Les marchés boursiers se sont mieux comportés que prévu depuis le début de l’année. Mais cette tendance pourra-t-elle se maintenir pendant la deuxième moitié? John Eade, président d’Argus Research, décortique les divers scénarios qui pourraient influer sur l’orientation des marchés et explique pourquoi l’inflation demeure un thème central.
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Les marchés ont mieux résisté que prévu depuis le début de l'année. Mais cette tendance va-t-elle se poursuivre? John Eade, président d'Angus Research, nous rejoint pour en discuter. Bonjour, John. Bonjour, Anthony. Merci de m'avoir invité sur votre plateau. Je suis honoré. Commençons peut-être par une rétrospective, depuis le début de l'année. Par rapport à vos prévisions initiales, qu'est-ce qui s'est bien déroulé et qu'est-ce qui vous a surpris? Anthony, nous avons commencé l'année chez Argus un peu à contre-courant. Nous étions l'un des rares instituts de recherche qui prédisait une bonne année pour les marchés. Presque tout le monde ici, aux États-Unis, se fixait sur la chute de 19% de l'indice S&P 500 l'an dernier et projetait que cette tendance continuerait. Nous avons étudié le rendement des actions historiques sur de nombreuses années, et nous avons constaté qu'il est très rare que deux années négatives se succèdent sur les bourses américaines. Nous pensions donc que cette année serait plus normale. Ce ne serait pas un grand millésime, une hausse de 20%, mais qu'il y aurait peut-être 8, 10 ou 12% d'augmentation, ce qui est une année moyenne sur les bourses américaines, et ce, à notre avis, sous l'impulsion d'un passage à l'attentisme de la banque fédérale de réserve après sa série de hausses de taux, d'une tendance à la baisse de l'inflation après le pic de 9% atteint l'été dernier, sous l'impulsion d'une croissance tenace de l'économie. Jusqu'ici, toutes ces prévisions se sont réalisées. Et le quatrième facteur: les bénéfices des entreprises. Vous avez dit dans votre introduction que nous sommes en pleine saison d'annonce des bénéfices du deuxième trimestre. Jusqu'ici, tout se passe bien. Il y a eu deux trimestres de recul des bénéfices de suite, une récession de bénéfices, mais nous sommes peut-être prêts à décoller dans le deuxième trimestre, ou du moins, presque avec certitude au troisième. Nous sommes au début de la saison des annonces de bénéfices du deuxième trimestre. Jusqu'ici, tout va bien. Passons en revue quelques scénarios potentiels pour l'avenir. Parlez-nous de votre scénario de base pour le reste de l'année. Oui. Commençons par dire que les rendements du premier semestre se soldent admettons à 15% pour le S&P 500. Nous avons constaté que lorsque les actions américaines remontent à raison de plus de 10% pendant la première moitié d'une année, elles ont tendance à continuer de monter pendant le deuxième semestre également. De fait, le quatrième trimestre est en général le plus positif aux États-Unis. Notre scénario de base, c'est que le marché haussier se poursuivra. Mais que l'augmentation ne sera pas aussi rapide que pendant le premier semestre. Peut-être les marchés progresseront-t-ils encore de 5% et achèveront-t-ils l'année à 18, 19, 20% d'augmentation, ce qui est une année excellente pour les actions. Mais le premier semestre aura été plus positif que le second. Cela dépendra de facteurs comme la croissance du PIB qui ralentirait quelque peu pendant le deuxième semestre. La réserve fédérale augmenterait les taux non pas une fois de plus, mais peut-être deux fois de plus. Il y a déjà eu d'excellentes nouvelles au niveau de l'indice des prix à la consommation. Nous avions pensé que l'IPC de base pourrait diminuer à 5% d'ici la fin de l'année. Il est déjà parvenu à 4,8%. Nous avons donc fait mieux que prévu. Et ces 4,8% représentent une chute par rapport à 9% à cette époque l'an dernier. Il y a donc eu une forte baisse de l'inflation. Et même si nous prévoyons que l'inflation continuera de s'atténuer, nous pensons que la diminution ne sera pas aussi rapide que cela été le cas jusqu'ici. Voilà quelques-uns des facteurs auxquels nous songeons dans notre scénario de base pour le reste de l'année pour les marchés boursiers. Très bien! Dans un scénario haussier, peut-être l'inflation