
Daniel Ghali, stratège principal, Produits de base à Valeurs Mobilières TD, discute avec Greg Bonnell de la demande physique croissante pour les produits de base, du rôle que joue la géographie et des répercussions possibles sur les prix, les marchés des produits de base et les investisseurs.
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[MUSIQUE]
* Alors que les investisseurs évaluent les perspectives à l’égard des produits de base dans le contexte des craintes d’une récession en Amérique du Nord, une évolution intéressante de la demande est en cours. Pour en discuter plus en détail, je reçois Daniel Ghali, stratège principal, Produits de base à Valeurs Mobilières TD. Daniel, c’est un plaisir de vous retrouver.
* Merci, Greg. C’est un plaisir d’être ici.
* Évidemment, pour de bonnes raisons, les investisseurs sont très préoccupés par l’orientation de l’économie. Et pour de bonnes raisons, on porte notre attention sur l’Amérique du Nord. Vous remarquez certaines tendances mondiales en ce qui a trait aux produits de base et à la demande. Qu’est-ce que vous constatez?
* Oui, absolument. Greg, je pense que ce qu’il faut retenir, c’est que l’Occident semble perdre le contrôle des prix des produits de base. Ce que je veux dire, c’est que les prix du cuivre ou de l’or, par exemple, la plupart des produits de base se négocient à un prix supérieur à ce que dicterait le régime macroéconomique, n’est-ce pas?
Les prix du cuivre sont donc nettement plus élevés que ce que suggèrent les indicateurs avancés de la demande à eux seuls. Si on regarde les prix de l’or, ils se négocient à un niveau beaucoup plus élevé que ne le laissent croire les taux réels sur 10 ans aux États-Unis. Je crois qu’en coulisses, la demande physique associée à ces perturbations des prix est alimentée par l’Orient.
L’Occident perd le contrôle du mécanisme d’établissement des prix, car il a tendance à avoir un impact sur le secteur des placements, et à l’heure actuelle, ce n’est pas une question de flux de capitaux des investisseurs. En fait, il s’agit de la demande physique, de l’offre physique et des contraintes à l’échelle mondiale, qui ont tendance à être axées sur l’Orient plutôt que sur l’Occident.
* La demande physique? Qui, sur le marché, achète de l’or, qui veut en fait détenir de l’or physique?
* Oui, l’or est un excellent exemple. C’est très intéressant. Au cours de la dernière année, la Turquie, par exemple, est devenue l’un des plus importants acheteurs mondiaux d’or. Ça c’est le secteur de détail. Les gens achètent beaucoup de bijoux. Les gens achètent beaucoup de lingots et de pièces. Mais c’est aussi sa banque centrale, qui est devenue l’un des plus importants acheteurs d’or à l’échelle mondiale.
Qu’est-ce qui explique ça? Et c’est un thème qui est vrai pour la plupart des marchés émergents. Si on examine le fonctionnement de l’or en monnaie locale pour les marchés émergents, on constate qu’il y a en fait une couverture de l’inflation assez impressionnante lorsque l’inflation est particulièrement élevée ou faible. C’est ce qu’on appelle une protection contre l’inflation. Si on considère l’or sous cet angle, ce n’est pas surprenant que la Turquie, qui fait face à une hyperinflation aujourd’hui, ait été un acheteur massif d’or.
Ailleurs dans le monde, la Chine, en particulier sa banque centrale, a aussi été un important acheteur d’or. On en a déjà parlé par le passé. Je pense que cela est probablement lié à l’évolution de la géopolitique, à la nécessité de diversifier nos placements en investissant à l’extérieur des réserves en dollars américains vers une autre monnaie de réserve ou un autre actif de réserve comme l’or, qui est n’est vraiment un passif pour personne.
C’est une tendance qu’on observe, encore une fois, à la hausse en Orient. Le Qatar fait la même chose. Les pays du CCG ont également été l’un des plus importants acheteurs d’or au cours de la dernière année, et tout cela est en grande partie attribuable à la guerre en Ukraine, qui a entraîné un changement de mentalité pour un grand nombre de ces banques centrales de l’Est.
* De toute évidence, ce qu’on a vu en Ukraine a aussi eu un effet assez profond au début, au moins sur le pétrole et le gaz, et d’autres parties du secteur de l’énergie. Et puis il y a la réouverture de la Chine et l’évaluation de l’effet de la demande de consommation. Quel est l’impact sur le pétrole et le gaz, et dans d’autres secteurs?
