
Les craintes à l’égard de la stabilité économique ont fait grimper le prix de l’or. Mais ces mêmes craintes pèsent aussi sur les perspectives pour le cours du pétrole. Kim Parlee reçoit Bart Melek, chef mondial, Stratégie relative aux produits de base à Valeurs Mobilières TD, pour discuter des tendances à surveiller dans le secteur des produits de base.
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Le prix de l’or a bondi après la hausse de taux de la Réserve fédérale. Le métal précieux a grimpé au cours des dernières séances. Les turbulences dans le secteur financier poussent les investisseurs à y trouver refuge. Nous allons entendre le point de vue de Bart Melek, chef mondial, Stratégie relative aux produits de base à Valeurs Mobilières TD – l’un de nos invités préférés. Ravie de vous voir.
C’est un plaisir d’être là. Merci.
L’or a le vent en poupe et aujourd’hui, la Fed a annoncé une hausse de taux attendue par les marchés. Comment le prix de l’or va-t-il évoluer?
En général, les hausses de taux ne sont pas particulièrement favorables pour l’or. Cette fois-ci, il se trouve que c’est une très bonne nouvelle, surtout parce que la Réserve fédérale a mis de l’eau dans son vin. Je pense que son discours s’est un peu adouci depuis la crise financière des derniers jours.
Le président de la Fed note déjà un resserrement à cause de la hausse du coût du crédit. Essentiellement, le risque est plus élevé sur le marché, avec probablement moins de prêts des banques régionales. Une bonne partie du resserrement qui devait se produire aurait normalement été déclenché par la Réserve fédérale, mais on l’observe déjà dans le monde réel. La Fed pourra donc peut-être limiter son intervention.
Je vois. Quelles sont vos perspectives pour l’or? Sur la courbe des prix, on voit une belle petite hausse favorable aux positions longues sur l’or depuis mars – ou plutôt début mars. Et maintenant?
Je crois qu’il ne faut jamais tenir les tendances haussières pour acquises. Tout peut changer. Il est tout à fait possible que la Fed relève encore les taux. L’inflation pourrait exploser.
Mais dans le scénario qu’on anticipe, le contexte est favorable pour l’or. Les risques laissent présager une hausse. On a franchi le cap des 2 000 $ très récemment, avant une correction et une autre hausse. Pour la suite, entre la Fed qui arrive sans doute au bout de son cycle de hausse et le fléchissement de l’inflation, je crois qu’à un moment donné, les taux d’intérêt baisseront assez rapidement. Et c’est très bénéfique pour l’or. Je ne serais pas du tout surpris que les prix battent de nouveaux records au second semestre, voire plus tôt. C’est toujours difficile d’anticiper le marché, mais l’or est en bonne position.
Outre les facteurs liés à la politique monétaire, la ruée sur l’or se poursuit dans les banques centrales et chez les particuliers. Et l’an dernier, c’est le secteur officiel qui a acheté le plus d’or.
Pourquoi?
C’est inédit. À cause notamment des facteurs géopolitiques. Beaucoup de gestionnaires de portefeuille qui gèrent les réserves de change craignent que le dollar américain perde son statut de monnaie de réserve. Les discussions entre la Russie et la Chine suscitent une nervosité.
L’autre raison, bien sûr, c’est l’endettement massif des États-Unis. On craint toujours qu’une partie de la dette soit monétisée. Et tout simplement, l’or a bénéficié de la diversification de la composition de l’actif. Il semble que cette année ne sera pas très différente de l’an dernier, où l’or a fait figure de valeur refuge. Jusqu’à présent, cette stratégie a fonctionné.
C’est le moins qu’on puisse dire, oui. Et quant aux facteurs dont vous avez parlé – aucun n’a disparu. Il me semble qu’on observe plutôt une détérioration depuis quelque temps.
Oui. Et il est certain que les déclarations de la Fed font office de catalyseur.
Oui.
Parlons maintenant du pétrole. On parle de l’offre, de l’incertitude économique, de la demande. Logiquement, si on entre en récession, la demande en pétrole sera beaucoup moins forte.
Je crois qu’on s’attendait à ce que les prix dépassent – Beaucoup de gens tablent sur une envolée à 100 $ le baril au deuxième semestre. On en est encore loin. Les prix se sont un peu redressés. Qu’est-ce que vous anticipez?
