Le conflit entre Israël et le Hamas accroît l’incertitude sur les marchés déjà aux prises avec un risque géopolitique plus élevé et une volatilité accrue. Michael Craig, chef, Répartition des actifs à Gestion de Placements TD, discute avec Kim Parlee des répercussions des événements en cours sur les marchés financiers.
Print Transcript
[LOGO AUDIO]
Le conflit entre Israël et le Hamas a été horrible. Cela soulève également des questions au sujet de l’intensification de la crise dans la région et de la détérioration du contexte géopolitique. Je reçois Michael Craig, chef, Répartition des actifs à Gestion de Placements TD pour discuter des répercussions sur les marchés. C’est toujours un plaisir de vous accueillir.
C’est un plaisir d’être ici, Kim.
Si on met de côté l’aspect humanitaire de la situation, qui s’est révélé horrible, du point de vue du marché, qu’est-ce que vous voyez? Selon vous, quelles sont les répercussions sur les marchés?
Eh bien, comme ce qui se passe en Ukraine, vous savez, c’est une région où on expédie beaucoup de pétrole. Le pétrole et divers types d’énergie sont donc assortis d’une prime de risque. On va le voir dans le coût de la volatilité ou de l’assurance sur le pétrole. Le prix du pétrole a commencé à grimper.
Et je pense que le pétrole en général se négocie avec une prime en ce moment, parce qu’il y a un certain degré d’incertitude quant à ce qui pourrait se produire. Ça pourrait être une guerre localisée ou une guerre qui ferait intervenir d’autres acteurs. De cette façon, le prix du pétrole pourrait augmenter sensiblement.
Donc je pense que c’est le principal problème pour tout de suite. Historiquement, lorsqu’on examine les conflits au Moyen-Orient, on constate qu’ils se traduisent par d’importants rendements sur les marchés. Il y a eu des périodes où le marché s’est redressé et d’autres où il s’est replié. Et le facteur le plus déterminant, c’est de savoir si les États-Unis sont déjà en récession. Les grandes périodes de repli ont eu lieu en 2001, après les attaques terroristes à New York, et en 2008.
Et donc, je ne pense pas que ce qui se passe en Israël va être la cause d’un marché en baisse. Ça va dépendre davantage des économies nationales et de ce que nous réserve l’avenir, puisqu’on est au milieu d’un cycle de resserrement.
D’accord. Et, encore une fois, comment... je veux dire, et vous ne pouvez pas... Évidemment, ce qui va se produire dans le monde va se produire, mais lorsqu’on pense, par exemple, à la contagion sur les marchés, ou à la contagion géopolitique, et que les choses se détériorent, il semble, comme vous le dites, que c’est une superposition à ce qui se passe déjà sur le marché. Ça ne changera rien à la trajectoire générale du marché.
Oui. Mais on doit dire qu’il est probable que davantage d’acteurs vont intervenir, en particulier dans le cas de l’Iran. Donc, si l’Iran se laisse entraîner dans cette situation, ce qui, selon moi, ne se produira pas, alors tous les paris sont ouverts, n’est-ce pas? Alors on se retrouve avec le vrai gros lot, en raison de la réaction américaine. Et maintenant, il y a une véritable guerre au Moyen-Orient, pas seulement en Israël et dans la bande de Gaza, mais aussi chez les Palestiniens et le Hamas.
Encore une fois, si le problème est localisé, il est probable que ce soit terminé dans quelques mois. Mais si ça déborde, alors il va y avoir de vrais problèmes. Dans ce scénario, je crois que le prix du pétrole dépasse largement 100 $, probablement 120 $, 130 $, peut-être 150 $ le baril, ce qui serait énorme... on pourrait penser à une hausse d’impôt massive pour un consommateur typique, parce que...
Qui est déjà dans un contexte inflationniste... oui.
Oui, ça serait vraiment un autre choc sur notre revenu personnel.