continuera-t-elle de baisser plus que prévu, les bénéfices seront-ils supérieurs aux prévisions des analystes des marchés américains? Et nous parvenons au point où les États-Unis auront inauguré un nouveau marché haussier, en hausse de 20% par rapport au dernier creux, mais sans avoir encore atteint le pic antérieur qui a été escaladé en janvier 2022. Dans le scénario haussier, il y aurait un gain de 25% sur les marchés boursiers. Sous l'effet de l'inflation plus basse, des taux d'intérêt plus bas et des bénéfices supérieurs aux prévisions, et nous atteindrions un sommet jamais égalé du S&P 500. Ça, ce serait le scénario haussier pour les États-Unis. Très bien. Donc, vous avez le scénario haussier, que serait-il du scénario baissier? Eh bien, il faut penser à tout, n'est-ce pas? Donc, encore une fois, pour en revenir à l'étude que nous avons réalisée sur les rendements du marché, rappelez-vous: les rendements du premier semestre étaient en hausse de 15%. Jamais le deuxième semestre d'une année marquée par de telles augmentations n'avons-nous obtenu un rendement négatif pour l'exercice. Pour l'année plutôt. Je pense que le rendement global de l'année sera positif, quoi qu'il en soit pour le S&P 500. En 2023. Ceci dit, il y a une possibilité de recul par rapport aux niveaux actuels, que nous reculions de 10% par exemple. Pourquoi cela se produirait-il? Peut-être l'inflation se stabilisera-t-elle à son niveau actuel, peut-être les coûts de transport ne diminueront-ils pas, peut-être les coûts de logement ne diminueront-ils pas, peut-être les coûts d'alimentation demeureront-ils élevés. Il y aura donc non pas une baisse de l'inflation, mais une stabilisation. Ou encore pire, peut-être que l'inflation commencera à remonter. La réserve fédérale s'est réunie il y a un mois, et même si elle n'a pas relevé les taux à cette occasion-là, elle a annoncé qu'elle prévoyait le faire jusqu'à deux fois de plus en 2023. Il y a une réunion à la fin de ce mois-ci, nous pensons qu'il y aura une hausse, et puis nous pensons que la banque ne va pas pratiquer deux hausses, mais que le procès-verbal de la dernière réunion de la Fed montre qu'elle est disposée à pratiquer encore deux hausses de taux. Deux hausses de taux: un impact négatif sur la consommation. Les hausses déjà pratiquées ont eu un impact sur le marché immobilier, sur le secteur manufacturier, sur le marché des exportations. Mais n'ont pas encore entamé la consommation, qui est le secteur le plus important de l'économie américaine. Peut-être que deux hausses de plus auraient un tel impact sur la consommation. Le chômage remonterait-t-il vers 5%? L'économie plongerait en récession. Voilà certains des facteurs qui pourraient entraîner la concrétisation du scénario baissier. Ce n'est pas vraiment probable, mais encore une fois, la réserve fédérale a déclaré qu'elle n'avait pas achevé d'augmenter les taux. Cela pourrait toujours avoir un impact négatif sur le secteur de la consommation. Quand vous parlez d'une inflation persistante, parlez-nous des gains salariaux. Les salaires en effet ont baissé, mais pas aussi rapidement qu'ils l'auraient pu. Qu'en pensez-vous? C'est un élément très pertinent. Remontons 8 à 10 ans en arrière, à une époque où il n'y avait pratiquement pas de croissance des salaires, peut-être 1%, 2% par an. À peine au-delà de l'inflation, laquelle était à l'époque très faible. Par contraste, voyons la période qui a immédiatement suivi la pandémie. Lorsque les employeurs recrutaient de nouveau, les employés qui rechignaient à retourner au travail, qui exigeaient d'être payés davantage, nous avons assisté à une croissance de 5, presque 6% des salaires sur 12 mois, en 2021 et début 2022. Ce mouvement s'est quelque peu refroidi. Les chiffres tournent autour de 4,1-4,2%. C'est largement en avance de ce que la Fed souhaiterait. La Fed souhaiterait que toutes les mesures d'inflation soient en baisse et rétrogradent à 2%. Mais 4%, c'est mieux pour l'économie et pour l'inflation que 6%, comme ce l'était il y a un an. Et nous prévoyons que la tendance à la baisse se poursuivra pour atteindre 3% peut-être d'ici la fin de l'an prochain. Donc, la croissance des salaires se modère, mais demeure quelque peu élevée par rapport aux attentes de la Fed.