* Oui, c’est une excellente question, et je pense, en fait, qu’on commence à voir des signes que les répercussions de la réouverture de la Chine ne sont pas généralisées. Du jour au lendemain, il y a eu le lancement de l’indice des directeurs d’achats du secteur manufacturier chinois. Il a été particulièrement solide. En y regardant de plus près, on constate qu’il ne s’agit pas nécessairement d’une reprise intérieure en Chine. En fait, c’est probablement aussi associé à la hausse de la demande en Occident, qui est en fait lié au temps miracle que l’Europe a connu, et particulièrement au temps doux aux États-Unis.
Toutefois, les indicateurs avancés de la demande de métaux comme le cuivre et l’aluminium laissent encore entrevoir une baisse de la demande, et je pense que ce qui se passe, c’est que les stocks se sont considérablement accumulés. Les utilisateurs de cuivre et d’aluminium sont surchargés aujourd’hui, ce qui signifie qu’ils vont moins consommer ces produits-là au cours des trois à six prochains mois. Il y a une mise en garde à faire à l’égard du secteur immobilier, et c’est probablement un peu plus graduel, mais on commence à voir des signes de reprise. Mais, encore une fois, ça va prendre un certain temps.
* En ce qui concerne le cuivre, vous en avez parlé, et chaque fois que j’entends parler de cuivre, je pense à l’électrification de tout, dont les gens parlent. Et souvent, ici en Amérique du Nord, on considère ça comme une histoire nord-américaine, que ce soit Tesla ou d’autres sociétés. Mais, évidemment, la Chine a un énorme marché pour les véhicules électriques et un énorme marché intérieur, d’après ce que je comprends, de personnes qui en produisent. À quoi ressemble la demande chinoise pour ce type de métaux destinés à l’électrification des véhicules électriques?
* Oui, c’est la Chine qui met vraiment l’accent sur l’électrification. En 2019, je crois que les véhicules électriques représentaient environ 2 % des ventes d’automobiles en Chine. Aujourd’hui, ça se rapproche de 45 %. Ce changement radical a été vraiment subventionné par le gouvernement. Certains de ces incitatifs fiscaux ont disparu, et on s’attend à ce que les véhicules électriques perdent des parts de marché. Mais je pense que, dans l’ensemble, ce qui est vraiment sous-estimé en ce qui concerne les tendances d’électrification vers lesquelles tout le monde en Occident se tourne, c’est que la Chine contrôle en fait toutes les parties de la chaîne d’approvisionnement qui sont nécessaires pour que l’électrification se produise.
Ce thème-là est donc souvent vanté par l’Occident, et heureusement, c’est l’Orient qui contrôle la chaîne d’approvisionnement là-bas. Par exemple, 70 % à 80 % de la capacité mondiale de fabrication des anodes et des cathodes des batteries se trouve en Chine. Il en va de même pour la production des batteries. Et c’est aussi la même chose pour la fabrication des véhicules électriques.
Et même plus loin dans la chaîne d’approvisionnement, la capacité de transformation des matériaux comme le cuivre, le lithium, le nickel, tout ça, ou une grande partie, se trouve toujours en Chine. Je pense que c’est quelque chose qui est sous-évalué parce que, lorsque les flux commerciaux vont commencer à dévier, l’Occident va peut-être devoir renforcer ses capacités, et c’est une chose qui n’a pas encore été faite.
* Alors que le monde travaille à l’électrification, on fait valoir, et c’est logique, qu’on va avoir besoin de pétrole et de gaz pendant un certain temps. Pour faire cette transition-là, on en a besoin pendant un certain temps. Que pense-t-on de la demande de pétrole dans ce contexte? On dirait que c’est toujours un va-et-vient quotidien.
* Je veux dire par là que, compte tenu des perspectives cycliques, il faut tenir compte du fait qu’au cours des cinq prochaines années, la Chine sera le principal moteur de la croissance de la demande de pétrole. Au-delà de ça, l’Inde génère vraiment cette croissance. C’est donc le cas depuis un certain temps, mais, encore une fois, je pense que ce qu’on oublie souvent, c’est que selon le même horizon prévisionnel, dans 5 ou 10 ans, la demande nord-américaine et européenne va diminuer considérablement.
On commence déjà à voir des signes d’effondrement de la demande de pétrole. La préférence des gens pour les véhicules hybrides ou les gains en efficacité énergétique est en fait l’un des facteurs qui ont le plus contribué à l’effondrement de la demande de pétrole, et les ventes de véhicules électriques aussi, qui gagnent des parts de marché plus rapidement que beaucoup l’avaient prévu avant la COVID.
Mais, encore une fois, ces changements dans les flux commerciaux éloignent les relations géopolitiques du statu quo auquel nous sommes habitués depuis 40 ans, et nous rapprochent d’un monde potentiellement plus multipolaire, où le besoin de diversification à l’extérieur des réserves en dollars américains augmente et où l’or connaît déjà certains avantages.