Oui. En ce qui concerne le pétrole, je crois que j’ai lu plus tôt, je pense, qu’il y a 50 ans, il y avait un conflit... on utilisait un exemple de conflit en Israël et au Moyen-Orient. Le pétrole a peut-être eu un effet disproportionné sur l’économie, en raison de l’inflation et de la récession. Mais il y a aussi le fait que le monde dépendait beaucoup plus du pétrole de l’OPEP, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Et ça change vraiment la dynamique, je suppose, en même temps. Oui, mais je pense aussi que la leçon... j’en ai parlé à notre chef, Produits de base. Les États producteurs de pétrole ont tiré une leçon dans les années 1970. Et c’est que si vous faites grimper le prix trop haut, à long terme, les pays vont trouver des moyens de réduire leur dépendance au pétrole. Et donc, oui, vous pourriez créer des difficultés à court terme, mais à long terme, vous allez perdre. Idéalement, ce que les États exportateurs de pétrole veulent, c’est un prix raisonnablement élevé qui n’est pas trop volatil, où ils réalisent un profit raisonnable sur l’écart entre le coût de production et le coût de vente, mais ce n’est pas tant qu’ils entraînent la destruction de la demande. La dernière chose qu’ils veulent, c’est que tout le monde conduise un véhicule électrique et n’utilise pas autant de pétrole.
Et ils y pensent : OK, s’ils utilisent le pétrole comme arme, ils scient vraiment la branche sur laquelle ils sont assis, en quelque sorte. Je ne crois donc pas qu’il y ait une structure incitative comme celle qui existait auparavant en raison des leçons apprises. Dans les années 1980 et 1990, le pétrole était très bon marché dans le contexte baissier des 20 dernières années qui a suivi les années 1970. Et je pense que c’est certainement un fait qui les préoccupe.
Passons maintenant à la Fed, qui a entendu divers intervenants expliquer comment le marché obligataire a peut-être fait le travail pour elle, et qui pourrait ensuite faire une pause. Qu’est-ce que vous voyez en ce moment? Je veux dire, comment interprétez-vous ça? Ou est-ce que je l’interprète mal? Dites-moi.
Non, non, c’est exact. On doit prendre du recul et faire preuve d’une grande humilité en ce moment, et je pense que les dirigeants de la Fed ou de la Banque du Canada sont tous dans la même situation. On se demande ce qui va se produire, non? Ils viennent de mener cette campagne de resserrement historique. À bien des égards, c’est ce qui motive la prise de décisions en ce moment : tout ce concept de décalages inconnus variables attribuables au resserrement des politiques.
Et ils cherchent à savoir : « D’accord, qu’est-ce ce qui arrivera ensuite? » Et je pense que ce qu’ils essaient de nous dire, c’est : « On pense avoir suffisamment augmenté, mais on va juste attendre de voir comment ça se passe. » Alors, je pense que le débat ne portera pas tant sur la question de savoir s’ils vont remonter de nouveau, mais sur la durée pendant laquelle ils vont rester à des niveaux restrictifs.
Oui, et qu’en pensez-vous?
Oh, je pense qu’ils vont rester restrictifs jusqu’à ce qu’ils constatent un repli important de l’inflation. La leçon apprise lors des années 1970, c’est que chaque fois que les banques centrales augmentaient, l’inflation diminuait, mais le chômage commençait à se résorber. Et à l’époque, le mantra était : « On veut le plein emploi. » Alors ils atténuaient immédiatement l’inflation et, bien sûr, neuf ou dix mois plus tard, celle-ci revenait à des niveaux inconfortables.
Personne ne veut répéter cette erreur. Ils pourraient commettre de nouvelles erreurs, mais ils ne vont pas desserrer les conditions et dire : « D’accord, tout est beau », simplement parce que l’inflation revient à 2 %. Ils vont vouloir le voir et avoir l’assurance que ça va rester comme ça pendant un certain temps. Donc je crois que les taux d’intérêt vont rester élevés pendant un certain temps.
Oui, et ajoutez à ça ce dont on a parlé plus tôt. C’est juste que si les prix du pétrole augmentent, ça va compliquer les choses, non?
Oui et non. C’est certainement dans les calculs de l’IPC. C’est un pic. Mais j’ai tendance à penser qu’il s’agit davantage d’une taxe. Si on doit payer 15 $ de plus à la pompe, ça veut dire 15 $ de moins pour aller au restaurant. Et, en fait, c’est vraiment notre niveau de vie qui est touché. C’est un coup dur pour notre consommation.
