
L’économie américaine a surpris bien des gens par sa résilience, malgré les hausses de taux massives de la Réserve fédérale américaine. Alex Gorewicz, gestionnaire de portefeuille, Titres à revenu fixe à gestion active à Gestion de Placements TD, cherche à déterminer si les données récentes laissent entrevoir des signes de ralentissement économique.
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L'économie montre quelques signes de ralentissement alors que les banques centrales continuent de maintenir les taux à des niveaux élevés. Mais sommes-nous à un tournant potentiel pour les coûts d'emprunt et le marché obligataire? Alex Gorewicz, gestionnaire de portefeuille pour les titres à revenu fixe chez Gestion de placements TD, nous rejoint. Bonjour Alex.
Bonjour Greg.
Parlons de la grande question qu'on se pose tous les jours, chaque fois qu'une statistique paraît au Canada ou aux États-Unis, nous la scrutons.
En rétrospective jusqu'ici, au troisième trimestre, il nous reste un mois à parcourir, plus de résilience que prévu dans un certain nombre d'indicateurs économiques, surtout au niveau de la main-d’œuvre, ce qui alimente des dépenses de détail, des dépenses personnelles supérieures aux prévisions, ce qui par conséquent, compte tenu du rôle de la consommation dans le PIB, celui-ci progresse plus que prévu aux États-Unis, même s'il est plutôt conforme aux attentes au Canada. Tout cela alimente l'inquiétude chez certains investisseurs, assez nombreux d'ailleurs, que l'inflation de base qui est vraiment affectée par la croissance des salaires demeurera persistante et descendra difficilement à 2 %. C'est l'objectif de la Fed et de la Banque du Canada à moyen terme. Ceci amène des observateurs à penser que la politique monétaire n'est pas suffisamment restrictive.
Ce débat alimente une grande volatilité sur le marché obligataire cet été.
Oui. Depuis 15 jours, avec toutes ces tendances, les rendements continuent d'augmenter sur le marché obligataire. Depuis deux jours environ, il semble... je songe par exemple aux statistiques sur la masse salariale privée, les nouvelles statistiques sur l'emploi sont moins porteuses, par exemple, les employés qui changent de travail ne touchent plus de grosses augmentations de salaire. Peut-être y a-t-il des indices que la politique monétaire commence à faire effet? C'est là où il faut vraiment entrer dans le détail et se demander: peut-être que la politique monétaire est suffisamment restrictive lorsqu'on se rend compte que les indicateurs relatifs à la main-d'œuvre sont souvent les derniers à être affectés.
Même s'il est encore très tôt, il y a un ou deux indicateurs qui indiquent un certain recul. Par exemple, les coupures d'emploi chez Challenger ont été très importantes au mois d'août. Il y a une inversion de la tendance. Alors que le nombre de demandes d'assurance-chômage au mois de juillet était inférieur aux prévisions, elles ont été supérieures aux prévisions au mois d'août. Tout cela va se répercuter sur les statistiques sur l'emploi non agricole qui paraissent aux États-Unis demain. Il reste à voir ce qu'elles révéleront.
Le marché du travail est encore une fois le dernier secteur à être affecté, mais il y a une chose qui est absolument notable et qui laisse croire que la politique monétaire est suffisamment restrictive: et fait les effets prévus: ce sont les faillites de sociétés. Les entreprises commencent à s'effriter sous le poids des taux d'intérêt élevés, mais ce ne sont pas celles qui sont inscrites au S&P 500, les sociétés à méga capitalisation que nous suivons tous. Ce sont des entreprises moyennes ou petites, et malheureusement, ce sont celles qui contribuent à la grande partie de la croissance de l'emploi en ce début d'année. Si l'on extrapole pour l'avenir, les dégâts dans ce segment de l'économie, dans ce secteur des entreprises, à cause de la politique monétaire, cela laisse à croire qu'il pourrait y avoir un recul encore plus net du marché du travail et de manière plus visible au cours des quelques mois à venir.
Selon les indicateurs annoncés par les banques centrales, la politique est déjà restrictive, le marché obligataire s'interroge sur la juste valeur des taux.
En avons-nous une idée? L'obligation à 10 ans à tel taux ou à tel taux devrait-elle y être?
