Les Canadiens sont aux prises avec une inflation galopante et une hausse des taux d’intérêt. Bien que certaines régions en ressentent les effets, d’autres pourraient profiter de la hausse des prix du pétrole. Kim Parlee discute des perspectives économiques provinciales avec Derek Burleton, économiste en chef adjoint, Groupe Banque TD.
Derek, c’est un plaisir de vous avoir avec nous. Je crois comprendre que vous avez récemment revu à la baisse... revu à la baisse vos prévisions pour 2022, mais pas pour toutes les provinces. Je me demande si vous pourriez passer en revue chaque province et nous dire ce que vous constatez, et, si vous êtes d’accord, nous allons commencer de l’ouest à l’est. À quoi ça ressemble pour la Colombie-Britannique?
Eh bien, Kim, la Colombie-Britannique présente de bons chiffres. Elle a connu toute une progression. Voici quelques chiffres pour 2021 : croissance de 6 %, la deuxième plus forte au pays. J’ai donc pensé que l’élan s’estomperait un peu l’an dernier, simplement parce que le chômage a été tellement faible, ça ne semblait pas représenter un grand potentiel de croissance, mais il a quand même amélioré nos attentes. Ça s’est poursuivi au premier semestre de cette année. La croissance de l’emploi a augmenté de 3 % sur 12 mois, ce qui représente un solide rendement. Et je constate que certains de ces facteurs favorables persistent. Prenons le cas des projets de construction non résidentielle de GNL, le projet Kitimat, certaines des dépenses du gouvernement en infrastructures. Ça va créer beaucoup de facteurs favorables, en partie grâce à un effet multiplicateur sur l’économie. Ceci dit, on en revient au secteur de l’habitation. Et un des volets de nos prévisions pour le Canada qu’on a le plus revu à la baisse, ça a été les perspectives du marché de l’habitation, en raison de la hausse des taux. Il reste encore près de deux points de pourcentage de hausse à court terme. La Colombie-Britannique va être l’une des provinces les plus durement touchées au Canada, en partie parce qu’elle a eu un si bon rendement. Donc, ce sont les économies et les marchés de l’habitation qui se sont mieux comportés, en partie grâce à la poule aux œufs d’or que représente le secteur de l’habitation. On va assister à un repli plus important, et on le constate déjà dans les chiffres qu’on a vus comme une baisse assez rapide des ventes. Je pense qu’en fin de compte, les ventes de maisons vont probablement diminuer d’environ 33 % entre le sommet atteint plus tôt cette année et la fin de l’année prochaine.
Et les prix pourraient baisser de 15 % ou 20 %. Ce sont les prix moyens. Je sais que ça peut sembler beaucoup, mais ils ont enregistré une hausse d’environ 50 % durant le boom. Il pourrait donc y avoir un rééquilibrage. Oui. De 15 à 20 %, ça peut sembler beaucoup. Mais vous avez raison, ça rend seulement un peu de ce que ça a réellement donné. Parlons de l’Alberta. Si les gens ont lu les manchettes, on parle pour la première fois de surplus dans leur budget provincial. Donc qu’est-ce que ça dit, qu’est-ce que ça vous dit sur l’économie?
Eh bien, l’économie a vraiment eu beaucoup de difficultés depuis le choc pétrolier d’il y a 15 ou 16 ans. La situation est un peu inégale depuis. L’an dernier, ça a vraiment été la première année où tout s’est mis en place. Il y a eu les répercussions de la réouverture. Les prix du pétrole et du gaz ont commencé à augmenter. Et cette année, je constate que les choses ont vraiment culminé avec la hausse des prix du pétrole. Et nous avons sensiblement revu à la hausse nos prévisions pour les prix du pétrole, qui devraient rester stables à court terme. Ça crée un avantage réel sur le plan du revenu pour la province, non pas parce que ça va se traduire par une forte production réelle, comme ça a été le cas dans le passé, notamment pour le forage pétrolier et gazier, parce qu’on sait que leurs contraintes sont liées notamment à la pénurie de pipelines, mais cet avantage sur le plan du revenu est très important et va se répercuter sur le revenu des ménages, sur le revenu du gouvernement, comme vous l’avez mentionné, le surplus qui... ... le surplus de trois milliards de dollars qu’ils viennent tout juste d’annoncer. Je constate donc un élan soutenu à court terme. Vous savez, d’ici l’an prochain, le prix du pétrole va être plus bas. Je crois que la demande va s’effondrer. C’est juste que c’est difficile pour les économies de prospérer ces jours-ci. On me demande souvent si l’Alberta est prête pour une augmentation sur plusieurs années. Et c’est simplement en raison de la hausse des taux d’intérêt et du ralentissement de l’économie mondiale. On ne verra pas ça. Mais ils vont rester bien au-dessus de la moyenne nationale, près de 3 % en 2023, après un rendement d’environ 5,5 % cette année.
