Les données les plus récentes sur les prix à la consommation aux États-Unis montrent que l’inflation continue de ralentir. Cela signifie-t-il pour autant que la Réserve fédérale arrive au bout de son cycle de hausse des taux? Greg Bonnell de MoneyTalk reçoit Thomas Feltmate, économiste principal à la TD, pour en discuter.
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Les prix à la consommation aux États-Unis montrent que l’inflation poursuit sa baisse. Mais la Fed en est-elle pour autant arrivée au bout de son cycle de hausse des taux? Thomas Feltmate, économiste principal à la TD, se joint à nous aujourd’hui. Thomas, c’est un plaisir de vous retrouver.
Merci de l’invitation.
Très bien. C’est le genre de rapport que la Fed ou même les marchés ont envie de voir, une inflation qui continue de ralentir. Mais derrière ce chiffre global et au-delà, qu’est-ce qui se trame en réalité?
Oui. On constate effectivement un léger ralentissement de l’inflation globale sur 12 mois. Ce recul s’explique en partie par la baisse des prix de l’énergie. Les prix des aliments sont restés stables ce mois-ci. Ce sont des signes encourageants. Mais si on exclut ces effets et que l’on examine l’inflation de base, on observe tout de même une hausse de 0,4 % d’un mois sur l’autre.
Et il y avait quelques signes encourageants à signaler. Après la hausse de l’habitation, on observe un net ralentissement en avril. C’est encourageant. Les chiffres de mars et avril montrent un certain recul par rapport aux chiffres élevés de l’an dernier.
Et cela cadre avec ce que l’on dit depuis quelque temps, à savoir que les coûts d’habitation aux États-Unis, d’après les mesures des loyers du marché, ont atteint leur sommet l’an dernier. Il allait forcément y avoir un décalage avant que ce recul se répercute dans les chiffres de l’inflation. Voilà ce qu’on a observé au cours des deux derniers mois. C’est effectivement encourageant.
Si l’on regarde le côté positif, à la fin de l’année dernière, on observait beaucoup de signes de déflation. Mais ces deux derniers mois, les produits de base ont de nouveau contribué positivement à l’inflation, surtout à cause de la forte augmentation ponctuelle des prix des véhicules d’occasion.
Si l’on exclut ce facteur, les produits de base sont restés stables. Sinon, si on regarde les services qui ne sont pas liés au logement, on constate là encore une modération, mais uniquement depuis le mois dernier. Il est donc encore trop tôt pour dire avec certitude si on assiste à un ralentissement de l’inflation de base, ou s’il s’agit simplement d’effets ponctuels.
Doit-on en conclure que le dernier kilomètre sera le plus difficile? C’est une chose de descendre de 7 ou 8 % pour repasser légèrement sous la barre des 5 % comme aujourd’hui. Mais pour revenir à 2 %... S’engage-t-on dans une bataille beaucoup plus difficile?
Je pense qu’il est tout à fait concevable de revenir à 4 % d’ici la fin de l’année. Mais comme vous le dites, pour descendre d’un dernier cran de 3,5 % à 2 %, le chemin risque certainement d’être bien plus ardu, surtout du côté des services.
Qu’en dirait la Fed? Après la hausse de taux de la semaine dernière, le président Powell s’est bien gardé d’évoquer une pause. Mais la Fed a préparé le terrain en disant que dépendamment des indicateurs, elle en avait peut-être fini avec les hausses. Que révèle ce chiffre sur l’état d’esprit actuel de la Fed?
Je pense que ce chiffre confirme ce que la Fed a laissé entendre, à savoir qu’elle en est désormais au point où elle est à l’aise avec le degré de restriction dans l’économie. Mais elle a aussi laissé la porte ouverte à de futures hausses de taux en cas de hausse surprise des données économiques.
En ce qui concerne l’inflation, on a vu ce matin les tout premiers signes d’un certain ralentissement. Je pense que ces chiffres jouent en faveur de la Fed. Mais d’après les données sur l’emploi de la semaine dernière, l’économie américaine a créé plus de 250 000 emplois en avril. Ce rythme est nettement supérieur à la tendance habituelle.
