs avaient espéré, selon moi.
Par conséquent, de nombreux actifs à risque liés aux produits de base se sont négociés à
un niveau inférieur. * J’ai l’impression qu’au cours d’une grande partie de ma
carrière, en suivant ce genre de choses et en parlant à des gens très intelligents, s’il y
avait un événement géopolitique important, la première chose que je regardais, c’était le
pétrole ou l’or pour tenter de déterminer la réaction du marché.
Des événements assez spectaculaires se sont produits en Russie au cours d’une fin de
semaine. Et quand je suis revenu au travail lundi matin, c’était comme si rien
ne s’était passé, du moins du point de vue des marchés pétroliers.
* Eh bien, oui, il y a eu cette intéressante avancée d’un groupe de mercenaires
dans Moscou, en Russie.
Bien sûr, la Russie est un important producteur mondial.
Habituellement, on s’attendrait à une certaine volatilité et à de l’angoisse
sur le marché.
On aurait peut-être tendance à investir dans l’or.
On s’inquiéterait peut-être du fait que les marchés pétroliers ne fournissent pas
suffisamment de produits, ou de l’inverse.
* Mais dans un cas comme dans l’autre, on s’attendrait à un certain risque.
Et à la fin, en l’espace d’une journée, tout était terminé, et le marché examinait ça avec
un gros bâillement, et personne ne s’en souciait.
Mais même dans le cas de l’or, par exemple, les événements géopolitiques n’ont pas
vraiment d’importance à long terme.
Ce qui compte vraiment, c’est si ces événements géopolitiques auront
des répercussions à long terme sur l’économie mondiale ou sur le rendement de base
des économies partout dans le monde.
* Et si ce n’est pas le cas, il est peu probable que cette politique change.
Et ces marchés et l’or en particulier ont tendance à réagir aux politiques
et aux tendances sous-jacentes de la demande.
Et si un événement politique ne change rien à ça, il n’est pas nécessaire
de réagir à long terme.
Et cela vaut aussi pour le pétrole.
* Le marché a donc décidé qu’il ne s’agissait pas d’un événement ayant un
impact sur l’économie mondiale en général et sur l’offre de pétrole.
Et donc, il l’a examiné, il l’a vu et ne s’en est pas inquiété.
* C’est un point de vue important.
Bien sûr, à long terme, si c’est vraiment important à long terme.
En ce qui concerne le pétrole également, j’ai lu des manchettes contradictoires
dernièrement, l’Agence internationale de l’énergie qui estime qu’on a atteint un
sommet pétrolier à un moment donné avant que la demande commence à diminuer, mais l’OPEP+
semble avoir une tout autre optique. Quand elle intervient, elle dit non, non, non,
la demande de pétrole va augmenter pendant des années et des années.
* Si on prend du recul de façon réaliste, que pense-t-on du pétrole et de sa place
dans l’économie à court, à moyen et à long terme?
* Eh bien, écoutez, c’est toujours difficile d’être exact.
Je pense qu’au-delà de quelques années, c’est très difficile à prévoir.
Mais on a des prévisions pour les deux prochaines années.
Cette année, la demande de pétrole devrait augmenter de deux millions de barils
au cours des trois prochaines années, probablement plus d’un million de barils.
C’est donc une augmentation nette.
* À moyen terme, ces taux de croissance seront probablement modérés, car le monde
continue de se tourner vers les véhicules électriques, qui accaparent une part
croissante du secteur du transport.
Mais il y a des limites assez importantes du côté du réseau, de la production
d’électricité et des minéraux essentiels.
Par conséquent, la transformation ou la transition vers les véhicules électriques
et les sources d’énergie sans carbone pourrait ne pas être aussi rapide que prévu.
* Et si c’est le cas, s’il n’y a pas suffisamment de cuivre, de zinc, de lithium,
de cobalt, de nickel, de tous les minéraux qui entrent dans la composition des
véhicules électriques, voire de l’argent, si l’investissement dans ces matières
n’est pas aussi robuste qu’il le devrait pour atteindre les cibles de l’Accord de Paris,
peut-être que le pétrole va rester beaucoup plus longtemps sur la trajectoire
de croissance positive qu’on ne le pense.
* À très long terme, oui, je pense que c’est très vrai.
On va probablement voir le prix du pétrole commencer à baisser.
On va principalement passer à des véhicules électriques,
et le besoin d’hydrocarbures va diminuer.
Mais est-ce que c’est dans 5 ans, dans 20 ans?
C’est difficile à dire, et je pense qu’on devra suivre l’évolution des minéraux
essentiels et l’orientation des investissements des gouvernements et du
secteur privé pour faciliter ces changements.
