Les prix du pétrole ont reculé par rapport à leurs récents sommets, alors que les préoccupations liées à la demande et les craintes croissantes d’une récession occupent une place centrale sur les marchés mondiaux. Greg Bonnell discute avec Daniel Ghali, stratège principal, Produits de base à Valeurs Mobilières TD, des raisons pour lesquelles les prix du pétrole ne reflètent pas les défis actuels de l’offre et de la demande.
Toutes ces craintes de récession ont provoqué un désinvestissement important des fonds des matières premières, ce qui a fait en sorte que le pétrole brut a chuté de ses sommets actuels. Mais notre prochain invité affirme que le mouvement des cours du pétrole ne reflète pas la véritable dynamique de l’offre et de la demande dans le secteur. Voici Daniel Ghali, stratège principales matières premières produits de base chez valeurs mobilières TD. Bienvenue dans notre émission. C’est un sujet intéressant qu’on abordera dès maintenant, car les gens veulent savoir. Qu’est-ce qu’une possible récession signifie pour le pétrole brut et que se passe-t-il vraiment dans les marchés? Que se passe-t-il vraiment?
- Merci de m’avoir invité. Je dirais qu’au cours de l’année écoulée, ce que nous avons vu, c’est le plus grand désinvestissement pour les produits de base depuis 2014. Et c’est significatif, parce que le désinvestissement de la semaine écoulée était plus important que pendant la panique liée à la COVID. Qu’est-ce qui motive ce désinvestissement? Bien sûr, la crainte d’une récession a été une préoccupation importante pour la plupart des gestionnaires de fonds et c’est pour cela qu’on voit cette situation. Mais dans les coulisses, les marchés physiques se sont resserrés et ont envoyé un signe comme quoi le pétrole brut dans ces marchés, par exemple, est en fait en pénurie par rapport à la situation d’il y a une semaine. Il y a donc eu une déconnexion entre le marché des produits de base et les marchés physiques. Mais on voit qu’il y a des contraintes pour la production du pétrole aux États-Unis qui est prévu pour l’année qui s’en vient. Et l’incitatif pour réinvestir les liquidités dans l’exploitation est en fait à un niveau très élevé, le plus élevé depuis 10 ans. Et si on prend en compte l’inflation, on voit que les prix des produits de base n’augmentent pas et que les attentes de dépenses en capital et en évaluation sont assez prudentes. Et donc, le taux de croissance de production va rester assez bas. À quel autre endroit dans le monde pouvons-nous obtenir le plus de pétrole? Parlons de l’OPEP. Durant la dernière année, l’OPEP a affiché une sous-production soutenue, ce qui est le résultat d’une période de dix ans de sous-investissement dans les infrastructures énergétiques qui revient aujourd’hui. Nous savons que plusieurs pays faisant partie de L’OPEP ont des contraintes opérationnelles, mais la géopolitique a également mis un frein à l’augmentation de la production de pétrole. Il y a évidemment la Russie, dont on va reparler dans un moment, mais aussi d’autres pays comme l’Iran par exemple, dont la possibilité de réactiver l’accord nucléaire iranien est considérée comme un moyen potentiel d’augmenter la production de pétrole. Il y a aussi d’autres pays, comme la Libye, qui produisent moins et qui ont lutté avec une crise politique.
C’est intéressant, parce qu’en temps normal et même pendant la pandémie, on se demandait s’il y avait s’il allait y avoir une situation où la demande à l’être plus élevé que l’offre. Puis, en jetant un coup d’œil aux rencontres de l’OPEC on se disait que la production allait augmenter et, en fait, le peuple n’a pas vraiment réagi. Mais il y avait de l’incertitude quant à leur capacité, à savoir si on en avait réellement besoin de plus pour satisfaire la demande, ou si on était capable de la satisfaire.
