Tarik Aeta, analyste, Secteur mondial des soins de santé, Gestion de Placements TD, se joint à Greg Bonnell, de MoneyTalk, pour discuter des perspectives des actions du secteur des soins de santé.
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Malgré l'enthousiasme suscité par des nouveaux traitements pour des problèmes tels que l'obésité, les actions du secteur de la santé sont restées à la traîne depuis le début de l'année. Tarik Aeta de Gestion de placements TD nous rejoint pour discuter de ce qui se passe dans le secteur. Bonjour, Tarik. Bonjour, Greg, ça me fait plaisir. La dernière fois que vous avez participé à l'émission en janvier, vous étiez sceptique quant à la possibilité que la forte super-performance des soins de santé en 2022 se poursuive en 2023. Qu'est-ce qui explique cette faiblesse? Il y a deux choses qui ont plombé le secteur. De retour en décembre, pendant les deux premiers trimestres de l'année, le consommateur américain s'est très bien maintenu. Et comme nous l'avons vu, l'indice S&P et Nasdaq se sont repris. Il y a eu une braderie des titres défensifs, des biens de consommation courante, et un engouement pour les services de télécommunications, les biens de communications discrétionnaires, bref les secteurs de croissance. Par ailleurs, le secteur de la santé a été plombé également par ses résultats financiers faibles. Une bonne partie des ventes de vaccin de la COVID, des tests, matériel de fabrication, se comparaient à des chiffres très élevés pour l'an prochain. Mais ce processus touche à sa fin et le secteur tient compte de ces facteurs négatifs. Alors donc, nous avons conclu les annonces des principaux joueurs. La saison pour la santé était plutôt morose, en baisse de 14 % depuis le début de l'année par rapport au S&P 500 où les bénéfices étaient en baisse de seulement 5 %. Secteur retardataire. La vaccination, les éléments thérapeutiques. Il y a également un certain nombre de secteurs qui se portent bien. Les compagnies d'assurances de la santé aux États-Unis ont vu leurs bénéfices augmenter de 11 % sur 12 mois, mais il y a eu une trajectoire en perte de vitesse. La sinistralité a augmenté puisque le nombre d'interventions chirurgicales reprend et remonte. Mais il y a en revanche les taux d'intérêts plus élevés qui sont un facteur positif puisque leur portefeuille de placement leur rapporte davantage. Il y a les fabricants d'appareils médicaux dont les bénéfices ont augmenté de 8 % sur 12 mois. Encore une fois, sous l'impulsion du retour des interventions chirurgicales facultatives, de la dotation en personnel des hôpitaux qui s'améliore, du coût des articles qui sont vendus aux hôpitaux, donc ils en ont bénéficié. En ce qui concerne la faiblesse, il y a beaucoup d'éléments que vous avez évoqués. Tout d'abord, les compagnies d'outils pour les sciences de la vie, en baisse de 15 % à cause de la baisse des analyses, et les compagnies de pharmaceutique et de biotechnologie ont subi un recul de 25 %, surtout dans le cas de Pfizer et de Moderna, mais il y a également eu AbbVie, dont le brevet sur Humira a expiré cette année, dont les bénéfices ont reculé. Vous avez parlé des niveaux de dotation en personnel des hôpitaux. Parlons-en. Un observateur externe se dirait: les dotations en personnel des hôpitaux signifient différentes choses pour différents secteurs. Oui. Depuis deux ans, la dotation en personnel des hôpitaux est un thème très important dans le secteur de la santé. Au début de la pandémie, il y avait beaucoup de médecins et d'infirmières qui se sont retrouvés en état d'épuisement ou se sont retirés par inquiétude à l'égard du virus. Cela a eu beaucoup d'impact. Il y avait moins de demandes de remboursement, donc davantage de bénéfices pour les assureurs. Les hôpitaux devaient payer davantage pour un personnel temporaire et les compagnies d'appareils médicaux se retrouvaient avec moins d'interventions. À présent, l'emploi dans les hôpitaux est de 4 % supérieur à ce qu'il était avant la COVID. Le secteur des soins de santé a été le principal facteur de la création d'emplois aux États-Unis, représentant le tiers de tous les nouveaux emplois, et même au-delà de cela, quand on considère des statistiques comme la tarification pour les agences temporaires de services infirmiers, ceux-ci ont baissé avec le retour des infirmières, et enfin, à cause de la hausse de l'inflation et de la hausse des taux d'intérêt, nous assistons à un phénomène où davantage de médecins diffèrent leur retraite, ce qui contribue à pallier les pénuries de main-d'œuvre. Vous avez donc exposé, après une très