Mais je pense que c’est flou en ce moment.
[MUSIQUE]
* Les prix du pétrole brut ont diminué au cours des derniers mois,
malgré les préoccupations liées à l’offre et l’instabilité géopolitique.
Les perspectives économiques mondiales semblent peser sur le pétrole, mais les
négociateurs sont-ils trop pessimistes?
Nous en parlons avec Bart Melek, chef, Stratégie relative aux produits de base à
Valeurs Mobilières TD. Bart, c’est toujours un plaisir de vous compter parmi nous.
* Je suis content d’être ici.
Merci de m’avoir invité de nouveau.
* À mon écran, je vois des prix de référence du pétrole brut américain de moins de 70 $.
Il a diminué depuis le début de l’année, et je crois aussi pour le trimestre.
Que se passe-t-il ici?
* Eh bien, je pense que ce qui inquiète le plus les négociateurs, c’est que la Chine
a été à la traîne des attentes.
Il y a quelques mois, lorsqu’on pensait que la Chine allait rouvrir, il y a eu une forte
hausse de la demande, ce qui a entraîné un resserrement des marchés.
On croyait qu’un ralentissement allait peut-être se produire dans la mesure
où on le pense maintenant, et on estimait que les réductions de l’OPEP proposées
contribueraient à resserrer ce marché.
* La demande était donc très forte, l’offre était limitée, les marchés étaient
tendus et les prix étaient plus élevés.
Eh bien, cela ne s’est pas matérialisé jusqu’à maintenant, et les négociateurs qui
étaient là depuis longtemps ont décidé de prendre des profits ou de se retirer de leurs
positions. Ce qui est préoccupant, bien sûr, c’est que le monde occidental se dirige vers
une récession. Cela signifie un certain ralentissement de la croissance.
Et, bien sûr, la croissance en Chine demeure problématique.
* Mis à part ça, on continue de penser qu’avec les réductions précédentes de l’OPEP
annoncées en avril et la plus récente, qui prévoit des réductions de production
d’un million de barils en provenance de l’Arabie saoudite et une performance
probablement inégale de la part de l’Iran, qui a récemment affiché une légère
augmentation des exportations.
On pense toujours qu’on va enregistrer des déficits vers la fin de l’année
en raison des réductions.
* Et oui, la croissance chinoise est probablement un peu plus faible qu’on
l’aurait souhaité. Mais dans notre dernière analyse, à mesure qu’on rebondit après la
pandémie de COVID, tout, du transport aérien aux autres carburants et même la demande
industrielle dans cette partie du monde, va contribuer à une hausse assez robuste.
En effet, si on considère la croissance de la demande pour 2023, on prévoit toujours
une production de plus de deux millions de barils par jour, et l’OPEP devrait
continuer de faire preuve d’une approche assez rigoureuse en matière d’offre.
* Donc, pour répondre à votre question...
* Croyez-vous que l’OPEP a suffisamment réduit l’offre?
* Probablement.
Je ne suis pas certain qu’elle a convaincu tous les négociateurs à ce stade-ci.
Mais je pense que certains d’entre eux ont peut-être été un peu trop pessimistes
à l’égard du pétrole, et on s’attend à ce que le prix du pétrole brut rebondisse au
deuxième semestre de l’année; on pense que le prix de près de 90 $ ne sera probablement pas
déraisonnable au cours des six prochains mois, environ, car le pire des craintes à
l’égard d’une récession sont modérées et la Réserve fédérale américaine s’oriente vers un
ton conciliant. * Mais bien sûr, ce n’est pas le cas en ce moment.
En fait, le virage semble prendre la forme d’une politique encore plus ferme de la
Réserve fédérale. On continue d’entendre Jerome Powell prendre un ton ferme, et le
marché commence à revoir sa position d’il y a quelques mois, selon laquelle le FOMC ne
plaisante peut-être pas lorsqu’il affirme qu’il est tout à fait possible qu’il y ait
deux autres hausses d’ici la fin de l’année.
* Et quand on regarde les données, on voit aujourd’hui des révisions à la hausse du PIB,
avec un léger renversement des demandes de prestations d’assurance-chômage dans les
données hebdomadaires à fréquence élevée.
En conclusion, il est fort possible que la Réserve fédérale
fasse grimper les taux.
De plus, il est fort probable que les taux les plus élevés durent plus longtemps
que ce que plusieurs avaient espéré, selon moi.