- Oui, absolument, c’est le rythme de la production aujourd’hui. C’est vrai qu’on a des niveaux de pénurie, et donc, même si on prévoit une récession pour l’année qui s’en vient, ça va évidemment réduire la demande de pétrole. Mais historiquement, ce qu’on a vu, c’est qu’il y a eu quatre périodes, dans le temps, durant lesquelles la demande de pétrole a été négative sur une base annuelle. L’embargo de la paix dans les années 70, la révolution iranienne aussi dans les années 70, la crise financière mondiale et la COVID 19. En dehors de ces périodes, toutes les récessions se sont traduites en ralentissement de la croissance de la demande, mais nous allons quand même voir une érosion de la capacité et donc, cela signifie qu’il y a des risques en matière d’approvisionnements qui vont persister au cours de l’année qui s’en vient.
Alors, pourquoi pas n’y a-t-il pas d’investissement dans la production future? Est-ce que les compagnies ne veulent pas s’engager? Alors qu’on s’avance vers un avenir à moindre teneur en carbone?
- Je ne crois pas que ce soit le cas. Les facteurs ESG sont un moteur important de la baisse des dépenses en capital et immobilisations. Dans les sables bitumineux, mais aussi dans le monde. Et quand on regarde les compagnies qui ont une intensité carbone plus élevée, elles ont un moindre ratio de réinvestissement dans les opérations. Et je peux dire également qu’à l’heure actuelle, la chaîne d’approvisionnement dans le secteur de l’énergie connaît des contraintes également pour la production. Et aux États-Unis, il y a des compagnies privées qui pourraient augmenter leur production. Mais nous pensons que la main-d’œuvre est en pénurie, et donc, il est difficile d’avoir des employés et de l’équipement. Aujourd’hui, il est difficile de récupérer des pièces détachées comme on pouvait le faire avant pour faire augmenter la production.
Et puis il y a également la partie raffinerie de ses secteurs. On a parlé de la production de pétrole, il y a un problème de capacité. Il faut de la main-d’œuvre et des infrastructures. Maintenant, qu’en est-il de la raffinerie? Là aussi, ce sont des opérations très coûteuses.
- Oui, c’est vrai qu’il y a aussi une réduction et des contraintes pour les investissements dans ce secteur.
- Qu’est-ce que ça veut dire pour le cours du pétrole? On a vu des sommets récemment. En tant qu’investisseur, c’est vrai qu’on ressent la hausse du prix de l’essence quand on va à la pompe ou quand on paie notre facture énergétique. Qu’en est-il pour le placement, vers où se dirige-t-on?
- Je dirais qu’on peut s’attendre dans une récession à ce que les prix du pétrole brut baissent de 50 % ou 75 %, mais cette fois-ci, ce sera très différent. Les cours du pétrole resteront élevés pour un avenir proche.
Il y a une déconnexion entre le marché interne et les marchés physiques. Est-ce qu’il y aura une situation où l’on va pouvoir reconnecter ces marchés? Parce qu’il y a toujours une friction.
- Oui, c’est vrai que ces déconnexions ne se font pas pendant longtemps. On peut s’attendre à ce que le marché interne rajuste ses prix pour être en phase avec les marchés physiques. La raison pour laquelle les marchés internes sont déconnectés, c’est qu’il y a ces désinvestissements des fonds de produits de base et donc, ces fonds ont un panier de produits de base. Et les gestionnaires de fonds retirent leur argent de ces fonds, ce qui crée des ventes à l’aveugle pour tous les produits de base. C’est pour ça qu’il peut y avoir des erreurs de prix.
Alors, est-ce qu’il y a des signes que vous surveillez pour voir s’il y aura une stabilisation? En quelque sorte. On veut avoir une indication quelconque sur le marché des actions et le marché des produits de base pour voir s’il y aura une stabilisation.
- Je crois qu’il faudra attendre pour cela. Il y a un manque de capacité actuelle et donc, tout choc sera difficile à absorber. On est aussi dans une période où la probabilité d’un choc est élevée. On sait que la force du dollar américain est associée à des problèmes dans les marchés émergents. Et donc, les pays émergents producteurs de pétrole vont commencer à avoir des difficultés et même des troubles dans leur pays en raison de tous les problèmes d’approvisionnement.