Nous sommes très optimistes pour les prix du pétrole au deuxième semestre. Notez bien que je parle du deuxième semestre. Au premier trimestre, il y a eu un léger surplus. L’OPEP a averti le monde entier qu’au deuxième trimestre, l’offre pourrait dépasser la demande.
Mais avec la réouverture de la Chine – en dépit de ce qui pourrait se passer en Occident – il est probable que la demande augmente de 1,3 voire 1,5 million de barils simplement du fait du retour à la normale en Chine. Les citoyens chinois vont reprendre l’avion, les carburéacteurs vont en bénéficier. Et aujourd’hui, les stocks de pétrole ont sensiblement augmenté. En revanche, on observe des baisses importantes du côté des produits du pétrole.
Les marchés des produits restent tendus, et je crois que l’OPEP agit de façon opportuniste. Rappelez-vous qu’au début de cette terrible pandémie, l’OPEP a procédé à une réduction massive de l’offre, de l’ordre de 10 millions de barils. Selon nous, l’OPEP n’hésitera pas à réajuster l’offre pour s’assurer de mettre fin aux excédents. Et à l’approche du second semestre, quand le monde se portera mieux et que la situation en Chine se normalisera, le marché sera très tendu. J’avance avec une confiance relative que le brut dépassera 90 $ au second semestre. C’est tout à fait possible et même probable.
Il ne reste qu’une trentaine de secondes. C’est un peu injuste de vous demander de répondre si brièvement. Mais les haussiers affirmeront toujours avec véhémence que les capitaux ont été drainés du secteur à cause des événements. Par conséquent, il est impossible de faire affluer l’offre quand on en a vraiment besoin, si la demande s’accélère. Est-ce un facteur dont vous tenez également compte?
Tout à fait. Si on regarde la production de gaz de schiste, les États-Unis ont perdu leur statut de producteur d’appoint. Qu’est-ce que cela signifie? En fin de compte, cela donne à l’OPEP la latitude de contrôler l’offre, de l’ajuster pour répondre à la demande, voire pour y répondre insuffisamment. L’OPEP n’a pas à s’inquiéter de perdre des parts de marché, et c’est déterminant pour elle. Je crois que cette tendance va se poursuivre.
[MUSIQUE DOUCE]
Le prix de l’or a bondi après la hausse de taux de la Réserve fédérale. Le métal précieux a grimpé au cours des dernières séances. Les turbulences dans le secteur financier poussent les investisseurs à y trouver refuge. Nous allons entendre le point de vue de Bart Melek, chef mondial, Stratégie relative aux produits de base à Valeurs Mobilières TD – l’un de nos invités préférés. Ravie de vous voir.
C’est un plaisir d’être là. Merci.
L’or a le vent en poupe et aujourd’hui, la Fed a annoncé une hausse de taux attendue par les marchés. Comment le prix de l’or va-t-il évoluer?
En général, les hausses de taux ne sont pas particulièrement favorables pour l’or. Cette fois-ci, il se trouve que c’est une très bonne nouvelle, surtout parce que la Réserve fédérale a mis de l’eau dans son vin. Je pense que son discours s’est un peu adouci depuis la crise financière des derniers jours.
Le président de la Fed note déjà un resserrement à cause de la hausse du coût du crédit. Essentiellement, le risque est plus élevé sur le marché, avec probablement moins de prêts des banques régionales. Une bonne partie du resserrement qui devait se produire aurait normalement été déclenché par la Réserve fédérale, mais on l’observe déjà dans le monde réel. La Fed pourra donc peut-être limiter son intervention.
Je vois. Quelles sont vos perspectives pour l’or? Sur la courbe des prix, on voit une belle petite hausse favorable aux positions longues sur l’or depuis mars – ou plutôt début mars. Et maintenant?
Je crois qu’il ne faut jamais tenir les tendances haussières pour acquises. Tout peut changer. Il est tout à fait possible que la Fed relève encore les taux. L’inflation pourrait exploser.