Et, au bout du compte, lorsque vous cédez sur la hausse des prix du pétrole, vous récupérez en quelque sorte l’argent que vous dépensez ailleurs, contrairement à ce qui se passe lorsque le marché du travail est serré ou en présence d’une spirale des salaires et des prix, ce qui correspond à une inflation qui se nourrit d’elle-même. C’est beaucoup plus comme une taxe. Et donc, à bien des égards, c’est presque une hausse. C’est presque comme une hausse de taux d’intérêt, parce que ça réduit la capacité des ménages à consommer.
Vous avez parlé de la spirale des salaires et des fluctuations. Il y a donc un rapport sur l’emploi assez satisfaisant qui a été publié. À quoi vous attendez-vous? Commence-t-on à observer un ralentissement du marché?
Vous savez, en ce moment, c’est un peu comme un générateur de nombres aléatoires. Sans entrer dans les détails, toutes sortes de calculs statistiques sont utilisés pour formuler ces hypothèses. Je ne pense pas qu’ils aient vraiment fait un rajustement après l’émoi causé par la COVID. Et donc je pense que je prends ça avec un grain de sel, si on peut dire. Le dernier rapport sur l’emploi a largement dépassé les attentes.
Si on voit un chiffre négatif le mois prochain, il ne faudrait peut-être pas être trop surpris. Je pense simplement qu’en ce moment, les données sont tellement volatiles et instables. Les chiffres d’ADP ont été assez faibles. On n’a pas vraiment une bonne idée de ce qui se passe sur le marché de l’emploi, et les données qu’on obtient ne nous brossent pas un portrait clair.
On va passer d’une discussion sur ce qui a récemment été le moteur des marchés à une discussion sur ce qu’on peut faire à propos de ça. Et donc, comment les investisseurs devraient-ils aborder ce marché en ce moment?
Oui, tout d’abord, chaque fois qu’on me pose cette question, c’est toujours ce que vous tentez d’accomplir qui compte, votre horizon de placement. Si vous avez besoin de votre patrimoine ou de votre capital l’an prochain, c’est une chose. Si vous en avez besoin dans 30 ans, c’est une tout autre histoire. Mais d’un point de vue plus actuel, je dirais ceci.
Premièrement, du côté des titres à revenu fixe, l’année a été difficile. Les deux dernières années ont été difficiles. Et ça a été en grande partie d’une réévaluation après la COVID. C’est passé d’un assouplissement quantitatif à un resserrement quantitatif. C’est cette poussée d’inflation qu’on a connue après la COVID.
Mais si on regarde le marché obligataire en ce moment, les évaluations sont aussi bon marché qu’elles le sont depuis le début des années 2000. On remonte donc à 20 ans, à un moment où c’était très intéressant. Et lorsque les taux dépassent de 2 % l’inflation prévue, de 2,5 %, c’est une assez bonne valeur.
C’est donc un peu risqué. Il a fait l’objet d’un repli précipité. Mais je pense que pour les gens qui ont un horizon de placement à plus long terme qu’une semaine ou deux, il offre une excellente valeur.
Pour ce qui est du segment des actions, je dirais que le monde commence à être un peu plus désordonné. Et à bien des égards, si on pense au marché le plus intéressant à l’heure actuelle, sur le plan de la productivité et du rendement du capital investi, c’est le marché américain.
Certains disent que c’est un peu cher, mais c’est loin d’être une bulle boursière, et c’est là qu’on peut obtenir la meilleure croissance. On continue donc d’aimer le marché américain. Et je pense que si vous êtes un investisseur mondial, que vous songez à des endroits où placer de l’argent, c’est probablement le marché où il serait préférable d’investir.