Ces chiffres suggèrent que l’on pourrait assister à une poussée un peu plus forte sur les prix. Je pense que la Fed est à l’aise avec la situation actuelle, mais si les données économiques nous réservent d’autres hausses surprises, elle a certainement laissé la porte ouverte à une autre hausse en juin.
C’est une chose de marquer une pause, en se réservant la possibilité d’une hausse selon la direction que prennent les données. Mais certains segments du marché, comme les titres à revenu fixe, commencent à intégrer dans leurs prix des baisses de taux dès cet été, peut-être maintenant à l’automne, mais en tout cas dans le courant de l’année. Cet optimisme est-il prématuré?
Je crois que oui, pour le moment. On sait que l’inflation est très tenace et compte tenu de la vigueur persistante du marché de l’emploi, il serait optimiste de dire qu’à l’automne prochain, la Fed se sentirait à l’aise de commencer à baisser son taux directeur, surtout compte tenu de la trajectoire que l’on observe toujours dans les données de l’inflation, à savoir des signes très timides de ralentissement, et un marché de l’emploi très vigoureux. Selon nous, c’est un peu prématuré à ce stade.
Au Canada, la banque centrale a marqué une pause depuis un certain temps. Mais c’est la même chose. Si les données indiquent qu’une hausse est nécessaire, il y en aura une. Quel est le scénario le plus probable au Canada?
On est dans une situation très semblable. Les chiffres de l’emploi pour avril ont été publiés la semaine dernière. Ils sont bien au-dessus des estimations consensuelles, comme aux États-Unis. On observe encore un fort dynamisme sous-jacent sur le plan de l’embauche. Les chiffres des dépenses de consommation sont publiés plus fréquemment et continuent d’indiquer une accélération à court terme des dépenses. Cela va à l’encontre des efforts des décideurs pour amener l’économie où ils le veulent. En fin de compte, les taux devront rester élevés plus longtemps. Cette année, on pense que la Banque du Canada et la Fed vont maintenir leurs taux directeurs aux niveaux actuels.
D’après ce qu’on m’a laissé entendre dans certaines discussions, et d’après ce qu’en disent certains experts du marché, la banque centrale se satisferait d’une inflation d’environ 3 %. Mais la cible est de 2 %, plus ou moins. Si la Fed veut préserver la confiance des consommateurs et ancrer les attentes d’inflation, doit-elle vraiment lutter bec et ongles pour parvenir à cette cible idéale de 2 %, ou peut-elle s’octroyer une marge?
C’est en effet une question que l’on a posée aux décideurs au cours de l’année passée. Le président Powell a dit que son mandat était de ramener l’inflation à 2 %. C’est ce qu’il vise. La Fed tente de ramener l’inflation à ce niveau à tout prix, ce qui plaide probablement en faveur de taux élevés sur une période plus longue que les marchés ne l’anticipent actuellement.
L’objectif est évidemment de ralentir l’inflation. J’imagine qu’on ne peut pas ralentir l’inflation sans ralentir l’économie, dans une certaine mesure. Et on voit que le marché de l’emploi ne faiblit pas. Les consommateurs résistent. Où faut-il voir des fissures pour que les banques centrales s’estiment satisfaites? Il y a l’inflation globale d’un côté, mais la demande en main-d’œuvre reste forte, les salaires augmentent toujours. Tous ces facteurs semblent aller à l’encontre les uns des autres.
Oui. Je suis d’accord. Le marché du travail reste très solide. Cela dit, des fissures commencent à apparaître aux États-Unis, selon moi. Les offres d’emploi, par exemple, ont chuté au cours de la dernière année. On est passé d’environ 10 ou 11 millions à près de 9,6.
C’est donc significatif. Toutefois, ce chiffre reste élevé d’un point de vue historique. Les demandes de prestations d’assurance-chômage ont commencé à augmenter. Là encore, c’est un autre signe de ralentissement. Actuellement, ce chiffre se situe au-dessus de la moyenne de 2019.