Oui, c’est tout un chiffre. Quand on profite des prix du pétrole, on n’a pas la même hausse à laquelle on est habitués. Qu’en est-il des autres produits de base? On observe une hausse du pétrole, mais aussi du côté du prix des aliments, entre autres. En Saskatchewan et au Manitoba, à quoi ça ressemble?
Ces provinces-là semblent bien aller aussi. La différence avec l’Alberta, c’est que ces économies-là n’ont pas fait très bonne figure l’an dernier. Une légère orientation vers l’agriculture, en particulier en Saskatchewan. La production agricole a chuté de 40 % en 2021. Donc une année désastreuse, qui a vraiment touché la Saskatchewan, et le Manitoba dans une moindre mesure. Ces deux économies n’ont donc pas enregistré une grande croissance cette année. On prévoit un meilleur rendement, un rebond important. Et, vraiment, les prix des cultures sont excellents. Mais, vous savez, les intentions d’ensemencement n’ont pas été aussi élevées que je le croyais. Les agriculteurs sont soumis à des contraintes, et le coût des engrais est plus élevé. Donc, encore une fois, comme l’Alberta, l’activité réelle pourrait ne pas rebondir autant qu’avant, mais la croissance devrait tout de même s’améliorer. Et on sait que la demande de potasse a profité à l’économie et au secteur de l’habitation de la Saskatchewan. Ils ne sont pas aussi vulnérables à une correction du marché de l’habitation, en partie parce que l’abordabilité est meilleure. Il n’y a donc pas de frein aussi important que dans certaines autres provinces.
Oui, parlant du marché de l’habitation, je pense que dans votre dernière note, vous dites que l’Ontario est l’exemple par excellence de la correction persistante du marché de l’habitation au Canada, plus que la Colombie-Britannique.
Ils s’en rapprochent. Vous savez, il faudrait tirer à pile ou face. Quand je regarde les répercussions, je constate une baisse un peu plus marquée des ventes en Ontario, une baisse un peu plus marquée des prix, mais rien de spectaculaire. Je pense que ces deux économies, sur le plan de l’habitation, font face à des parallèles importants. Mais, oui, le secteur de l’habitation a vraiment profité à l’économie de l’Ontario. Vous leur enlevez ça, et il n’y aura plus de croissance. Ceci dit, ils étaient déjà en bonne forme. Le rendement du premier semestre en Ontario a été très solide et a en quelque sorte emporté le Canada, alors l’élan s’est poursuivi. On va maintenant voir un tournant très controversé et déterminant vers le deuxième semestre de cette année. On pense au logement. On se dit, ok, ça profite à beaucoup de services en Ontario, bien sûr, où il y a beaucoup de services financiers, de sièges sociaux et de services professionnels. On va voir plus un effet de ricochet. De façon plus générale, je ne m’attends pas à une récession en Ontario, mais c’est certain que la croissance va être un peu faible, surtout jusqu’en 2023, car les taux continuent d’augmenter et de réduire l’activité du marché de l’habitation et l’immobilier commercial dans une moindre mesure.
Derek, il ne me reste que 30 secondes environ. J’ai l’impression de mettre le Québec et l’Atlantique de côté. La prochaine fois, je vais y aller d’est en ouest. Mais à quoi ça ressemble pour le Québec et l’Atlantique?
La situation du Québec est très semblable à celle de l’Ontario, bien que cette province ait enregistré une croissance encore meilleure que celle de l’Ontario au cours de la dernière année. Elle va aussi connaître un ralentissement. L’immigration est l’un des secteurs qui vont être touchés. Et il en va de même pour les indicateurs des provinces atlantiques qu’il faut surveiller quant au tourisme cet été. Et on va voir à quel point les gens vont dépenser. Ça sera peut-être un aspect ponctuel en raison des coûts élevés du tourisme pour de nombreux touristes, mais ce sera un indicateur clé, ainsi que l’immigration, dans les provinces atlantiques, mais dans l’ensemble, leur croissance devrait se poursuivre, mais beaucoup plus lentement. En passant, Terre-Neuve-et-Labrador devrait enregistrer une accélération, parce qu’elle n’affiche pas un très bon rendement et qu’elle a des possibilités de croissance. Et à mesure que la production de pétrole va augmenter, je pense que ça va être rentable.
Très intéressant. Derek, c’est toujours un plaisir. Merci beaucoup.
Merci, Kim. Ça m’a fait plaisir.