L’Union européenne cherche à s’affranchir de sa dépendance envers le gaz naturel russe. Toutefois, cette décision risque de créer des difficultés pour les pays qui tentent d’assurer leur approvisionnement futur. Anthony Okolie rencontre Ryan McKay, stratège, Produits de base à Valeurs Mobilières TD, pour discuter de l’évolution du secteur du gaz naturel.
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Le conflit entre la Russie et l’Ukraine pousse des pays européens tels que l’Allemagne à tourner le dos aux produits de base russes, comme le gaz naturel. Et certains pays comptent entrer sur le marché mondial du GNL. Selon mon invité d’aujourd’hui, ce ne serait pas sans créer des difficultés. Ryan MacKay est stratège, Produits de base à Valeurs Mobilières TD. Ryan, à quels obstacles se heurte l’Europe en accédant au marché mondial du GNL pour réduire sa dépendance au gaz russe?
Merci de me recevoir. À première vue, l’Europe a des capacités suffisantes pour se passer du gaz russe. Mais on entrevoit des difficultés concernant l’acheminement du GNL et l’infrastructure existante. Le problème majeur, c’est que la capacité disponible se trouve surtout en Espagne. Or, l’interconnexion des pipelines espagnols avec le reste de l’Europe est insuffisante pour que cette solution soit viable.
Sans l’Espagne, la capacité disponible chute considérablement. Et l’Europe ne pourra sans doute pas atteindre ses cibles de regazéification ou compenser toute baisse importante d’importation de gaz russe. Si l’abandon du gaz russe n’est pas compensé par le recours au GNL, il faut s’attendre à des niveaux de stocks encore plus faibles et à une hausse structurelle des prix dans un avenir proche.
Vous dites aussi que l’offre est fsujette à de ortes limitations, notamment aux États-Unis. Pourquoi?
Oui. Tout à fait. Même si les États-Unis se sont engagés à livrer davantage de GNL à l’Europe cette année, il y a peu de chance que l’on voit réellement un impact. D’abord, parce que les États-Unis ont déjà atteint leurs capacités d’exportation maximales, soit plus de 13 milliards de pi3/jour. Et la part de l’Europe dans ces exportations est passée de 20 % à un niveau record de 60 % au cours des trois derniers mois.
La marge qui existait à court terme est donc déjà presque entièrement consommée. Et l’offre restante est bloquée dans des contrats à plus long terme avec de grands utilisateurs qui ne sont pas très sensibles aux prix. Même en dehors des États-Unis, les fournisseurs du monde entier connaissent des problèmes semblables concernant l’offre à court terme.
Et le GNL qui reste sur le marché va faire l’objet d’une concurrence acharnée de la part des acheteurs asiatiques. Il est certain que la disponibilité du GNL risque de devenir problématique.
En ce qui concerne les prix nrégionaux du gaz aturel, il semble qu’il y ait un certain écart entre l’Europe et d’autres marchés comme les États-Unis. Pouvez-vous m’en dire un peu plus à ce sujet?
Oui. Excellente question. Et on en revient à la question de l’exportation que l’on vient d’effleurer. Habituellement, les marchés haussiers européens se répercutent sur les États-Unis par l’intermédiaire des échanges de GNL. Mais comme les États-Unis ne peuvent pas exporter plus, cet avantage marginal est déjà en grande partie épuisé. Les prix américains ont donc été beaucoup moins sensibles au contexte qu’on n’aurait pu le croire.
Mais je dirais que tant que le marché du GNL demeure solide et que les exportations se poursuivent à pleine capacité, le marché américain bénéficie tout de même d’un certain soutien.
OK. On a récemment vu dans les manchettes que l’Union européenne a décidé de classer le gaz naturel dans les énergies vertes. C’est un élément clé de sa transition énergétique. On pourrait croire que l’avenir est prometteur pour les producteurs de GNL, mais vous dites que tout n’est pas nécessairement joué d’avance.
Oui. Il faut voir les dynamiques à court terme et à long terme. À court terme, le marché du GNL est très attractif et se porte très bien. Et avec les pénuries que l’on observe sur le marché, on peut s’attendre à ce que ça dure encore quelques années. Mais les prix élevés finiront par inciter à augmenter la production et l’offre.
Et la demande va aussi s’amenuiser, car les acheteurs chercheront des alternatives, comme le charbon, le nucléaire ou les énergies renouvelables. Sans oublier que l’un des grands objectifs de l’Europe, c’est de réduire la demande de gaz naturel au profit des énergies renouvelables. Compte tenu du contexte actuel, les projets d’énergie renouvelable pourraient être approuvés plus rapidement, au détriment de la demande en gaz naturel.
Il y a donc énormément de variables. Comment vont évoluer les prix du gaz naturel, selon vous?
Bien sûr, on est dans un contexte très fluide et très volatil, fortement à la merci des changements constants de politiques et géopolitiques. Mais étant donné l’ampleur du risque lié à l’approvisionnement sur le marché, le TTF européen restera supérieur à 100 euros par mégawattheure. Et en cas de forte chute de l’approvisionnement russe, les prix s’envoleraient encore plus haut, vers les récents sommets historiques de 350 euros par mégawattheure.