Là encore, un autre signe de ralentissement encourageant. Mais pour le moment, c’est marginal. Le marché de l’emploi reste historiquement très tendu, et on en ressent les effets au niveau des salaires dont la croissance demeure bien supérieure à ce qui correspondrait à une inflation plus proche de 2 %. [LOGO AUDIO] [MUSIQUE]
Les prix à la consommation aux États-Unis montrent que l’inflation poursuit sa baisse. Mais la Fed en est-elle pour autant arrivée au bout de son cycle de hausse des taux? Thomas Feltmate, économiste principal à la TD, se joint à nous aujourd’hui. Thomas, c’est un plaisir de vous retrouver.
Merci de l’invitation.
Très bien. C’est le genre de rapport que la Fed ou même les marchés ont envie de voir, une inflation qui continue de ralentir. Mais derrière ce chiffre global et au-delà, qu’est-ce qui se trame en réalité?
Oui. On constate effectivement un léger ralentissement de l’inflation globale sur 12 mois. Ce recul s’explique en partie par la baisse des prix de l’énergie. Les prix des aliments sont restés stables ce mois-ci. Ce sont des signes encourageants. Mais si on exclut ces effets et que l’on examine l’inflation de base, on observe tout de même une hausse de 0,4 % d’un mois sur l’autre.
Et il y avait quelques signes encourageants à signaler. Après la hausse de l’habitation, on observe un net ralentissement en avril. C’est encourageant. Les chiffres de mars et avril montrent un certain recul par rapport aux chiffres élevés de l’an dernier.
Et cela cadre avec ce que l’on dit depuis quelque temps, à savoir que les coûts d’habitation aux États-Unis, d’après les mesures des loyers du marché, ont atteint leur sommet l’an dernier. Il allait forcément y avoir un décalage avant que ce recul se répercute dans les chiffres de l’inflation. Voilà ce qu’on a observé au cours des deux derniers mois. C’est effectivement encourageant.
Si l’on regarde le côté positif, à la fin de l’année dernière, on observait beaucoup de signes de déflation. Mais ces deux derniers mois, les produits de base ont de nouveau contribué positivement à l’inflation, surtout à cause de la forte augmentation ponctuelle des prix des véhicules d’occasion.
Si l’on exclut ce facteur, les produits de base sont restés stables. Sinon, si on regarde les services qui ne sont pas liés au logement, on constate là encore une modération, mais uniquement depuis le mois dernier. Il est donc encore trop tôt pour dire avec certitude si on assiste à un ralentissement de l’inflation de base, ou s’il s’agit simplement d’effets ponctuels.
Doit-on en conclure que le dernier kilomètre sera le plus difficile? C’est une chose de descendre de 7 ou 8 % pour repasser légèrement sous la barre des 5 % comme aujourd’hui. Mais pour revenir à 2 %... S’engage-t-on dans une bataille beaucoup plus difficile?
Je pense qu’il est tout à fait concevable de revenir à 4 % d’ici la fin de l’année. Mais comme vous le dites, pour descendre d’un dernier cran de 3,5 % à 2 %, le chemin risque certainement d’être bien plus ardu, surtout du côté des services.
Qu’en dirait la Fed? Après la hausse de taux de la semaine dernière, le président Powell s’est bien gardé d’évoquer une pause. Mais la Fed a préparé le terrain en disant que dépendamment des indicateurs, elle en avait peut-être fini avec les hausses. Que révèle ce chiffre sur l’état d’esprit actuel de la Fed?
Je pense que ce chiffre confirme ce que la Fed a laissé entendre, à savoir qu’elle en est désormais au point où elle est à l’aise avec le degré de restriction dans l’économie. Mais elle a aussi laissé la porte ouverte à de futures hausses de taux en cas de hausse surprise des données économiques.
En ce qui concerne l’inflation, on a vu ce matin les tout premiers signes d’un certain ralentissement. Je pense que ces chiffres jouent en faveur de la Fed. Mais d’après les données sur l’emploi de la semaine dernière, l’économie américaine a créé plus de 250 000 emplois en avril. Ce rythme est nettement supérieur à la tendance habituelle.
Ces chiffres suggèrent que l’on pourrait assister à une poussée un peu plus forte sur les prix. Je pense que la Fed est à l’aise avec la situation actuelle, mais si les données économiques nous réservent d’autres hausses surprises, elle a certainement laissé la porte ouverte à une autre hausse en juin.