Je pense que la juste valeur n'est pas même une considération au niveau des rendements obligataires. Les rendements sont trop élevés par rapport aux données fondamentales qui ont historiquement été des facteurs explicatifs des taux d'intérêt. Cet écart est tellement important, le marché obligataire s'est intéressé aux demandes initiales d'assurance-chômage parce que c'est un indicateur très actuel du marché du travail et c'est l'un des derniers à être affecté dans un cycle de politique monétaire. Mais quand on réfléchit au point où les données fondamentales devraient se trouver, ce qui a été intéressant dans cette remontée des taux d'intérêt pendant l'été, ça a été l'évolution de la mesure dans laquelle sont prises en compte dans les cours les attentes à l'égard de politique monétaire à long terme. Ce qui est conforme à nos attentes. Cela signifie que les taux d'intérêt à long terme qui sont compatibles avec une économie dans un état d'équilibre.
À Jackson Hole, le président de la Fed, Jerome Powell, a fait allusion au fait que certains observateurs du marché considèrent que nos taux sont élevés, mais ils n'estiment toujours pas avec suffisamment de certitude que cette appréciation est juste. La Fed n'accepte pas encore la notion que les taux devraient être plus élevés et plus longtemps. Il est intéressant et peut-être contradictoire de constater que le discours que tient le marché en général, c'est que la main-d'œuvre est résiliente, la croissance des salaires sera persistante, cela fait augmenter l'inflation de base à long terme. Quand on considère la hausse des taux d'intérêt depuis quelques mois, ce ne sont pas les attentes d'inflation qui les ont fait remonter, ce sont les taux réels. Encore une fois, le discours que l'on tient et la réalité d'autre part ne sont pas compatibles en ce moment. Il est très difficile d'affirmer où la juste valeur des taux d'intérêt devrait se trouver et si les marchés sont cotés en fonction de ces facteurs. Cela m'a fait songer à certaines données que j'ai vues il y a deux semaines. On parle de la résilience de la consommation, de la résilience de la consommation, et aux États-Unis, la dette de cartes de crédit dépasse le billion de dollars pour la première fois. Les gens tirent sur leur compte 401k, c'est-à-dire leur compte de retraite. Cela ne me donne pas l'impression d'un consommateur plein aux as, ce sont des ménages qui cherchent à joindre les deux bouts.
Oui, nous avons prévu ce phénomène. L'épargne excédentaire accumulée pendant la pandémie a été drainée et cela semble effectivement en passe de se produire. Les consommateurs tirent sur les sources de crédit disponibles. Mais même du point de vue des marchés financiers, il vaut la peine de noter que les comptes de marge augmentent au point où la politique monétaire, selon les banques centrales et selon ce que beaucoup de gens pensent, est déjà restrictive. Ce sont des indicateurs qui nous amènent à remettre en question la durabilité de cette tolérance au risque et de cet optimisme sur les marchés pendant l'été.
L'économie montre quelques signes de ralentissement alors que les banques centrales continuent de maintenir les taux à des niveaux élevés. Mais sommes-nous à un tournant potentiel pour les coûts d'emprunt et le marché obligataire? Alex Gorewicz, gestionnaire de portefeuille pour les titres à revenu fixe chez Gestion de placements TD, nous rejoint. Bonjour Alex.
Bonjour Greg.
Parlons de la grande question qu'on se pose tous les jours, chaque fois qu'une statistique paraît au Canada ou aux États-Unis, nous la scrutons.
En rétrospective jusqu'ici, au troisième trimestre, il nous reste un mois à parcourir, plus de résilience que prévu dans un certain nombre d'indicateurs économiques, surtout au niveau de la main-d’œuvre, ce qui alimente des dépenses de détail, des dépenses personnelles supérieures aux prévisions, ce qui par conséquent, compte tenu du rôle de la consommation dans le PIB, celui-ci progresse plus que prévu aux États-Unis, même s'il est plutôt conforme aux attentes au Canada. Tout cela alimente l'inquiétude chez certains investisseurs, assez nombreux d'ailleurs, que l'inflation de base qui est vraiment affectée par la croissance des salaires demeurera persistante et descendra difficilement à 2 %. C'est l'objectif de la Fed et de la Banque du Canada à moyen terme. Ceci amène des observateurs à penser que la politique monétaire n'est pas suffisamment restrictive.
Ce débat alimente une grande volatilité sur le marché obligataire cet été.
Oui. Depuis 15 jours, avec toutes ces tendances, les rendements continuent d'augmenter sur le marché obligataire. Depuis deux jours environ, il semble... je songe par exemple aux statistiques sur la masse salariale privée, les nouvelles statistiques sur l'emploi sont moins porteuses, par exemple, les employés qui changent de travail ne touchent plus de grosses augmentations de salaire. Peut-être y a-t-il des indices que la politique monétaire commence à faire effet? C'est là où il faut vraiment entrer dans le détail et se demander: peut-être que la politique monétaire est suffisamment restrictive lorsqu'on se rend compte que les indicateurs relatifs à la main-d'œuvre sont souvent les derniers à être affectés.