Au Canada, l’année a été plutôt morose. Je pense que ce cycle de hausse des taux va avoir un effet beaucoup plus important sur l’économie canadienne que sur l’économie américaine. Je serais donc un peu réticent à l’égard de l’économie canadienne. Il y a aussi le complexe énergétique, qui est intéressant. Toutefois, les banques américaines et canadiennes ne se sont pas très bien comportées. C’est un domaine où, selon moi, encore une fois, les évaluations sont assez intéressantes, mais on veut voir cette impulsion du cycle de hausse et s’assurer de ne pas avoir d’événements de crédit. Et puis, je pense que du côté des banques canadiennes, ça semble assez intéressant à cet égard. Mais il faut passer à travers cette période où il y aura probablement un certain nombre de radiations liées aux prêts douteux.
Oui, et les placements alternatifs dans le secteur privé, sont-ils...
Oui, dans le secteur privé, on adore les infrastructures. C’est là que vous voyez, en ce qui concerne la transition verte, ou que ce soit de nouveaux types d’infrastructures pour faire face aux conditions climatiques plus chaudes, ou d’énergies renouvelables, etc., un domaine dans lequel il est extrêmement intéressant d’investir. Du côté de l’immobilier, les titres immobiliers ne sont pas tous pareils. En ce qui concerne les bureaux, c’est un peu difficile en ce moment. Mais pour ce qui est du secteur industriel, des centres de distribution et des immeubles multirésidentiels, la demande est très forte et les prix sont élevés. Pour ce qui est de la diversification du portefeuille, elle est phénoménale.
Et je m’en voudrais de ne pas mentionner les produits de base, un marché dans lequel on s’est maintenant introduits. Quand on pense à ce que ça prend, en termes d’infrastructures et, en gros, du recadrage de notre économie pour délaisser le carbone et les produits de base dont on a besoin, ainsi qu’au manque d’investissements dans les produits de base, on croit que la seule façon de résoudre le problème, c’est d’augmenter les prix.
On considère donc les produits de base comme une source de diversification et un endroit où réaliser un rendement au sein d’un portefeuille global. C’est donc un point de vue thématique sur 5 ou 10 ans. Mais je pense que ce ne sera pas seulement la première décennie de ce siècle. Je pense qu’il y aura un autre type de supercycle sur les marchés des produits de base dans les années à venir.
Oui, et, comme vous l’avez dit à propos de la décarbonisation de l’immobilier, de la relocalisation, même des facteurs géopolitiques, il semble qu’on soit sur la bonne direction, ou plutôt dans la même direction.
Tout à fait. Je veux dire, la tragédie qui se produit au Moyen-Orient, la tragédie qui se produit en Ukraine, malheureusement, ce sont des choses qui vont généralement faire monter les enchères pour les produits de base, simplement parce que ça rend la capacité de négocier à l’échelle mondiale beaucoup plus difficile.
Oui. Les CPG reçoivent beaucoup d’attention. Ils sont faciles à comprendre. Ils font partie de votre portefeuille. Vous en obtenez le rendement. Vous le voyez. Mais il y a aussi certains risques auxquels les investisseurs doivent réfléchir par rapport à ce type de placement. Oui, les taux des CPG vont vraiment refléter ceux des titres à revenu fixe. Dans le cas d’un CPG, on le détient pendant quelques années. Vous obtenez un rendement similaire sur le marché obligataire.
Je dirais que pour les placements à court terme, ils sont absolument parfaits. Par exemple, si votre enfant va à l’université l’année prochaine, ce à quoi je songe moi-même, les CPG sont tout à fait logiques. Vous avez besoin de cet argent dans une fenêtre de 12 mois. Vous savez ce que vous allez obtenir... il n’y a pas de risque, si vous voulez, quant à ce que vous allez récupérer, alors c’est parfait.
Mais pour ce qui est de se constituer un patrimoine, je dirais qu’au fil du temps, ils se sont montrés peu utiles à cet égard. Les gains qu’ils génèrent sont généralement inférieurs à l’inflation, bien qu’à l’heure actuelle, il s’agisse d’une anomalie. Et je pense que les investisseurs axés sur le revenu, dans le segment des titres à revenu fixe, obtiennent un rendement similaire. Le flux de rendement n’est donc pas très différent, et vous avez la possibilité de réaliser un gain en capital si les taux commencent à se normaliser. Il y a donc cette remontée non seulement du revenu, mais aussi du capital, et c’est plus avantageux sur le plan fiscal. Ce sont donc quelques éléments à considérer dans le cadre de solutions axées sur le revenu. [LOGO AUDIO] [MUSIQUE]
Le conflit entre Israël et le Hamas a été horrible. Cela soulève également des questions au sujet de l’intensification de la crise dans la région et de la détérioration du contexte géopolitique. Je reçois Michael Craig, chef, Répartition des actifs à Gestion de Placements TD pour discuter des répercussions sur les marchés. C’est toujours un plaisir de vous accueillir.