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* Alors que les investisseurs évaluent les perspectives à l’égard des produits de base dans le contexte des craintes d’une récession en Amérique du Nord, une évolution intéressante de la demande est en cours. Pour en discuter plus en détail, je reçois Daniel Ghali, stratège principal, Produits de base à Valeurs Mobilières TD. Daniel, c’est un plaisir de vous retrouver.
* Merci, Greg. C’est un plaisir d’être ici.
* Évidemment, pour de bonnes raisons, les investisseurs sont très préoccupés par l’orientation de l’économie. Et pour de bonnes raisons, on porte notre attention sur l’Amérique du Nord. Vous remarquez certaines tendances mondiales en ce qui a trait aux produits de base et à la demande. Qu’est-ce que vous constatez?
* Oui, absolument. Greg, je pense que ce qu’il faut retenir, c’est que l’Occident semble perdre le contrôle des prix des produits de base. Ce que je veux dire, c’est que les prix du cuivre ou de l’or, par exemple, la plupart des produits de base se négocient à un prix supérieur à ce que dicterait le régime macroéconomique, n’est-ce pas?
Les prix du cuivre sont donc nettement plus élevés que ce que suggèrent les indicateurs avancés de la demande à eux seuls. Si on regarde les prix de l’or, ils se négocient à un niveau beaucoup plus élevé que ne le laissent croire les taux réels sur 10 ans aux États-Unis. Je crois qu’en coulisses, la demande physique associée à ces perturbations des prix est alimentée par l’Orient.
L’Occident perd le contrôle du mécanisme d’établissement des prix, car il a tendance à avoir un impact sur le secteur des placements, et à l’heure actuelle, ce n’est pas une question de flux de capitaux des investisseurs. En fait, il s’agit de la demande physique, de l’offre physique et des contraintes à l’échelle mondiale, qui ont tendance à être axées sur l’Orient plutôt que sur l’Occident.
* La demande physique? Qui, sur le marché, achète de l’or, qui veut en fait détenir de l’or physique?
* Oui, l’or est un excellent exemple. C’est très intéressant. Au cours de la dernière année, la Turquie, par exemple, est devenue l’un des plus importants acheteurs mondiaux d’or. Ça c’est le secteur de détail. Les gens achètent beaucoup de bijoux. Les gens achètent beaucoup de lingots et de pièces. Mais c’est aussi sa banque centrale, qui est devenue l’un des plus importants acheteurs d’or à l’échelle mondiale.
Qu’est-ce qui explique ça? Et c’est un thème qui est vrai pour la plupart des marchés émergents. Si on examine le fonctionnement de l’or en monnaie locale pour les marchés émergents, on constate qu’il y a en fait une couverture de l’inflation assez impressionnante lorsque l’inflation est particulièrement élevée ou faible. C’est ce qu’on appelle une protection contre l’inflation. Si on considère l’or sous cet angle, ce n’est pas surprenant que la Turquie, qui fait face à une hyperinflation aujourd’hui, ait été un acheteur massif d’or.
Ailleurs dans le monde, la Chine, en particulier sa banque centrale, a aussi été un important acheteur d’or. On en a déjà parlé par le passé. Je pense que cela est probablement lié à l’évolution de la géopolitique, à la nécessité de diversifier nos placements en investissant à l’extérieur des réserves en dollars américains vers une autre monnaie de réserve ou un autre actif de réserve comme l’or, qui est n’est vraiment un passif pour personne.
C’est une tendance qu’on observe, encore une fois, à la hausse en Orient. Le Qatar fait la même chose. Les pays du CCG ont également été l’un des plus importants acheteurs d’or au cours de la dernière année, et tout cela est en grande partie attribuable à la guerre en Ukraine, qui a entraîné un changement de mentalité pour un grand nombre de ces banques centrales de l’Est.
* De toute évidence, ce qu’on a vu en Ukraine a aussi eu un effet assez profond au début, au moins sur le pétrole et le gaz, et d’autres parties du secteur de l’énergie. Et puis il y a la réouverture de la Chine et l’évaluation de l’effet de la demande de consommation. Quel est l’impact sur le pétrole et le gaz, et dans d’autres secteurs?
* Oui, c’est une excellente question, et je pense, en fait, qu’on commence à voir des signes que les répercussions de la réouverture de la Chine ne sont pas généralisées. Du jour au lendemain, il y a eu le lancement de l’indice des directeurs d’achats du secteur manufacturier chinois. Il a été particulièrement solide. En y regardant de plus près, on constate qu’il ne s’agit pas nécessairement d’une reprise intérieure en Chine. En fait, c’est probablement aussi associé à la hausse de la demande en Occident, qui est en fait lié au temps miracle que l’Europe a connu, et particulièrement au temps doux aux États-Unis.