C’est une chose de marquer une pause, en se réservant la possibilité d’une hausse selon la direction que prennent les données. Mais certains segments du marché, comme les titres à revenu fixe, commencent à intégrer dans leurs prix des baisses de taux dès cet été, peut-être maintenant à l’automne, mais en tout cas dans le courant de l’année. Cet optimisme est-il prématuré?
Je crois que oui, pour le moment. On sait que l’inflation est très tenace et compte tenu de la vigueur persistante du marché de l’emploi, il serait optimiste de dire qu’à l’automne prochain, la Fed se sentirait à l’aise de commencer à baisser son taux directeur, surtout compte tenu de la trajectoire que l’on observe toujours dans les données de l’inflation, à savoir des signes très timides de ralentissement, et un marché de l’emploi très vigoureux. Selon nous, c’est un peu prématuré à ce stade.
Au Canada, la banque centrale a marqué une pause depuis un certain temps. Mais c’est la même chose. Si les données indiquent qu’une hausse est nécessaire, il y en aura une. Quel est le scénario le plus probable au Canada?
On est dans une situation très semblable. Les chiffres de l’emploi pour avril ont été publiés la semaine dernière. Ils sont bien au-dessus des estimations consensuelles, comme aux États-Unis. On observe encore un fort dynamisme sous-jacent sur le plan de l’embauche. Les chiffres des dépenses de consommation sont publiés plus fréquemment et continuent d’indiquer une accélération à court terme des dépenses. Cela va à l’encontre des efforts des décideurs pour amener l’économie où ils le veulent. En fin de compte, les taux devront rester élevés plus longtemps. Cette année, on pense que la Banque du Canada et la Fed vont maintenir leurs taux directeurs aux niveaux actuels.
D’après ce qu’on m’a laissé entendre dans certaines discussions, et d’après ce qu’en disent certains experts du marché, la banque centrale se satisferait d’une inflation d’environ 3 %. Mais la cible est de 2 %, plus ou moins. Si la Fed veut préserver la confiance des consommateurs et ancrer les attentes d’inflation, doit-elle vraiment lutter bec et ongles pour parvenir à cette cible idéale de 2 %, ou peut-elle s’octroyer une marge?
C’est en effet une question que l’on a posée aux décideurs au cours de l’année passée. Le président Powell a dit que son mandat était de ramener l’inflation à 2 %. C’est ce qu’il vise. La Fed tente de ramener l’inflation à ce niveau à tout prix, ce qui plaide probablement en faveur de taux élevés sur une période plus longue que les marchés ne l’anticipent actuellement.
L’objectif est évidemment de ralentir l’inflation. J’imagine qu’on ne peut pas ralentir l’inflation sans ralentir l’économie, dans une certaine mesure. Et on voit que le marché de l’emploi ne faiblit pas. Les consommateurs résistent. Où faut-il voir des fissures pour que les banques centrales s’estiment satisfaites? Il y a l’inflation globale d’un côté, mais la demande en main-d’œuvre reste forte, les salaires augmentent toujours. Tous ces facteurs semblent aller à l’encontre les uns des autres.
Oui. Je suis d’accord. Le marché du travail reste très solide. Cela dit, des fissures commencent à apparaître aux États-Unis, selon moi. Les offres d’emploi, par exemple, ont chuté au cours de la dernière année. On est passé d’environ 10 ou 11 millions à près de 9,6.
C’est donc significatif. Toutefois, ce chiffre reste élevé d’un point de vue historique. Les demandes de prestations d’assurance-chômage ont commencé à augmenter. Là encore, c’est un autre signe de ralentissement. Actuellement, ce chiffre se situe au-dessus de la moyenne de 2019.
Là encore, un autre signe de ralentissement encourageant. Mais pour le moment, c’est marginal. Le marché de l’emploi reste historiquement très tendu, et on en ressent les effets au niveau des salaires dont la croissance demeure bien supérieure à ce qui correspondrait à une inflation plus proche de 2 %. [LOGO AUDIO] [MUSIQUE]