C’est un plaisir d’être ici, Kim.
Si on met de côté l’aspect humanitaire de la situation, qui s’est révélé horrible, du point de vue du marché, qu’est-ce que vous voyez? Selon vous, quelles sont les répercussions sur les marchés?
Eh bien, comme ce qui se passe en Ukraine, vous savez, c’est une région où on expédie beaucoup de pétrole. Le pétrole et divers types d’énergie sont donc assortis d’une prime de risque. On va le voir dans le coût de la volatilité ou de l’assurance sur le pétrole. Le prix du pétrole a commencé à grimper.
Et je pense que le pétrole en général se négocie avec une prime en ce moment, parce qu’il y a un certain degré d’incertitude quant à ce qui pourrait se produire. Ça pourrait être une guerre localisée ou une guerre qui ferait intervenir d’autres acteurs. De cette façon, le prix du pétrole pourrait augmenter sensiblement.
Donc je pense que c’est le principal problème pour tout de suite. Historiquement, lorsqu’on examine les conflits au Moyen-Orient, on constate qu’ils se traduisent par d’importants rendements sur les marchés. Il y a eu des périodes où le marché s’est redressé et d’autres où il s’est replié. Et le facteur le plus déterminant, c’est de savoir si les États-Unis sont déjà en récession. Les grandes périodes de repli ont eu lieu en 2001, après les attaques terroristes à New York, et en 2008.
Et donc, je ne pense pas que ce qui se passe en Israël va être la cause d’un marché en baisse. Ça va dépendre davantage des économies nationales et de ce que nous réserve l’avenir, puisqu’on est au milieu d’un cycle de resserrement.
D’accord. Et, encore une fois, comment... je veux dire, et vous ne pouvez pas... Évidemment, ce qui va se produire dans le monde va se produire, mais lorsqu’on pense, par exemple, à la contagion sur les marchés, ou à la contagion géopolitique, et que les choses se détériorent, il semble, comme vous le dites, que c’est une superposition à ce qui se passe déjà sur le marché. Ça ne changera rien à la trajectoire générale du marché.
Oui. Mais on doit dire qu’il est probable que davantage d’acteurs vont intervenir, en particulier dans le cas de l’Iran. Donc, si l’Iran se laisse entraîner dans cette situation, ce qui, selon moi, ne se produira pas, alors tous les paris sont ouverts, n’est-ce pas? Alors on se retrouve avec le vrai gros lot, en raison de la réaction américaine. Et maintenant, il y a une véritable guerre au Moyen-Orient, pas seulement en Israël et dans la bande de Gaza, mais aussi chez les Palestiniens et le Hamas.
Encore une fois, si le problème est localisé, il est probable que ce soit terminé dans quelques mois. Mais si ça déborde, alors il va y avoir de vrais problèmes. Dans ce scénario, je crois que le prix du pétrole dépasse largement 100 $, probablement 120 $, 130 $, peut-être 150 $ le baril, ce qui serait énorme... on pourrait penser à une hausse d’impôt massive pour un consommateur typique, parce que...
Qui est déjà dans un contexte inflationniste... oui.
Oui, ça serait vraiment un autre choc sur notre revenu personnel.