Mais dans le scénario qu’on anticipe, le contexte est favorable pour l’or. Les risques laissent présager une hausse. On a franchi le cap des 2 000 $ très récemment, avant une correction et une autre hausse. Pour la suite, entre la Fed qui arrive sans doute au bout de son cycle de hausse et le fléchissement de l’inflation, je crois qu’à un moment donné, les taux d’intérêt baisseront assez rapidement. Et c’est très bénéfique pour l’or. Je ne serais pas du tout surpris que les prix battent de nouveaux records au second semestre, voire plus tôt. C’est toujours difficile d’anticiper le marché, mais l’or est en bonne position.
Outre les facteurs liés à la politique monétaire, la ruée sur l’or se poursuit dans les banques centrales et chez les particuliers. Et l’an dernier, c’est le secteur officiel qui a acheté le plus d’or.
Pourquoi?
C’est inédit. À cause notamment des facteurs géopolitiques. Beaucoup de gestionnaires de portefeuille qui gèrent les réserves de change craignent que le dollar américain perde son statut de monnaie de réserve. Les discussions entre la Russie et la Chine suscitent une nervosité.
L’autre raison, bien sûr, c’est l’endettement massif des États-Unis. On craint toujours qu’une partie de la dette soit monétisée. Et tout simplement, l’or a bénéficié de la diversification de la composition de l’actif. Il semble que cette année ne sera pas très différente de l’an dernier, où l’or a fait figure de valeur refuge. Jusqu’à présent, cette stratégie a fonctionné.
C’est le moins qu’on puisse dire, oui. Et quant aux facteurs dont vous avez parlé – aucun n’a disparu. Il me semble qu’on observe plutôt une détérioration depuis quelque temps.
Oui. Et il est certain que les déclarations de la Fed font office de catalyseur.
Oui.
Parlons maintenant du pétrole. On parle de l’offre, de l’incertitude économique, de la demande. Logiquement, si on entre en récession, la demande en pétrole sera beaucoup moins forte.
Je crois qu’on s’attendait à ce que les prix dépassent – Beaucoup de gens tablent sur une envolée à 100 $ le baril au deuxième semestre. On en est encore loin. Les prix se sont un peu redressés. Qu’est-ce que vous anticipez?
Nous sommes très optimistes pour les prix du pétrole au deuxième semestre. Notez bien que je parle du deuxième semestre. Au premier trimestre, il y a eu un léger surplus. L’OPEP a averti le monde entier qu’au deuxième trimestre, l’offre pourrait dépasser la demande.
Mais avec la réouverture de la Chine – en dépit de ce qui pourrait se passer en Occident – il est probable que la demande augmente de 1,3 voire 1,5 million de barils simplement du fait du retour à la normale en Chine. Les citoyens chinois vont reprendre l’avion, les carburéacteurs vont en bénéficier. Et aujourd’hui, les stocks de pétrole ont sensiblement augmenté. En revanche, on observe des baisses importantes du côté des produits du pétrole.
Les marchés des produits restent tendus, et je crois que l’OPEP agit de façon opportuniste. Rappelez-vous qu’au début de cette terrible pandémie, l’OPEP a procédé à une réduction massive de l’offre, de l’ordre de 10 millions de barils. Selon nous, l’OPEP n’hésitera pas à réajuster l’offre pour s’assurer de mettre fin aux excédents. Et à l’approche du second semestre, quand le monde se portera mieux et que la situation en Chine se normalisera, le marché sera très tendu. J’avance avec une confiance relative que le brut dépassera 90 $ au second semestre. C’est tout à fait possible et même probable.
Il ne reste qu’une trentaine de secondes. C’est un peu injuste de vous demander de répondre si brièvement. Mais les haussiers affirmeront toujours avec véhémence que les capitaux ont été drainés du secteur à cause des événements. Par conséquent, il est impossible de faire affluer l’offre quand on en a vraiment besoin, si la demande s’accélère. Est-ce un facteur dont vous tenez également compte?
Tout à fait. Si on regarde la production de gaz de schiste, les États-Unis ont perdu leur statut de producteur d’appoint. Qu’est-ce que cela signifie? En fin de compte, cela donne à l’OPEP la latitude de contrôler l’offre, de l’ajuster pour répondre à la demande, voire pour y répondre insuffisamment. L’OPEP n’a pas à s’inquiéter de perdre des parts de marché, et c’est déterminant pour elle. Je crois que cette tendance va se poursuivre.
[MUSIQUE DOUCE]