Tout dépendra de l’ampleur de la perte d’approvisionnement. Quant au marché américain, qui s’est montré beaucoup moins sensible, on ne s’attend qu’à un modeste potentiel de hausse de 5,50 $ à 5 $.
Ryan, merci beaucoup d’avoir qrépondu à ces uestions.
Merci de l’invitation.
[MUSIQUE]
Merci de me recevoir. À première vue, l’Europe a des capacités suffisantes pour se passer du gaz russe. Mais on entrevoit des difficultés concernant l’acheminement du GNL et l’infrastructure existante. Le problème majeur, c’est que la capacité disponible se trouve surtout en Espagne. Or, l’interconnexion des pipelines espagnols avec le reste de l’Europe est insuffisante pour que cette solution soit viable.
Sans l’Espagne, la capacité disponible chute considérablement. Et l’Europe ne pourra sans doute pas atteindre ses cibles de regazéification ou compenser toute baisse importante d’importation de gaz russe. Si l’abandon du gaz russe n’est pas compensé par le recours au GNL, il faut s’attendre à des niveaux de stocks encore plus faibles et à une hausse structurelle des prix dans un avenir proche.
Vous dites aussi que l’offre est fsujette à de ortes limitations, notamment aux États-Unis. Pourquoi?
Oui. Tout à fait. Même si les États-Unis se sont engagés à livrer davantage de GNL à l’Europe cette année, il y a peu de chance que l’on voit réellement un impact. D’abord, parce que les États-Unis ont déjà atteint leurs capacités d’exportation maximales, soit plus de 13 milliards de pi3/jour. Et la part de l’Europe dans ces exportations est passée de 20 % à un niveau record de 60 % au cours des trois derniers mois.
La marge qui existait à court terme est donc déjà presque entièrement consommée. Et l’offre restante est bloquée dans des contrats à plus long terme avec de grands utilisateurs qui ne sont pas très sensibles aux prix. Même en dehors des États-Unis, les fournisseurs du monde entier connaissent des problèmes semblables concernant l’offre à court terme.
Et le GNL qui reste sur le marché va faire l’objet d’une concurrence acharnée de la part des acheteurs asiatiques. Il est certain que la disponibilité du GNL risque de devenir problématique.
En ce qui concerne les prix nrégionaux du gaz aturel, il semble qu’il y ait un certain écart entre l’Europe et d’autres marchés comme les États-Unis. Pouvez-vous m’en dire un peu plus à ce sujet?
Oui. Excellente question. Et on en revient à la question de l’exportation que l’on vient d’effleurer. Habituellement, les marchés haussiers européens se répercutent sur les États-Unis par l’intermédiaire des échanges de GNL. Mais comme les États-Unis ne peuvent pas exporter plus, cet avantage marginal est déjà en grande partie épuisé. Les prix américains ont donc été beaucoup moins sensibles au contexte qu’on n’aurait pu le croire.
Mais je dirais que tant que le marché du GNL demeure solide et que les exportations se poursuivent à pleine capacité, le marché américain bénéficie tout de même d’un certain soutien.
OK. On a récemment vu dans les manchettes que l’Union européenne a décidé de classer le gaz naturel dans les énergies vertes. C’est un élément clé de sa transition énergétique. On pourrait croire que l’avenir est prometteur pour les producteurs de GNL, mais vous dites que tout n’est pas nécessairement joué d’avance.
Oui. Il faut voir les dynamiques à court terme et à long terme. À court terme, le marché du GNL est très attractif et se porte très bien. Et avec les pénuries que l’on observe sur le marché, on peut s’attendre à ce que ça dure encore quelques années. Mais les prix élevés finiront par inciter à augmenter la production et l’offre.
Et la demande va aussi s’amenuiser, car les acheteurs chercheront des alternatives, comme le charbon, le nucléaire ou les énergies renouvelables. Sans oublier que l’un des grands objectifs de l’Europe, c’est de réduire la demande de gaz naturel au profit des énergies renouvelables. Compte tenu du contexte actuel, les projets d’énergie renouvelable pourraient être approuvés plus rapidement, au détriment de la demande en gaz naturel.
Il y a donc énormément de variables. Comment vont évoluer les prix du gaz naturel, selon vous?
Bien sûr, on est dans un contexte très fluide et très volatil, fortement à la merci des changements constants de politiques et géopolitiques. Mais étant donné l’ampleur du risque lié à l’approvisionnement sur le marché, le TTF européen restera supérieur à 100 euros par mégawattheure. Et en cas de forte chute de l’approvisionnement russe, les prix s’envoleraient encore plus haut, vers les récents sommets historiques de 350 euros par mégawattheure.
Tout dépendra de l’ampleur de la perte d’approvisionnement. Quant au marché américain, qui s’est montré beaucoup moins sensible, on ne s’attend qu’à un modeste potentiel de hausse de 5,50 $ à 5 $.
Ryan, merci beaucoup d’avoir qrépondu à ces uestions.
Merci de l’invitation.
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