Oui. En ce qui concerne le pétrole, je crois que j’ai lu plus tôt, je pense, qu’il y a 50 ans, il y avait un conflit... on utilisait un exemple de conflit en Israël et au Moyen-Orient. Le pétrole a peut-être eu un effet disproportionné sur l’économie, en raison de l’inflation et de la récession. Mais il y a aussi le fait que le monde dépendait beaucoup plus du pétrole de l’OPEP, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Et ça change vraiment la dynamique, je suppose, en même temps. Oui, mais je pense aussi que la leçon... j’en ai parlé à notre chef, Produits de base. Les États producteurs de pétrole ont tiré une leçon dans les années 1970. Et c’est que si vous faites grimper le prix trop haut, à long terme, les pays vont trouver des moyens de réduire leur dépendance au pétrole. Et donc, oui, vous pourriez créer des difficultés à court terme, mais à long terme, vous allez perdre. Idéalement, ce que les États exportateurs de pétrole veulent, c’est un prix raisonnablement élevé qui n’est pas trop volatil, où ils réalisent un profit raisonnable sur l’écart entre le coût de production et le coût de vente, mais ce n’est pas tant qu’ils entraînent la destruction de la demande. La dernière chose qu’ils veulent, c’est que tout le monde conduise un véhicule électrique et n’utilise pas autant de pétrole.
Et ils y pensent : OK, s’ils utilisent le pétrole comme arme, ils scient vraiment la branche sur laquelle ils sont assis, en quelque sorte. Je ne crois donc pas qu’il y ait une structure incitative comme celle qui existait auparavant en raison des leçons apprises. Dans les années 1980 et 1990, le pétrole était très bon marché dans le contexte baissier des 20 dernières années qui a suivi les années 1970. Et je pense que c’est certainement un fait qui les préoccupe.
Passons maintenant à la Fed, qui a entendu divers intervenants expliquer comment le marché obligataire a peut-être fait le travail pour elle, et qui pourrait ensuite faire une pause. Qu’est-ce que vous voyez en ce moment? Je veux dire, comment interprétez-vous ça? Ou est-ce que je l’interprète mal? Dites-moi.
Non, non, c’est exact. On doit prendre du recul et faire preuve d’une grande humilité en ce moment, et je pense que les dirigeants de la Fed ou de la Banque du Canada sont tous dans la même situation. On se demande ce qui va se produire, non? Ils viennent de mener cette campagne de resserrement historique. À bien des égards, c’est ce qui motive la prise de décisions en ce moment : tout ce concept de décalages inconnus variables attribuables au resserrement des politiques.
Et ils cherchent à savoir : « D’accord, qu’est-ce ce qui arrivera ensuite? » Et je pense que ce qu’ils essaient de nous dire, c’est : « On pense avoir suffisamment augmenté, mais on va juste attendre de voir comment ça se passe. » Alors, je pense que le débat ne portera pas tant sur la question de savoir s’ils vont remonter de nouveau, mais sur la durée pendant laquelle ils vont rester à des niveaux restrictifs.
Oui, et qu’en pensez-vous?
Oh, je pense qu’ils vont rester restrictifs jusqu’à ce qu’ils constatent un repli important de l’inflation. La leçon apprise lors des années 1970, c’est que chaque fois que les banques centrales augmentaient, l’inflation diminuait, mais le chômage commençait à se résorber. Et à l’époque, le mantra était : « On veut le plein emploi. » Alors ils atténuaient immédiatement l’inflation et, bien sûr, neuf ou dix mois plus tard, celle-ci revenait à des niveaux inconfortables.
Personne ne veut répéter cette erreur. Ils pourraient commettre de nouvelles erreurs, mais ils ne vont pas desserrer les conditions et dire : « D’accord, tout est beau », simplement parce que l’inflation revient à 2 %. Ils vont vouloir le voir et avoir l’assurance que ça va rester comme ça pendant un certain temps. Donc je crois que les taux d’intérêt vont rester élevés pendant un certain temps.
Oui, et ajoutez à ça ce dont on a parlé plus tôt. C’est juste que si les prix du pétrole augmentent, ça va compliquer les choses, non?
Oui et non. C’est certainement dans les calculs de l’IPC. C’est un pic. Mais j’ai tendance à penser qu’il s’agit davantage d’une taxe. Si on doit payer 15 $ de plus à la pompe, ça veut dire 15 $ de moins pour aller au restaurant. Et, en fait, c’est vraiment notre niveau de vie qui est touché. C’est un coup dur pour notre consommation.