Même s'il est encore très tôt, il y a un ou deux indicateurs qui indiquent un certain recul. Par exemple, les coupures d'emploi chez Challenger ont été très importantes au mois d'août. Il y a une inversion de la tendance. Alors que le nombre de demandes d'assurance-chômage au mois de juillet était inférieur aux prévisions, elles ont été supérieures aux prévisions au mois d'août. Tout cela va se répercuter sur les statistiques sur l'emploi non agricole qui paraissent aux États-Unis demain. Il reste à voir ce qu'elles révéleront.
Le marché du travail est encore une fois le dernier secteur à être affecté, mais il y a une chose qui est absolument notable et qui laisse croire que la politique monétaire est suffisamment restrictive: et fait les effets prévus: ce sont les faillites de sociétés. Les entreprises commencent à s'effriter sous le poids des taux d'intérêt élevés, mais ce ne sont pas celles qui sont inscrites au S&P 500, les sociétés à méga capitalisation que nous suivons tous. Ce sont des entreprises moyennes ou petites, et malheureusement, ce sont celles qui contribuent à la grande partie de la croissance de l'emploi en ce début d'année. Si l'on extrapole pour l'avenir, les dégâts dans ce segment de l'économie, dans ce secteur des entreprises, à cause de la politique monétaire, cela laisse à croire qu'il pourrait y avoir un recul encore plus net du marché du travail et de manière plus visible au cours des quelques mois à venir.
Selon les indicateurs annoncés par les banques centrales, la politique est déjà restrictive, le marché obligataire s'interroge sur la juste valeur des taux.
En avons-nous une idée? L'obligation à 10 ans à tel taux ou à tel taux devrait-elle y être?
Je pense que la juste valeur n'est pas même une considération au niveau des rendements obligataires. Les rendements sont trop élevés par rapport aux données fondamentales qui ont historiquement été des facteurs explicatifs des taux d'intérêt. Cet écart est tellement important, le marché obligataire s'est intéressé aux demandes initiales d'assurance-chômage parce que c'est un indicateur très actuel du marché du travail et c'est l'un des derniers à être affecté dans un cycle de politique monétaire. Mais quand on réfléchit au point où les données fondamentales devraient se trouver, ce qui a été intéressant dans cette remontée des taux d'intérêt pendant l'été, ça a été l'évolution de la mesure dans laquelle sont prises en compte dans les cours les attentes à l'égard de politique monétaire à long terme. Ce qui est conforme à nos attentes. Cela signifie que les taux d'intérêt à long terme qui sont compatibles avec une économie dans un état d'équilibre.
À Jackson Hole, le président de la Fed, Jerome Powell, a fait allusion au fait que certains observateurs du marché considèrent que nos taux sont élevés, mais ils n'estiment toujours pas avec suffisamment de certitude que cette appréciation est juste. La Fed n'accepte pas encore la notion que les taux devraient être plus élevés et plus longtemps. Il est intéressant et peut-être contradictoire de constater que le discours que tient le marché en général, c'est que la main-d'œuvre est résiliente, la croissance des salaires sera persistante, cela fait augmenter l'inflation de base à long terme. Quand on considère la hausse des taux d'intérêt depuis quelques mois, ce ne sont pas les attentes d'inflation qui les ont fait remonter, ce sont les taux réels. Encore une fois, le discours que l'on tient et la réalité d'autre part ne sont pas compatibles en ce moment. Il est très difficile d'affirmer où la juste valeur des taux d'intérêt devrait se trouver et si les marchés sont cotés en fonction de ces facteurs. Cela m'a fait songer à certaines données que j'ai vues il y a deux semaines. On parle de la résilience de la consommation, de la résilience de la consommation, et aux États-Unis, la dette de cartes de crédit dépasse le billion de dollars pour la première fois. Les gens tirent sur leur compte 401k, c'est-à-dire leur compte de retraite. Cela ne me donne pas l'impression d'un consommateur plein aux as, ce sont des ménages qui cherchent à joindre les deux bouts.
Oui, nous avons prévu ce phénomène. L'épargne excédentaire accumulée pendant la pandémie a été drainée et cela semble effectivement en passe de se produire. Les consommateurs tirent sur les sources de crédit disponibles. Mais même du point de vue des marchés financiers, il vaut la peine de noter que les comptes de marge augmentent au point où la politique monétaire, selon les banques centrales et selon ce que beaucoup de gens pensent, est déjà restrictive. Ce sont des indicateurs qui nous amènent à remettre en question la durabilité de cette tolérance au risque et de cet optimisme sur les marchés pendant l'été.