Toutefois, les indicateurs avancés de la demande de métaux comme le cuivre et l’aluminium laissent encore entrevoir une baisse de la demande, et je pense que ce qui se passe, c’est que les stocks se sont considérablement accumulés. Les utilisateurs de cuivre et d’aluminium sont surchargés aujourd’hui, ce qui signifie qu’ils vont moins consommer ces produits-là au cours des trois à six prochains mois. Il y a une mise en garde à faire à l’égard du secteur immobilier, et c’est probablement un peu plus graduel, mais on commence à voir des signes de reprise. Mais, encore une fois, ça va prendre un certain temps.
* En ce qui concerne le cuivre, vous en avez parlé, et chaque fois que j’entends parler de cuivre, je pense à l’électrification de tout, dont les gens parlent. Et souvent, ici en Amérique du Nord, on considère ça comme une histoire nord-américaine, que ce soit Tesla ou d’autres sociétés. Mais, évidemment, la Chine a un énorme marché pour les véhicules électriques et un énorme marché intérieur, d’après ce que je comprends, de personnes qui en produisent. À quoi ressemble la demande chinoise pour ce type de métaux destinés à l’électrification des véhicules électriques?
* Oui, c’est la Chine qui met vraiment l’accent sur l’électrification. En 2019, je crois que les véhicules électriques représentaient environ 2 % des ventes d’automobiles en Chine. Aujourd’hui, ça se rapproche de 45 %. Ce changement radical a été vraiment subventionné par le gouvernement. Certains de ces incitatifs fiscaux ont disparu, et on s’attend à ce que les véhicules électriques perdent des parts de marché. Mais je pense que, dans l’ensemble, ce qui est vraiment sous-estimé en ce qui concerne les tendances d’électrification vers lesquelles tout le monde en Occident se tourne, c’est que la Chine contrôle en fait toutes les parties de la chaîne d’approvisionnement qui sont nécessaires pour que l’électrification se produise.
Ce thème-là est donc souvent vanté par l’Occident, et heureusement, c’est l’Orient qui contrôle la chaîne d’approvisionnement là-bas. Par exemple, 70 % à 80 % de la capacité mondiale de fabrication des anodes et des cathodes des batteries se trouve en Chine. Il en va de même pour la production des batteries. Et c’est aussi la même chose pour la fabrication des véhicules électriques.
Et même plus loin dans la chaîne d’approvisionnement, la capacité de transformation des matériaux comme le cuivre, le lithium, le nickel, tout ça, ou une grande partie, se trouve toujours en Chine. Je pense que c’est quelque chose qui est sous-évalué parce que, lorsque les flux commerciaux vont commencer à dévier, l’Occident va peut-être devoir renforcer ses capacités, et c’est une chose qui n’a pas encore été faite.
* Alors que le monde travaille à l’électrification, on fait valoir, et c’est logique, qu’on va avoir besoin de pétrole et de gaz pendant un certain temps. Pour faire cette transition-là, on en a besoin pendant un certain temps. Que pense-t-on de la demande de pétrole dans ce contexte? On dirait que c’est toujours un va-et-vient quotidien.
* Je veux dire par là que, compte tenu des perspectives cycliques, il faut tenir compte du fait qu’au cours des cinq prochaines années, la Chine sera le principal moteur de la croissance de la demande de pétrole. Au-delà de ça, l’Inde génère vraiment cette croissance. C’est donc le cas depuis un certain temps, mais, encore une fois, je pense que ce qu’on oublie souvent, c’est que selon le même horizon prévisionnel, dans 5 ou 10 ans, la demande nord-américaine et européenne va diminuer considérablement.
On commence déjà à voir des signes d’effondrement de la demande de pétrole. La préférence des gens pour les véhicules hybrides ou les gains en efficacité énergétique est en fait l’un des facteurs qui ont le plus contribué à l’effondrement de la demande de pétrole, et les ventes de véhicules électriques aussi, qui gagnent des parts de marché plus rapidement que beaucoup l’avaient prévu avant la COVID.
Mais, encore une fois, ces changements dans les flux commerciaux éloignent les relations géopolitiques du statu quo auquel nous sommes habitués depuis 40 ans, et nous rapprochent d’un monde potentiellement plus multipolaire, où le besoin de diversification à l’extérieur des réserves en dollars américains augmente et où l’or connaît déjà certains avantages.
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