bonne année l'an dernier, certains des grands thèmes qui sont en jeu qui ont empêché le secteur de la santé de progresser, mais pour l'avenir, quels sont les secteurs au sujet desquels vous êtes prudent ou optimiste? Pour l'avenir, je suis davantage optimiste. Ceci dit, il y a un domaine où je serais davantage prudent: ce sont les fabricants d'appareils médicaux. Depuis l'été, les interventions chirurgicales facultatives ont fait leur retour et les investisseurs se sont positionnés en conséquence dans ces titres et ont très bien réussi depuis un an. Beaucoup de ces compagnies sont excellentes, mais elles ont beaucoup remonté, comme Stryker, Intuitive Surgical, je ne vois pas ces surperformances se réitérer. Dans les secteurs où je suis plus optimiste, il y en a deux. Tout d'abord, les assureurs en santé. Au début de l'année, il y avait beaucoup d'inquiétude à l'égard des changements dans le remboursement de Medicare Advantage. On s'inquiétait à l'idée que les taux d'utilisation plus élevés atténueraient les bénéfices de cette année, mais une bonne partie de ces risques extrêmes ont été pris en compte dans le cours des actions et sont mieux compris par les investisseurs. Pour l'avenir, les mauvaises nouvelles ont déjà été prises en compte. Et il y a un autre domaine sur lequel je suis plus optimiste pour l'année à venir: ce sont les compagnies d'outils de sciences de la vie. Nous savons que le nombre de tests de COVID a baissé, la demande de fabrication de vaccins a baissé, mais à l'orée de l'an prochain, les bénéfices de ces entreprises devraient prendre leur essor à cause de la forte demande sous-jacente pour les médicaments biologiques dans l'ensemble du secteur. Quant au secteur pharmacologie et biotechnologie, il y a eu des facteurs négatifs cette année, mais à l'approche de l'an prochain, il y a des facteurs très positifs. La croissance continue dans les médicaments contre le cancer, l'obésité, le diabète, qui devrait faire s'envoler les résultats pour l'an prochain. Parlons du diabète et de l'obésité. On a beaucoup parlé avec enthousiasme, les publicités pharmaceutiques sont toujours les mêmes, il y a un scénario, on demande au médecin, et un jour je me suis dit: Mais qu'est-ce que c'est qu'Ozempic? J'ai fait la recherche. On parle beaucoup de ces produits. Que se passe-t-il? Eh bien, l'enthousiasme est justifié, à mon avis. Prenons un peu de recul. Les médicaments dits GLP1 sont une catégorie de médicaments qui réduisent l'appétit, qui ralentissent la vidange gastrique, qui amènent les gens à manger moins. À l'origine, ils ont été conçus pour des personnes atteintes de diabète de type II pour les aider à mieux maîtriser leur glycémie, mais on a découvert que l'un des effets secondaires de ce médicament, c'est que les personnes qui le prennent perdent du poids. Novo Nordisk a organisé des essais cliniques pour montrer que ce médicament peut être prescrit à des personnes obèses. Les résultats de cet essai sont probants. La dose d'Ozempic plus élevée porte le nom de Wegovy, qui entraîne une perte de poids chez 73 % des sujets. Il y a quelques années, les meilleurs médicaments anti-pondéraux ne procuraient qu'une perte de poids très inférieure. Cette classe de médicaments, GLP1, offre donc des perspectives très prometteuses. La chirurgie bariatrique permettait d'obtenir une perte de poids de 25 à 30 %, et maintenant, il est possible de réaliser cet objectif avec des médicaments. Quand on considère la demande dans le monde, la demande est très importante. Il y a 700 millions de personnes dans le monde qui doivent gérer l'obésité. 40 % d'adultes américains sont obèses. Il y a donc un besoin insatisfait très important, et d'ici une décennie, avec la demande reliée au diabète de type II ainsi qu'à l'obésité, je ne serais pas étonné que cette catégorie de médicaments puissent atteindre 100 milliards de ventes chaque année. Il s'agit d'un progrès très important. Le goulot d'étranglement, c'est la question de l'approvisionnement. Novo Nordisk a évoqué la possibilité d'offrir davantage de production cette année, ainsi qu'Eli Lilly, mais compte tenu de la demande, il faudra plusieurs trimestres pour que les goulots d'étranglement dans l'approvisionnement soient résolus. Il y a également un autre élément très important à surveiller, c'est le remboursement par les gouvernements. Des événements comme la semaine dernière, l'essai sélect de Novo qui montre qu'en plus de la perte de poids, ces médicaments réduisent de 20 % le risque d'événements cardiovasculaires, contribuent à convaincre les autorités de rembourser ce médicament.