Par conséquent, de nombreux actifs à risque liés aux produits de base se sont négociés à
un niveau inférieur. * J’ai l’impression qu’au cours d’une grande partie de ma
carrière, en suivant ce genre de choses et en parlant à des gens très intelligents, s’il y
avait un événement géopolitique important, la première chose que je regardais, c’était le
pétrole ou l’or pour tenter de déterminer la réaction du marché.
Des événements assez spectaculaires se sont produits en Russie au cours d’une fin de
semaine. Et quand je suis revenu au travail lundi matin, c’était comme si rien
ne s’était passé, du moins du point de vue des marchés pétroliers.
* Eh bien, oui, il y a eu cette intéressante avancée d’un groupe de mercenaires
dans Moscou, en Russie.
Bien sûr, la Russie est un important producteur mondial.
Habituellement, on s’attendrait à une certaine volatilité et à de l’angoisse
sur le marché.
On aurait peut-être tendance à investir dans l’or.
On s’inquiéterait peut-être du fait que les marchés pétroliers ne fournissent pas
suffisamment de produits, ou de l’inverse.
* Mais dans un cas comme dans l’autre, on s’attendrait à un certain risque.
Et à la fin, en l’espace d’une journée, tout était terminé, et le marché examinait ça avec
un gros bâillement, et personne ne s’en souciait.
Mais même dans le cas de l’or, par exemple, les événements géopolitiques n’ont pas
vraiment d’importance à long terme.
Ce qui compte vraiment, c’est si ces événements géopolitiques auront
des répercussions à long terme sur l’économie mondiale ou sur le rendement de base
des économies partout dans le monde.
* Et si ce n’est pas le cas, il est peu probable que cette politique change.
Et ces marchés et l’or en particulier ont tendance à réagir aux politiques
et aux tendances sous-jacentes de la demande.
Et si un événement politique ne change rien à ça, il n’est pas nécessaire
de réagir à long terme.
Et cela vaut aussi pour le pétrole.
* Le marché a donc décidé qu’il ne s’agissait pas d’un événement ayant un
impact sur l’économie mondiale en général et sur l’offre de pétrole.
Et donc, il l’a examiné, il l’a vu et ne s’en est pas inquiété.
* C’est un point de vue important.
Bien sûr, à long terme, si c’est vraiment important à long terme.
En ce qui concerne le pétrole également, j’ai lu des manchettes contradictoires
dernièrement, l’Agence internationale de l’énergie qui estime qu’on a atteint un
sommet pétrolier à un moment donné avant que la demande commence à diminuer, mais l’OPEP+
semble avoir une tout autre optique. Quand elle intervient, elle dit non, non, non,
la demande de pétrole va augmenter pendant des années et des années.
* Si on prend du recul de façon réaliste, que pense-t-on du pétrole et de sa place
dans l’économie à court, à moyen et à long terme?
* Eh bien, écoutez, c’est toujours difficile d’être exact.
Je pense qu’au-delà de quelques années, c’est très difficile à prévoir.
Mais on a des prévisions pour les deux prochaines années.
Cette année, la demande de pétrole devrait augmenter de deux millions de barils
au cours des trois prochaines années, probablement plus d’un million de barils.
C’est donc une augmentation nette.
* À moyen terme, ces taux de croissance seront probablement modérés, car le monde
continue de se tourner vers les véhicules électriques, qui accaparent une part
croissante du secteur du transport.
Mais il y a des limites assez importantes du côté du réseau, de la production
d’électricité et des minéraux essentiels.
Par conséquent, la transformation ou la transition vers les véhicules électriques
et les sources d’énergie sans carbone pourrait ne pas être aussi rapide que prévu.
* Et si c’est le cas, s’il n’y a pas suffisamment de cuivre, de zinc, de lithium,
de cobalt, de nickel, de tous les minéraux qui entrent dans la composition des
véhicules électriques, voire de l’argent, si l’investissement dans ces matières
n’est pas aussi robuste qu’il le devrait pour atteindre les cibles de l’Accord de Paris,
peut-être que le pétrole va rester beaucoup plus longtemps sur la trajectoire
de croissance positive qu’on ne le pense.
* À très long terme, oui, je pense que c’est très vrai.
On va probablement voir le prix du pétrole commencer à baisser.
On va principalement passer à des véhicules électriques,
et le besoin d’hydrocarbures va diminuer.
Mais est-ce que c’est dans 5 ans, dans 20 ans?
C’est difficile à dire, et je pense qu’on devra suivre l’évolution des minéraux
essentiels et l’orientation des investissements des gouvernements et du
secteur privé pour faciliter ces changements.
Mais je pense que c’est flou en ce moment.
[MUSIQUE]