Et, au bout du compte, lorsque vous cédez sur la hausse des prix du pétrole, vous récupérez en quelque sorte l’argent que vous dépensez ailleurs, contrairement à ce qui se passe lorsque le marché du travail est serré ou en présence d’une spirale des salaires et des prix, ce qui correspond à une inflation qui se nourrit d’elle-même. C’est beaucoup plus comme une taxe. Et donc, à bien des égards, c’est presque une hausse. C’est presque comme une hausse de taux d’intérêt, parce que ça réduit la capacité des ménages à consommer.
Vous avez parlé de la spirale des salaires et des fluctuations. Il y a donc un rapport sur l’emploi assez satisfaisant qui a été publié. À quoi vous attendez-vous? Commence-t-on à observer un ralentissement du marché?
Vous savez, en ce moment, c’est un peu comme un générateur de nombres aléatoires. Sans entrer dans les détails, toutes sortes de calculs statistiques sont utilisés pour formuler ces hypothèses. Je ne pense pas qu’ils aient vraiment fait un rajustement après l’émoi causé par la COVID. Et donc je pense que je prends ça avec un grain de sel, si on peut dire. Le dernier rapport sur l’emploi a largement dépassé les attentes.
Si on voit un chiffre négatif le mois prochain, il ne faudrait peut-être pas être trop surpris. Je pense simplement qu’en ce moment, les données sont tellement volatiles et instables. Les chiffres d’ADP ont été assez faibles. On n’a pas vraiment une bonne idée de ce qui se passe sur le marché de l’emploi, et les données qu’on obtient ne nous brossent pas un portrait clair.
On va passer d’une discussion sur ce qui a récemment été le moteur des marchés à une discussion sur ce qu’on peut faire à propos de ça. Et donc, comment les investisseurs devraient-ils aborder ce marché en ce moment?
Oui, tout d’abord, chaque fois qu’on me pose cette question, c’est toujours ce que vous tentez d’accomplir qui compte, votre horizon de placement. Si vous avez besoin de votre patrimoine ou de votre capital l’an prochain, c’est une chose. Si vous en avez besoin dans 30 ans, c’est une tout autre histoire. Mais d’un point de vue plus actuel, je dirais ceci.
Premièrement, du côté des titres à revenu fixe, l’année a été difficile. Les deux dernières années ont été difficiles. Et ça a été en grande partie d’une réévaluation après la COVID. C’est passé d’un assouplissement quantitatif à un resserrement quantitatif. C’est cette poussée d’inflation qu’on a connue après la COVID.
Mais si on regarde le marché obligataire en ce moment, les évaluations sont aussi bon marché qu’elles le sont depuis le début des années 2000. On remonte donc à 20 ans, à un moment où c’était très intéressant. Et lorsque les taux dépassent de 2 % l’inflation prévue, de 2,5 %, c’est une assez bonne valeur.
C’est donc un peu risqué. Il a fait l’objet d’un repli précipité. Mais je pense que pour les gens qui ont un horizon de placement à plus long terme qu’une semaine ou deux, il offre une excellente valeur.
Pour ce qui est du segment des actions, je dirais que le monde commence à être un peu plus désordonné. Et à bien des égards, si on pense au marché le plus intéressant à l’heure actuelle, sur le plan de la productivité et du rendement du capital investi, c’est le marché américain.
Certains disent que c’est un peu cher, mais c’est loin d’être une bulle boursière, et c’est là qu’on peut obtenir la meilleure croissance. On continue donc d’aimer le marché américain. Et je pense que si vous êtes un investisseur mondial, que vous songez à des endroits où placer de l’argent, c’est probablement le marché où il serait préférable d’investir.
Au Canada, l’année a été plutôt morose. Je pense que ce cycle de hausse des taux va avoir un effet beaucoup plus important sur l’économie canadienne que sur l’économie américaine. Je serais donc un peu réticent à l’égard de l’économie canadienne. Il y a aussi le complexe énergétique, qui est intéressant. Toutefois, les banques américaines et canadiennes ne se sont pas très bien comportées. C’est un domaine où, selon moi, encore une fois, les évaluations sont assez intéressantes, mais on veut voir cette impulsion du cycle de hausse et s’assurer de ne pas avoir d’événements de crédit. Et puis, je pense que du côté des banques canadiennes, ça semble assez intéressant à cet égard. Mais il faut passer à travers cette période où il y aura probablement un certain nombre de radiations liées aux prêts douteux.
Oui, et les placements alternatifs dans le secteur privé, sont-ils...
Oui, dans le secteur privé, on adore les infrastructures. C’est là que vous voyez, en ce qui concerne la transition verte, ou que ce soit de nouveaux types d’infrastructures pour faire face aux conditions climatiques plus chaudes, ou d’énergies renouvelables, etc., un domaine dans lequel il est extrêmement intéressant d’investir. Du côté de l’immobilier, les titres immobiliers ne sont pas tous pareils. En ce qui concerne les bureaux, c’est un peu difficile en ce moment. Mais pour ce qui est du secteur industriel, des centres de distribution et des immeubles multirésidentiels, la demande est très forte et les prix sont élevés. Pour ce qui est de la diversification du portefeuille, elle est phénoménale.
Et je m’en voudrais de ne pas mentionner les produits de base, un marché dans lequel on s’est maintenant introduits. Quand on pense à ce que ça prend, en termes d’infrastructures et, en gros, du recadrage de notre économie pour délaisser le carbone et les produits de base dont on a besoin, ainsi qu’au manque d’investissements dans les produits de base, on croit que la seule façon de résoudre le problème, c’est d’augmenter les prix.
On considère donc les produits de base comme une source de diversification et un endroit où réaliser un rendement au sein d’un portefeuille global. C’est donc un point de vue thématique sur 5 ou 10 ans. Mais je pense que ce ne sera pas seulement la première décennie de ce siècle. Je pense qu’il y aura un autre type de supercycle sur les marchés des produits de base dans les années à venir.
Oui, et, comme vous l’avez dit à propos de la décarbonisation de l’immobilier, de la relocalisation, même des facteurs géopolitiques, il semble qu’on soit sur la bonne direction, ou plutôt dans la même direction.
Tout à fait. Je veux dire, la tragédie qui se produit au Moyen-Orient, la tragédie qui se produit en Ukraine, malheureusement, ce sont des choses qui vont généralement faire monter les enchères pour les produits de base, simplement parce que ça rend la capacité de négocier à l’échelle mondiale beaucoup plus difficile.
Oui. Les CPG reçoivent beaucoup d’attention. Ils sont faciles à comprendre. Ils font partie de votre portefeuille. Vous en obtenez le rendement. Vous le voyez. Mais il y a aussi certains risques auxquels les investisseurs doivent réfléchir par rapport à ce type de placement. Oui, les taux des CPG vont vraiment refléter ceux des titres à revenu fixe. Dans le cas d’un CPG, on le détient pendant quelques années. Vous obtenez un rendement similaire sur le marché obligataire.
Je dirais que pour les placements à court terme, ils sont absolument parfaits. Par exemple, si votre enfant va à l’université l’année prochaine, ce à quoi je songe moi-même, les CPG sont tout à fait logiques. Vous avez besoin de cet argent dans une fenêtre de 12 mois. Vous savez ce que vous allez obtenir... il n’y a pas de risque, si vous voulez, quant à ce que vous allez récupérer, alors c’est parfait.
Mais pour ce qui est de se constituer un patrimoine, je dirais qu’au fil du temps, ils se sont montrés peu utiles à cet égard. Les gains qu’ils génèrent sont généralement inférieurs à l’inflation, bien qu’à l’heure actuelle, il s’agisse d’une anomalie. Et je pense que les investisseurs axés sur le revenu, dans le segment des titres à revenu fixe, obtiennent un rendement similaire. Le flux de rendement n’est donc pas très différent, et vous avez la possibilité de réaliser un gain en capital si les taux commencent à se normaliser. Il y a donc cette remontée non seulement du revenu, mais aussi du capital, et c’est plus avantageux sur le plan fiscal. Ce sont donc quelques éléments à considérer dans le cadre de solutions axées sur le revenu. [LOGO AUDIO] [MUSIQUE]